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Melungeons

Les Melungeons sont une ancienne communauté métissée vivant initialement dans l'est du Tennessee, la Virginie-Occidentale, l'est du Kentucky et la Caroline du Nord depuis au moins 200 ans et peut-être depuis plus longtemps. On estime la population à 4 millions, mais beaucoup de personnes d'ascendance melungeon sont susceptibles d'ignorer leurs origines, ou de les cacher en raison du racisme hérité de la ségrégation raciale.

Arch Goins et sa famille, Melungeons de Graysville (Tennessee) autour des années 1920.

Groupes de Melungeons

Il y a au moins quatre groupes à qui ce nom a été appliqué, en tant qu'"isolat tri-racial" (Amérindiens, Européens, Noirs) :

  • la première utilisation est attestĂ©e pour le groupe des « Graysville Melungeons »[1] du territoire informel de Newman, centrĂ© sur les comtĂ©s Hancock et Hawkins (Tennessee), et les comtĂ©s Scott et Wise (Virginie occidentale), entre Knoxville et Chattanooga ;
  • les « Kentucky Melungeons Â», dans le sud-est du Kentucky ;
  • les Redbones ou « Louisiane Melungeons Â», le long de la frontière Texas-Louisiane ;
  • les Gens du Lac Mort (Dead Lake People) ou « Melungeons de Floride Â», en Floride occidentale.

Origines

Leurs origines ont longtemps été méconnues en raison de la discrimination raciale dont ils ont été victimes. On croit qu’ils sont un mélange d’amérindiens, d’afro-américains et d’européens méditerranéens ou autres.

Origine du nom

Il n’y a aucune certitude sur l’origine du nom anglais "Melungeons", mais ce nom semble provenir du français « mĂ©langĂ©s Â». Par rapprochement phonĂ©tique, melanzane (nom italien des aubergines), melun can (« vie exĂ©crable Â» en turc) ou encore malun djinn (« esprit malin Â» en arabe) ont Ă©tĂ© aussi suggĂ©rĂ©s. Cela a nourri beaucoup de spĂ©culations sur d’éventuels ancĂŞtres mĂ©diterranĂ©ens : des ascendances ibĂ©riques, italiques, balkaniques et anatoliennes ont Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©es. L’élĂ©ment amĂ©rindien peut ĂŞtre sioux (Saponi et Yuchi), iroquois (Cherokee et Tuscarora) et algonquin (Powhattan, Hatteras…).

Dans un contexte régional historique, il y a des probabilités liées au fait qu’avant l’acquisition par les États-Unis de la Louisiane (au sens large, française) en 1803 et de la Floride (espagnole) en 1819, la ségrégation franco-espagnole était, dans ces territoires, moindre qu’après ces dates, et les métis moins mal vus. Les choses ont changé avec l’arrivée des colons américains protestants avides de terres, qui interprètent littéralement la « table des peuples » en lien avec la « malédiction de Canaan » pour en faire la justification de l’esclavage et de la ségrégation raciale. Plus ponctuellement, l’étymologie française peut aussi provenir de la tentative de colonisation de la région par le français Pierre-François Tubeuf, dans les années 1790, après l’échec en France de sa tentative de développer les mines de charbon des Cévennes, et qui est assassiné en 1795 par deux hommes, décrits comme des indiens.

Tubeuf, parti avec cinq familles françaises, avait obtenu une concession de 55 000 acres dans la rĂ©gion charbonnière des Appalaches[2] et s’était installĂ© le long de la rivière de Stony Creek et de la rivière Clinch, Ă  10 miles au-dessus de Fort Blackmore[3]. Une partie de ses proches ont ensuite dĂ©cidĂ© de revenir plus Ă  l’Est, vers la ville de Richmond[4]. Le terme de Melungeon apparaĂ®t alors dans un journal de l’époque, basĂ© dans ce qui n’est pas encore l’Alabama et qui dĂ©crit les Ă©vĂ©nements de Virginie. On le trouve aussi sous la forme de Melungins en 1813 dans le bulletin paroissial de Fort Pitt[5].

Les Melungeons vivaient le long de la rivière Clinch, près de la ville actuelle de Tazewell, Ă  la pointe d’extrĂŞme sud-ouest de la Virginie tout près du lieu oĂą a vĂ©cu Pierre-François Tubeuf, près de Narrows, Darlene Wilson, Ă  Fort Pitt, l’actuelle ville de Pittsburgh (en Virginie)[2]. Selon les travaux de l'historienne Joanne Pezzullo, le terme Melungeons avait alors, dans la sphère politique, une connotation pĂ©jorative en raison du racisme particulier des « Wasps Â» des États du Sud, pour lesquels il n’y a de « blancs Â» que « purs Â», et la moindre « goutte de sang Â» provenant d’un ancĂŞtre « colorĂ© Â» suffit Ă  faire de la personne concernĂ©e un citoyen de seconde zone[6].

Discrimination

L’origine exacte des Melungeons a longtemps Ă©tĂ© occultĂ©e, d'abord parce que ces derniers, victimes d’une discrimination raciale qu’ils ont dĂ» subir durant des siècles, se sont claquemurĂ©s dans le silence et la discrĂ©tion. Ainsi, lors des recensements de l’époque de la sĂ©grĂ©gation lĂ©gale (avant les prĂ©sidences de John F. Kennedy et de Lyndon Johnson), les Melungeons au teint hâlĂ© Ă©taient qualifiĂ©s de « personnes libres de couleur », en consĂ©quence de quoi, le statut de « blanc » leur Ă©tait refusĂ©. Ils ne pouvaient donc ni voter, ni bĂ©nĂ©ficier de l’éducation publique dans le cadre du système scolaire, ni devenir propriĂ©taires. Aussi, bien souvent les Melungeons les plus « clairs Â» ont-ils masquĂ© leurs origines et se sont faits discrets pour Ă©chapper Ă  ces discriminations. Ceux qui furent dĂ©noncĂ©s ou dĂ©voilĂ©s furent spoliĂ©s de leur terres et certains, avec les Indiens Cherokees, subirent en 1834 une dĂ©portation forcĂ©e vers l’Oklahoma. Cette triste pĂ©riode est connue sous le nom tragique de « Piste des Larmes ». Ce n’est qu’en 1960, avec l’abrogation des lois raciales, que les Melungeons ont pleinement acquis leurs droits de citoyens.

Notes et références

  1. The Graysville Melungeons
  2. Self-Determination on the Paleface Reservation the Melungeon Reemergence in Southern Appalachia
  3. Every majestic oak tree was once a nut who stood his ground
  4. “Mulungeons and Eboshins": Ethnics and Political Epithets sur le site Historical Melungeons
  5. Walking Toward The Sunset: The Melungeons Of Appalachia, par Wayne Winkler, page 7
  6. (en) Betty A. et Dobratz et Stephanie L. Shanks-Meile, White Power, White Pride ! : The White Separatist Movement in the United States, Johns Hopkins University Press, 2001, 384 pages, (ISBN 0-8018-6537-9) et Mark Schultz, Rural Face of White Supremacy: Beyond Jim Crow, University of Illinois Press, 2005, (ISBN 0-252-02960-7).

Annexes

Bibliographie

  • (en) Jean Patterson Bible, Melungeons Yesterday and Today, Rogersville, Tennessee,
  • Mike Nassau, Melungeons And Other Mestee Groups, Gainesville, Floride, 1994.
  • (en) N. Brent Kennedy, The Melungeons : the resurrection of a proud people, Macon, Mercer University Press, , 180 p. (ISBN 978-0-86554-516-8, OCLC 36213698)

Articles connexes

Liens externes

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