Messe en si mineur
La Messe en si mineur (en allemand h-Moll-Messe) est une œuvre musicale composée par Johann Sebastian Bach (BWV 232), pour deux sopranos, un contralto, un ténor, une basse, un chœur et un orchestre.
La Messe en si mineur est essentiellement composée d'un assemblage de diverses pages puisées dans différents ouvrages antérieurs du compositeur et réécrites par lui selon le procédé dit de la parodie (au sens ancien du terme : « texte composé pour être chanté sur une musique connue »[1] à l'avance) : par exemple la cantate BWV 12 a fourni la matière du Crucifixus, l’Hosanna est repris de la cantate BWV 215, l’Agnus Dei provenant quant à lui de l’Oratorio de l'Ascension (BWV 11). Seul un tiers de l'œuvre environ consiste en compositions « originales ». La parodie est un processus relativement courant chez Bach, comme d'ailleurs chez maints compositeurs de l'époque, car c'était souvent la seule manière de donner à entendre de nouveau des pièces que leurs auteurs estimaient particulièrement réussies.
La tonalité de si mineur, comme le veut l'usage, vient de la première pièce (Kyrie eleison), les autres numéros étant, à l'exception du n° 26 (Agnus Dei en sol mineur), dans les tons voisins, particulièrement dans la gamme relative, c'est-à -dire ré majeur (13 sur les 27 numéros).
Histoire
Bach a travaillé sur cette œuvre à plusieurs périodes étalées sur plus de vingt ans[2] - [3] :
- Le Sanctus a été composé pour le jour de Noël 1724[4] - [5].
- Le Kyrie et le Gloria (Missa Brevis) ont été élaborés en 1733[2].
La première version pouvait être utilisée aussi bien dans le rituel catholique que luthérien. Bach a dédié les 21 parties de cette version en juillet à la cour catholique de Dresde, exprimant le souhait de se voir attribuer le titre de Compositeur de la cour. Ce n'est qu'en , qu'il deviendra compositeur de la cour du prince électeur de Saxe et de la cour royale de Pologne[6].
- En 1747–1749, Bach s'est décidé à élargir la Messe en si mineur[5] - [2] au Credo, au Sanctus et à l’Agnus Dei, soit avec de nouvelles compositions soit en utilisant des parties de cantates antérieures.
Depuis 2015, le manuscrit de Bach de la partition est inscrit au registre international « Mémoire du monde » de l'Unesco[7].
Signification liturgique
Certains musicologues (en particulier Gilles Cantagrel et Philippe Charru[8]) ont noté le côté œcuménique de l'ouvrage, catholique par sa forme et luthérienne dans son esprit. Le dédicataire initial (le prince électeur de Dresde, qui était catholique) peut en être une explication partielle, la cité abritant les deux confessions.
La Messe en si mineur était considérée comme une œuvre catholique par la famille Bach[9] - [10], bien que le texte s'éloigne de la liturgie catholique en deux points :
- Dans le Gloria après Domine, fili unigenite, Jesu Christe, le mot altissime fait référence à la liturgie de Martin Luther.
- Dans le Sanctus on trouve gloria eius au lieu de gloria tua.
La partition n'a été publiée qu'en 1833 (Kyrie et Gloria) chez Nägeli à Zurich, alors qu'il avait acquis la partition en 1806[11]. L'intégralité n'est parue qu'en 1845, en association avec un autre éditeur, N. Simrock de Bonn[11].
Bach n'a jamais entendu la messe dans son intégralité[5] - [12]. La création ne semble avoir eu lieu qu'en 1859[12] en Allemagne.
Structure et correspondances
BWV | BC | Indications de mouvement | Tonalité | Mesure | Parodie | Commentaires | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
I | Missa brevis : Kyrie, Gloria (1733) | ||||||
1 | 1 | Kyrie eleison (chœur) | Adagio/Largo | si mineur | 4/4 | ||
2 | 2 | Christe eleison (duo pour soprano & alto) | Larghetto | ré majeur | 4/4 | ||
3 | 3 | Kyrie eleison (chœur) | Moderato | fa# mineur | 4/2 | ||
4 | 4 | Gloria in excelsis (chœur) | Vivace | ré majeur | 3/8 | → BWV 191/1 | |
5 | 5 | Et in terra pax (chœur) | Tranquillo | ré majeur | 4/4 | ||
6 | 6 | Laudamus te (aria pour alto solo) | Andante maestoso | la majeur | 4/4 | ||
7 | 7 | Gratias agimus tibi (chœur) | Pietoso | ré majeur | 4/2 | BWV 29/2 (EA3 1731) | BWV 29/2 (EA 1731) |
8 | 8 | Domine Deus (duo pour soprano & ténor) | Andante animato | sol majeur | 4/4 | peut-être BWV 193a/5 (musique disparue) | → BWV 191/2 |
9 | 9 | Qui tollis peccata mundi (chœur) | Lento | si mineur | 3/4 | BWV 46/1 (EA 1723) | |
10 | 10 | Qui sedes ad dextram Patris (alto solo) | Allegro grandioso | si mineur | 6/8 | ||
11 | 11 | Quoniam tu solus sanctus (basse solo) | Andante pomposo | ré majeur | 3/4 | ||
12 | 12 | Cum Sancto Spiritu (chœur) | Vivace | ré majeur | 3/4 | → BWV 191/3 | |
II | Symbolum Nicenum : Credo (1748/49) | ||||||
1 | 13 | Credo in unum Deum (chœur) | Grave | mode de sol sur la ré majeur | 4/2 | ||
2 | 14 | Patrem omnipotentem (chœur) | Allegro | ré majeur | 2/2 | voir BWV 171/1 (EA 1729 ou 1737) | |
3 | 15 | Et in unum Dominum (duo pour soprano & alto) | Andante | sol majeur | 4/4 | duo disparu, qui date de 1733 pour BWV 213/11 | 2 variantes |
4 | 16 | Et incarnatus est (chœur) | Largo | si mineur | 3/4 | ||
5 | 17 | Crucifixus (chœur) | Poco adagio | mi mineur | 3/2 | BWV 12/2 (EA 1714) | |
6 | 18 | Et resurrexit (chœur) | Allegro un poco maestoso | ré majeur | 3/4 | supposé BWV Anh. 9/1 | |
7 | 19 | Et in Spiritum Sanctum (basse solo) | Allegretto grazioso | la majeur | 6/8 | ||
8 | 20 | Confiteor (chœur) | Allegro molto moderato e solenne | fa# mineur | 2/2 | ||
9 | 21 | Et expecto (chœur) | Vivace ed allegro | ré majeur | 2/2 | BWV 120/2 (EA 1729) | |
III | Sanctus (1725) | ||||||
22 | Sanctus (chœur) | Poco sostenuto Allegro maestoso | ré majeur | 4/4 3/8 | |||
IV | Osanna et Benedictus, Agnus Dei et Dona nobis pacem (1748/49) | ||||||
1 | 23 | Osanna in excelsis (chœur) | Poco vivace | ré majeur | 4/4 3/8 | supposé BWV Anh. 11/1 (EA 1732) | → BWV 215/1 |
2 | 24 | Benedictus (ténor solo) | Larghetto | si mineur | 3/4 | ||
3 | 25 | Osanna repetatur (« On répète Osanna » : chœur) | Poco vivace | ré majeur | 3/8 | Répétition du n° 23 | |
4 | 26 | Agnus Dei (alto solo) | Largo | sol mineur | 4/4 | supposé BWV Anh. 196/3 (EA 1725), BWV 11 | |
5 | 27 | Dona nobis pacem (chœur) | Moderato, pietoso | ré majeur | 4/2 | BWV 232I//7 |
Quelques versions de référence
- Karl Richter et le chœur et l'orchestre Bach de Munich.
- Michel Corboz et l'Ensemble Vocal et Instrumental de Lausanne. Michel Corboz a enregistré quatre fois la Messe en Si. Deux fois chez Erato en 1971 et 1980, puis chez Virgin en 1996 et 2007.
- Chœurs de la BBC, Orchestre Boyd Neel, Georges Enesco, 1951, BBC avec Suzanne Danco, Kathleen Ferrier, Peter Pears, Bruce Boyce, Norman Walker.
- Nikolaus Harnoncourt, Concentus Musicus Wien, Wiener Sängerknaben et Chorus Viennensis, Rotraud Hansmann (soprano I), Emiko Iiyama (soprano II), Helen Watts (contralto), Kurt Equiluz (ténor), Max van Egmond (basse), 1968, Das Alte Werk.
- Gustav Leonhardt avec La Petite Bande, 1985, Harmonia Mundi
- John Eliot Gardiner avec The Monteverdi Choir et The English Baroque Soloists (1988, Archiv)
- Frans Bruggen, 1989, Philips.
- René Jacobs, RIAS Kammerchor - Akademie für Alte Musik Berlin, Hillevi Martinpelto, Bernarda Fink, Axel Köhler, Christoph Prégardien, Matthias Goerne, Franz-Josef Selig, 1993, Harmonia Mundi).
- Ensemble vocal et instrumental de Lausanne, dir. Michel Corboz (Vers.1976 et vers.1996)
- Philippe Herreweghe, Collegium Vocale Gent, avec Johannette Zomer, Véronique Gens, Andreas Scholl, Christoph Prégardien, Peter Kooy, Hanno Müller-Brachmann, 1996, Harmonia Mundi.
- Thomas Hengelbrock, 1997, DHM.
- Masaaki Suzuki avec le Bach Collegium Japan, 2007[13].
- Marc Minkowski avec Les Musiciens du Louvre, 2008.
- Jordi Savall et le Concert des Nations, depuis l'abbaye de Fontfroide, Narbonne, VIe Ă©dition du festival "Musique et Histoire pour un dialogue interculturel"
- Ensemble Pygmalion, dir. Raphaël Pichon Missa 1733, 2012, Alpha Productions (Outhere)
Bibliographie
- Gilles Cantagrel, Le moulin et la rivière : Air et variations sur Bach, Paris, Fayard, coll. « Les chemins de la musique », , 664 p. (ISBN 2-213-60128-3, OCLC 467090761, BNF 36709207)
- Edmond Lemaître (dir.), Guide de la musique sacrée et chorale, l'âge baroque 1600–1750, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 828 p. (ISBN 2-213-02606-8, OCLC 25790005)
- Alberto Basso (trad. Hélène Pasquier), Jean-Sébastien Bach : 1723–1750, vol. 2, Paris, Fayard, coll. « Bibliothèque des grands musiciens » (no 6), , 1072 p. (ISBN 2-213-01649-6, OCLC 489655524, BNF 34880291)
- Philippe Charru et Christoph Theobald, L'Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, Sprimont, Mardaga, , 311 p. (ISBN 978-2-87009-801-1)
Références
- Définition de « parodie » sur le site du CNRTL
- Lemaître 1992, p. 126
- Cantagrel 1998, p. 564
- Cantagrel 1998, p. 565
- Basso 1985, p. 559
- « Bach : Messe en si mineur BWV 232 », sur France Musique (consulté le )
- « Manuscrit de la h-Moll-Messe (Messe en si mineur) de Jean-Sébastien Bach | Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture », sur www.unesco.org (consulté le )
- Philippe Charru et Christoph Theobald, L'Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, éd. Mardaga, 2002 (ISBN 978-2-87009-801-1)
- Registre de succession de Carl Philipp Emanuel Bach, 1790
- Cantagrel 1998, p. 563
- Basso 1985, p. 557–558.
- Lemaître 1992, p. 127
- Déclarée « version de référence » par la Tribune des critiques de disques de F. Hudry, le 01/02/2009.
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives Ă la musique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :