AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Pinkwashing

Pinkwashing est un mot-valise anglais, formĂ© sur le modĂšle de whitewashing (« blanchiment », au sens moral), en remplaçant l'adjectif white (« blanc ») par pink (« rose »). C'est le procĂ©dĂ© mercatique utilisĂ© par un État, organisation, parti politique ou entreprise dans le but de se donner une image progressiste et engagĂ©e pour les droits LGBT.

Manifestation du collectif de militants anarcho-queer « Mashpritzot » pour dénoncer le pinkwashing d'Israël lors de la marche des fiertés de Tel Aviv-Jaffa, en 2013.

Le terme greenwashing est conçu sur le mĂȘme modĂšle.

Description

Le terme de pinkwashing[1] a été inventé par la Breast Cancer Action, une association américaine de patientes souffrant du cancer du sein, en 2002 pour désigner les campagnes des entreprises qui utilisent le cancer du sein comme levier marketing[2] - [3].

Il est aussi utilisĂ© pour critiquer une technique de communication fondĂ©e sur une attitude bienveillante vis-Ă -vis des personnes LGBTQ+ par une entreprise ou par une entitĂ© politique, qui essaye de modifier son image et sa rĂ©putation dans un sens progressiste, tolĂ©rant et ouvert. Cette stratĂ©gie de « relations publiques » s’inscrit dans l'arsenal des mĂ©thodes d’influence, de management des perceptions et de marketing des idĂ©es ou des marques.

Gouvernement israélien

Au moment oĂč IsraĂ«l accueillait la WorldPride 2005, l'activiste queer et professeure en Ă©tudes de genre Ă  l'universitĂ© de Rutgers (New Jersey) Jasbir Puar a utilisĂ© cette expression pour dĂ©crire le contraste entre l'image de « pays engagĂ© dans des idĂ©aux dĂ©mocratiques pour tous, y compris les personnes gays et lesbiennes » et « l'absence de libertĂ© des palestiniens opprimĂ©s par l'Ă©tat israĂ©lien »[4]. Joseph A. Massad, professeur Ă  l'universitĂ© Columbia, a aussi dĂ©fendu l'idĂ©e que la façon dont le gouvernement israĂ©lien exagĂšre son action en faveur des personnes LGBT lui permet d'Ă©luder la condamnation internationale des violations des droits des palestiniens[5] - [6].

En France, le terme est utilisĂ© en 2005 dans Le Monde: aprĂšs l’attaque de la Gay Pride de JĂ©rusalem le , le correspondant du quotidien dĂ©crit comment les autoritĂ©s de l’État hĂ©breu utilisent leur image gay-friendly comme outil de communication alors que l'homophobie est trĂšs marquĂ©e dans ce pays: « A JĂ©rusalem, impossible pour un couple gay israĂ©lien de s’afficher, de s’embrasser ni mĂȘme de s’habiller librement. »[7] - [8] Dans son livre Mirage gay Ă  Tel Aviv (2017), le journaliste Jean Stern critique la campagne de communication d'IsraĂ«l en faveur des LGBT, qu'il assimile Ă  du pinkwashing. Il affirme en effet que cette derniĂšre, initiĂ©e Ă  partir de 2008-2009 par la ministre des Affaires Ă©trangĂšres Tzipi Livni afin de mettre en valeur la ville de Tel Aviv-Jaffa, masque le fait que 47 % des IsraĂ©liens considĂšrent l’homosexualitĂ© comme une maladie (en comparaison, moins de 10 % en France et moins de 5 % en Espagne ou en Belgique) ou encore, selon l'auteur, que cela tenterait d'attĂ©nuer en termes d'image la politique israĂ©lienne dans les territoires palestiniens[9]. En 2018, l'acteur OcĂ©an a demandĂ© au festival du film LGBT de dĂ©programmer les sĂ©ances de son film Embrasse-moi ! en expliquant qu'il « refuse de participer Ă  la politique de pinkwashing faite par le gouvernement israĂ©lien »[10].

D'autres ont pris la dĂ©fense de l'État d'IsraĂ«l en arguant que cette accusation sert d'Ă©pouvantail. Pour Alan Dershowitz, professeur de droit Ă  Harvard et fervent dĂ©fenseur d'IsraĂ«l, le terme est utilisĂ© par des activistes gays radicaux et antisĂ©mites[11] - [12]. Selon lui, l'action d'IsraĂ«l en faveur des LGBT[13] n'a jamais Ă©tĂ© utilisĂ©e pour excuser l'occupation de la Palestine, et la tolĂ©rance d'IsraĂ«l vis-Ă -vis des personnes LGBT est sans comparaison avec les violences que subissent ces personnes dans les pays arabes et musulmans[14]. Sarah Schulman, professeure Ă  l'UniversitĂ© de la ville de New York, objecte que cet argument fait semblant d'ignorer l'existence d'organisations palestiniennes LGBT[15].

Gay games, marches des fiertés et passages piétons

À l'occasion de l'Europride Ă  Marseille en 2013, un « cortĂšge radical » insiste sur la nĂ©cessitĂ© de s’opposer Ă  la rĂ©cupĂ©ration des luttes fĂ©ministes et/ou LGBT et s'indigne que « soit tenu sur le podium de l’inter LGBT un discours cherchant Ă  promouvoir une image gay friendly d’un Etat », IsraĂ«l, dĂ©crit comme Ă©tant « coupable de crimes contre l’humanitĂ© »[16].

Les Gay Games et la marche des fiertĂ©s parisienne 2018 ont aussi parfois Ă©tĂ© critiquĂ©s comme constituant une forme de pinkwashing[17] - [18] - [19] - [20]. En 2018, un contre cortĂšge de la marche des fiertĂ©s parisienne avait pour mot d'ordre « Stop au pinkwashing »[18] - [20], accusation dont l'association chargĂ©e de l'organisation, l'Inter-LGBT, s'est dĂ©fendue[21]. Soutenue par Karine Espineira et Adrian De La Vega, Diane Leriche s'est indignĂ©e que l'association qu'elle co-prĂ©side, Acceptess-T, ait Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e de la confĂ©rence sur la place des personnes trans dans le sport Ă  l'occasion des Gay Games: « Ne pas avoir Ă©tĂ© associĂ©e Ă  cette confĂ©rence est le symbole du Pinkwashing, c’est une insulte pour notre travail effectuĂ© et prouve Ă  quel point les Gay Games privilĂ©gient leur stratĂ©gie de communication, sans se soucier des associations concernĂ©es et impliquĂ©es ». Les organisateurs se dĂ©fendent en estimant avoir « toujours Ă©tĂ© dans une attitude d’inclusion dans la prĂ©paration » de ces jeux[22].

Plusieurs villes de France ont désormais un ou plusieurs passages piétons aux couleurs du drapeau LGBT. La ville de Bordeaux totalise sept passages piétons de ce type[23]. Le premier passage piéton arc-en-ciel de la ville, inauguré le 16 mai 2019 cours du Chapeau-Rouge, s'est retrouvé recouvert de faux sang dÚs le week-end qui a suivi cette inauguration. Cette action coup de poing est revendiquée le 19 mai 2019 par le collectif « Riposte Trans ». Ses membres expliquent dans un communiqué (dans lequel le mot « pinkwashing » est clairement utilisé) qu'à leurs yeux la mairie ne prend pas de mesures suffisamment efficaces pour lutter contre les agressions homophobes et transphobes[24].

Marketing commercial

Act Up New York a critiquĂ© la marque Nike qui a vendu une gamme de produits aux couleurs de la lutte pour les droits LGBT+, en expliquant que « les entreprises privĂ©es n’ont pas l’autoritĂ© de s’approprier l’imagerie de rĂ©sistance queer »[25]. Plus globalement, les entreprises se prĂȘtant au pinkwashing sont accusĂ©es d'avoir fait du mois des fiertĂ©s (juin) un simple exercice de communication d'entreprise[26].

Notes et sources

Traductions

Références

  1. (en) « Pinkwashing (breast cancer) », dans Wikipedia, (lire en ligne)
  2. « « Octobre rose » : faut-il un dĂ©pistage systĂ©matique du cancer du sein ? », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  3. « “Octobre rose”, une noble cause
 un peu trop marketĂ©e », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. (en) Jasbir Puar, « Israel's gay propaganda war | Jasbir Puar », sur the Guardian, (consultĂ© le ) : « Events such as WorldPride 2006 hosted in Jerusalem (...) highlight Israel as a country committed to democratic ideals of freedom for all, including gays and lesbians. Yet pinkwashing obscures the (...) lack of freedom that Palestinians have in regards to Israeli state oppression. ».
  5. (en-US) David Kaufman, « Is Israel Using Gay Rights to Excuse Its Policy on Palestine? », Time,‎ (ISSN 0040-781X, lire en ligne, consultĂ© le ).
  6. (en) « 'Stop Using Palestinian Gays to Whitewash Israel's Image' », Haaretz,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  7. Nicolas Ropert, « Etre gay en IsraĂ«l, un « combat de tous les jours » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ) :
    « Le pinkwashing ou le blanchissement de l’image d’IsraĂ«l en mettant en avant la communautĂ© homosexuelle est pourtant une arme de communication utilisĂ©e par les dirigeants israĂ©liens. On ne compte plus les campagnes publicitaires, les sites Internet ou les messages de soutien des politiques israĂ©liens envers la communautĂ© LGBT. »
    .
  8. « Manifestation Ă  Tel Aviv contre le pinkwashing - Yagg », Yagg,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  9. Jean Stern, interviewĂ© par Mathias Chaillot, «  Comment IsraĂ«l a utilisĂ© le “pink washing”“” pour attirer les gays et changer son image  », sur neonmag.fr, .
  10. « Pinkwashing d'IsraĂ«l : OcĂ©an refuse Ă  son tour de prĂ©senter son film au TLVFest », KOMITID,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  11. (en-US) Alan Dershowitz, « The Pinkwashing Campaign Against Israel: Another Conspiracy Theory », sur Huffington Post, (consulté le ).
  12. (en-US) « The next hate fest », New York Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  13. (en) « The dark side of the rainbow », The Jerusalem Post | JPost.com,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  14. (en-US) « The next hate fest », New York Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ) :
    « Israel is easily the most gay-friendly country in the Middle East, and among the most supportive of gay rights in the world. Openly gay soldiers have long served in the military and in high positions in both government and the private sector. In the West Bank and Gaza, by contrast, gays are murdered, tortured and forced to seek asylum — often in Israel. Indeed, in every Arab and Muslim country, homosexual acts among consenting adults are criminal, often punishable by death. »
    .
  15. (en) Sarah Schulman, « Opinion | ‘Pinkwashing’ and Israel’s Use of Gays as a Messaging Tool », New York Times,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  16. « Marche des FiertĂ©s, EuroPride : Pas de PinkWashing dans nos fiertĂ©s ! », sur BDS France (consultĂ© le ) : « Que l’ambiance de « la derniĂšre gay pride de Tel Aviv » soit mentionnĂ©e sur le podium de l’inter LGBT comme ce dont sont sensĂ©s (sic) rĂȘver tous les transbiEspĂ©dĂ©sgouines n’est pas anodin, et il convient de rappeller (sic) que le pink washing en tant que stratĂ©gie visant Ă  donner une image « ouverte » et « dĂ©mocratique » du rĂ©gime de Tel Aviv en dĂ©pit de l’oppression des PalestinienNEs a Ă©tĂ© clairement Ă©laborĂ©e par les institutions israĂ©liennes ».
  17. « Qui veut rĂ©cupĂ©rer la cause LGBT ? / A la recherche de la culture surf », France Culture,‎ (lire en ligne).
  18. « CortĂšge de TĂȘte de la Pride 2018 – Stop au Pinkwashing ! », Friction Magazine,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  19. « En marche (des fiertĂ©s) avec Mastercard et la mairie de Paris! », Slate.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  20. Pierre Bouvier, « A Paris, un cortĂšge de tĂȘte animĂ© veut repolitiser la Marche des fiertĂ©s », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  21. « TÊTU | Marche des fiertĂ©s : la porte-parole de l'Inter-LGBT rĂ©pond aux polĂ©miques », TÊTU,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  22. « Une association dĂ©nonce la façon dont les Gay Games ont pris en compte les athlĂštes trans », KOMITID,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  23. « Deux nouveaux passages piĂ©tons arc-en-ciel : oĂč les trouver ? », BordeauxSecret,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  24. « "Bordeaux : le passage piĂ©ton dĂ©diĂ© aux LGBT dĂ©gradĂ© par le collectif "Riposte Trans" », France3regions,‎ 2019-20-05 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  25. « Pinkwashing : Nike se vante d'utiliser le triangle rose », KOMITID,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  26. (en) Alex Abad-Santos, « How LGBTQ Pride Month became a branded holiday », sur Vox, (consulté le )

Bibliographie

Filmographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.