Plateau des Spite
En astrophysique, le plateau des Spite, parfois appelĂ© plateau du lithium, dĂ©signe la persistance d'une abondance de lithium qui tend Ă devenir constante pour les Ă©toiles les plus anciennes â dites « de population II » â du halo galactique alors que l'abondance des Ă©lĂ©ments chimiques plus lourds tend vers zĂ©ro lorsque l'Ăąge des Ă©toiles tend vers l'Ăąge de l'univers â Ă©toiles de faible mĂ©tallicitĂ©. Plus prĂ©cisĂ©ment, l'abondance en lithium exprimĂ©e en fonction de la tempĂ©rature effective des Ă©toiles de population II forme un plateau pour les tempĂ©ratures effectives infĂ©rieures Ă log Teff â 3,75 â environ 5 600 K.
Ce phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© dĂ©couvert et publiĂ© en 1982 par deux astrophysiciens français, Monique et François Spite, de l'Observatoire de Paris Ă Meudon[1] - [2]. Cette observation a Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e comme l'indication de la nuclĂ©osynthĂšse primordiale du lithium Ă la suite du Big Bang, et la concentration en lithium observĂ©e dans les Ă©toiles Ă plus faible mĂ©tallicitĂ© connue a longtemps Ă©tĂ© vue comme un puissant argument Ă©tayant la cosmologie du Big Bang, en permettant de calculer la densitĂ© baryonique de l'Univers â le rapport entre la concentration de baryons et de photons. Ainsi, les concentrations en isotopes stables « primordiaux » â 1H, 2H, 3He, 4He, 6Li et 7Li â mesurĂ©es dans les Ă©toiles les plus vieilles connues Ă©taient-elles en accord avec une valeur unique de densitĂ© baryonique Ă l'issue du Big Bang.
Cependant, les mesures les plus rĂ©centes, rĂ©alisĂ©es avec une marge d'erreur sensiblement plus faible qu'il y a trente ans, ont mis en Ă©vidence une abondance en lithium infĂ©rieure Ă celle dĂ©duite de la densitĂ© baryonique de l'Univers retenue par les modĂšles cosmologiques actuels, et ce y compris dans omega Centauri. Ce dernier est un amas globulaire atypique, constituĂ© d'Ă©toiles d'Ăąges et de mĂ©tallicitĂ© diffĂ©rentes, ce qui indique qu'il ne s'agirait pas d'un amas globulaire « standard » mais plutĂŽt des restes du noyau d'une petite galaxie capturĂ©e par la Voie lactĂ©e. Au sein de cet amas se trouvent un grand nombre d'Ă©toiles de population II, lesquelles montrent les mĂȘmes aboncances en lithium que les Ă©toiles de notre galaxie[4], ce qui signifie que l'appauvrissement en lithium par rapport aux modĂšles cosmologiques n'est pas un phĂ©nomĂšne local limitĂ© Ă la Voie lactĂ©e[5].
Les Ă©toiles Ă©tudiĂ©es ayant des Ăąges compris dans une fourchette de cinq milliards d'annĂ©es, l'observation au sein d'omega Centauri d'un plateau des Spite du mĂȘme ordre que celui observĂ© au sein des Ă©toiles du halo de notre galaxie impose des contraintes trĂšs strictes aux explications avancĂ©es jusqu'alors et qui font appel Ă des phĂ©nomĂšnes localisĂ©s et dĂ©pendants du temps pour expliquer la diffĂ©rence entre le niveau thĂ©orique et le niveau observĂ© de l'abonance en lithium dans les couches superficielles des Ă©toiles de population II du halo galactique.
Ainsi, une explication avancĂ©e est la consommation du lithium par fusion nuclĂ©aire au-delĂ de 2 Ă 106 K au cĆur d'une gĂ©nĂ©ration d'Ă©toiles massives qui auraient prĂ©cĂ©dĂ© les Ă©toiles de population II actuellement observĂ©es â mais il reste alors Ă expliquer pourquoi ce phĂ©nomĂšne aurait Ă©tĂ© identique dans au moins deux galaxies, la nĂŽtre et celle Ă l'origine d'omega Centauri â tandis qu'une autre explication repose sur la diffusion du lithium atmosphĂ©rique vers les couches intĂ©rieures des Ă©toiles de population II â mais alors il reste Ă expliquer pourquoi l'abondance en lithium observĂ©e tend vers une valeur constante quand on observe des Ă©toiles de plus en plus ĂągĂ©es, alors que la diffusion est un processus physique progressif qui dĂ©pend prĂ©cisĂ©ment du temps.
Notes et références
- (en) M. Spite et F. Spite, « Lithium abundance at the formation of the Galaxy », Nature, vol. 297,â , p. 483-485 (lire en ligne) DOI 10.1038/297483a0
- (en) Monique et François Spite, « Abundance of lithium in unevolved halo stars and old disk stars - Interpretation and consequences », Astronomy & Astrophysics, vol. 115, no 2,â , p. 357-366 (lire en ligne)
- (en) European Southern Observatory « VST image of the giant globular cluster Omega Centauri ».
- (en) L. Monaco, P. Bonifacio, L. Sbordone, S. Villanova, E. Pancino, « The lithium content of omega Centauri. New clues to the cosmological Li problem from old stars in external galaxies », Astronomy & Astrophysics, vol. sous presse,â (lire en ligne)
- (fr) L'Observatoire de Paris â aoĂ»t 2010 « Le plateau des Spite existe aussi dans les autres galaxies: l'exemple de omega Centauri ».