Plébiscite du 8 mai 1870
Le plĂ©biscite du 8 mai 1870 est le dernier plĂ©biscite organisĂ© sous le Second Empire. Voulu par NapolĂ©on III, son but est de faire approuver les rĂ©formes entamĂ©es par le gouvernement et donner une nouvelle constitution au rĂ©gime impĂ©rial. Il sâagit aussi pour l'empereur des Français de conforter sa dynastie.
Plébiscite du 8 mai 1870 | |||||
Corps électoral et résultats | |||||
---|---|---|---|---|---|
Inscrits | 11 004 819 | ||||
Votants | 9 001 942 | ||||
81,80âŻ% | |||||
Blancs et nuls | 112 975 | ||||
Réforme libérale de l'Empire | |||||
Oui | 82,68âŻ% | ||||
Non | 17,32âŻ% | ||||

Contexte
Fortification de la mouvance libérale
Les Ă©lections lĂ©gislatives du 24 mai et du 7 juin 1869 sont un succĂšs pour lâopposition Ă l'Empire. Elle est partagĂ©e entre rĂ©publicains et orlĂ©anistes. Si les candidats favorables Ă lâEmpire lâemportent avec 4 600 000 voix, l'opposition, majoritairement rĂ©publicaine rassemble 3 300 000 voix et la majoritĂ© dans les grandes villes[1]. Elle reste cependant divisĂ©e entre modĂ©rĂ©s et rĂ©volutionnaires, certains considĂ©rant pouvoir modifier l'Ă©quilibre des pouvoirs en conservant l'Empire, d'autres soutenant la nĂ©cessitĂ© d'un changement de rĂ©gime. Lors de ces Ă©lections, le rĂ©publicain LĂ©on Gambetta est Ă©lu Ă Paris.
Une grande disparitĂ© se manifeste ainsi de nouveau entre la ville et les campagnes. Si les grandes villes penchent vers les rĂ©publicains, les campagnes oĂč vivent 80 % de la population restent dans l'ensemble fidĂšles au rĂ©gime. La tendance qui l'emporte rĂ©ellement lors de ces Ă©lections est nĂ©anmoins celle qui se dĂ©finit « indĂ©pendante dynastique » ou « conservateur libĂ©ral » et concerne des candidats qui ne sont pas hostiles Ă l'Empereur mais qui veulent contrĂŽler son pouvoir personnel[2]. On y trouve notamment les centristes du Tiers Parti (125 siĂšges) menĂ©s par Ămile Ollivier qui veut un rĂ©gime parlementaire et une partie des orlĂ©anistes (41 siĂšges). Les bonapartistes dits intransigeants sont dĂ©sormais minoritaires (97 siĂšges) alors que les rĂ©publicains occupent une trentaine de siĂšges[3]. Ainsi, avec 118 Ă©lus, les candidats officiels sont en minoritĂ© mais constituent une majoritĂ© de 216 dĂ©putĂ©s (sur un total de 292) avec les 98 gouvernementaux libĂ©raux[4].
Parlementarisation progressive du régime
à la suite de ces élections, Napoléon III accepte de faire de nouvelles concessions aux centristes tandis que « les violences républicaines inquiÚtent les modérés »[3]. Par un senatus-consulte du 8 septembre 1869, le Corps législatif reçoit l'initiative des lois et le droit d'interpellation sans restriction. Le Sénat achÚve sa mue pour devenir une seconde chambre législative tandis que les ministres forment un cabinet responsable devant l'Empereur[5]. Mais le parti républicain, contrairement au pays qui réclame la réconciliation de la liberté et de l'ordre, refuse de se contenter des libertés acquises et refuse d'ailleurs tout compromis, se déclarant plus décidé que jamais à renverser l'Empire.


LâĂ©volution vers le rĂ©gime parlementaire paraĂźt achevĂ©e avec la mise en place du gouvernement Ollivier en janvier 1870, et le 20 avril, par le senatus-consulte qui dispose que la responsabilitĂ© des ministres sâexerce dĂ©sormais devant le Corps lĂ©gislatif. Un systĂšme parlementaire bicamĂ©ral se met donc alors en place. Mais le SĂ©nat perd son pouvoir constituant, la constitution ne pouvant ĂȘtre modifiĂ©e que par le peuple sur des suggestions de lâEmpereur, dâautant plus que ce dernier est responsable devant le peuple français auquel il a droit de faire appel.
Plébiscite
Proposition
Sur les conseils d'EugĂšne Rouher, Baroche, Magne et du prince NapolĂ©on, NapolĂ©on III dĂ©cide, avec l'accord d'Ollivier, de soumettre Ă plĂ©biscite le senatus-consulte du 20 avril[6]. La question soumise Ă plĂ©biscite pour le 8 mai 1870 est : « Le peuple approuve les rĂ©formes libĂ©rales opĂ©rĂ©es par lâEmpereur avec le concours des grands corps de lâĂtat, et ratifie le senatus-consulte du 20 avril 1870 ».
Objectif
Il sâagit pour NapolĂ©on III de rĂ©affirmer son lien privilĂ©giĂ© avec le peuple. De plus, il veut faire reconnaĂźtre que cette Ă©volution libĂ©rale du rĂ©gime impĂ©rial est le fruit de sa volontĂ©. Au-delĂ dâune approbation des rĂ©formes, câest non seulement la nature plĂ©biscitaire qui est en jeu mais il s'agit aussi d'un enjeu dynastique, car NapolĂ©on III veut transmettre la couronne Ă son fils NapolĂ©on-Louis[7] et ce, dĂšs que le jeune prince aura atteint ses 18 ans. LâEmpereur sollicite donc les masses conservatrices des campagnes pour stopper lâopposition rĂ©publicaine et libĂ©rale. Ce faisant, il divise aussi l'opposition libĂ©rale qui ne peut guĂšre rĂ©pondre par la nĂ©gative Ă une Ă©volution qu'elle a soutenu depuis 10 ans et il affaiblit aussi les bonapartistes autoritaires qui hĂ©sitent Ă donner leur aval Ă un texte entĂ©rinant des rĂ©formes auxquelles ils sont hostiles tout en ne souhaitant pas dĂ©savouer l'Empereur.
Prises de positions par les partis politiques
Les républicains se partagent entre le vote négatif et l'abstention[8]. Ainsi Jules Ferry et Léon Gambetta préconisent le « non », en cela rejoints par Thiers, Jules Dufaure et leurs amis.
Une autre partie du centre gauche et tout le centre droit se prononcent néanmoins pour le « oui ». Des bonapartistes libéraux tels que JérÎme David, le baron Armand de Mackau, organisent la campagne pour le oui, qui est une campagne plébiscitaire trÚs violente[9]. Quant au gouvernement Ollivier, il s'implique totalement dans la bataille. Si la victoire du oui semble ne faire aucun doute, la question se pose de l'écart entre les deux camps et de la réaction des vaincus si l'écart est faible[9].
La découverte de bombes artisanales et l'arrestation d'un comploteur armé pour assassiner l'Empereur permettent aux autorités d'utiliser le thÚme du spectre rouge et d'appeler à la rescousse le parti de la peur[9].
RĂ©sultats
Chiffres
Choix | Votes | % |
---|---|---|
Pour | 7 350 142 | 82,68 |
Contre | 1 538 825 | 17,32 |
Votes valides | 8 888 967 | 98,74 |
Votes blancs et invalides | 112 975 | 1,26 |
Total | 9 001 942 | 100 |
Abstention | 2 002 877 | 18,20 |
Inscrits/Participation | 11 004 819 | 81,80 |
Le Peuple approuve les rĂ©formes libĂ©rales opĂ©rĂ©es dans la Constitution depuis 1860, par l'empereur, avec le concours des grands Corps de l'Ătat, et ratifie le sĂ©natus-consulte du 20 avril 1870 ? :
Pour 7 350 142 (82,7 %) |
Contre 1 538 825 (17,3 %) | ||
âČ | |||
Majorité absolue |
Analyse
Au soir du 8 mai, le « oui » lâemporte avec une large majoritĂ© de 7 350 142 suffrages (contre 1 538 825 « non ») dĂ©passant les espĂ©rances des bonapartistes les plus confiants[9]. Cela raffermit la position de lâempereur, le ramenant Ă la situation qui avait suivi les plĂ©biscites trĂšs rĂ©ussis de 1851 et 1852. Le pourcentage des abstentionnistes tombe de 20,5 % Ă 18,2 % (soit 2 002 877 abstentions). Câest par consĂ©quent un grand succĂšs pour lâEmpire qui reprend 3 millions de suffrages par rapport aux Ă©lections de 1869. Il est plĂ©biscitĂ© Ă plus de 80 % des suffrages dans la France de l'Ouest, du Centre et du Sud-Ouest ainsi que dans les dĂ©partements du Nord et du Nord-Est. Ainsi, la France catholique et lĂ©gitimiste s'est ralliĂ©e en dĂ©pit des consignes du « comte de Chambord », prĂ©tendant en exil[11]. A contrario, le « non » remporte de bons scores dans le quart sud-est, notamment dans les Bouches-du-RhĂŽne oĂč il est majoritaire, mais aussi en Champagne, en Bourgogne, en Franche-ComtĂ©, en Alsace-Lorraine et en Gironde. Les grandes villes telles que Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux et Toulouse se sont prononcĂ©es pour le « non »[12].
Conséquences

- Plus de 50 % des Ă©lecteurs inscrits.
- De 35 Ă 50 %.
- De 25 Ă 34 %.
- Moins de 25 %.
Les rĂ©publicains sont atterrĂ©s. Gambetta constate que « l'Empire est plus fort que jamais » alors que pour Jules Favre « il n'y a plus rien Ă faire en politique »[11]. NapolĂ©on III estime que les Français ont tranchĂ© entre la rĂ©volution et l'Empire[13]. Mais il profite peu de son triomphe du fait de l'aggravation de son Ă©tat de santĂ©[14]. Le docteur Germain SĂ©e prĂ©vient que l'empereur doit ĂȘtre de toute urgence opĂ©rĂ© de la vessie afin de lui Ă©viter de succomber Ă une crise d'urĂ©mie. Les mĂ©decins au chevet de l'empereur ne parviennent cependant pas Ă se mettre d'accord sur les modalitĂ©s de l'opĂ©ration sauf Ă cacher Ă l'empereur la gravitĂ© de sa maladie[15].
Le , Ollivier prĂ©cise de son cĂŽtĂ© qu'« Ă aucune Ă©poque le maintien de la paix en Europe nâa Ă©tĂ© plus assurĂ© ». NĂ©anmoins trois semaines plus tard, le 19 juillet, la guerre est dĂ©clarĂ©e Ă la Prusse. La dĂ©faite militaire est l'unique raison qui conduira Ă la rĂ©volution parisienne du 4 septembre suivant, comme les invasions de 1814 et 1815 avaient terminĂ© le Premier Empire, dĂ©faite qui a longtemps servi de prisme Ă l'apprĂ©ciation du rĂšgne de NapolĂ©on III. La France ne connaĂźtra pas d'autre rĂ©fĂ©rendum avant 1945.
Références
- Louis Girard, Napoléon III, 1986, réd. 2002, Fayard, p. 431.
- Louis Girard, p. 430-431.
- Guy Antonetti, Histoire contemporaine politique et sociale, PUF, 1986, p. 279.
- Pierre Milza, Napoléon III, 2006, p. 669.
- Guy Antonetti, Histoire contemporaine politique et sociale, PUF, 1986, p. 280.
- Pierre Milza, Napoléon III, Perrin, collection Tempus, 2006 p. 686-687.
- Pierre Milza, p. 687-688.
- Pierre Milza, p. 687.
- Pierre Milza, p. 688.
- (de) « Frankreich, 8. Mai 1870 : Liberale Reformen ».
- Pierre Milza, p. 689.
- Pierre Milza, p. 688-689.
- Pierre Milza, p. 690.
- Pierre Milza, p. 690-691.
- Pierre Milza, p. 691.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Louis Girard, Napoléon III, Fayard, 1986.
- Jean Garrigues, La France de 1848 Ă 1870, Colin.