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Fatou Diome

Fatou Diome, née en à Niodior au Sénégal, est une femme de lettres franco-sénégalaise.

AprĂšs la parution d’un recueil de nouvelles, La PrĂ©fĂ©rence nationale, en 2001, le roman Le Ventre de l'Atlantique, qui raconte l'histoire du coĂ»t de quitter l'Afrique pour la France, lui vaut une notoriĂ©tĂ© internationale. Parmi les principaux thĂšmes explorĂ©s dans son livre (dont ceux de l'impact de la colonisation, de l'identitĂ© et de l'exil), son Ɠuvre explore notamment les thĂšmes de l'immigration en France et de la relation entre la France et le continent africain.

Biographie

Niodior, l'Ăźle natale.

Fatou Diome est nĂ©e en 1968 sur la petite Ăźle de Niodior, dans le delta du Saloum, en pays sĂ©rĂšre, au sud-ouest du SĂ©nĂ©gal[1]. Fille naturelle, elle est Ă©levĂ©e par sa grand-mĂšre, Aminata (qui est nĂ©e dans un dĂ©partement français du SĂ©nĂ©gal), et son grand-pĂšre, tous deux pĂȘcheurs[1] - [2] - [3]. Son nom vient du Sine Saloum, oĂč les Diome sont des Niominka[2].

Contrairement Ă  ce qu'exigent les traditions de sa terre natale, elle cĂŽtoie les hommes plutĂŽt que d'aller aider les femmes Ă  prĂ©parer les repas et assurer les tĂąches mĂ©nagĂšres[4]. Toujours en dĂ©calage avec le microcosme de l'Ăźle, elle dĂ©cide d'aller Ă  l'Ă©cole et apprend le français. Quand elle Ă©tait jeune, « ce n’était que [ses] grand-parents qui [la] traitaient comme une personne[5] », disait-elle dans un entretien. Sa grand-mĂšre Ă©tait « sa complice », et elle lui confiait tous ses petits cahiers[5].

À treize ans, elle se passionne pour la littĂ©rature francophone et commence Ă  Ă©crire[2]. Fatou Diome quitte son village pour aller poursuivre ses Ă©tudes dans d'autres villes du SĂ©nĂ©gal, tout en finançant cette vie nomade par de petits boulots dĂšs ses 14 ans[1] ; puis elle va au lycĂ©e de M'bour, travaille en tant que servante en Gambie et finit par entamer des Ă©tudes universitaires Ă  Dakar[1] - [4]. À ce moment, elle songe Ă  devenir professeur de français, loin de l'idĂ©e de quitter son pays natal[1] - [4].

Mais, Ă  vingt-deux ans, un Français venu travailler au SĂ©nĂ©gal tombe amoureux d'elle[6], ils se marient et dĂ©cident de s'installer en France, Ă  Strasbourg, en 1994[1] - [7]. RejetĂ©e par la famille de son Ă©poux, elle divorce deux ans plus tard et se retrouve en grande difficultĂ©, abandonnĂ©e Ă  une condition d'immigrĂ©e sur le territoire français[Note 1] - [2]. Pour pouvoir subsister et financer ses Ă©tudes, elle doit faire des mĂ©nages pendant six ans, y compris lorsqu'elle peut exercer la fonction de chargĂ©e de cours durant son DEA (diplĂŽme d'Ă©tudes approfondies), avant de commencer sa thĂšse sur « Le voyage, les Ă©changes et la formation dans l’Ɠuvre littĂ©raire et cinĂ©matographique de SembĂšne Ousmane »[8] - [9].

L'Ă©tude du motif du « voyage » chez SembĂšne Ousmane a inspirĂ© ses Ɠuvres ultĂ©rieures et a influencĂ© la libertĂ© de ton, le sens du rĂ©cit et la justesse des descriptions dans des Ɠuvres comme Celles qui attendent[10].

CarriĂšre

AprĂšs des Ă©tudes de lettres et philosophie Ă  l'universitĂ© de Strasbourg, elle y donne des cours[1] - [2] - [4], puis enseigne Ă  l’UniversitĂ© Marc-Bloch de Strasbourg et Ă  l'Institut supĂ©rieur de pĂ©dagogie de Karlsruhe, en Allemagne[11]. Elle reçoit les insignes de doctorat honoris causa Ă  l'UniversitĂ© de LiĂšge en 2017[12].

Elle se consacre également à l'écriture : elle a publié La Préférence nationale, un recueil de nouvelles, aux éditions Présence africaine en 2001. Le Ventre de l'Atlantique est son premier roman, paru en 2003 aux éditions Anne CarriÚre. Suivent ensuite Kétala (2006), Inassouvies, nos vies (2008), Celles qui attendent (2010) et Impossible de grandir (2013), tous aux éditions Flammarion.

En 2019, elle est laurĂ©ate du Prix littĂ©raire des Rotary Clubs de langue française pour son roman Les veilleurs de Sangomar, aux Ă©ditions Albin Michel. Ce roman parle de Coumba, une jeune femme qui est rĂ©cemment devenue veuve. Il a lieu aux Ăźles sur la cĂŽte de SĂ©nĂ©gal, et il souligne les thĂšmes de la mort, l’amour, et la libertĂ©[13]. Le jury du prix est composĂ© par des rotarien(ne)s dans des domaines diverses. Le roman qui gagne doit ĂȘtre alignĂ© avec les missions du Rotary, y compris la tolĂ©rance, le respect, et la recherche d’accord entre des personnes diffĂ©rentes dans le monde[14].

En 2021, elle poursuit sa carriĂšre littĂ©raire, tout en explicitant au fur et Ă  mesure de ses avancĂ©es comment l'histoire influence sa pensĂ©e et son travail[15]. En effet, l'histoire est trĂšs prĂ©sente dans ses Ɠuvres, et les traditions animistes de son enfance sĂ©nĂ©galaise se croisent avec l'histoire politique et littĂ©raire de la France des LumiĂšres[16]. Par exemple, dans une interview accordĂ©e Ă  Radio France, elle raconte comment ses aĂźnĂ©s avaient l'habitude de lui raconter les Ă©vĂ©nements historiques aprĂšs les repas de famille ou lors des parties de pĂȘche Ă  Sangomar. Elle poursuit en disant qu'enfants, ils considĂ©raient ces histoires comme des lĂ©gendes. Mais, en grandissant, c'est devenu plus sĂ©rieux et plus prĂ©cis, et comment ils avaient l'habitude de rĂ©citer leur arbre gĂ©nĂ©alogique et pour chaque ancĂȘtre, dire comment Ă©tait sa vie et dans quel contexte[16].

Prises de position

Elle s'insurge contre les intolĂ©rants, elle dĂ©fend le rĂŽle de l’école et les valeurs rĂ©publicaines[8].

Face Ă  la montĂ©e du populisme, Fatou Diome est rĂ©guliĂšrement invitĂ©e Ă  partager son point de vue sur des sujets politiques et sociaux dans les mĂ©dias tĂ©lĂ©visĂ©s ou dans la presse, comme des interviews avec Radio France et Elle France[17] - [3]. Elle prend notamment une position forte contre la montĂ©e du populisme avec le Rassemblement National en France. En tant qu’écrivaine, elle souhaite par ses livres rappeler les valeurs rĂ©publicaines et humaines car elle estime « qu’il ne faut plus se taire face aux obsĂ©dĂ©s de l’identitĂ© nationale[18] ».

Elle porte Ă©galement un discours revendiquant une coopĂ©ration plus Ă©galitaire entre l’Europe et l’Afrique. Elle estime que pour le moment, l’Europe tire les ficelles d’une coopĂ©ration inĂ©gale et que l’Afrique n’est pas maĂźtresse de ses biens[19]. Elle est convaincue Ă©galement que le complexe colonial reste persistant tant du cĂŽtĂ© des Africains que des EuropĂ©ens, ce qui empĂȘche cette coopĂ©ration d’ĂȘtre plus Ă©galitaire. Par consĂ©quent, elle dĂ©fend l’idĂ©e que chacun, peu importe son origine devrait se sentir comme un ĂȘtre humain face Ă  un autre ĂȘtre humain[20]. Dans ce sens, sans faire peser la responsabilitĂ© davantage Ă  un continent qu’à l’autre, elle dĂ©fend la nĂ©cessitĂ© pour les Africains de s’affranchir de leur statut de victime[21] et pour les EuropĂ©ens de sortir d’une position de dominant afin de mettre fin aux schĂ©mas exploitant/exploitĂ©, donateur/assistĂ©. Enfin, elle prĂ©cise qu’aider une personne, c’est l’aider Ă  ne plus avoir besoin de vous, en Ă©cho Ă  l’aide au dĂ©veloppement mise en place par les pays occidentaux en Afrique notamment.

ƒuvres

Collaboration

  • Weepers Circus, N'importe oĂč, hors du monde (2011). Il s'agit d'un livre-disque auquel participe une quarantaine d'invitĂ©s aux titres d'auteurs ou d'interprĂštes : Fatou Diome y signe un texte inĂ©dit (non mis en musique) au titre Ă©nigmatique de N'importe oĂč, hors du monde.

Bibliographie

  • (en) Dominic Thomas, « African Youth in the Global Economy: Fatou Diome's Le Ventre de l'Atlantique », Comparative Studies of South Asia, Africa and the Middle East, 2006, no 26(2), p. 243-259
  • Jacques Chevrier, « Fatou Diome, une Ă©criture entre deux rives », Revue des littĂ©ratures d'Afrique, des CaraĂŻbes et de l'ocĂ©an Indien, no 166, 2007, p. 35-38
  • Victor Essono Ella, La crise de l’identitĂ© Ă  travers l’écriture de Valentin Yves Mudimbe, EugĂšne EbodĂ© et Fatou Diome, UniversitĂ© Rennes 2, 2008, 365 p. (thĂšse de doctorat de LittĂ©rature française)
  • EugĂ©nie Fouchet, La reprĂ©sentation romanesque de la femme africaine chez Fatou Diome et Fatou KeĂŻta, UniversitĂ© de Metz, 2009, 156 p. (mĂ©moire de master recherche 2e annĂ©e de LittĂ©rature, cultures et spiritualitĂ©s)
  • M. H. Kebe, « Le ventre de l'Atlantique, de Fatou Diome », L'Information psychiatrique, 2004, vol. 80, no 6, p. 491-493
  • C. Mazauric, « Fictions de soi dans la maison de l'autre (Aminata Sow Fall, Ken Bugul, Fatou Diome) », Dalhousie French Studies, 2006, vol. 74-75, p. 237-252
  • StĂ©phanie Rebeix, « La situation paratopique de deux Ă©crivaines : Fatou Diome (Impossible de grandir) et Fabienne Kanor (Je ne suis pas un homme qui pleure) », Études littĂ©raires africaines, no 51,‎ , p. 217–230 (ISSN 0769-4563 et 2270-0374, DOI 10.7202/1079609ar, lire en ligne, consultĂ© le )

Notes et références

Notes

  1. « Nous sommes venus Ă  Strasbourg en 1994 aprĂšs notre mariage, les siens voulaient « Blanche Neige » et ce n’est pas moi ! Donc, ils nous ont pourri la vie. J’étais sĂ»re de moi, la terre aurait pu trembler, je serais quand mĂȘme restĂ©e avec lui, mais il Ă©tait peut-ĂȘtre plus fragile. Un jour, je suis rentrĂ©e de la fac et la maison Ă©tait vide. J’étais une petite princesse avec mon prince charmant et, soudain, je suis devenue une immigrĂ©e. »

Références

  1. Latifa Madani, « Fatou Diome. « Je suis là pour gùcher le sommeil des puissants » », sur L'Humanité, (consulté le )
  2. Coumba Kane, « Fatou Diome : « La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce » », sur Le Monde, (consultĂ© le )
  3. « L'écrivaine Fatou Diome : « il ne faut plus se taire » - Elle », sur elle.fr, (consulté le )
  4. Sandrine Morin, « Fatou Diome », sur L'Express, (consulté le )
  5. « FATOU DIOME », sur www.africavivre.com (consulté le )
  6. StĂ©phanie Leclerc-Audet, L’état et les possibilitĂ©s de promotion de la figure fĂ©minine dans le roman Celles qui attendent de Fatou Diome, , 89 p. (lire en ligne), p. 15
  7. Ariane Singer, « Une terre d'artistes », sur Le Point, (consulté le )
  8. « Fatou Diome », sur Université de LiÚge, (consulté le )
  9. Thierry Richard, « ENTRETIEN. Fatou Diome : « On ne me fera pas dire du mal de la France » », sur ouest-france.fr, (consulté le ).
  10. MarĂ­a Vicenta HERNÁNDEZ ÁLVAREZ, « Des mots et des images en mouvement : l’écriture Atlantique de Fatou Diome », Écrire le voyage centrifuge : actualitĂ© des Ă©critures migrantes,‎ numĂ©ro 7 (1) juin 2020 (lire en ligne)
  11. « [En intégral] Fatou Diome (Sénégal / France): «Le ventre de l'Atlantique» », sur RFI, (consulté le )
  12. Laetitia Kevers, « Marianne porte plainte! Fatou Diome hausse le ton », sur news.uliege.be (consulté le )
  13. « Les Veilleurs de Sangomar | Éditions Albin Michel », sur www.albin-michel.fr (consultĂ© le )
  14. « Fatou Diome, lauréate du prix littéraire des Rotary Clubs de langue française », sur ActuaLitté.com (consulté le )
  15. Xavier Mauduit, « Fatou Diome, "folle" d'histoire », sur France Culture,
  16. « Fatou Diome, "folle" d'histoire », sur France Culture, (consulté le )
  17. « Fatou Diome : "J'écris pour tenir au temps qui m'est donné à vivre" », sur France Culture, (consulté le )
  18. « L'écrivaine Fatou Diome : « il ne faut plus se taire » - Elle », sur Elle, (consulté le )
  19. « Fatou Diome aux Lectures d’Aliou », (consultĂ© le )
  20. « Fatou Diome. « Je suis là pour gùcher le sommeil des puissants » », sur L'Humanité, (consulté le )
  21. Coumba Kane, Fatou Diome : « La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce », Le Monde, 25 aout 2019
  22. « Fatou Diome : « je cherche mon pays lĂ  oĂč s’estompe la fragmentation identitaire » », dirigeant.fr,‎ (lire en ligne)
  23. Patrick Williams, « Celles qui attendent », sur Elle,
  24. Patrick Williams, « Impossible de grandir », sur Elle,
  25. StĂ©phanie Rebeix, « La situation paratopique de deux Ă©crivaines : Fatou Diome (Impossible de grandir) et Fabienne Kanor (Je ne suis pas un homme qui pleure) », Études littĂ©raires africaines, no 51,‎ , p. 217–230 (ISSN 0769-4563 et 2270-0374, DOI 10.7202/1079609ar, lire en ligne, consultĂ© le )
  26. La Procure, « MARIANNE PORTE PLAINTE ! Fatou Diome, Flammarion | mars 2017 »
  27. « Aux portes de l'Europe, des "bateaux-mondes", symboles de l'humanité entiÚre », sur France Culture,
  28. Fabienne Lemahieu, « « De quoi aimer vivre », de Fatou Diome : les mĂ©tamorphoses amoureuses », La Croix,‎ (lire en ligne)
  29. Laurence Moreau, « Fatou Diome : « Le complexe colonial est des deux cÎtés, chevillé au corps » »,

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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