NĂ©ofonctionnalisation
La néofonctionnalisation est une des issues possibles de la divergence fonctionnelle, et a lieu lorsqu'une copie d'un gÚne, ou paralogue, prend en charge une fonction totalement nouvelle à la suite d'une duplication génique. La néofonctionnalisation est un processus de mutation adaptatif, ce qui signifie qu'une des copies du gÚne ancestral doit muter afin de développer une fonction qui n'existait pas chez ce gÚne ancestral[1] - [2] - [3]. En d'autres mots, l'un des duplicons conserve sa fonction originale, alors que l'autre accumule des modifications moléculaires qui font qu'avec le temps, ce dernier peut réaliser une fonction différente[4]. On pense que ce processus n'est pas affecté par la pression de sélection car une des copies du gÚne peut muter sans affecter de façon préjudiciable la fitness d'un organisme car la fonction ancestrale est conservée dans l'autre copie[5] - [6] - [7] - [8].
Processus
Le processus de la nĂ©ofonctionnalisation part d'une duplication gĂ©nique, et on pense qu'il a lieu en tant que mĂ©canisme de dĂ©fense contre l'accumulation de mutations dĂ©lĂ©tĂšres[6] - [8] - [9]. Ă la suite de cette duplication, il y a deux copies identiques du gĂšne ancestral rĂ©alisant exactement la mĂȘme fonction. Cette redondance permet Ă l'une des copies de prendre en charge une nouvelle fonction. Si cette derniĂšre s'avĂšre avantageuse, la sĂ©lection naturelle la sĂ©lectionne de façon positive et cette nouvelle mutation devient fixĂ©e dans la population[3] - [10]. L'occurrence de la nĂ©ofonctionnalisation peut le plus souvent ĂȘtre attribuĂ©e aux changements survenus dans la rĂ©gion codante ou dans les Ă©lĂ©ments rĂ©gulateurs d'un gĂšne[8]. Il est beaucoup plus rare d'observer des changements majeurs dans la fonction des protĂ©ines, comme au sein de la structure des sous-unitĂ©s ou dans l'affinitĂ© entre un substrat et son ligand, comme rĂ©sultat de la nĂ©ofonctionnalisation[8].
Contraintes sélectives
La nĂ©ofonctionnalisation est Ă©galement communĂ©ment appelĂ©e "mutation au cours de la non-fonctionnalitĂ©" ou "mutation au cours de la redondance"[11]. En dĂ©pit du cas oĂč une mutation survient Ă la suite d'une non-fonctionnalitĂ© d'un gĂšne ou est due Ă des copies gĂ©niques redondantes, l'important est que dans les deux scĂ©narios, l'une des copies du gĂšne est libĂ©rĂ©e des contraintes sĂ©lectives et acquiert au grĂ© du hasard une nouvelle fonction, qui est ensuite amĂ©liorĂ©e par la sĂ©lection naturelle. On pense que ce processus a lieu trĂšs rarement au cours de l'Ă©volution pour deux raisons majeures. La premiĂšre est que les changements fonctionnels requiĂšrent typiquement un grand nombre de changements d'acides aminĂ©s, ce qui a une faible probabilitĂ© d'arriver. La deuxiĂšme raison est que des mutations dĂ©lĂ©tĂšres surviennent plus frĂ©quemment que des mutations avantageuses au cours de l'Ă©volution. Cela rend beaucoup plus probable le fait que la fonction du gĂšne soit perdue au cours du temps (pseudogĂ©nisation) que le fait qu'une nouvelle fonction gĂ©nique voit le jour. Walsh a dĂ©couvert que la probabilitĂ© relative de la nĂ©ofonctionnalisation est dĂ©terminĂ©e par l'avantage sĂ©lectif et le rythme relatif des mutations avantageuses[12]. Cela a Ă©tĂ© prouvĂ© par la dĂ©rivation de la probabilitĂ© relative de la nĂ©ofonctionnalisation Ă la pseudogĂ©nisation, donnĂ©e par l'Ă©quation , oĂč Ï est le rapport entre le taux de mutations avantageuses et le taux de mutations neutres, et S est la sĂ©lection de population, calculĂ©e comme 4 Ne S (Ne = taille efficace de la population, et S = intensitĂ© de la sĂ©lection)[12].
ModĂšle classique
En 1936, Muller a été le premier à proposer la néofonctionnalisation comme issue possible d'une duplication génique[13]. En 1970, Ohno a suggéré que la néofonctionnalisation était le seul mécanisme évolutif ayant donné naissance à de nouvelles fonctions géniques dans une population[8]. Il a également émis l'hypothÚse que la néofonctionnalisation était la seule alternative à la pseudogénisation[2]. En 1987, Ohta était la premiÚre personne à suggérer que d'autres mécanismes puissent exister pour la préservation de gÚnes dupliqués dans la population[8]. Aujourd'hui, la sous-fonctionnalisation constitue une alternative à la néofonctionnalisation comme processus de fixation de duplicons qui fait largement consensus, et est actuellement la seule autre issue possible de la divergence fonctionnelle[2].
NĂ©osubfonctionnalisation
La néosubfonctionnalisation a lieu lorsque la néofonctionnalisation constitue le résultat final d'une subfonctionnalisation. En d'autres mots, lorsqu'une duplication génique a lieu et forme des paralogues qui subissent une sous-fonctionnalisation, une des copies géniques continue son "voyage évolutif" et accumule des mutations donnant naissance à une nouvelle fonction[8] - [14]. Certains chercheurs pensent que la néofonctionnalisation constitue l'étape finale de tous les gÚnes ayant subi une sous-fonctionnalisation. Par exemple, selon Rastogi et Liberles, "la néofonctionnalisation constitue le sort final de toutes les copies du gÚne dupliqué conservées dans le génome, et la sous-fonctionnalisation existe seulement en tant qu'état de transition afin de préserver la copie du gÚne dupliqué"[2]. Les résultats de leur étude sont ponctués à mesure que la taille de la population augmente.
Exemple de la protéine antigel
L'évolution de la protéine antigel chez les poissons zoarcidés de l'Antarctique fournit un bon exemple de néofonctionnalisation à la suite d'une duplication génique. Dans le cas de la protéine antigel de type III des poissons zoarcidés, le gÚne a divergé depuis une copie paralogue du gÚne codant l'acide sialique synthase (SAS)[15]. On a trouvé que le gÚne ancestral de la SAS possédait à la fois la fonction acide sialique synthase et une fonction rudimentaire de liaison à la glace polaire. AprÚs duplication, l'un des paralogues a commencé à accumuler des mutations ayant mené au remplacement des domaines SAS du gÚne, permettant ensuite un développement et une optimisation de la fonction antigel[15]. Le nouveau gÚne est désormais capable de dépression non congressive du point de congélation, et est ainsi néofonctionnalisé[15]. Cette spécialisation permet à ces poissons de survivre aux températures glaciales des eaux de l'Antarctique.
Limites du modĂšle
Des limites existent dans la néofonctionnalisation en tant que modÚle pour la divergence fonctionnale, principalement car :
- la quantitĂ© de changements nuclĂ©otidiques donnant naissance Ă une nouvelle fonction doit ĂȘtre la plus minime possible, rendant une pseudogĂ©nisation beaucoup plus probable que la nĂ©ofonctionnalisation Ă la suite d'une duplication gĂ©nique[8] ;
- à la suite d'une duplication génique, les deux copies peuvent subir une pression de sélection équivalente à celle que subit le gÚne ancestral, ce qui signifie qu'aucune des deux copies n'est nécessaire pour la néofonctionnalisation[8] ;
- dans de nombreux cas, une sélection Darwinienne positive présente une explication plus parcimonieuse pour la divergence de familles multigéniques[8].
Notes et références
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