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Petit lycée

Le petit lycée (ou petites classes) était une filière d'enseignement élémentaire en France, au sein des lycées aux XIXe et XXe siècles. Menant de la onzième à la septième (du CP au CM2), elle était réservée aux enfants d'une population privilégiée, destinés au lycée[Note 1] - [1].

L’entrée de l’ancien petit lycée Henri-IV, au no 7 de la rue Clotilde à Paris. Elle est devenue l’entrée du collège Henri-IV, associé au lycée Henri-IV.

Le terme de petit collège était utilisé pour les classes élémentaires des collèges, qui étaient alors des établissements secondaires gérés par les municipalités, par opposition aux lycées qui étaient, eux, gérés par l’État.

Maintenus en dépit de trois mesures gouvernementales (1925, 1937 et 1945), les petits lycées n'ont disparu que dans les années 1960, lorsqu'ils ont dû céder leurs locaux, en raison de l'afflux d'élèves dans le second cycle et les classes préparatoires aux grandes écoles.

Historique

grand bâtiment isolé
Bâtiment du petit lycée de Caen, à présent occupé par la police municipale.

Logique d'ordres scolaires

Jusqu'en 1959, il n'y a pas en France de degrés (un parcours élémentaire, suivi d'un parcours secondaire) ; il y a des ordres parallèles : un « ordre du primaire », qui est l'école du peuple[2] ; et un « ordre du secondaire », qui est l'école des privilégiés (notables, bourgeois)[3].

Les maîtres enseignent dans l'ordre dont ils sont issus : l'école normale forme des instituteurs issus de l'ordre du primaire, l'université forme des professeurs issus de l'ordre du secondaire[4].

L'ordre du secondaire conduit de la onzième au baccalauréat. Au sein des lycées, existent donc des structures appelées « petits lycées » ou « petites classes ». Elles accueillent dès leurs six ans, de la onzième à la septième, des élèves destinés non pas au certificat d'études comme dans l'ordre du primaire, mais au baccalauréat et à l'université[4] - [Note 1]. L'enseignement est délivré, dans la plupart des cas, non par des instituteurs, mais par des professeurs spéciaux[3]. C'est un enseignement payant, et il le reste, même lorsque l'externat devient gratuit dans les lycées, en 1928[5].

Naissance

Le règlement sur l'enseignement dans les lycĂ©es du autorise la crĂ©ation de classes prĂ©cĂ©dant celles de grammaire (correspondant au collège actuel) pour les Ă©lèves n'ayant pas reçu d'instruction primaire ou n'Ă©tant pas en Ă©tat de suivre les classes de grammaire; les enseignants devaient avoir un baccalaurĂ©at en lettres. L'annĂ©e suivante, le , ces classes reçurent le nom de « classes enfantines Â», et leurs enseignants « maitres Ă©lĂ©mentaires Â»[6][7][8].

Le , les maîtres élémentaires de septième et de huitième reçurent le titre de professeurs.

Ces classes étaient divisées en deux parties :

  1. classes préparatoires, regroupant les classes de 8e et 7e
  2. classes enfantines et primaires, regroupant les classes de la 11e à la 9e, qui pouvaient être affectées à des instituteurs[9]

Certains lycées disposaient même de jardins d'enfants[10].

L'augmentation de la population scolaire dans les lycées et les nouveaux besoins exigés par les progrès de l'hygiène rendent au XIXe siècle de plus en plus nécessaire l'agrandissement des établissements. Les solutions trouvées sont multiples : lotir des espaces de la parcelle qui ne l'étaient pas encore, acquérir des bâtiments mitoyens voire surélever l'édifice. Mais cela ne suffit pas toujours. Solution plus pérenne, l'administration encourage le développement des « petits lycées » dans des bâtiments annexes. Au motif initial d'éloigner les jeunes élèves des mauvaises manières des lycéens s'ajoute bientôt la nécessité de désengorger les lycées et d'aménager à la place libérée des équipements jugés nécessaires (cour, gymnase, internat). Il s'agit souvent d'annexes, simplement séparés du vieux lycée par une rue peu passante (petit lycée Fénelon de Paris) mais parfois situés beaucoup plus loin (petit lycée Condorcet), notamment en raison du manque de terrains disponibles, si bien qu'on y délocalise également certains équipements dédiés aux petites classes (administration, réfectoire, etc.) au point, note l'historien Marc Le Cœur, que ces établissements n’ont plus de « petit » que la dénomination : le « petit lycée Louis-le-Grand » est ainsi presque aussi vaste que l'originel. En conséquence, ces lycées finissent souvent par obtenir leur indépendance, ce qui est fait en 1891 pour le dernier établissement cité (lycée Montaigne)[11].

Latin et langue vivante

Ă  gauche, une grande chapelle baroque du XVIIe siècle ; au centre, l'entrĂ©e ; Ă  droite, des bâtiments XIXe siècle du lycĂ©e donnant sur la rue
L'entrée du petit lycée de Rennes. À gauche, l'ancienne chapelle du collège Saint-Thomas, devenu lycée Émile-Zola.

Les élèves du petit lycée sont destinés à étudier à l'université, pour laquelle l'enseignement du latin est requis. Jusqu'en 1880, cet enseignement commence en huitième (équivalent du CM1 actuel)[6] - [12].

Jusqu'en 1917, les petits lycées se distinguent aussi de l'enseignement primaire en faisant débuter l'apprentissage d'une langue vivante[13] - [14].

Les élèves issus du petit lycée rejoignent ensuite le lycée[15] - [Note 1], où se différencient les filières moderne et classique (dans cette dernière, les élèves peuvent étudier le grec et le latin).

le rez-de-chaussée et les deux étages, vus du rez-de-chaussée
Intérieur du petit lycée Fabert de Metz.

Tentatives de suppression

Après la Première Guerre mondiale, un mouvement d'opinion se développe en faveur de l'« école unique ». Il est mené notamment par la Ligue de l'enseignement et par le Syndicat national des instituteurs (SNI).

Il aboutit à deux mesures qui attribuent l'enseignement dans les petits lycées à des instituteurs (décret du ) et alignent les programmes du petit lycée sur ceux du primaire (arrêté du ). La suppression du concours de professeur des classes élémentaires des lycées est décidée pour le , la session 1927 étant maintenue[6].

Toutefois, les noms traditionnels des classes (onzième, dixième, etc.) subsistent[15]. De plus, ces classes restent payantes même avec la gratuité du secondaire[16].

Le , le ministre de l'Éducation nationale Jean Zay dépose un projet de loi prévoyant notamment la suppression des petits lycées. Et, par décret, le , il réorganise son ministère, rattachant les petites classes des lycées à une direction du premier degré[17].

Cependant, le , le concours de professeur des classes élémentaires des lycées est rétabli[6].

Enfin, par l'ordonnance du , les petits lycées sont supprimés officiellement[18].

Disparition

Sculpture devant la façade d'un établissement scolaire.
Monument à Eugène Manuel dans la cour du petit lycée Janson-de-Sailly, à Paris.

En dépit des mesures de 1925, de 1937 et de 1945, les petits lycées sont toujours là. Ces « trois condamnations à mort[19] » restent sans effet. Il faut attendre les années 1960 pour que les petits lycées disparaissent sans bruit, sans qu'aucune consigne ne soit donnée aux chefs d'établissement[19]. En effet, un afflux croissant d'élèves oblige les proviseurs à ouvrir de nouvelles classes de second cycle et de préparation aux grandes écoles. Aussi ferment-ils tout simplement leurs petites classes pour disposer de locaux (dans le lycée Janson-de-Sailly, par exemple, cette réforme s'accomplit en cinq ans)[19]. En 1963-1964, les petites classes disparaissent dans les statistiques[4].

Ces classes comptaient 16 000 élèves en 1881, 31 000 en 1913 et plus de 55 000 en 1939[1].

Notes et références

Notes

  1. Jusqu'à la création des collèges d'enseignement secondaire, le lycée commençait en 6e.

Références

  1. Philippe Champy et Christiane Etévé, Dictionnaire encyclopédique de l'éducation et de la formation : 3ème version, Retz, , 1108 p. (ISBN 978-2-7256-6181-0, lire en ligne), p. 186
  2. Prost 2004, p. 166.
  3. « Les grandes lignes de l’évolution des institutions scolaires au XXe siècle », sur Paris School of Economics (consulté le )
  4. Bernard Desclaux, « La résistance de l’Éducation nationale face aux décisions politiques », sur blog.educpros.fr (consulté le ).
  5. Prost 2004, p. 412, 415 et 437.
  6. Robert 2005, p. 320.
  7. "Maîtres élémentaires" Buisson
  8. « 23. 27 mars 1810, Arrêté concernant les maîtres élémentaires des lycées », Publications de l'Institut national de recherche pédagogique, vol. 23, no 1,‎ , p. 138–138 (lire en ligne, consulté le )
  9. "Instituteurs et institutrices détachés dans les lycées et collèges de garçons" Buisson
  10. Bruno Garnier, Éduquer dans et hors l’école : Lieux et milieux de formation. XVIIe-XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, , 286 p. (ISBN 978-2-7535-5561-7, lire en ligne), p. 179
  11. Marc Le CĹ“ur, « Les lycĂ©es dans la ville: l’exemple parisien (1802-1914) Â», Histoire de l'Ă©ducation, 90 | 2001, p. 131-167.
  12. Prost 2007, « Grands lycées et petits collèges », p. 109-112, spécialement p. 110.
  13. Prost 2004, p. 412.
  14. Robert 2005, p. 324.
  15. Loison 2007, p. 274.
  16. Robert 2005, p. 326.
  17. Prost 2004, p. 419.
  18. Prost 2004, p. 419-420.
  19. Antoine Prost, propos recueillis par Dominique Simonnet, « Antoine Prost : changeons l'école, en douceur », sur lexpress.fr, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Ferdinand Buisson, Nouveau Dictionnaire de PĂ©dagogie et d'Instruction primaire, (lire en ligne)
  • Marc Loison, L'Ă©cole primaire française : de l'Ancien rĂ©gime Ă  l'Ă©ducation prioritaire, Paris, Vuibert, , 362 p. (ISBN 978-2-7117-7243-8).
  • Antoine Prost, Histoire de l'enseignement et de l'Ă©ducation en France, t. IV, Perrin, coll. « Tempus », . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Antoine Prost, Regards historiques sur l'Ă©ducation en France (XIXe – XXe siècles), Paris, Belin, , 276 p., brochĂ© (ISBN 978-2-7011-4604-1).
  • AndrĂ© Robert, « Les professeurs des classes Ă©lĂ©mentaires des lycĂ©es et leur reprĂ©sentation », Publications de l'Institut national de recherche pĂ©dagogique, vol. 28, no 1,‎ , p. 317–329 (lire en ligne, consultĂ© le )

Articles connexes

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