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Maison juive

Dans le vocabulaire administratif du rĂ©gime national-socialiste des travailleurs allemands le terme « maison juive » (en allemand : Judenhaus) dĂ©signe des habitations ayant appartenu auparavant Ă  des Juifs et dans lesquelles Ă©taient logĂ©s de force des locataires et des sous-locataires de « race juive » tels que dĂ©finis dans le 5e chapitre de la 1re ordonnance de la loi de citoyennetĂ© du Reich du . Ce Ă  l‘exception des cas privilĂ©giĂ©s concernant les mariages mixtes. 

Plaque commémorative, Weimar, Belvederer Allee 6.

Des logements furent ainsi libĂ©rĂ©s pour la population de « pure race allemande » au dĂ©triment des Juifs. Ce regroupement a facilitĂ© la sĂ©grĂ©gation envers les Juifs ainsi que leur contrĂŽle et empĂȘchĂ© les relations de voisinage entre Juifs et allemands.

Le terme administratif Judenhaus est issu de la langue parlée du TroisiÚme Reich. De nos jours, en Allemagne, le terme de Ghettohaus se substitue au terme nazi.

L'assouplissement des lois sur la protection des locataires

Plaque commĂ©morative sur la Maison de BrĂŒhl 6 Ă  Weimar.

L’ordonnance concernant l’utilisation de la fortune des Juifs[1] du obligeait les propriĂ©taires juifs Ă  vendre leurs biens immobiliers. Hermann Göring prĂ©cisa cependant le que l’aryanisation des entreprises et des magasins Ă©tait la prioritĂ© absolue et que l’aryanisation des biens immobiliers n‘interviendrait qu‘en suite dans le plan d’aryanisation totale. On voulait en effet : « dans certains cas et dans la mesure du possible au regroupement des Juifs dans une maison, si les contrats de location le permettait. »

La loi rĂ©gissant les contrats de location avec les Juifs[2] du assouplissait la protection des locataires juifs. Les commentaires juridiques sur les droits spĂ©ciaux d’habitation pour les Juifs expliquent que « Il va Ă  l’encontre du sens de la justice des nationaux-socialistes si les citoyens allemands doivent habiter sous le mĂȘme toit que les Juifs. » (« Es widerspricht nationalsozialistischem Rechtsempfinden, wenn deutsche Volksgenossen in einem Hause mit Juden zusammenleben mĂŒssen[3]. »).

Les propriĂ©taires de race allemande pouvaient rĂ©silier le contrat de locataires juifs s'il existait pour eux un logement de remplacement. La durĂ©e contractuelle d'un bail prolongĂ© pouvait ĂȘtre ramenĂ©e aux dĂ©lais lĂ©gaux. Les propriĂ©taires juifs ne pouvaient pas refuser de prendre d’autres juifs en sous-location. Les autoritĂ©s municipales pouvaient dĂ©cider du contrat de location et du prix du loyer.

Par anticipation, une ordonnance sur le rĂ©amĂ©nagement de Berlin, capitale du Reich, et de Munich, capitale du nazisme [4] du obligeait Ă  dĂ©clarer tout logement juif vacant Ă  Berlin et Ă  Munich dans le but de le mettre Ă  la disposition de locataires de race allemande. Comme les efforts d’hĂ©bergements collectifs dans les grandes villes Berlin, Munich et Vienne ne suffisaient pas, la protection des locataires et sous-locataires juifs fut Ă  nouveau assouplie le , pour les cas oĂč le bĂątiment Ă©tait passĂ© en possession d’un propriĂ©taire « aryen Â», ou Ă©tait gĂ©rĂ© par la communautĂ© juive ou par l’association des Juifs d’Allemagne.

Placement forcé et conditions de logement

AprĂšs le pogrom de , Hermann Göring voulait procĂ©der Ă  l’amĂ©nagement de ghettos. Mais Reinhard Heydrich considĂ©rait qu’il Ă©tait difficile d’y Ă©tablir une surveillance policiĂšre. Il recommanda de placer les Juifs dans des maisons juives et « comptait sur l’Ɠil vigilant du reste de la population »[5].

À partir de l’automne 1939 (avant cette date Ă  Vienne et dans le territoire des SudĂštes[6]), mais aussi bien plus tard Ă  partir de 1942 Ă  Hambourg par exemple[7], tous les Juifs ayant obligation de porter l’étoile jaune furent logĂ©s, souvent trĂšs Ă  lâ€˜Ă©troit, dans des maisons juives sur ordre de la gestapo et en partie avec la participation forcĂ©e de l’association des Juifs d’Allemagne. L’association des Juifs d’Allemagne avait hĂ©ritĂ© de nombreux bĂątiments parce que les petites communautĂ©s juives soit ne pouvaient plus financer leur entretien, soit parce qu‘elles avaient Ă©tĂ© dissoutes. TrĂšs souvent les Juifs Ă©taient logĂ©s de force dans ces locaux rĂ©amĂ©nagĂ©s sommairement en habitation alors qu‘ils nâ€˜Ă©taient pas conçus pour cela : jardins d’enfants ou Ă©coles, maisons de retraite, hĂŽpitaux, bureaux et salles de rĂ©union, lieux de priĂšre et chapelles de cimetiĂšre[8].

Outre des raisons idĂ©ologiques ces mesures rĂ©pondaient Ă  un intĂ©rĂȘt tangible : la crise gĂ©nĂ©rale du logement ne faisait que s’aggraver en raison des attaques aĂ©riennes. Ainsi Ă  l’automne 1941 la centrale de la Gestapo de DĂŒsseldorf ordonna le regroupement de plusieurs familles juives dans le mĂȘme logement. « Et il allait de soi de ne laisser aux Juifs que les logements les plus insalubres et en plus mauvais Ă©tat. » De la sorte on libĂ©rait des logements pour la population allemande sans causer une charge financiĂšre pour le Reich ou pour les communes. Cependant les habitations ne devaient en aucun cas ĂȘtre en voisinage direct (interdiction des ghettos)[9].


À Hambourg, fin 1941, plus de 1 000 logements avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dĂ©truits par les bombes. Une note confidentielle prĂ©cise :

« le plan de dĂ©part qui consiste Ă  rassembler les Juifs Ă  plusieurs endroits de la ville a Ă©tĂ© abandonnĂ©. DĂ©sormais le FĂŒhrer a dĂ©cidĂ©, sur la demande du gouverneur du Reich, que les Juifs rĂ©sidents, exceptĂ© les vieillards et les malades, soient Ă©vacuĂ©s vers l’Est. [
] Cette mesure devrait permettre de libĂ©rer environ 1 000 logements. »[10]
Le « Judenhaus » Knochenhauerstraße 61 (Ă  gauche).
Photo de 1898, le Bildarchiv, musée historique de Hanovre.

À Hanovre l’opĂ©ration de dĂ©placement fut achevĂ©e dĂšs le mois de . PrĂšs de 1 500 Juifs Ă©taient entassĂ©s dans quinze bĂątiments , dans des habitations classiques mais aussi dans des anciens bureaux, dans une salle communale servant d’école, et Ă  l‘hĂŽpital israĂ©lite[11].

À Brunswick il a existĂ© des maisons juives de 1939 jusqu’à mi, voire fin, 1943. Par la suite on n’y rencontre plus de Juifs. Soit ils avaient fui, soit ils avaient Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s, soit ils Ă©taient morts.

À Hambourg, Ă  partir d’, tous les porteurs de l’étoile jaune qui n’avaient pas encore Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s furent placĂ©s de force dans des maisons juives et Ă  partir de 1943 Ă©galement tous les partenaires non privilĂ©giĂ©s des mariages mixtes. À partir de 1943, dans certains Reichsgaue, les partenaires privilĂ©giĂ©s des mariages mixtes durent Ă  leur tour habiter dans des maisons juives[12].

À Hambourg les locataires avaient droit de six Ă  huit mÂČ par personne. À Hanovre en 1941 un employĂ© de l’association des Juifs en Allemagne faisait Ă©tat dans son rapport : « lit contre lit, pas de passage entre. [
] Ni tables ni chaises en raison du manque de place. [
] Moins de m2 de surface au sol. » Victor Klemperer dans ses notes sur une maison juive Ă  Dresde : « Cohns, StĂŒhlers, nous. Salle de bain et WC en commun. Cuisine en commun avec les StĂŒhlers, uniquement avec une sĂ©paration au milieu. Un point d’eau pour les trois familles [
] C’est presque dĂ©jĂ  une vie de baraque. On se marche les uns sur les autres, on se bouscule. »[13]

Sur ordre de l’office central de la sĂ©curitĂ© du Reich, les maisons juives devaient ĂȘtre signalĂ©es par une Ă©toile de David noire sur la porte d’entrĂ©e et Ă©taient placĂ©es sous le contrĂŽle de la gestapo. Dans son journal Klemperer rapporte des perquisitions Ă  caractĂšre de pogrom, racontĂ©es par d’autres ou vĂ©cues par lui-mĂȘme, au cours desquelles les agents de la gestapo maltraitaient les habitants : insultes, crachats, gifles, coups de pied, brutalitĂ© physique et vol de leurs biens. « Au lever : C’est aujourd’hui qu’ils viennent ? Pendant la toilette
 oĂč cacher le savon s’ils arrivent ? Au petit dĂ©jeuner : tout sortir de la cachette, tout remettre dans la cachette. [
] On sonne Ă  la porte
 c’est le courrier ou c’est eux ? »[14]

Les prévisions pour Berlin

À partir de et plus encore Ă  partir de fin 1941, de nombreux Juifs durent quitter leur logement pour libĂ©rer de la surface habitable pour les dĂ©mĂ©nagements de la population aryenne car la capitale du Reich devait ĂȘtre largement rĂ©amĂ©nagĂ©e selon les plans de l’inspecteur gĂ©nĂ©ral des bĂątiments Albert Speer. On parle de plus de 5 000 logements Juifs pour le seul mois d’[15].

ParallĂšlement Ă  l’obligation du port de l’étoile jaune le ministĂšre du Reich Ă  l’éducation du peuple et de la propagande (Reichpropagandaministerium), dirigĂ© par Goebbels, avait dĂ©cidĂ©, en , de chasser plus de 70 000 juifs de leur logement et de les regrouper dans des baraquements[16]. Ce plan ne fut pas rĂ©alisĂ© en raison des premiĂšres dĂ©portations des Juifs de l’Allemagne nazie vers Lodz, Minsk et Riga ; et, par la suite, de nombreux Juifs furent encore Ă©vacuĂ©s de force et regroupĂ©s.

Les hébergements collectifs de Vienne

Le systĂšme de l’aryanisation de la propriĂ©tĂ© rĂ©sidentielle pratiquĂ© en Autriche est largement illustrĂ© par l’exemple de la maison d’habitation, et en particulier de l’appartement, de Sigmund Freud au 19 de la Berggasse Ă  Vienne[17].

En Hongrie

Les Allemands occupĂšrent la Hongrie en et Ă  partir de l’administration communale hongroise encore en place regroupa les juifs du district de FejĂ©r dans des propriĂ©tĂ©s juives reconnaissables Ă  l’étoile jaune[18].

Notes et références

  1. RGBl. I, p. 1709.
  2. RGBl. I, p. 864.
  3. Angela Schwarz: Von den Wohnstiften zu den ‚JudenhĂ€usern’. in: Kein abgeschlossenes Kapitel: Hamburg im 3. Reich, herausgegeben von Angelika Ebbinghaus und Linne Karsten, EuropĂ€ische Verlagsanstalt (eva), Stuttgart 1997, p. 238, (ISBN 978-3-434-52006-1).
  4. RGBl. I, p. 159.
  5. Die Verfolgung und Ermordung der europÀischen Juden durch das nationalsozialistische Deutschland 1933-1945. Band 2: Deutsches Reich 1938 - August 1939. Munich, 2009, (ISBN 978-3-486-58523-0), Dokument 146: Besprechung bei Göring..., p. 432.
  6. Die Verfolgung und Ermordung der europĂ€ischen Juden durch das nationalsozialistische Deutschland 1933-1945 (Quellensammlung), tome 3 : Deutsches Reich und Protektorat September 1939 – September 1941 (bearb. von Andrea Löw), MĂŒnchen 2012, (ISBN 978-3-486-58524-7), p. 43.
  7. Ina Lorenz: Das Leben der Hamburger Juden im Zeichen der „Endlösung“. In: Arno Herzig und Ina Lorenz (Hrsg.): VerdrĂ€ngung und Vernichtung der Juden unter dem Nationalsozialismus. Hambourg 1992, (ISBN 3-7672-1173-4), p. 215.
  8. Konrad Kwiet: Nach dem Pogrom: Stufen der Ausgrenzung. in Wolfgang Benz (Hrsg.): Die Juden in Deutschland 1933-1945. MĂŒnchen 1988, (ISBN 3-406-33324-9), p. 633.
  9. Konrad Kwiet : Nach dem Pogrom: Stufen der Ausgrenzung. In: Wolfgang Benz (Hrsg.) : Die Juden in Deutschland 1933-1945. Munichen, 1966, p. 634.
  10. Zitat bei Ina Lorenz: Das Leben der Hamburger Juden im Zeichen der „Endlösung“. In: Arno Herzig und Ina Lorenz (Hrsg.) in Zusammenarbeit mit Saskia Rohde: VerdrĂ€ngung und Vernichtung der Juden unter dem Nationalsozialismus. Hambourg 1992, (ISBN 3-7672-1173-4); p. 214 f. TatsĂ€chlich wurden bis Juli 1942 1.900 Wohnungen frei.
  11. VEJ 3/215 = Die Verfolgung und Ermordung der europĂ€ischen Juden durch das nationalsozialistische Deutschland 1933-1945 (Quellensammlung), Band 3: Deutsches Reich und Protektorat September 1939 – September 1941 (bearb. von Andrea Löw), MĂŒnchen 2012, (ISBN 978-3-486-58524-7), p. 527–529.
  12. Deutsch-jĂŒdische-Gesellschaft Hamburg (Hrsg.): Wegweiser zu ehemaligen jĂŒdischen StĂ€tten in den Stadtteilen EimsbĂŒttel/Rotherbaum; Hambourg 1985; p. 140.
  13. Victor Klemperer: Ich will Zeugnis ablegen bis zum letzten. TagebĂŒcher 1942–1945; Berlin 1995; (ISBN 3-351-02340-5); p. 459 ().
  14. Victor Klemperer : Ich will Zeugnis ablegen 
 TagebĂŒcher 1942–1945; (ISBN 3-351-02340-5); p. 215 (20 aoĂ»t 1942), voir aussi p. 92–98 et 119–124.
  15. Wolf Gruner, Judenverfolgung in Berlin 1933–1945 
, Berlin, 1996, (ISBN 3-89468-238-8), p. 79. Genauer bei Susanne Willems, Der entsiedelte Jude, Berlin, 2002, (ISBN 3-89468-259-0), p. 374.
  16. Wolf Gruner, Terra incognita? Die Lager fĂŒr den jĂŒdischen Arbeitseinsatz (1938–1942) 
; in Ursula BĂŒttner (Hrsg.), Die Deutschen und die Judenverfolgung im Dritten Reich ; Frankfurt am Main 2003 ; (ISBN 3-596-15896-6) ; p. 175.
  17. [PDF] Onlineauftritt freud museum wien, 2003, Freuds verschwundene Nachbarn
    Onlineauftritt judentum.net, 2003, Freuds verschwundene Nachbarn.
  18. Artikel MĂłr, in Guy Miron (Hrsg.), The Yad Vashem encyclopedia of the ghettos during the Holocaust. JĂ©rusalem : Yad Vashem, 2009 (ISBN 978-965-308-345-5), p. 497f.

Voir aussi

Bibliographie

  • Karin Guth : Bornstraße 22. Un Erinnerungsbuch. « ... nous avons dĂ» entrer au Judenhaus, dans un petit Trou. » Dölling et Galitz, Hambourg, 2001, (ISBN 3-935549-06-7).
  • Roland Maier : La PersĂ©cution et la DĂ©portation de la Population juive, dans: Ingrid Bauz, Sigrid BrĂŒggemann, Roland Martin (Ă©d.): Le Secret de la Police nationale du Wurtemberg et de Hohenzollern, Papillon, Stuttgart, 2013, (ISBN 3-89657-145-1), S. 259-304.
  • Guy Miron (Ed.) : The Yad Vashem encyclopedia of the ghetto during the Holocaust, Yad Vashem, JĂ©rusalem, 2009, (ISBN 978-965-308-345-5), lĂ : JudenhĂ€user in Germany. Bases on abstracts from articles by Marlis Buchholz and Konrad Kwiet, S. 999-1001
  • Willy Rink : Les Judenhaus : Souvenirs de Juifs et de Gentils, sous un mĂȘme Toit. MusĂ©e Spiegelgasse de l'Histoire juive allemande, Wiesbaden, 2008, (ISBN 978-3-941289-02-4).
  • Willy Rink : pierres d'Achoppement: RĂ©flexions tardivessur la Vie dans les Judenhaus. Epubli GmbH, Berlin 2015, (ISBN 978-3-7375-4758-1)
  • Susanne Willems : Le entsiedelte Juif. Albert Speer politique du logement pour les Berlinois Hauptstadtbau. Edition Hentrich, Berlin, 2002, (ISBN 3-89468-259-0) (Publications du MĂ©morial et Centre de formation la Maison de la ConfĂ©rence de Wannsee 10, en mĂȘme temps, ThĂšse de doctorat Ă  l'UniversitĂ© de Bochum , en 1999, sous le Titre: Stadtmodernisierung, du Logement et de la PersĂ©cution des juifs Ă  Berlin en 1938 Ă  1943.).
  • Renate Hebauf : Gaußstraße 14, Un Ghettohaus Ă  Francfort sur le Main, L'Histoire d'une Maison juive et de ses habitants, entre 1912 et 1945, Cocon-Verlag Hanau 2010.
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