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Nombre de Pisot-Vijayaraghavan

En mathématiques, un nombre de Pisot-Vijayaraghavan (parfois simplement appelé nombre de Pisot) est un entier algébrique réel strictement supérieur à 1, dont tous les éléments conjugués ont un module strictement inférieur à 1. Ces nombres se caractérisent par le fait que la suite de leurs puissances se rapproche rapidement d'une suite d'entiers.

Historique

AprĂšs la dĂ©couverte par Axel Thue en 1912 de ce que certains nombres algĂ©briques Ă©taient caractĂ©risĂ©s ainsi, l'Ă©tude de ces nombres fut approfondie par Godfrey Hardy en relation avec un problĂšme d'approximation diophantienne. Ce travail fut complĂ©tĂ© par T. Vijayaraghavan, un mathĂ©maticien indien de la rĂ©gion de Madras qui vint Ă  Oxford pour travailler avec Hardy au milieu des annĂ©es 1920. La mĂȘme condition apparaĂźt aussi dans certains problĂšmes sur les sĂ©ries de Fourier et fut Ă©tudiĂ©e en 1938 par Charles Pisot. Le nom de ces nombres, formĂ© par ces deux derniers auteurs, est maintenant communĂ©ment en usage. Pisot dĂ©montra en particulier un thĂ©orĂšme de caractĂ©risation de ces nombres parmi les nombres algĂ©briques, mais la question de savoir si cette caractĂ©risation reste valable pour tous les rĂ©els est encore un problĂšme ouvert.

DĂ©finitions

Entiers algébriques

On appelle entier algébrique de degré n une racine α d'un polynÎme unitaire irréductible P(x) de degré n et à coefficients entiers ; ce polynÎme est appelé le polynÎme minimal de α, et les autres racines de P(x) sont appelées les conjugués de α.

Nombres de Pisot

Un entier algébrique réel α est un nombre de Pisot-Vijayaraghavan (ou plus simplement un nombre de Pisot) si α > 1, et si tous ses conjugués (réels ou complexes) sont de module strictement inférieur à 1.

Nombres de Salem

Si, dans la dĂ©finition des nombres de Pisot, on remplace la condition (oĂč dĂ©signent les conjuguĂ©s de α) :

par la condition

,

on obtient la définition des nombres de Salem.

Exemples

Tout entier supérieur ou égal à 2 est un nombre de Pisot (il n'a pas de conjugué).

L'entier quadratique , oĂč a, b et d sont tous trois des entiers (positifs) et d n'est pas un carrĂ©, admet un conjuguĂ© .

La condition pour que soit un nombre de Pisot est alors que .

Ainsi, le nombre d'or , dont le polynĂŽme minimal est x2 − x − 1, est donc un entier quadratique ; c'est un nombre de Pisot car et son conjuguĂ© vĂ©rifie .

Les solutions positives des Ă©quations :

sont des nombres de Pisot ( est le nombre d'or). La suite des converge vers 2.

Propriétés

Propriétés élémentaires

  • Tout entier positif > 1 est un nombre de Pisot, et ce sont les seuls rationnels qui sont des nombres de Pisot.
  • Si α est un nombre de Pisot dont le polynĂŽme minimal a pour terme constant k, α est supĂ©rieur Ă  |k|. Il en rĂ©sulte que tous les nombres de Pisot infĂ©rieurs Ă  2 sont des unitĂ©s algĂ©briques, c'est-Ă -dire que leur inverse est encore un entier algĂ©brique.
  • Si α est un nombre de Pisot, il en est de mĂȘme pour toutes ses puissances αk, avec k entier.
  • Tout corps de nombres algĂ©briques rĂ©el K de degrĂ© n contient un nombre de Pisot de degrĂ© n, et ce nombre est un gĂ©nĂ©rateur de K. L'ensemble des nombres de Pisot de degrĂ© n dans K est stable pour la multiplication, c'est-Ă -dire que le produit de deux de ces nombres en est un.
  • Pour tous M et n fixĂ©s, il n'y a qu'un nombre fini de nombres de Pisot de degrĂ© n qui sont infĂ©rieurs Ă  M.
  • Pour tout , la sĂ©rie est convergente si et seulement si est un nombre de Pisot[1].
  • On dĂ©finit pour tout rĂ©el et l'expression , bien dĂ©finie pour tout [N 1]. Alors on a si et seulement si n'est pas un nombre de Pisot[1] - [N 2].

Propriétés diophantiennes

L'intĂ©rĂȘt principal des nombres de Pisot est que leurs puissances sont trĂšs mal rĂ©parties modulo 1, alors que la suite des puissances de presque tout rĂ©el strictement supĂ©rieur Ă  1 est Ă©quidistribuĂ©e modulo 1[2]. Dans la suite, ||x|| dĂ©signe la distance du nombre rĂ©el x Ă  l'entier le plus proche.

Si α est un nombre de Pisot et si λ est un nombre algébrique appartenant au corps engendré par α, alors la suite tend vers 0 en étant majorée par (avec K < 1) (cette propriété est une conséquence des identités de Newton). Pour λ = 1 et la suite , on a :

oĂč d est le degrĂ© de α et .

On peut ainsi construire des nombres presque entiers : on a par exemple (ce qui revient Ă  dire que est une bonne approximation rationnelle de ).

Ce résultat admet des réciproques partielles, caractérisant les nombres de Pisot parmi les nombres réels et parmi les nombres algébriques :

  • Si α est un nombre rĂ©el > 1 et s'il existe un nombre rĂ©el non nul λ tel que la suite est une suite de carrĂ© sommable, c'est-Ă -dire que, alors α est un nombre de Pisot et λ est un nombre algĂ©brique appartenant au corps engendrĂ© par α (rĂ©sultat connu sous le nom de thĂ©orĂšme de Pisot).
  • Si α est un nombre algĂ©brique > 1 et s'il existe un nombre rĂ©el non nul λ tel que la suite converge vers 0 (donc que ), alors α est un nombre de Pisot et λ est un nombre algĂ©brique appartenant au corps engendrĂ© par α.

La conjecture de Pisot-Vijayaraghavan est l'affirmation selon laquelle cette seconde caractérisation reste valable parmi tous les nombres réels (non nécessairement algébriques). On sait seulement qu'il n'y a qu'un ensemble dénombrable de nombres réels ayant cette propriété, mais on ignore s'ils sont tous algébriques.

Propriétés de l'ensemble des nombres de Pisot

Notant S l'ensemble des nombres de Pisot (qui est dĂ©nombrable, puisque sous-ensemble des nombres algĂ©briques), RaphaĂ«l Salem a montrĂ© que S est fermĂ©, c'est-Ă -dire qu'il contient tous ses points limites (sa dĂ©monstration utilise une version constructive de la caractĂ©risation diophantienne prĂ©cĂ©dente : Ă©tant donnĂ© un nombre de Pisot α, on peut trouver un rĂ©el λ tel que 0 < λ ≀ α et , ce qui permet d'utiliser Ă  nouveau la caractĂ©risation de Pisot pour montrer qu'une limite de nombres de Pisot en est encore un).

S Ă©tant fermĂ©, il possĂšde un plus petit Ă©lĂ©ment. Carl Siegel a montrĂ© que le plus petit nombre de Pisot est l'unique racine rĂ©elle du polynĂŽme X3 – X – 1 (approximativement 1,324 718) ; ce nombre est connu sous le nom de nombre plastique (parfois confondu avec le nombre d'argent), et il est isolĂ© dans S. Siegel construisit deux suites de nombres de Pisot convergeant vers le nombre d'or et demanda si Ă©tait le plus petit point d'accumulation de S. Ce rĂ©sultat fut dĂ©montrĂ© par Dufresnoy et Pisot, qui dĂ©terminĂšrent Ă©galement tous les Ă©lĂ©ments de S infĂ©rieurs Ă  (dĂ©couvrant certains nombres de Pisot n'appartenant pas aux sĂ©quences de Siegel). Vijayaraghavan montra que S a un nombre infini de points limites et plus prĂ©cisĂ©ment, que la suite des ensembles dĂ©rivĂ©s ne se termine pas. Plus prĂ©cisĂ©ment encore, David Boyd et Daniel Mauldin[3] ont dĂ©montrĂ© que l'intersection de ces ensembles est vide, et ont dĂ©terminĂ© le type d'ordre exact de S.

L'ensemble T des nombres de Salem (voir supra) est Ă©troitement liĂ© Ă  S. On a dĂ©montrĂ© que S est inclus dans l'ensemble T’ des points limites de T ; on conjecture que l'union de S et T est fermĂ©e.

Petits nombres de Pisot

La table ci-dessous donne les 10 plus petits nombres de Pisot, en ordre croissant. Tous les nombres de Pisot inférieurs au nombre d'or, sauf le huitiÚme, font partie des deux familles découvertes par Siegel, et sont racines de polynÎmes de la forme

ou

ou

(c'est-Ă -dire que leur polynĂŽme minimal divise ces polynĂŽmes)[4] - [5].

ValeurPolynĂŽme minimalForme
11,3247179572447460260 (nombre plastique)
21,3802775690976141157
31,4432687912703731076
41,4655712318767680267
51,5015948035390873664
61,5341577449142669154
71,5452156497327552432
81,5617520677202972947
91,5701473121960543629
101,5736789683935169887

Notes et références

Références

(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Pisot–Vijayaraghavan number » (voir la liste des auteurs).
  1. ProblĂšme du concours d'entrĂ©e 2012 Ă  l'École normale supĂ©rieure, en filiĂšre MP. Voir sur le site de l'ENS le sujet (plus particuliĂšrement les parties I et III), et le rapport du jury.
  2. (de) J. F. Koksma, « Ein mengentheoretischer Satz ĂŒber die Gleichverteilung modulo Eins », Compos. Math., vol. 2,‎ , p. 250-258 (zbMATH 0012.01401, lire en ligne), JFM (de) 61.0205.01.
  3. (en) David W. Boyd et R. Daniel Mauldin, « The Order Type of the Set of Pisot Numbers », Topology and Its Applications, vol. 69,‎ , p. 115-120 (lire en ligne).
  4. Bertin et al. 1992, p. 133.
  5. J. Dufresnoy et C. Pisot, « Étude de certaines fonctions mĂ©romorphes bornĂ©es sur le cercle unitĂ©. Application Ă  un ensemble fermĂ© d'entiers algĂ©briques », Annales scientifiques de l'École normale supĂ©rieure, 3e sĂ©rie, vol. 72, no 1,‎ , p. 69-92 (lire en ligne).

Notes

  1. L'expression est licite car chaque facteur du produit est positif et strictement inférieur à 1, la suite des produits partiels est donc minorée et décroissante ce qui assure sa convergence.
  2. L'unique nombre de Pisot pour lequel ce résultat est faux est . En effet, on peut alors montrer que pour tout , et donc (cf. le problÚme de l'ENS cité en référence).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) M. J. Bertin, A. Decomps-Guilloux, M. Grandet-Hugot, M. Pathiaux-Delefosse et J. P. Schreiber, Pisot and Salem Numbers, BirkhĂ€user, , 291 p. (ISBN 978-3-7643-2648-7, lire en ligne)
  • (en) Peter Borwein, Computational Excursions in Analysis and Number Theory, Springer-Verlag, coll. « CMS Books in Mathematics », , 220 p. (ISBN 0-387-95444-9, lire en ligne), chap. 3
  • (en) D. W. Boyd, « Pisot and Salem numbers in intervals of the real line », Math. Comp., vol. 32,‎ , p. 1244-1260 (DOI 10.2307/2006349, lire en ligne)
  • (en) John Cassels, An introduction to Diophantine approximation, vol. 45, Cambridge University Press, , p. 133-144
  • (en) Godfrey H. Hardy, « A problem of diophantine approximation », Journal Ind. Math. Soc., vol. 11,‎ , p. 205-243
  • Charles Pisot, « La rĂ©partition modulo 1 et les nombres algĂ©briques », Ann. Sc. Norm. Super. Pisa, II, Ser. 7,‎ , p. 205-248 (lire en ligne)
  • (de) Axel Thue, « Über eine Eigenschaft, die keine transzendente Grösse haben kann », Christiania Vidensk. selsk. Skrifter, vol. 2,‎ , p. 1-15 (zbMATH 44.0480.04)

Liens externes

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