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Mosquée Kalenderhane

La mosquée Kalenderhane à Istanbul est une ancienne église grecque orthodoxe dédiée selon toute probabilité à la Vierge sous le nom de Theotokos Kyriotissa (litt : la mère de Dieu assise sur son trône) et datant du XIIe siècle. Elle est également connue comme mosquée sous le nom de Kalender Haneh Jamissi et comme église sous celui de Sainte-Marie-Diaconissa. Sur le plan architectural, elle représente un des rares exemples encore existant d’église byzantine en croix grecque surmontée d’un dôme datant de la période intérimaire de l’architecture byzantine.

Mosquée Kalenderhane
Présentation
Type
Style
Localisation
Localisation
Coordonnées
41° 00′ 47″ N, 28° 57′ 37″ E
Carte

Emplacement

La mosquée est située dans le district de Fatih, à Istanbul, dans le quartier Vefa, immédiatement au sud de l’extrémité est de l’aqueduc de Valens et à moins d’un kilomètre au sud-est de l’église-mosquée de Vefa.

Histoire

Le sanctuaire de l’actuelle mosquée avec le mihrab et le minbar.

Le premier édifice construit sur ce site fut sans doute un bain romain. Au VIe siècle[N 1] une église-halle* [N 2] fut construite sur cet emplacement dont l’abside* s’appuyait sur l’aqueduc de Valens. Un peu plus tard, peut-être au VIIe siècle, une église plus imposante fut construite au sud de la première. Enfin une troisième église réutilisant le sanctuaire* et l’abside* (détruite subséquemment par les Ottomans) de la deuxième fut édifiée à la fin du XIIe siècle à la fin de l’ère coménienne [1]. On peut la dater d’entre 1197 et 1204, car Constantin Stilbes fait allusion à sa destruction lors d’un incendie en 1197 et elle existait lors de l’arrivée des croisés[2]. L’église était entourée d’autres édifices faisant également partie du monastère, mais ces derniers disparurent durant la période ottomane. Après la conquête de Constantinople par les croisés en 1204, l’église fut transférée au culte catholique romain et devint en partie la responsabilité du clergé franciscain [3]. Après la conquête finale de Constantinople par les Ottomans en 1453, Mehmet II fit personnellement don de l’église à la confrérie des derviches dite Kalenderi. Ces derniers l’utilisèrent comme zaviya* et imaret*; depuis lors l’édifice fut connu sous le nom de Kalenderhane (litt en turc : Maison des Kalenderi).

Ce waqf* possédait de nombreuses propriétés en Thrace ainsi que plusieurs maisons de bains à Istanbul et Galata[3]. Quelques années plus tard, Arpa Emini Mustafa Efendi y ajouta une mektep* et une médrasa*.

En 1746, Haci Beşir Ağa (mort 1747), le Aizlar Ağasi du palais de Topkapi[N 3] compléta la transformation de l’église en mosquée en faisant construire un mihrab*, un minbar* et un mahfil*[3]. Ravagée par des incendies et ébranlée par des tremblements de terre, la mosquée fut rénovée successivement en 1855, en 1880 et en 1890. Elle fut abandonnée dans les années 1930 après que le minaret* eut été détruit par la foudre et la médrasa démolie[3].

Dans les années 1970, l’édifice fut restauré grâce aux efforts conjoints de Cecil L. Striker et Doğan Kuban, lesquels en firent l’étude et, en dix ans, la remirent dans l’état où elle était au XIIe siècle[4]. Le minaret* et le mihrab* furent reconstruits, ce qui permit à la mosquée d’être rouverte au culte[5].

Les travaux de restauration permirent également de résoudre le problème de savoir à qui l’église avait été dédiée à son origine. Van Millingen, qui fit en 1912 un relevé des églises chrétiennes de Constantinople, mentionnait diverses possibilités suggérées par ses prédécesseurs, entre autres celle de la Theotokos tēs Diakonissēs (litt: La Vierge des diaconesses, d'après le quartier où elle était située)[6]. Une autre possibilité était celle du Christos ho Akatalēptos (litt: Le Christ qui ne peut être connu). Toutefois, la découverte d’une fresque du donateur dans la chapelle du sud-est et une autre fresque située au-dessus de l’entrée principale du narthex*, portant toutes deux le mot « Kyriotissa » (litt : sur son trône), suggère fortement que l’église était dédiée à la Theotokos Kyriotissa [7].

Architecture

Le dôme de la mosquée.

L’édifice est construit selon un plan centré* en croix grecque dont les bras supportent une voute en berceau*, le tout couronné par une coupole* à seize croisées d’ogive*. La structure extérieure est typique de la période intermédiaire byzantine faite d’une maçonnerie où alternent rangées de briques et rangées de pierre. L’entrée se fait par un esonarthex* et un exonarthex* du côté ouest, tous deux ajoutés par la suite.

Une galerie* supérieure surplombant l’esonarthex* selon le même plan que celle de l’église du Christ pantocrator fut retirée en 1854[1]. Les bas-côtés* sur les côtés nord et sud le long de la nef furent également détruits, possiblement aussi au XIXe siècle. Les arcs triples qui unissaient originellement les bas-côtés* à la nef principale portent maintenant les fenêtres inférieures de l’église.

Le sanctuaire se trouve du côté est; toutefois, le mihrab* et le minbar* sont situés dans un coin afin de respecter l’orientation en direction de La Mecque.

Ont également survécu la prothesis* et le diakonikon*, deux petites chapelles latérales typiques de la période intermédiaire et de la période tardive de l’architecture ecclésiale byzantine.

La décoration intérieure de l’église, en grande partie conservée, consiste en splendides panneaux de marbre coloré et moulures*, ainsi qu’en superbes cadres travaillés pour icônes. Deux de ses éléments sont uniques à Istanbul : une mosaïque d’un mètre carré représentant « La présentation du Christ », seul exemplaire d’un sujet religieux précédant la période iconoclaste à avoir survécu, ainsi qu’un cycle de fresques du XIIIe siècle représentant la vie de saint François d’Assise, découvert dans une chapelle au sud-est de l’édifice et peint pendant la période de l’occupation latine[7]. C’est la plus ancienne représentation de ce saint que nous possédions et a probablement été peinte peu après la mort de celui-ci en 1226. Ces deux artefacts ont maintenant été retirés, restaurés, et peuvent être vus au Musée archéologique d'Istanbul.

Avec la mosquée Gül d’Istanbul, l’église Hagia Sophia de Thessalonique et l’église de la Dormition (Koimesis) d’Iznik (autrefois Nicée)[N 4], la mosquée Kalenderhane représente l’un des principaux exemples d’église en croix grecque avec dôme* de la période intermédiaire de l’architecture byzantine[8].

Galerie

  • IntĂ©rieur de la mosquĂ©e vu de la galerie en direction du chĹ“ur (1903 – Brooklyn Museum archives, Goodyear Archival collection).
    Intérieur de la mosquée vu de la galerie en direction du chœur (1903 – Brooklyn Museum archives, Goodyear Archival collection).
  • Centre de la mosquĂ©e (1903 – Brooklyn Museum archives, Goodyear Archival collection).
    Centre de la mosquée (1903 – Brooklyn Museum archives, Goodyear Archival collection).
  • Vue du chĹ“ur en direction de l’entrĂ©e (1914 – Brooklyn Museum Archives, Goodyear Archival collection).
    Vue du chœur en direction de l’entrée (1914 – Brooklyn Museum Archives, Goodyear Archival collection).
  • Fresque de la mosquĂ©e Kalenderhane
    Fresque de la mosquée Kalenderhane
  • IntĂ©rieur de la mosquĂ©e
    Intérieur de la mosquée
  • IntĂ©rieur de la mosquĂ©e
    Intérieur de la mosquée
  • IntĂ©rieur incluant le dĂ´me
    Intérieur incluant le dôme
  • ExtĂ©rieur de la mosquĂ©e
    Extérieur de la mosquée
  • ExtĂ©rieur de la mosquĂ©e
    Extérieur de la mosquée

Glossaire

  • Abside (La plupart des dĂ©finitions sont tirĂ©es de VogĂĽe, « Dictionnaire technique » [1965]) : ExtrĂ©mitĂ© de la nef en forme de demi-cercle, voutĂ©e en forme de coquille.
  • Bas-cĂ´tĂ© : Nef latĂ©rale d’une Ă©glise de hauteur moindre que la nef principale. Lorsqu’ils sont de la mĂŞme hauteur, ils sont appelĂ©s collatĂ©raux.
  • Coupole : Voute hĂ©misphĂ©rique ou d’une forme se rapprochant plus ou moins de la demi-sphère et dont l’extĂ©rieur porte le nom de dĂ´me.
  • CroisĂ©e d’ogive : croisement de deux arcs d’ogive qui forment l’ossature de la voute.
  • Diakonikon : Absidiole latĂ©rale sud (Ă  droite de l'iconostase) placĂ©e sous la surveillance d'un diacre oĂą sont conservĂ©s les vases sacrĂ©s et les vĂŞtements liturgiques dans les Ă©difices religieux orthodoxes. Elle correspond Ă  la sacristie chez les chrĂ©tiens d'occident. Avec le prothesis, il forme le pastoria.
  • Église-halle : Église dont le vaisseau central et les collatĂ©raux (vaisseaux latĂ©raux) sont de hauteur Ă©gale (et pouvant Ă©ventuellement ĂŞtre de largeur Ă©gale ou non), et communiquent entre elles sur toute cette hauteur.
  • Esonarthex et Exonarthex : voir ci-après, « narthex ».
  • Galerie : Passage (souvent fort Ă©troit) recouvert placĂ© soit Ă  l’intĂ©rieur, soit Ă  l’extĂ©rieur d’un Ă©difice et servant de passage d’un lieu Ă  un autre.
  • Imaret : Un des noms utilisĂ©s pendant l’Empire ottoman du XIVe siècle au XIXe siècle pour dĂ©signer un Ă©tablissement donnant Ă  manger aux pauvres.
  • Mahfil : Plateforme surĂ©levĂ©e dans une mosquĂ©e, opposĂ©e au minbar, oĂą le muezzin coordonne les chants et prières en rĂ©ponse aux prières de l’imam.
  • MĂ©drasa (ou madrassa) : Ă©cole ou universitĂ© coranique.
  • Mektep (ou kuttab) : Ă©cole primaire musulmane.
  • Mihrab : Niche architecturale souvent dĂ©corĂ©e de deux colonnes et d’une arcature, qui indique la qibla, c'est-Ă -dire la direction de la kaaba Ă  La Mecque vers oĂą se tournent les musulmans pendant la prière.
  • Minaret : Tour dĂ©passant tous les autres bâtiments fournissant un point Ă©levĂ© au muezzin pour les cinq appels quotidien Ă  la prière.
  • Minbar : Chaire d'oĂą le khatib (imam ou mollah) fait son sermon (khutba) lors de la prière du vendredi (jumu`ah) dans une mosquĂ©e.
  • Moulure : Ornements se dĂ©veloppant en longueur sur un profil qui ne change pas et paraissant « moulĂ©s » les uns aux autres. Ils se profilent en creux ou en relief sur les membres d’architecture dont ils permettent de dĂ©terminer le style et l’époque.
  • Narthex : ÉlĂ©ment architectural typique des premières Ă©glises et basiliques chrĂ©tiennes, consistant en un lieu situĂ© Ă  l’ouest de la nef, opposĂ© Ă  l’autel principal et servant de vestibule. Il est souvent divisĂ© dans les Ă©glises byzantines en deux parties distinctes : le narthex intĂ©rieur ou esonarthex et le narthex extĂ©rieur ou exonarthex prĂ©cĂ©dant l'atrium. Dans les Ă©glises orthodoxes, ces deux parties du narthex avaient des fonctions liturgiques diffĂ©rentes.
  • Plan centrĂ© : Plan d’église massĂ© par opposition Ă  l'Ă©glise Ă  plan basilical (voir illustration). Ce type de plan s'accompagne souvent d'une coupole.
  • Prothesis : Partie de l’église attenante au sanctuaire oĂą sont disposĂ©s les objets qui serviront pendant le culte. Avec le diakonikon, elle forme le pastoria.
  • Sanctuaire : Dans une Ă©glise ou un temple, le sanctuaire est la partie oĂą se trouve l'autel et oĂą s'accomplissent les rites sacrĂ©s. Le sanctuaire ne doit pas ĂŞtre confondu avec le chĹ“ur qui est l'espace oĂą se tiennent les moines ou le clergĂ© pour le chant de l'office divin, quoique dans les petites Ă©glises, le sanctuaire et le chĹ“ur ne forment qu'un.
  • Voute en berceau : voute formĂ©e par un arc de cercle prolongĂ© en cylindre dont la directrice est une droite; c’est la plus simple des voutes.
  • Waqf : Donation faite Ă  perpĂ©tuitĂ© dans le monde musulman par un particulier Ă  une Ĺ“uvre d'utilitĂ© publique, pieuse ou charitable, ou Ă  un ou plusieurs individus. Le bien donnĂ© en usufruit est dès lors placĂ© sous sĂ©questre et devient inaliĂ©nable. Équivaut Ă  « fondation » dans le monde occidental.
  • Zaviya (ou zaouia): École ou monastère religieux musulman.

Bibliographie

  • (en) Freely, John. Blue Guide Istanbul. W. W. Norton & Company, 2000. (ISBN 978-0-393-32014-5).
  • (en) Goodyear, William Henry. "A renaissance learning facade at Genoa". The Museum of the Brooklyn Institute of Arts & Sciences Memoirs of Art & Archaeology. 1 (1), 1902.
  • (en) GĂĽlersoy, Çelik. A Guide to Istanbul. Istanbul. Istanbul Kitaplığı, 1976. OCLC 3849706.
  • (fr) Janin, Raymond. La GĂ©ographie EcclĂ©siastique de l'Empire Byzantin. 1re partie: Le Siège de Constantinople et le Patriarcat Ĺ’cumĂ©nique. 3e Vol. : Les Églises et les Monastères. Paris, Institut Français d'Études Byzantines, 1953.
  • (it) Krautheimer, Richard. Architettura paleocristiana e bizantina. Turin, Einaudi, 1986. (ISBN 978-88-06-59261-5).
  • (en) Magdalino, Paul. Studies on the History and Topography of Byzantine Constantinople. Farnham, Ashgate, 2007. (ISBN 978-0-86078-999-4).
  • (en) Mango, Cyril. Byzantine Architecture. Milano, Electa Editrice, 1978. (ISBN 0-8478-0615-4).
  • (en) Mathews, Thomas F. The Byzantine Churches of Istanbul: A Photographic Survey. University Park, Pennsylvania State University Press, 1976. (ISBN 978-0-271-01210-0).
  • (de) MĂĽller-Wiener, Wolfgang. Bildlexikon zur Topographie Istanbuls: Byzantion, Konstantinupolis, Istanbul bis zum Beginn d. 17 Jh. TĂĽbingen, Wasmuth, 1977. (ISBN 978-3-8030-1022-3).
  • (en) Striker, Cecil; Y. Dogan Kuban (1967). "Work at Kalenderhane Camii in Istanbul: First Preliminary Report". Dumbarton Oaks Papers. 21, 1967. pp. 267–271. doi:10.2307/1291266. JSTOR 1291266.
  • (en) Van Millingen, Alexander. Byzantine Churches of Constantinople. [London, MacMillan & Co, 1912.] Reproduit par e-Kitap Project, Istanbul, 2015. (ISBN 978-1-507-71822-3).
  • (fr) VogĂĽe, dom Melchior de. Glossaire des termes techniques Ă  l’usage des lecteurs de “La Nuit des temps”, Zodiaque, 1965. (ISBN 978-2-736-90164-6).

Notes et références

  1. Une datation précise a pu être faite grâce à la découverte d’une pièce de monnaie trouvée lors d’excavations stratigraphiques.
  2. Les mots suivis d’un astérisque sont définis dans le glossaire plus bas.
  3. Commandant des gardiens du harem au palais du sultan. Durant ses dernières années, il fut le mécène de nombreuses fondations religieuses (Müller-Wiener (1977) p. 156.
  4. Cette dernière fut détruite en 1920, mais avait été étudiée quelques années avant sa destruction [Krautheimer (1986)]

Références

  1. Mathews (1976) p. 171
  2. Magdalino (2007) pp. 227-230
  3. MĂĽller-Wiener (1977) p. 156
  4. Voir : « Work at Kalenderhane Camii in Istanbul: First Preliminary Report Cecil L. Striker and Y. Doǧan Kuban » Dumbarton Oaks Papers Vol. 21, (1967), p. 267-271 Published by: Dumbarton Oaks, Trustees for Harvard University Stable URL: https://www.jstor.org/stable/1291266.
  5. Un livre sur la restauration fut publié par les deux auteurs en 1997
  6. Van Millingen (2015) pp. 257-258
  7. Mathews (1976) p. 172
  8. Krautheimer (1986) p. 317

Voir aussi

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