Maïs Bt
Les maïs Bt sont des variétés de maïs qui ont été modifiées génétiquement par l'ajout du gène leur conférant une résistance aux principaux insectes nuisibles du maïs, entre autres une pyrale : la pyrale du maïs Ostrinia nubilalis. Le terme Bt fait référence au Bacillus thuringiensis dont on a extrait le gène codant la toxine Cry1Ab [1]. En 2009, la surface totale de maïs transgénique Bt (Bt uniquement ou Bt/HT combinant le caractère Bt et la tolérance à un herbicide, le glyphosate), occupe 40,4 millions d'hectares, correspondant à 37 % de la surface totale d'OGM cultivés dans le monde[2].
Insectes combattus
La pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis) est répandue en Europe et en Amérique du Nord (où elle est appelée European Corn Borer, le « foreur européen du maïs »). C'est le principal insecte nuisible du maïs. La chenille creuse des galeries dans les tiges et dans les épis. Plus récemment, plusieurs espèces de coléoptères du genre Diabrotica sont devenus d'importants insectes nuisibles en Amérique du Nord. Leurs larves vivent sur les racines du maïs. Produisant biologiquement une protéine toxique pour ces insectes, les maïs Bt sont donc épargnés par la pyrale, la sésamie et certaines versions à chrysomèle.
Différence entre insecticides et OGM résistant aux insectes
Avantages
L'efficacité et l'impact d'un OGM par rapport à un traitement insecticide classique sont totalement différents. L'efficacité est très largement supérieure :
- La plante elle-même produit la toxine qui bloque la digestion des insectes cibles: la totalité de la plante est protégée là où un traitement (hors néonicotinoïdes, très couteux et réservé au traitement de semence) ne permet qu'une protection de surface et doit être renouvelé plusieurs fois.
- La sélectivité du traitement est très supérieure : chaque variante de la molécule BT ne vise qu'une famille d'insectes mais nous ignorons l'impact de leur effets cumulés dans l'environnement.
L'impact sur l'environnement est donc réduit :
- Moins de CO2 émis car moins de passage d'engin ni de pulvérisation de traitements contre la pyrale. Mais cela n’empêche pas la pulvérisation de fongicides pour se débarrasser des champignons, de divers herbicides, ou d'insecticides ciblant d'autres insectes que la pyrale.
- Pas d'impact négatif sur de nombreux auxiliaires comme les chrysopes (Chrysoperla carnea[3], Chrysoperla rufilabris[4]), les trichogrammes[5] et plus généralement les insectes auxiliaires[6].
Inconvénients
- Selon une étude réalisée par l'université de Chicago, il peut avoir des effets sur la faune des rivières : si une partie des déchets de la plante tombe dans l'eau, elle peut entraîner la mort de la grande phrygane, insecte important pour la faune des cours d'eau (Rosi-Marshall, E.J., Tank, J.L., Royer, T.V., Whiles, M.R., Evans-White, M., Chambers, C.,Griffiths, N.A., Pokelsek, J. & Stephen, M.L. 2007. Toxins in transgenic crop byproducts may affect headwater stream ecosystems. Proceedings National Academy Sciences 41: 16204–16208)[7]. À noter que cette étude ne compare pas le risque avec un maïs non OGM traité.
- Des études montrent qu’une exposition prolongée au pollen de maïs Bt affecte le comportement [8] et la survie du papillon monarque (Danaus plexippus)[9]
- Les racines des plantes sont poreuses. De nombreuses cultures Bt sécrètent leur toxine de la racine vers le sol [10]. Les résidus restant dans le champ contiennent de la toxine Bt active[11]. Les effets cumulés sur le long terme de la culture de maïs Bt n’ont pas été évalués dans le contexte européen, bien que cela soit requis par la législation Européenne (Directive 2001/18) [12].
- La toxine insecticide Bt a des effets sur la santé humaine. Pour plus de détails, lire la partie "Risques Sanitaires"
Transformation
La bactérie du sol Bacillus thuringiensis produit, une protéine du nom de Cry1Ab à laquelle les chenilles de la pyrale du maïs sont très sensibles. Cry1Ab est également efficace contre des chenilles d'autres espèce de lépidoptères, mais, par contre, ne possède aucun effet connu sur d'autres organismes vivants.
Le premier produit commercial contenant une des protéines insecticides produites par Bacillus thuringiensis, la Bactospéine, fut mise au point en 1959 pour lutter contre les chenilles de lépidoptères[13]. La Bactospéine est composée de bactéries Bacillus thuringiensis qui tuent les chenilles qui l'ingèrent. La bactérie, une fois qu'elle a infecté la chenille produit la protéine Bt. Cette protéine "Bt" agit en se fixant sur des récepteurs situés au niveau de l'intestin de certaines chenilles, ce qui produit une paralysie intestinale. La chenille sensible s'arrête de consommer et finit par mourir de faim. Ces bactéries sont utilisées pour lutter contre la pyrale du maïs, en agriculture biologique : c'est ce qu'on appelle la lutte intégrée.
Pour obtenir un maïs transgénique "Bt", il faut modifier le patrimoine génétique d'un maïs conventionnel. On introduit dans ce dernier un ou plusieurs gènes issus de la bactérie (ceux permettant la synthèse de Cry1Ab). Ainsi, le maïs Bt va produire lui-même, durant toute sa vie, la protéine insecticide Bt. (plus besoin de la bactérie Bacillus thuringiensis). Cette transformation peut éventuellement être accompagnée d'autres types de modifications génétiques (tolérance à un herbicide par exemple). À la différence de la technique dite de lutte intégrée, la plante transgénique contient en elle la toxine Bt, qui sera ingérée par le consommateur.
Il existe d'autres protéines de B. thuringiensis actives contre les coléoptères Diabrotica sp. (protéines Cry34Ab1, Cry35Ab1, Cry3Bb1, etc.).
Développement des variétés
Des variétés de maïs transgénique résistantes à la pyrale et/ou aux Diabrotica sp. ont été mises au point par des firmes privées, et sont autorisées et cultivées aux États-Unis depuis 1995.
Le , la France a autorisé les cultures de certaines variétés de maïs Bt résistantes à la pyrale et ces variétés ont été inscrites, une première pour un OGM, au catalogue officiel des espèces et variétés, décision annulée provisoirement en septembre de la même année par le Conseil d'État, puis rétablie en octobre 2000.
Controverses
Développement de résistance
Une partie du monde scientifique et agronomique ainsi que les écologistes et opposants aux OGM s'inquiètent du développement de résistance des pyrales à ces toxines spécifiques[14] - [15]. La prolifération de pyrales résistantes à la toxine rendrait inefficace la méthode classique de traitement anti-pyrale via la bactérie Bacillus thuringiensis.
Pour ralentir l'apparition de telles résistances, la législation impose de mélanger les semences OGM avec des semences classique (20 % de la surface semée doit être dédiée à du maïs non-OGM). Ces zones dites « refuges » accueillent des pyrales sensibles à la toxine et capables de se croiser avec leurs éventuels voisins résistants, ce qui produit des hybrides qui sont tués lorsqu'ils pondent sur le maïs Bt.
Toutefois, cette « précaution » apparente a été formulée par l'administration nord-américaine et transposée en Europe contre l'expertise scientifique de plusieurs organismes qui préconisaient généralement des zones refuges de plus grandes dimensions, et ce particulièrement si ces zones refuges doivent recevoir un traitement insecticide classique. Actuellement, non seulement la surface refuge légale est inférieure à ce qui était préconisé par les comités scientifiques, mais en plus les recherches conduites par les firmes semencières tendent à inclure un traitement des zones refuges (traitement chimique ou biologique).
De plus, de récent travaux de l'INRA[16] ont montré que la pyrale se déplace peu, ce qui remet en question cette méthode de lutte contre la résistance. Les semenciers s'efforcent de « mettre à jour » leurs semences avec l'adjonction d'autres protéines actives sur la pyrale (Cry1Ac par exemple) et aussi de faire produire de fortes concentrations de protéine insecticide de façon à ralentir la survenue de résistance. Néanmoins, personne ne considère que ces OGM constituent une solution permanente qui ne sera pas un jour remise en question par le développement de résistance par l'insecte.
En 2011, des chercheurs de l'université de l'Iowa ont confirmé que la chrysomèle des racines du maïs était devenue résistante à la toxine bt Cry3Bb1[17] - [18]et mCry3A,. Il y a également eu apparition de résistances croisées entre ces deux toxines (Gassmann et al., 2013)[19].
En 2013, une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en France, de l'université du Nord-Ouest en Afrique du Sud, et du Centre international de physiologie et d'écologie des insectes (ICIPE) au Kenya ont montré une nouvelle forme de résistance chez les chenilles de Busseola fusca. Cette résistance est dominante génétiquement, rendant de facto la stratégie de zones refuges inopérante[20] - [21] - [22].
En revanche le maintien d'une population d'auxiliaires participe à la maîtrise de résistance aux protéines Bt: des travaux sur le brocoli montrent que l'apparition de résistance est bien contrôlé à un niveau acceptable dans un champ OGM contenant des zones refuges non traitées grâce à l'action des auxiliaires qui maintiennent une pression de sélection sur le ou les ravageurs visés par le Bt[23].
Contamination
Une autre inquiétude des écologistes est le mélange avec des semences classiques[24], via les croisements, qui rendrait impossible la coexistence avec d'autres types d'agricultures, comme l'agriculture biologique (qui proscrit l'usage d'OGM).
Les apiculteurs de l'Union nationale de l'apiculture française (UNAF) affirment quant à eux que la contamination du miel par les grains de pollen issu d'OGM entraînerait automatiquement son classement comme denrée impropre à la consommation, par application de la réglementation européenne sur la dissémination des OGM. C'est entre autres grâce à leur lobbying que le gouvernement décide de prolonger l'interdiction de la culture du maïs MON 810 de Monsanto[25] - [26]. Le SPMF (Syndicat des Producteurs de Miel de France) considère lui, que la contamination du miel via le pollen est une vue de l'esprit, étant donné le faible nombre de grains de pollen présents dans le miel, bien inférieur à la limite des 0,9 % pour les OGM autorisés dans l'Union européenne [27].
Risques sanitaires
Les cultures OGM peuvent potentiellement provoquer bien plus de réactions allergiques que les cultures issues de croisements conventionnels[28].
Une étude canadienne publiée dans le journal Reproductive Toxicology [29] a identifié la présence de la toxine Bt dans le sang des mères et des fœtus. L'étude a conclu que la protéine insecticide Bt traverse la barrière du placenta. D'autres études ont lié la toxine Bt au cancer et à l'endommagement des cellules du rein et d'autant plus fortement quand la toxine est associée au désherbant Roundup (glyphosate)[30].
Les producteurs d’OGM utilisent des gènes de résistance aux antibiotiques pour sélectionner les cellules végétales ayant intégré le transgène à exprimer (on parle de gène marqueur). Ces gènes, qui se retrouvent dans la plante qui sera consommée, posent donc question car leur utilisation pourrait induire le développement d’une résistance généralisée aux antibiotiques[31].
Alternatives
Pour les agronomes opposés à ce maïs, la meilleure solution pour lutter contre la pyrale est l'usage des insecticides, la limitation de la monoculture et l'usage de la rotation des cultures qui permettrait de casser le cycle de vie de la pyrale (bien que la pyrale attaque d'autres plantes comme le haricot, les dégâts sont bien moindres et la chose est relativement facile à mettre en place). Cette solution est difficile à envisager dans des zones où la maïs est la seule culture possible. Par exemple, la culture biologique du maïs se fait en veillant à la rotation des cultures, mais avec des rendements presque deux fois plus faible. La lutte biologique avec le trichogramme (guêpe parasitoïde très spécifique) est très efficace mais uniquement contre la pyrale. Environ 100 000 ha sont traités de cette façon en France.
Notes et références
- Fiche Uniprot/Swissprot : cry1Ab (en).
- James, C., « ISAAA Brief 41, Global Status of Commercialized Biotech/GM Crops: 2009 », ISAAA, Ithaca, New York, (consulté le )
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- Maud Buisine, « La lutte biologique : qu'en pensez-vous ? », Dossiers de l'environnement de l'INRA, no 19 (1999)
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- L’impossible maîtrise des contaminations
- Le Conseil d'État avait suspendu en novembre 2011 les arrêtés de 2007 et 2008 interdisant la culture du maïs MON 810, estimant que le ministère de l'Agriculture n'avait pu « justifier de sa compétence » et « [apporter] la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement ».
- Sophie Louet, « Le maïs transgénique Monsanto 810 reste interdit en France », Le Point, (lire en ligne).
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- https://www.uclm.es/Actividades/repositorio/pdf/doc_3721_4666.pdf
- http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jat.2712/abstract
- Eric MEUNIER, « UE - OMS contre AESA : des experts mondiaux s'affrontent sur les gènes de résistance aux antibiotiques dans les PGM – Inf'OGM », sur Inf'OGM, (consulté le ).
Voir aussi
Article connexe
Liens externes
- Veille citoyenne d'informations critiques sur les OGM, et notamment les plantes transgéniques, dont le maïs Bt
- Déclaration de risques de Christian Vélot scientifique et chercheur en biologie moléculaire
- Deux avis divergents sur le maïs OGM Monsanto 810, OGM: Monsanto regrette l'avis du HCB, Le Figaro, .