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Microdistilleries du Québec

Une microdistillerie ou distillerie artisanale est un lieu de fabrication, en quantité limitée, de spiritueux obtenu par distillation. Parmi les spiritueux québécois, il est possible de retrouver du gin, de la vodka, du whisky, des eaux-de-vie et d'autres liqueurs de fruits.

Au Québec, les microdistilleries connaissent de l'expansion depuis 2015. En 2020, la marque "Distilleries du Québec"[1] est créée par l'Union québécoise des microdistilleries (UQMD)[2] qui regroupe plus de cinquante membres distillateurs.

Histoire

Les précurseurs

Les premiĂšres distilleries canadiennes voient le jour dans la ville de QuĂ©bec entre 1767 et 1769. Jean Talon, James Grant et Colin Drummond font partie des distillateurs pionniers de la province. La St. Roc Distillery, la premiĂšre distillerie canadienne Ă  produire du rhum Ă  base de mĂ©lasse importĂ©e, est construite en 1769[3]. Vers la fin du XVIIIe siĂšcle, les alcools de grains sont privilĂ©giĂ©s dĂ» Ă  l'influence britannique, c'est ainsi que les premiers whiskys quĂ©bĂ©cois sont produits. Les distilleries fabriquent leur propre malt ou rĂ©cupĂšrent des biĂšres invendues pour les distiller comme ingrĂ©dient de base. La consommation d'alcool gagne en popularitĂ© dans la colonie. Dans les annĂ©es 1830, le clergĂ© intervient en crĂ©ant un mouvement de tempĂ©rance pour limiter l'alcoolisme et prĂŽne la prohibition, ce qui changera la perception des alcools forts au QuĂ©bec. En 1840, le Canada-Uni compte prĂšs de 200 distilleries. En 1878, la Loi de tempĂ©rance du Canada, dite loi Scott, est adoptĂ©e. À la fin du XIXe siĂšcle, le marchĂ© des spiritueux au QuĂ©bec dĂ©cline au profit de celui de la biĂšre, une boisson mieux perçue par les partisans de la tempĂ©rance et la taxe augmente sur les alcools forts. Cela entraĂźne la fermeture dĂ©finitive de nombreuses distilleries[4].

Au dĂ©but du XXe siĂšcle, des mouvements de prohibition apparaissent partout en AmĂ©rique du Nord. Au QuĂ©bec, la prohibition est considĂ©rĂ©e trop radicale et la modĂ©ration est prĂŽnĂ©e plutĂŽt que l'interdiction. En 1921, la Loi sur les boissons alcooliques est adoptĂ©e afin d'encadrer la production d'alcool. La Commission des liqueurs (aujourd'hui la SociĂ©tĂ© des alcools du QuĂ©bec (SAQ)) est nĂ©e de cette loi. MalgrĂ© la volontĂ© d'Ă©tablir un meilleur contrĂŽle, la vente illĂ©gale augmente via les distilleries clandestines et les contrebandiers. Le QuĂ©bec devient ainsi une partie prenante majeure de l'industrie de la distillation en AmĂ©rique du Nord. Le , la prohibition prend fin aux États-Unis, ce qui mĂšne le QuĂ©bec dans une pĂ©riode creuse de cette industrie. Pendant prĂšs de 70 ans, il n'y a que trĂšs peu d'activitĂ©s de distillation[5].

Microdistilleries modernes (depuis 2000)

Depuis le milieu des annĂ©es 2000, les microdistilleries connaissent une popularitĂ© grandissante partout dans le monde. Le mouvement est comparable Ă  celui des microbrasseries. Aux États-Unis, le nombre de microdistilleries a augmentĂ© considĂ©rablement entre 2005 et 2015 oĂč il est passĂ© de 50 Ă  650, en plus d'environ 200 projets[6] - [7]. Au QuĂ©bec, dĂ» Ă  la rĂ©glementation stricte et aux obstacles administratifs pour l’obtention d’un permis, l’expansion a Ă©tĂ© un peu plus tardive que dans le reste du pays ou aux États-Unis[7]. Les lois actuelles, Ă©tant des vestiges de l'Ă©poque de tempĂ©rance, ont peu Ă©voluĂ© et tardent Ă  suivre le mouvement de croissance de l'industrie de la microdistillation quĂ©bĂ©coise[1].

La cidrerie Michel Jodoin à Rougemont qui a débuté la production de spiritueux à base de pommes en 1999, est le pionnier du nouveau mouvement au Québec[7] - [8]. De 2010 à 2014, trois autres microdistilleries voient le jour : Le Domaine Pinnacle, Les Subversifs et Les Verges Lafrance. En 2015, il y a moins de 10 microdistilleries en activité et quasi tout autant en développement[7] - [8]. En 2018, le nombre de permis de distillation attribué au Québec est d'environ 40 alors qu'il passe à 55 l'année suivante[9] - [10].

Entre 2015 et 2016, les ventes de spiritueux québécois ont augmenté de 22% selon le rapport annuel de la Société des alcools du Québec, représentant ainsi prÚs de 3% des parts du marché[9] - [11]. En 2018, la SAQ propose une centaine de spiritueux québécois, alors qu'en 2020, il y en a prÚs du double[9].

Union québécoise des microdistilleries (UQMD)

Autour de 2015, l'Association des micro-distilleries du QuĂ©bec et l'Association de distillateurs artisans du QuĂ©bec sont crĂ©Ă©es en se donnant comme mission d’encourager le dĂ©veloppement de cette industrie quĂ©bĂ©coise grandissante. Les intĂ©rĂȘts et chantiers en cours pour chacune des associations Ă©tant de plus en plus similaires, les deux regroupements ont dĂ©cidĂ© d’unir leur force et de former l'Union quĂ©bĂ©coise des micro-distilleries (UQMD).

La mission de l'UQMD est d'encourager le dĂ©veloppement d’une industrie quĂ©bĂ©coise de microdistilleries, valoriser la fabrication et le commerce de produits distillĂ©s Ă  la propriĂ©tĂ©, notamment l’alcool et les liqueurs, et assurer une promotion adĂ©quate de ces spiritueux au QuĂ©bec, au Canada et dans le monde[12].

RĂ©glementation

La production et la vente d'alcool sont encadrĂ©es par la RĂ©gie des alcools, des courses et des jeux du QuĂ©bec. Pour obtenir un permis de distillation au QuĂ©bec, les installations telles que l'alambic et la chaĂźne de production doivent ĂȘtre existantes. Pour dĂ©buter les dĂ©marches de vente Ă  la SociĂ©tĂ© des Alcools du QuĂ©bec, le produit doit ĂȘtre fabriquĂ©[7].

Il existe deux types de permis pour les producteurs d'alcool soient le permis de production artisanale et le permis de production industrielle. La production artisanale est destinĂ©e aux producteurs qui cultivent leurs propres ingrĂ©dients servant Ă  la fabrication d'alcool comme les cĂ©rĂ©ales et les petits fruits. Selon la dĂ©finition de la RĂ©gie, mĂȘme si la mĂ©thode de fabrication est artisanale, de nombreuses microdistilleries se voient classĂ©es dans la catĂ©gorie de producteur industriel puisqu'elles ne cultivent pas leurs ingrĂ©dients. Jusqu'en , le permis industriel empĂȘche de vendre les produits sur le site de fabrication ou lors d'Ă©vĂ©nements publics ainsi que de procĂ©der Ă  des dĂ©gustations[6], les produits devaient obligatoirement ĂȘtre vendus par l'intermĂ©diaire de la SociĂ©tĂ© des Alcools du QuĂ©bec. La vente de produits sur le site de fabrication Ă©tait rĂ©servĂ©e aux producteurs artisanaux, vignerons et cridriculteurs[8] - [13].

Un premier projet de loi concernant le développement de l'industrie des boissons alcooliques artisanales a été adopté en 2016, le projet de loi 88. Ce projet comprend des mesures pour les titulaires de permis de production artisanale de boissons alcooliques (vins, biÚres), mais aucune concernant les spiritueux[6] - [14].

L’association des microdistilleries du QuĂ©bec (AMDQ) et le gouvernement du QuĂ©bec ont donc travaillĂ© ensemble pour crĂ©er des mesures relatives Ă  l’industrie de la microdistillation qui ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es dans le budget du [15] - [16]. Le projet de loi no 150 vient donc modifier la loi sur la SociĂ©tĂ© des alcools du QuĂ©bec, ces changements sont en vigueur depuis le [17]. Ces mesures permettent alors aux titulaires de permis de distillateur de vendre leurs produits sur les sites de fabrication s'ils ont Ă©tĂ© achetĂ©s Ă  la SociĂ©tĂ© des alcools du QuĂ©bec au prĂ©alable et de procĂ©der Ă  des dĂ©gustations[16] - [18] - [19]. Elles sont encadrĂ©es par la SAQ dans le but d’assurer la qualitĂ© des produits, le recensement des ventes et le contrĂŽle des prix[15]. De plus, la SAQ impose une majoration Ă©quivalente presque au double de ce que l'artisan reçoit [20]. Les mesures mises-en-place comprennent Ă©galement une aide financiĂšre pour les producteurs utilisant des matiĂšres premiĂšres quĂ©bĂ©coises[15].

Spiritueux québécois

La dĂ©finition d'un spiritueux quĂ©bĂ©cois n'est pas Ă©tabli et crĂ©e un certain dĂ©bat[21] - [22]. Pour certains, le spiritueux quĂ©bĂ©cois doit ĂȘtre constituĂ© d'ingrĂ©dients provenant du terroir, distillĂ© et embouteillĂ© sur le territoire. La dizaine de produits respectant ces critĂšres reprĂ©sente qu'une trĂšs faible proportion des spiritueux dits quĂ©bĂ©cois. La majoritĂ© de ceux-ci consiste en un produit issu de la transformation d'un alcool de grains neutre distillĂ© sur un autre territoire, principalement en Ontario[21]. Ces produits sont souvent agrĂ©mentĂ©s d'ingrĂ©dients locaux lors du processus de transformation: infusion d'aromates et redistillation. Ces deux types de spiritueux sont identifiĂ©s sous l'appellation «Origine QuĂ©bec» Ă  la SAQ, ce qui ne permet pas de faire la distinction entre un produit entiĂšrement fabriquĂ©s au QuĂ©bec incluant la matiĂšre premiĂšre et un produit simplement transformĂ© au QuĂ©bec. Les producteurs locaux avec l'association des distilleries artisanales du QuĂ©bec tentent d'instaurer une appellation contrĂŽlĂ©e depuis plusieurs annĂ©es permettant de certifier l'origine quĂ©bĂ©coise du produit[21].

Les gins ont connu une plus grande croissance parmi les autres spiritueux du fait que celui-ci est plus facile Ă  produire[23] - [24] - [25]. Pour fabriquer du gin, il suffit d’utiliser un alcool de grain neutre et de l’aromatiser avec les ingrĂ©dients dĂ©sirĂ©s dans un alambic qui est ensuite distillĂ© de nouveau pour infuser les arĂŽmes[7]. Les ventes de gin quĂ©bĂ©cois Ă  la SAQ ont gĂ©nĂ©rĂ© 12 millions de dollars en 2016-2017 alors qu'en 2018-2019 les ventes ont atteint 39 millions[10].

Notes et références

  1. Distilleries du Québec
  2. Union québécoise des microdistilleries (UQMD)
  3. Catherine Ferland, Ph.D., historienne, La distillation au Québec : SynthÚse historique
  4. « Notre histoire », sur distilleriesduquebec.com (consulté le )
  5. « Magazine Distilleries du Québec », sur https://distilleriesduquebec.com/,
  6. Michel Marsolais, « Les microdistilleries en expansion malgrĂ© les rĂ©glementations contraignantes », Ici Radio-Canada,‎ (lire en ligne)
  7. Laurie Richard, « Les microdistilleries en pleine Ă©bullition », Le Soleil,‎ (lire en ligne)
  8. Ève Dumas, « Le pari des microdistilleries », La Presse,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Jean-François Pilon, « La microdistillation, un engouement local grandissant », sur BiÚres et Plaisirs - Québec,
  10. Guylaine BussiĂšre, « Le marchĂ© des gins quĂ©bĂ©cois explose », Ici Radio-Canada,‎ (lire en ligne)
  11. Société des alcools du Québec, Rapport annuel 2016, Québec, , 106 p. (ISBN 978-2-550-75718-4, lire en ligne), p. 13
  12. CTAQ, « Union québécoise des microdistilleries »
  13. Jean-François Pilon, « La distillation artisanale: Perspectives 2017 au Québec », sur BiÚres et Plaisirs - Québec, (consulté le )
  14. Projet de loi n°88 : Loi sur le dĂ©veloppement de l’industriedes boissons alcooliques artisanales, Éditeur officiel du QuĂ©bec, , 12 p. (lire en ligne), p. 2
  15. CommuniquĂ© de Presse, « De l’oxygĂšne pour les microdistilleries du QuĂ©bec - BiĂšres et Plaisirs - QuĂ©bec », BiĂšres et Plaisirs - QuĂ©bec,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  16. Karl Rettino-Parazelli, « Des mesures favoriseront la croissance du secteur des microdistilleries », Le devoir,‎ (lire en ligne)
  17. « Distillateur (industriel) - RĂ©gie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) », sur www.racj.gouv.qc.ca
  18. « Loi sur la Société des alcools du Québec Chapitre S-13 », sur legisquebec.gouv.qc.ca (consulté le )
  19. « La vente est maintenant permise dans les distilleries québécoises », sur Radio-Canada.ca, Radio-Canada,
  20. Ève Dumas, « La majoration de la SAQ menace les microdistilleries », La Presse,‎ (lire en ligne)
  21. Florence Sara G. Ferraris, « Des microdistillateurs en quĂȘte d’une appellation 100% quĂ©bĂ©coise », Le Devoir,‎ (lire en ligne)
  22. Karyne Duplessis PichĂ©, « GoĂ»t amer pour les producteurs d'ici », La Presse,‎
  23. Zone Économie- ICI.Radio-Canada.ca, « Les gins quĂ©bĂ©cois ont la cote », sur Radio-Canada.ca (consultĂ© le )
  24. Ève Dumas, « À chacun son gin », La Presse,‎ (lire en ligne)
  25. « Gin, whisky et autres spiritueux : la petite révolution québécoise », sur La Terre de Chez Nous,
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