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Mucien

Mucien (en latin Caius Licinius Crassus Mucianus), fl. 55-70, homme politique, général et écrivain romain. Il participa de prÚs à l'établissement de la dynastie flavienne.

Sources

Tacite

L’historien, nĂ© vers 56 et donc jeune contemporain de Mucien, constitue la source principale pour sa carriĂšre politico-administrative. Malheureusement, nous ne disposons plus que d’une partie de ses Historiae (annĂ©es 69-70) qui couvraient les annĂ©es 69-98, jusqu’à l’assassinat de Domitien.

Flavius JosĂšphe

L’historien juif devint un proche de la famille impĂ©riale des Flaviens. Il accompagna Titus Ă  son retour Ă  Rome (71). Son Bellum Judaicum constituerait donc une source de premier plan, puisque de par cette proximitĂ©, il dut ĂȘtre en contact direct avec Mucien[1].

Dion Cassius

L'historien sĂ©nateur constitue la troisiĂšme source en importance. La partie de son Ɠuvre consacrĂ©e Ă  la pĂ©riode est Ă©galement perdue, mais nous en conservons un rĂ©sumĂ© composĂ© par un lettrĂ© byzantin du XIe siĂšcle, Xiphilin.

Pline l’ancien

Mort en 79 lors de l’éruption du VĂ©suve, Pline, de l’ordre Ă©questre, est Ă©galement un contemporain et un collĂšgue de Mucien dans la carriĂšre, sous les Flaviens : il termine sa vie en tant que prĂ©fet de la flotte de MisĂšne[2].

Son Histoire Naturelle permet d’approcher ce que dĂ»t ĂȘtre la production littĂ©raire de Mucien, qu'il cite frĂ©quemment.

Biographie

Son patronyme indique qu’il naquit dans la Gens Mucia avant de rejoindre la Gens Licinia (branche des Crassi)[3] par adoption.

Il appartient Ă  l’ordre sĂ©natorial dont il suit la carriĂšre. Il est envoyĂ© par Claude dans l’état-major de Corbulon lors des campagnes d’ArmĂ©nie. Son Ă©toile paraĂźt nĂ©anmoins avoir pĂąli sous ce rĂšgne[4]. Sous NĂ©ron, il atteint le consulat (consul suffect en 63 ou 64). Cela lui ouvre la porte d’un gouvernement de province, en l’occurrence celui de Syrie. Il administre donc cette province lorsqu’éclate la rĂ©volte en JudĂ©e et que NĂ©ron place Vespasien Ă  la tĂȘte de l’armĂ©e chargĂ©e de la rĂ©primer.

Les rapports entre les deux hommes sont difficiles[5], mais la crise de 69 les rapproche : fidĂšles Ă  Galba, ils se rangent nĂ©anmoins de commun accord derriĂšre Othon[6], tout en se gardant d’intervenir militairement dans un premier temps[7]. Selon Tacite, c’est Mucien qui convainc Vespasien de se lancer dans la course Ă  l’Empire en s’opposant Ă  Vitellius, aprĂšs l'accession Ă  la pourpre de ce dernier[8].

Les deux hommes se concertent et se divisent les rĂŽles : Vespasien demeure en Asie pour y assurer leurs positions et prendre le contrĂŽle de l'Egypte tandis que Mucien est chargĂ© de gagner l’Occident pour y mener les opĂ©rations contre les Vitelliens. Au lendemain de l’exĂ©cution de Vitellius ( 69), il arrive Ă  Rome dont il devient l’homme fort en attendant le retour de Vespasien (octobre 70). Il jouit d'un pouvoir quasi impĂ©rial pendant cette pĂ©riode[9]. Il rĂšgle la succession et procĂšde Ă  l’épuration. Selon Tacite, il doit Ă©galement canaliser la fougue (ferocia[10]) de Domitien, le plus jeune fils de Vespasien, dont l’empereur se mĂ©fie du caractĂšre[11].

Il disparaĂźt ensuite de nos sources. On sait qu’il fut encore consul suffect, pour la troisiĂšme fois, en 72. Au milieu des annĂ©es 70, il est membre du collĂšge des FrĂšres Arvales.

Pline, mort en 79, le présente comme décédé dans son Histoire Naturelle. Si l'on retient la date de 77 pour la fin de la publication de l'encyclopédie, cela nous donne un terminus ante quem pour son décÚs.

L'Ă©crivain

Nous n'avons rien conservĂ© directement de l’Ɠuvre littĂ©raire et Ă©ditoriale de Mucien. Il est nĂ©anmoins possible de s'en faire quelque idĂ©e.

Mirabilia ou Souvenirs de voyage ?

Pline l’Ancien cite abondamment Mucien. Trente-deux fragments lui sont directement attribuĂ©s par la critique moderne[12]. Ils traitent tous de rĂ©alitĂ©s gĂ©ographiques orientales ou de choses Ă©tonnantes (mirabilia) qu’on a pu ou qu’on peut y voir.

Quelle était la nature précise de cet ouvrage perdu ? Deux hypothÚses sont proposées.

  • Un ouvrage de mirabilia (thaumasia, thaumata, en grec), recueil de faits insolites ou prodigieux, genre littĂ©raire que les Grecs nommaient ‘paradoxographie’. Ce type de littĂ©rature rencontra un grand succĂšs tout au long de l’AntiquitĂ© et imprĂ©gna souvent d’autres genres, depuis HĂ©rodote dĂ©jĂ . Pline l’Ancien est friand de ce type d’insert dans son encyclopĂ©die.
  • Un rĂ©cit de voyage ou une relation de son expĂ©rience de l’Orient. En effet, ce qui frappe Ă  la lecture des citations rapportĂ©es par Pline, c’est la frĂ©quence avec laquelle Mucien affirme avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin direct de ce qu’il relate. De plus, l’ensemble ne concerne que des faits et rĂ©alitĂ©s orientaux. La longue carriĂšre de Mucien, qu’elle soit militaire et/ou administrative, se passe essentiellement en Asie. Selon cette hypothĂšse, sa carriĂšre finie, il aurait publiĂ© une relation de ce passĂ© et de ce dont il aurait Ă©tĂ© tĂ©moin dans ses fonctions officielles et les loisirs touristiques qu’elles lui offraient[13].

Bardon et Syme se rangent derriĂšre la premiĂšre hypothĂšse.

Plus rĂ©cemment, Caldwell reprend le dossier et pose la question sans doute dĂ©cisive[14] : cette accumulation de mirabilia reflĂšte-t-elle rĂ©ellement l’Ɠuvre de Mucien ou n’est-elle pas plutĂŽt l’indice de l’appĂ©tence de Pline pour ce genre de donnĂ©es, qui n’aurait donc retenu que cet aspect, partiel, dans l’Ɠuvre qu’il cite si abondamment ?

L’éditeur de textes anciens

Le dialogue des Orateurs de Tacite relate une discussion à laquelle assista l’auteur en sa jeunesse, en 75.

Un passage(§ 37) mentionne qu’à cette date Mucien avait Ă©ditĂ© 11 livres d’acta et 3 livres de lettres, des Ă©crits anciens du temps de la rĂ©publique[15].

De quoi s’agissait-il[16] ? D’aprĂšs la suite du texte, ces recueils permettaient de mettre en Ă©vidence les qualitĂ©s oratoires et littĂ©raires des anciens.

Il ne faut donc sans doute pas prendre le mot « acta » au sens technique du terme, les archives du sĂ©nat, comptes-rendus de sĂ©ance, dĂ©libĂ©rations et senatus consultes, mais plus probablement des discours prononcĂ©s que Mucien avait rĂ©coltĂ©s et qui n’avaient jamais Ă©tĂ© publiĂ©s auparavant.

De mĂȘme, les recueils de lettres devaient contenir de la correspondance de grands hommes du passĂ© rĂ©publicain, toujours inĂ©dite et conservĂ©e dans les archives des grandes familles.

Quel en Ă©tait l’étendue ? Tout dĂ©pend de l’interprĂ©tation que l’on donne au verbe « contrahuntur », qui peut signifier aussi bien « abrĂ©ger » que, de façon neutre, « rassembler ». Au vu du nombre de volumes dĂ©jĂ  parus et de l’entreprise manifestement dĂ©crite comme en cours, Bardon [1953] penche pour la seconde hypothĂšse, une Ă©dition extensive.

Ce mĂȘme auteur met en relation cette activitĂ© d’édition avec l’idĂ©e, en gestation Ă  l’époque, qu’un texte authentique, document d’archive du passĂ©, peut devenir d’un grand intĂ©rĂȘt et prendre place dans un ouvrage littĂ©raire, en particulier historique. Quelques dizaines d’annĂ©es plus tard, le processus est achevĂ© et illustrĂ© par SuĂ©tone[17].

Notes et références

  1. MĂȘme s’il est probable que Flavius JosĂšphe majore son intĂ©gration dans le cercle proche des Flaviens. Mucien faisait partie du cercle le plus proche, celui des « amici » de l’empereur. JosĂšphe devait plutĂŽt ĂȘtre un « cliens » et l’empereur son « patronus ». S’il fut gratifiĂ© de la citoyennetĂ© romaine par la dynastie (son nom 'Flavius' en atteste), ni lui ni son fils n’ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans l’ordre Ă©questre, ce qui eut Ă©tĂ© le cas s’il avait joui d’une faveur particuliĂšre des Flaviens, de Titus en particulier, comme il s’en vante.
  2. Sur la carriĂšre de Pline, voir Syme 1958, p. 75-86
  3. Vieille famille de noblesse plébéienne. Un Licinius Crassus célÚbre, par exemple, fut le Triumvir Crassus, collÚgue de Pompée et de César, tué par les Parthes lors de la bataille de Carrhes en -53.
  4. Tacite, Histoires, I, 10
  5. Tacite, Histoires, II, 5
  6. Ce qui put paraĂźtre paradoxal dans le cas de Mucien. En effet, outre l'empereur Galba, Othon avait fait mettre Ă  mort le jeune noble que Galba venait d'adopter comme successeur: Lucius Calpurnius Piso Licinianus. Son nom l'indique: avant d'ĂȘtre un Calpurnius Piso par adoption, ce successeur dĂ©signĂ© Ă©tait un Licinius Crassus, fils de Marcus Licinius Crassus Frugi. C'Ă©tait donc un apparentĂ© proche, par truchement d'adoption, de Mucien, devenu un Licinius Crassus.
  7. Tacite, Histoires, II, 7
  8. Voir le discours que lui prĂȘte Tacite, Histoires, II,76-77. L'information est prĂ©sente aussi chez Flavius JosĂšphe, B. J., 5, 43.
  9. Voir Dion Cassius (Epitome, 65, 2). En particulier: "Il pouvait donner des ordres en les signant du nom [de Vespasien]. À cet effet, il portait une bague que Vespasien lui avait envoyĂ©e. Il pouvait ainsi apposer le sceau impĂ©rial sur les documents qui le requerraient."
  10. Tacite, Histoires, IV, 68.
  11. Tacite, Histoires, IV, 51-52.
  12. EditĂ©s par Peter, H.W.G., Historicorum Romanorum reliquiae, vol. 2 (Leipzig: Teubner, 1870), p. 101-107. A noter que Bardon [1953] n’en retient qu’un, sans autre explication.
  13. Caldwell [2015], p. 37 sq, tente une mise en parallÚle de la localisation géographiques des citations de Mucien chez Pline avec ce que l'on connait de sa vie et de ses missions.
  14. Caldwell [2015], p. 31
  15. XXXVII. Nescio an venerint in manus vestras haec vetera, quae et in antiquariorum bibliothecis adhuc manent et cum maxime a Muciano contrahuntur, ac iam undecim, ut opinor, Actorum libris et tribus Epistularum composita et edita sunt. ex his intellegi potest Cn. Pompeium et M. Crassum non viribus modo et armis, sed ingenio quoque et oratione valuisse; Lentulos et Metellos et Lucullos et Curiones et ceteram procerum manum multum in his studiis operae curaeque posuisse... XXXVII. Je ne sais s'il vous est tombé sous la main de ces anciens écrits que l'on trouve encore dans les vieilles bibliothÚques, et que Mucien s'occupe maintenant à rassembler (onze livres d'Actes et trois de Lettres sont déjà, si je ne me trompe, recueillis et publiés). On voit par cette lecture que Pompée et Crassus ne durent pas moins leur grandeur aux dons de l'esprit et au talent de parler, qu'à la force et aux armes ; que les Lentulus, les Métellus, les Lucullus, les Curions et toute cette élite des Romains, consacrÚrent à l'éloquence beaucoup de travaux et d'études...
  16. Pour une discussion sur cette section, voir Bardan [1953], p. 182-183.
  17. Chez Suétone, ces citations de documents anciens vont jusqu'à la mention d'inscriptions épigraphiques. Vu le grand naufrage de la littérature latine de l'époque, on ne peut affirmer que Suétone soit l'initiateur du procédé.En tout cas, Tacite n'y recourt pas.

Annexes

Bibliographie

  • Syme 1958: Ronald Syme, Tacitus, Oxford Clarendon Press, 1958. Lire en ligne.
  • Syme 1969: Ronald Syme, “Pliny the Procurator”, Harvard Studies in Classical Philology, Vol. 73 (1969), pp. 201-236. En ligne sur JStor (aprĂšs inscription)
  • Syme 1980: Ronald Syme, Some Arval Brethren, Oxford Clarendon Press, 1980
  • Bardon 1953 : Henry Bardon, La littĂ©rature latine inconnue: Tome II: L'Époque impĂ©riale, Paris, klincksieck, (1953), 2e Ă©dition, 2014. Les pages 179 Ă 183 sont consacrĂ©es Ă  Mucien.
  • Caldwell 2015: Thomas Francis Caldwell B.A., The Career of Licinius Mucianus, School of Historical and Philosophical Studies - University of Melbourne, 2015 [ORCID: 0000-0001-6164-3382]


Articles connexes

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