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Monitoire à fin de révélations

Le monitoire à fin de révélations est une procédure judiciaire de l'Ancien Régime (réactualisé un court temps sous le Consulat et le Premier Empire) destinée à obtenir des témoignages supplémentaires lorsque ceux disponibles s'avèrent inexistants ou non concluants dans le cadre d'un procès criminel.

Inspiré du droit canonique et de certaines pratiques ecclésiastiques, le monitoire est apparu dans le droit pénal au XVIe siècle, avant d'être précisément réglementé par l'ordonnance criminelle de 1670, en vigueur jusqu'à la Révolution. Il consiste à s'appuyer sur le clergé paroissial, principalement les curés, qui doivent à cette occasion fulminer une injonction à leurs paroissiens de témoigner, sous peine d'excommunication. Demandé par le procureur du roi ou par le magistrat instructeur, ou par les justiciables eux-mêmes, il associe donc l'Église à la justice royale, sans que le clergé puisse se dérober, sous peine de saisie de revenus en cas de refus[1]. Il constitue un moyen de pression pour l'obtention des preuves testimoniales auprès de personnes intimidées par la crainte des représailles, par la solidarité socio-communautaire ou par la distance avec l'appareil de justice[2].

Décrié par une partie du clergé et, surtout, par les philosophes (comme Voltaire, toujours prompt à dénigrer l'institution religieuse, qui y voit une incitation par l'Église à faire « l'infâme métier de délateur »[3]), voire, plus rarement, par une partie du corps de la magistrature, le monitoire fait montre d'une sérieuse efficacité jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Plus que sur la peur de l'excommunication (utilisée intensivement au Moyen Âge, mais très peu durant les deux derniers siècles de l'Ancien Régime, elle n'intimide plus[1]), sa réussite repose sur la force de persuasion des curés, à une époque où la Réforme catholique et la monarchie absolue font du bas clergé un élément incontournable de la vie religieuse et administrative. C'est en effet l'époque où les prêtres sont sollicités par le pouvoir politique pour servir de relais à son autorité, dans le contrôle des sujets, des enquêtes agronomiques et démographiques, la distribution de médicaments, etc.

En principe limité aux crimes graves et aux scandales publics, le monitoire est en réalité de plus en plus demandé, notamment par les victimes, pour régler les petites infractions du monde urbain et plus encore dans les campagnes ; ce qui explique son succès auprès des populations, qui n'hésitent pas à le réclamer avant même que la procédure s'avère infructueuse. Les trois quarts des monitoires sont de fait, au XVIIIe siècle, le fruit d'une demande des justiciables, ce qui explique sans doute le peu de critiques formulées à l'encontre de cette procédure dans les cahiers de doléances en 1789.

Source du droit

Le monitoire est réglé par le titre VII de l'ordonnance criminelle de 1670[4].

Contenu

Le contenu d'un monitoire doit être anonyme. Il doit aussi décrire les faits avec la sobriété convenant à un texte qui doit être lu par un curé devant sa paroisse. À cet égard, Arlette Lebigre[1] donne l'exemple d'un monitoire rédigé en 1709 par le procureur général du parlement d'Aix, auquel le chancelier de France reproche de manquer de pudeur dans l'exposé des détails d'un viol[5].

Notes et références

  1. Arlette Lebigre, La justice du roi : La vie judiciaire dans l'ancienne France, Paris, Albin Michel, coll. « L'Aventure humaine », , 316 p. (ISBN 2-226-03405-6) ; rééd. Bruxelles, Complexe, coll. « Historiques » (no 97), 1995, 316 p. (ISBN 2-87027-589-7), p. 202 [lire en ligne], et n. 31, p. 276 [lire en ligne].
  2. Wenzel 2001, p. 220.
  3. Wenzel 2001, p. 99.
  4. Wenzel 2003.
  5. Lebigre cite Georges-Bernard Depping, Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, entre le cabinet du roi, les secrétaires d'État, le chancelier de France et les intendants et gouverneurs de province, les présidents, procureurs et avocats généraux des parlements et autres cours de justice, le gouverneur de la Bastille, les évêques, les corps municipaux, etc., etc., t. 2 : Administration de la justice-Police-Galères, Paris, Imprimerie nationale, coll. « Collection de documents inédits sur l'histoire de France publiés par les soins du ministère de l'Instruction publique / Histoire politique », (BNF 37557755), p. 443–448 [lire en ligne].

Voir aussi

Bibliographie

  • Éric Wenzel (sous la direction de Jean Bart et Jean-Jacques Clère), Le monitoire à fin de révélations : Normes juridiques, débats doctrinaux et pratiques judiciaires dans le diocèse d'Autun (1670-1790) (thèse de doctorat en histoire du droit, Université de Bourgogne, 1999), Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Thèse à la carte », , 384 p. (ISBN 2-284-02268-5, présentation en ligne).
  • Éric Wenzel, chap. 7 « Forcer les témoignages : Le délicat recours au monitoire sous l'Ancien Régime », dans Benoît Garnot (dir.), Les témoins devant la justice : Une histoire des statuts et des comportements (colloque international Les Témoins, de l'Antiquité à l'époque contemporaine, organisé par l'UMR Georges-Chevrier, UMR 5605, à l'université de Bourgogne, Dijon, -), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 444 p. (ISBN 2-86847-756-9, DOI 10.4000/books.pur.19636, lire en ligne), p. 83–90.
  • Éric Wenzel, « Des lois du roi au sang du Christ : Le clergé paroissial, auxiliaire précieux de la justice royale sous l'Ancien Régime », dans Claire Dolan (dir.), Entre justice et justiciables : Les auxiliaires de justice du Moyen Âge au XXe siècle (colloque à Québec, -), Québec, Presses de l'Université Laval, coll. « Intercultures », , 828 p. (ISBN 2-7637-8268-X), p. 583–598.
  • Benoît Garnot, Histoire de la justice : France, XVIe – XXIe siècle, Paris, Gallimard, coll. « Folio / Histoire » (no 173), , 789 p. (ISBN 978-2-07-039668-9).

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