Accueil🇫🇷Chercher

Mezouar (fonction)

Le mezouar ou mezouâr, forme arabisĂ©e du terme berbère amzwar (racine zwur ou zgur, qui signifie « prĂ©cĂ©der Â», c'est-Ă -dire « ĂŞtre le premier, le chef Â»), est un agent spĂ©cial prĂ©posĂ© Ă  la surveillance de la prostitution en AlgĂ©rie et Tunisie[1]. Cette fonction est instaurĂ©e au XIIe siècle par Ibn Toumert sous le règne des Almohades, inquiets de l'ordre moral[2], et supprimĂ©e au dĂ©but du XIXe siècle.

Histoire

Apparition et rĂ´le

Ce système d'organisation de la prostitution féminine apparaît en Algérie au XVIe siècle, et un peu plus tôt (pendant le règne hafside) en Tunisie, mais en suppose que sa présence dans ce dernier territoire remonte à l'arrivée des Ottomans avec le rite hanafite, rite plus souple que l'orthodoxe malikite qui est prédominant dans tout le Maghreb. C'est surtout à travers les témoignages des Européens voyageant en Afrique du Nord pendant le XVIIIe siècle que les historiens ont pu documenter l'évolution de cette fonction[3].

L'une des meilleures descriptions du Mezouar est celle de E. Duschene dans son livre sur la prostitution en Algérie en 1853 selon laquelle :

« L'inscription qui constatait les noms et la nationalité des filles publiques était faite par le magistrat nommé Mezouar. C'était toujours un Maure qui occupait ce poste lucratif, mais des plus abhorrés, car ce maure faisait aussi l'office de bourreau et était alors chargé de faire pendre, étrangler ou noyer les criminels des deux sexes… »

Donc, non seulement le mezouar veille sur l'organisation et la protection des prostituées, mais aussi de leur punition en cas de non satisfaction en leur accordant le statut de zania (femme coupable d'adultère), qui selon la charia est un grand péché[4]. De plus, les mezouars se chargent aussi du recrutement de nouvelles prostituées, en cherchant surtout parmi les femmes qui ont des problèmes conjugaux et qui peuvent prouver qu'elles ont commis un péché. Ceci représente une source de corruption pour ces fonctionnaires. En effet, ces femmes, qui ne voulait pas s'inscrire dans les registres du mezouar en tant que prostituée afin de protéger leur réputation, doivent payer à ce dernier de grandes sommes en échange[3].

En Tunisie, son rôle s'étend aussi aux autres religions. Les mezouars veillent à ce que les femmes juives n'exercent pas la prostitution et que les prostituées musulmanes n'acceptent pas des clients chrétiens et juifs[1].

Avant 1830

Avant la conquĂŞte française de l'AlgĂ©rie, Ă  Alger, le mezouar est chargĂ© de la surveillance de la prostitution, fonction qui lui octroie le droit de percevoir de chaque femme une taxe mensuelle de deux douros (7,44 francs). Ă€ noter que cette somme varie avec le degrĂ© de beautĂ© des filles (de 11 francs pour les plus belles jusqu'Ă  la moitiĂ© pour les autres). Le mezouar maintient la paix et la tranquillitĂ© publique, avec l'aide d'une escouade de gardes Ă  pied, qui ne reçoivent d'instructions que de lui. Il accompagne les patrouilles pendant la nuit, et rend compte tous les matins au dey de ce qui s'est passĂ© dans la ville. Il a les pleins pouvoirs sur les femmes de mauvaise vie et loue celles-ci aux Turcs et aux Maures, qui viennent les choisir chez lui et qui, après le temps convenu, sont tenus de les lui ramener. Il accorde quelquefois Ă  ces femmes la permission de sortir la journĂ©e, moyennant rĂ©tribution. C'Ă©tait toujours un Maure qui occupait la fonction de mezouar[5].

Après 1830

L'administration française en AlgĂ©rie exploite les services du mezouar pour exercer une surveillance, appelĂ©e police de la prostitution (arrĂŞtĂ©s des , et ). Toutefois, au mois de , pour amĂ©liorer les conditions de la prostitution et Ă©viter les abus du mezouar, l'administration française crĂ©Ă© des dispensaires. Cet Ă©tat se prolonge jusqu'au , lorsque la fonction est remplacĂ©e par la surveillance du commissaire central de police. La taxe levĂ©e sur la prostitution est maintenue et fixĂ©e a 10 francs par mois, versĂ©e Ă  la caisse municipale par l'Ă©conome du dispensaire[4], qui assure des examens cliniques de contrĂ´le chaque semaine afin d'Ă©viter la dissĂ©mination des maladies sexuellement transmissibles. Chaque femme qui a dĂ©veloppĂ© l'une de ces maladies est obligĂ©e de rester hospitalisĂ©e dans le dispensaire jusqu'Ă  sa guĂ©rison complète[1].

En Tunisie, à cause de la grande corruption des mezouars, surtout dans le chantage des femmes vulnérables et le détournement des mineurs, le bey supprime le poste en 1836[3].

Notes et références

  1. (en) Ramy Khouili et Daniel Levine-Spound, Article 230 : A history of criminalization of Homosexuality in Tunisia, Tunis, Simpact, , 106 p. (lire en ligne), p. 44-45.
  2. Pierre-Robert Baduel et Barkahoum Ferahti, Chantiers et défis de la recherche sur le Maghreb contemporain, Paris, Karthala, , 608 p. (ISBN 978-2-8111-3107-4 et 2-8111-3107-8, lire en ligne), p. 243.
  3. Abdelhamid Larguèche et Dalenda Larguèche, Marginales en terre d'Islam, Tunis, Cérès, , 185 p. (ISBN 9973-700-99-6), p. 19-28.
  4. Tableau de la situation des établissements français dans l'Algérie, précédé de l'exposé des motifs et du projet de loi portant demande de crédits extraordinaires au titre de l'exercice 1838, Paris, Imprimerie royale, , p. 317-318.
  5. Eugène Hatin, Histoire pittoresque de l'Algérie, Paris, Bureau central de la publication, , p. 91.

Voir aussi

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.