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Peering

Le peering (qui peut se traduire par appairage ou interconnexion d'égal à égal[1] en français) désigne, dans le domaine des réseaux, l'échange de trafic Internet avec des peers (pairs) : d'autres opérateurs ou des fournisseurs de contenu.

Schéma de représentation du "Peering"

Peering sur Internet

Sur internet, le peering implique trois éléments[2] :

  • une interconnexion physique entre les rĂ©seaux,
  • une liaison virtuelle entre les rĂ©seaux pour permettre l'Ă©change des routes via le protocole de routage BGP,
  • des accords commerciaux, contractuels, ou informels, de peering entre les deux parties.

Les fournisseurs d'accĂšs internet (FAI) configurent des liens de peerings et/ou des sessions de peering sur des points d'Ă©change, les endroits physiques oĂč les Ă©changes de connexions se dĂ©roulent, et nĂ©gocient les spĂ©cificitĂ©s du peering. Les points d'Ă©change sont situĂ©s dans des centres de colocation (centres de donnĂ©es, comme Telehouse Ă  Paris) oĂč les diffĂ©rents opĂ©rateurs rĂ©seaux centralisent leurs points de prĂ©sence (PoP).

Quand deux entités ont besoin d'échanger du trafic entre leurs réseaux, elles disposent de deux options :

Le transit nécessite que le trafic des opérateurs réseau de chaque entité circule au travers d'un ou plusieurs opérateurs de transit, intermédiaires dont le service est payant. L'opérateur de transit verra ainsi son réseau utilisé pour des flux qui ne lui sont pas destinés. Si les opérateurs réseau estiment pertinent[4] d'échanger directement leurs flux sans intermédiaire payant (dans le cadre d'un accord gagnant/gagnant), on utilisera le peering, souvent gratuit. On est dans une configuration d'égal à égal, souvent utilisée par des réseaux de tailles comparables.

La mise en place de peering a plusieurs intĂ©rĂȘts[5], et notamment l'augmentation de la qualitĂ© (pas ou moins d'intermĂ©diaire, maĂźtrise de la saturation des liens, de la latence, des chemins utilisĂ©s, redondance supplĂ©mentaire, etc), et la diminution des coĂ»ts.

Peering public ou privé

Il est possible de faire du peering public ou privé, c'est-à-dire avec ou sans point d'échange (les acteurs pouvant avoir recours aux deux solutions simultanément selon les besoins et circonstances)[6] - [7]:

Peering privé

Dans ce premier cas, au moins un lien physique doit ĂȘtre montĂ© pour chaque peering entre deux acteurs, ce qui amĂšne Ă  multiplier les liens entre les rĂ©seaux dĂ©sireux de peerer ensemble. Ce systĂšme est plutĂŽt utilisĂ© pour les dĂ©bits les plus importants et/ou pour maitriser totalement l'interconnexion[8].

Peering public

Dans ce second cas, plusieurs réseaux installent chacun un seul lien physique vers un Point d'échange (Internet Exchange Point), qui permet de mutualiser les accords de peerings sur ce lien (réseau en étoile). Cette mutualisation permet notamment de peerer avec de nombreux acteurs dont le trafic individuel échangé n'est pas trÚs élevé, mais dont le nombre important représente finalement un trafic conséquent.

Niveaux des opérateurs (tiers)

Il existe 3 niveaux (tiers) d'opérateurs internet[9] - [10]:

  • Les opĂ©rateurs de niveau 1 (tier 1) n’achĂštent pas de transit et voient la totalitĂ© d'Internet par des peerings avec d'autres grands opĂ©rateurs (a minima, avec tous les autres tier 1), plus leurs clients transit.
  • Les opĂ©rateurs de niveau 2 (tier 2) dĂ©pendent d'une offre de transit, et disposent d'accords de peering avec certains rĂ©seaux.
  • Les opĂ©rateurs de niveau 3 (tier 3) dĂ©pendent d'une offre de transit, et n'ont aucun peering.

Indépendamment de son niveau (tier), tout opérateur Internet est susceptible de proposer à son tour une offre de transit[11] à d'autres opérateurs.

Politiques de peering (Peering Policy)

Les modalitĂ©s de mise en place d'accords de peering par chaque rĂ©seau peuvent ĂȘtre Ă©crites ou non-Ă©crites, et comporter des Ă©lĂ©ments[4] de restriction relatifs aux dĂ©bits minimums, maximums, au nombre de routes, Ă  des liens de redondance obligatoires (plusieurs points d'Ă©change, voire pays, voire continents), des ratios de trafic dans un sens ou dans l'autre, etc. Ceci constitue leur politique de peering (Peering Policy).

De façon gĂ©nĂ©rale les politiques de peering peuvent ĂȘtre classĂ©es en trois grandes catĂ©gories: restrictive, sĂ©lective, ou ouverte[12].

Ainsi, le peering peut ĂȘtre gratuit lorsque les Ă©changes sont Ă©quilibrĂ©s[4], et donner lieu Ă  compensation[13] lorsque le dĂ©sĂ©quilibre des Ă©changes dĂ©passe un certain seuil (exemple: un ratio 2,5)[14].

Les opĂ©rateurs de niveau 1 (tier 1) imposent des contraintes trĂšs fortes[15] aux opĂ©rateurs qui souhaitent nĂ©gocier un accord de peering. En effet, un tel opĂ©rateur (client potentiel d'une offre de transit car encore tier 2 — Ă  ce jour —) deviendrait alors un concurrent majeur.

Points d'échange et peering multi-latéral (MLPA)

Comme déjà indiqué, en principe le peering sur les points d'échange relÚve naturellement d'accords bilatéraux (un réseau s'accorde avec un autre pour échanger du trafic ensemble, cependant que chacun peut s'accorder simultanément avec un autre, etc). Ceci nécessite de négocier (ou tout du moins de discuter) avec chaque réseau déjà présent sur un point d'échange pour un nouvel arrivant, et le cas échéant avec chaque nouveau réseau arrivant pour ceux déjà présents.

Afin de simplifier la mise en place d'accords de peering pour ceux des réseaux qui ont une politique de peering ouverte, les points d'échange mettent des Route Servers (serveurs de routes)[16] à la disposition de leurs membres qui le souhaitent (généralement deux serveurs pour la redondance). Ces serveurs permettent, en montant une seule session BGP avec un Route Server, d'échanger les routes avec tous ceux des membres qui en ont fait autant, et ce sans avoir eu à négocier ni à configurer et mettre en place une session BGP par peer, ce qui simplifie[17] les aspects opérationnels humains et liés au Control Plane (plan de contrÎle) des routeurs. Ainsi il devient possible de mutualiser une paire de sessions BGP pour échanger des routes avec de nombreux peers (et donc échanger du trafic avec eux)[18], ce qui constitue du peering multi-latéral[19].

Formellement, la mise en place de peering multi-latéral s'accompagne de l'acceptation d'un accord de peering multi-latéral (Multilateral Peering Agreement - MLPA)[20] du membre vers le point d'échange.

Il est à noter d'une part que le trafic routé circule toujours d'un peer à un autre sans autre routeur intermédiaire (les Route Servers ne font passer aucun trafic), et d'autre part que les AS-Path échangés en BGP ne comportent pas le numéro d'AS du Route Server[21] (car cela rendrait les routes moins intéressantes).

Aspects juridiques

Comme pour d'autres types de relations entre des entreprises, les diffĂ©rends en matiĂšre de peering peuvent ĂȘtre portĂ©s devant les juridictions appropriĂ©es[22]. Par exemple, en France, l'autoritĂ© de la concurrence s'est notamment prononcĂ©e en 2012 sur un diffĂ©rend entre Orange et Cogent[23] - [24], et l'ARCEP a menĂ© une enquĂȘte administrative sur les conditions d'interconnexion entre Free et Google en 2013[25].

Histoire du peering

Concept et premiers points d'Ă©change

L'histoire du peering est liée à l'histoire d'Internet et celle des points d'échange. Dans les premiers temps de l'Internet, un réseau backbone a existé d'abord sous la forme de ARPANET (militaire puis de recherche) puis de NSFNET (non commercial).

Pour rĂ©pondre aux problĂ©matiques d'Ă©change de trafic entre opĂ©rateurs commerciaux, les premiers points d'Ă©change commerciaux ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s aux États-Unis au dĂ©but des annĂ©es 1990[26]: CIX (West) et MAE-East. En Europe, le D-GIX Ă  Stockholm a rapidement suivi[27]. Le dĂ©veloppement des points d'Ă©change a continuĂ© par la suite (et notamment aprĂšs la fin de NSFNET en 1995)[28].

L'Internet moderne n'a plus de dorsale (backbone) dans le sens traditionnel. En effet, celui-ci existe plutÎt via différentes interconnexions des FAI et de réseaux privés. Ils sont tous connectés via leurs peerings (publics ou privés) ou transits, et utilisent le protocole de routage BGP qui leur permet de coordonner les opérations inhérentes au fonctionnement de l'Internet, sans autorité ni infrastructure centrale.

Points d'Ă©change en France

Les principaux points d'échange français (en 2018, disposant de plus de 100G d'interconnexions clients suivant les enregistrements Peeringdb):

Les autres points d'Ă©change (français et Ă©trangers, opĂ©rationnels ou arrĂȘtĂ©s) sont listĂ©s dans la Liste des IXP et de leurs opĂ©rateurs.

Notes et références

  1. « appairage », sur www.granddictionnaire.com (consulté le )
  2. (en-US) Rudolph Van Der Berg, « How the ‘Net works: an introduction to peering and transit », Ars Technica,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  3. William B. Norton, « Internet Peering - DrPeering Internet Peering Definition », sur drpeering.net (consulté le )
  4. William B. Norton, « DrPeering White Paper - A Study of 28 Peering Policies », sur drpeering.net (consulté le )
  5. (en) « The Art of Peering: The Peering Playbook (v1.2) », (consulté le )
  6. (en) Richard A Steenbergen, « A Guide to Peering on the Internet », sur North American Network Operators' Group (NANOG), (consulté le )
  7. (en-US) « Peering basics: Public vs. private peering », LeaseWeb Blog,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) Keith Mitchell, « Interconnections on the Internet: Exchange Points », sur RIPE, (consulté le )
  9. (en) Glenn Warnock, Mira Ghafary, Ghassan Shaheen, Alcatel–Lucent Service Routing Architect (SRA) Self–Study Guide: Preparing for the BGP, VPRN and Multicast Exams, John Wiley & Sons, (ISBN 111887515X), Chapitre 2.1.
  10. (en) Christopher G. Brinton, Mung Chiang, The Power of Networks: Six Principles That Connect Our Lives, Princeton University Press, (ISBN 0691170711), p. 220-221
  11. Vincent Mialon, « Comprendre Internet : les opérateurs », lavienumerique.com, (consulté le ).
  12. (en) « Using PeeringDB to Understand the Peering Ecosystem », sur SIGCOMM, (consulté le )
  13. (en) Geoff Huston, « Peering and Settlements - Part II - The Internet Protocol Journal - Volume 2, No. 2 », sur Cisco (consulté le )
  14. (en) « IP interconnections in the Netherlands: a regulatory assessment » [PDF], sur Netherlands Authority for Consumers and Markets, (consulté le )
  15. (en) William B. Norton, « Peering 101 », sur North American Network Operators Group (NANOG), (consulté le )
  16. (en) « IXP Design Considerations », sur APNIC, (consulté le )
  17. Arnaud FENIOUX (France-IX), « RĂ©seaux d’opĂ©rateurs et Internet eXchange Points (IXPs) » [PDF], (consultĂ© le )
  18. (en) Matthew Moyle-Croft, « Peering Beyond Australia and the MLPA », sur AUSNOG, (consulté le )
  19. (en) « 2016 Survey of Internet Carrier Interconnection Agreements », sur PCH, 21/11/2/2016 (consulté le )
  20. « ::: Open Peering Initiative ::: », sur www.openpeering.nl (consulté le )
  21. (en) Kenneth CHAN, « HKIX Updates at HKNOG 4.0 » [PDF], sur HKNOG, (consulté le )
  22. « Peering : perquisitions surprises chez les opérateurs télécom européens », sur ZDNet France (consulté le ).
  23. http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/orange-autorise-a-facturer-des-flux-internet-a-des-operateurs-utilisant-son-reseau-20-09-2012-2173196.php
  24. « zonebourse.com/actualite-bours
 »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?).
  25. « L'ARCEP clĂŽt l’enquĂȘte administrative concernant plusieurs sociĂ©tĂ©s, dont Free et Google, relative aux conditions techniques et financiĂšres de l’acheminement du trafic. », sur ARCEP (consultĂ© le )
  26. (en) Nikolaos Chatzis, Anja Feldmann, Georgios Smaragdakis, Walter Willinger, « There is More to IXPs than Meets the Eye », sur SIGCOMM, (consulté le )
  27. (en) Philip Smith, « Internet Exchange Point Design », sur MENOG,
  28. (en) Serge Radovcic, « The European IXP Scene and an introduction to euro-ix », (consulté le )
  29. France IX
  30. Equinix IX Paris
  31. SFINX

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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