Orongo
Orongo est un ancien village de pierre et centre cérémoniel de la civilisation matamua (la civilisation précédant l'arrivée des Européens), situé près du volcan Rano Kau, dans le sud-ouest de l'île de Pâques, au Chili.
Le centre cérémoniel est lié au culte du dieu Make-make, censé être venu sur l’îlot Motu Nui et y avoir apporté un œuf qui donna vie aux humains (ce qui rappelle la cosmogonie polynésienne selon laquelle le genre humain proviendrait d’œufs pondus par des oiseaux ayant copulé avec des poissons après la formation de la mer et l’émergence des premières terres, à partir du chaos primordial)[1].
Les pétroglyphes d'Orongo représentent Make-make comme un homme à tête de sterne. Plusieurs rituels pour honorer ce dieu ont été observés par l’expédition hollandaise de Jakob Roggeveen en 1722[2] : les hopu, représentants de chaque clan, sautaient à la mer depuis la falaise d’Orongo, et nageaient à l’aide d’une gerbe de roseaux (totora) jusqu’à l’îlot Motu Nui, où chaque hopu se postait auprès d’un nid de sterne mahoke ou manutara et attendait. La volonté de Make-make se manifestait par l’ordre de ponte des œufs : le hopu qui, le premier, voyait pondre la sterne femelle qu’il avait choisi, devait ramener l’œuf à l’ariki nui (« grand guerrier »: le "roi" de l’île). Cet unique œuf recueilli, tout le monde rentrait sans conflits. Selon la tradition orale recueillie par l’explorateur Alfred Métraux[3], Make-make désignait ainsi parmi les hopu le tangata manu : l’« homme oiseau » qui était, pour un an, l’arbitre des conflits entre clans sur l’île de Pâques. À ce titre, il était « neutre » et sacré. Le missionnaire Eugène Eyraud assista en 1866 au dernier rituel de l’« homme oiseau »[4].
C'est d'Orongo que provient Hoa Hakananai'a, un moaï (statue de l'île de Pâques) conservé au British Museum de Londres. Dernier moaï à être encore vénéré alors qu'Eugène Eyraud procédait à l'évangélisation de l'île, il a été retiré du centre cérémoniel le par l'équipage britannique du navire HMS Topaze et amené à Portsmouth le . Il s'agit de l'un des quatre moaïs conservés hors de l'île de Pâques[5].
Notes
- Patrick O'Reilly et Jean Poirier (dir.) Histoire des littératures, tome I, chap. « Littératures océaniennes », Encyclopédie de la Pléiade, 1956, p. 1469-1492.
- Nicolas Cauwe (dir.), Île de Pâques, faux mystères et vraies énigmes, Cedarc 2008 et Le grand tabou de l'île de Pâques : dix années de fouilles reconstruisent son histoire, Versant Sud, Louvain-la-Neuve 2011
- Alfred Métraux, Introduction à la connaissance de l'Île de Pâques : résultats de l'expédition franco-belge de Charles Watelin en 1934, Éd. du MNHN, Paris 1935
- E. Eyraud, Lettres au T.R.P., « Congrégation du sacré-cœur de Jésus et de Marie », dans les Annales de l'Association pour la propagation de la foi, vol.38, Lyon 1866 : 52-61 et 124-138.
- La France en possède trois têtes :
- une de 1,85m amenée en 1872 au Musée de l'Homme à Paris à bord de la frégate La Flore, puis déplacée en 2005 au musée du quai Branly - Jacques-Chirac ;
- deux autres, l'une de 1,70m et l'autre de 42 cm amenées par Henri Lavachery et Alfred Métraux pour le Musée de l'Homme lors de leur expédition à l'île de Pâques en 1934-1935, ultérieurement transférées au musée du Louvre.