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MĂ©likats du Karabagh

Les mélikats du Karabagh sont les sept mélikats (de mélik, en arménien Մելիք, « prince », de l’arabe malik, « roi ») situés sur le territoire du Karabagh et partiellement sur celui de la Siounie[1]. Khatchen, Goulistan, Jraberd, Varanda, Dizak, Tzar et Gardam sont des principautés autonomes qui perdurent jusqu’à l’annexion par l’Empire russe au début du XIXe siècle et qui trouvent leur origine dans la principauté de Khatchen, un ancien État féodal arménien qui occupe la région à partir du Xe siècle.

Histoire

Origine

Le démembrement de la principauté de Khatchen trouve son origine lors du partage de son territoire entre les quatre fils de Hasan Ier le Grand, mort en 1201, à son abdication en 1182[2]. Les petites principautés arméniennes bénéficient de la bienveillance relative des Mongols, avant d'être dépossédés de leurs terres puis d'être restaurés par la dynastie des Qara Qoyunlu sous Djanhan Chah après 1441, jusqu'à leur intégration dans le royaume séfévide en 1502[2].

PĂ©riode perse

Les cinq mélikats au XVIe siècle.

En 1603/1606, le Chah sĂ©fĂ©vide Abbas Ier reconnaĂ®t leur statut spĂ©cial de semi-indĂ©pendance. Il favorise mĂŞme la prise de contrĂ´le du « mĂ©likat de Varanda » par Schahanazar Ier de Geghan (1578-1608). Ă€ la suite de l’effondrement de la dynastie sĂ©fĂ©vide et de l’intervention ottomane dans l’est de la Transcaucasie, les mĂ©likats jouissent après l’insurrection de David Bek (mort vers 1727) d’une courte pĂ©riode d’indĂ©pendance entre 1722 et 1730.

Nâdir Châh confirme ensuite lui aussi l’autonomie de la région sous le nom de Khamsa (« les cinq ») et constitue une petite principauté sur laquelle règnent le mélik Yegan ou Avan de Dizak (mort en 1744) puis, comme souverains titulaires, ses deux fils, Aram et Yesaï (mort en 1781).

Les troubles reprennent en Iran après la disparition de Nâdir Châh. Ils permettent au khan du Karabagh de se faire accorder la suzerainetĂ© directe sur les mĂ©likats armĂ©niens. La rivalitĂ© entre les mĂ©likats, qui disposent chacun d’une force comprise en 3 000 et 5 000 hommes, les empĂŞche de devenir une puissance rĂ©gionale chrĂ©tienne capable de s’opposer aux musulmans, mais l’instabilitĂ© de la Perse les oblige Ă  oublier leur dissensions pour rĂ©clamer de l’aide Ă  la Russie et mĂŞme Ă  l’Europe occidentale.

Acquisition russe

Une note de la Chancellerie russe de décembre 1798 citée par Georges Bournoutian décrit la répartition des méliks du Karabagh au moment où ces derniers demandent la protection de l’Empire russe contre Ibrahim Khalil, khan du Karabagh, le fils de Panah Khan, qui s'était emparé de Gandzasar, avait emprisonné puis fait tuer le patriarche Hovhannès Hasan Jalalian et le mélik Vakhtam de Dizak[3] :

  • « Le premier mĂ©lik est Jamshid fils de mĂ©lik Shahnazar dont le district est nommĂ© Varanda et qui inclut la forteresse de Shushi. Son fils et yĂĽzbasi est ici avec lui Ă  Saint-PĂ©tersbourg.
  • Le deuxième mĂ©lik est Abov fils du mĂ©lik Hovsep dont le district est Ikirmidort avec la forteresse de Goulistan. Il s’est rĂ©fugiĂ© avec beaucoup de ses gens en GĂ©orgie oĂą il fait partie de la cour du roi Georges. Son neveu Fireydun est ici avec le mĂ©lik Jamshid.
  • Le troisième mĂ©lik est Rostom fils du YĂĽzbasi Alaverdov. Rostom règne de fait Ă  Jraberd. On considĂ©rait ce mĂ©likat comme le plus important des cinq mais depuis le fils du mĂ©lik Mejlum (le petit-fils du mĂ©lik Adam) qui est trop jeune — Rostom est son rĂ©gent — MĂ©lik Jamshid est pour l’instant le chef des mĂ©liks.
  • Le quatrième mĂ©lik est le mĂ©lik Abas fils du mĂ©lik Vakhtam dont le district est nommĂ© Dizak.
  • Le cinquième mĂ©lik est le mĂ©lik Alaverdi fils du mĂ©lik Mirza Khan dont le district est Khatchen.
  • Les mĂ©liks ci-dessus ont des subordonnĂ©s nommĂ©s yĂĽzbasis qui sont des commandants hĂ©rĂ©ditaires et reçoivent des allocations des mĂ©liks. »

À la suite de la Guerre russo-persane de 1804-1813, le Chah de Perse doit abandonner aux Russes une grande partie du Caucase du sud, incluant les khanats de Karabagh et de Gandja. Le traité de Golestan signé le dans la forteresse de Goulistan au Karabagh est la base de la présence russe en Transcaucasie. Elle amène la disparition progressive des mélikats et du catholicosat d’Albanie du Caucase, dont le dernier titulaire, Sargis II Hasandjalaliantz (1794-1815), mort en 1828, est destitué[4].

La guerre russo-persane de 1826-1828 se termine par le traité de Turkmanchai signé le . Selon les clauses de cet accord, les khanats d’Erevan et de Nakhitchevan sont donnés à l’Empire russe. Cette acquisition complète le contrôle russe sur l’Arménie orientale.

Les mélikats

La chronologie et les filiations des méliks du Karabagh restent incertaines. Les listes ci-dessous sont celles retenues par Cyrille Toumanoff dans ses travaux[5].

MĂ©likat de Khatchen

Les mĂ©liks de Khatchen sont les Hasan-Jalalian, nommĂ©s par Cyrille Toumanoff « Hasan Djalalides Â». Il s’agit des hĂ©ritiers directs de la branche aĂ®nĂ©e de la dynastie de Siounie, descendants de Djalal Ier Daula Hasan II (ca. 1214-1265), qui règne sur la principautĂ© de Khatchen[6]. Les Hasan-Jalalian contrĂ´lent le centre et le nord du Karabagh, autour des forteresses d’Akana et de Haterk. La dynastie accapare Ă©galement le siège du catholicosat d’Albanie du Caucase, en contrĂ´lant l’évĂŞchĂ©-monastère de Gandzasar, lieu de leurs sĂ©pultures familiales.

Liste des méliks de Khatchen

MĂ©likat de Dizak

Les membres de la famille Avanian, dits « Avanides Â» par Cyrille Toumanoff[7], sont mĂ©liks de Dizak. Ils sont issus de Vasak-Smbat, le fils cadet de Hasan Ier le Grand, le grand-père de Djalal Ier Daula Hasan II, et sont donc ainsi une branche collatĂ©rale de la dynastie de Siounie[8]. Ils reçoivent en partage les domaines de la rĂ©gion de K't'ish, le futur Dizak, c’est-Ă -dire le tiers sud du Khatchen, la vieille principautĂ© de K't'ish-Baghk', reçue par Djalal Ier Daula-Hasan II au XIIIe siècle lorsqu’il Ă©pouse Sempan-Mamkan, la fille du dernier roi de Baghk[9].

La place forte des Avanian est le village de T'ogh, et leur domaines comprennent le monastère d’Amaras, grand centre de pèlerinage d’Albanie du Caucase et endroit où est censé avoir été inhumé Grigoris, l’évangélisateur de l’Albanie du Caucase, un petit-fils de Grégoire Ier l'Illuminateur. Cet ensemble constitue le mélikat de Dizak.

Liste des méliks de Dizak
  • 1261 : Vakhtank Ier, fils de Vasak-Smbat ;
  • 1280 : Avan Ier, son fils ;
  • 1310 : Gabriel, son fils ;
  • 1346 : Abas Ier, son fils ;
  • 1380 : Ischkhan, son fils ;
  • 1411 : Barkhoutar, son fils ;
  • 1438 : Djalal, son fils ;
  • 1478 : Khoumar/Qorkhmaz Ier, son fils ;
  • 1500 : Velidjan, son fils ;
  • 1530 : Pap, descendant Ă  la 6e gĂ©nĂ©ration de Thomas, fils d'Avan Ier ;
  • 1566 : Alam, son fils ;
  • 1566 : Parschik, son fils ;
  • 1580 : Soudjoum, son fils ;
  • 1600-1606 : Avan II, son fils ;
    • 1606-1716 : annexion par les OuloubĂ©kide-Schahnazarides ;
  • 1716-1744 : Avan III ou Yegan, arrière-petit-fils d'Avan II de Dizak;
  • 1744-1747 : Aram, son fils ;
  • 1747-1781 : Yesai Ier, son frère ;
  • 1781-1799 : Bakhtam, fils d'Aram ;
  • 1799-1828 : Abas II, son fils.

MĂ©likat de Goulistan

La maison des Beglarian, mĂ©liks du Goulistan, reprĂ©sente la troisième dynastie issue de la dynastie des Siounides de Khatchen. Elle est nommĂ©e par Cyrille Toumanoff « Haykides-Aytinides-Abovides-BĂ©glarides », ce qui rĂ©sume assez bien son origine[10].

Elle prĂ©tend ĂŞtre issue du prince Kara Grigor, i.e. GrĂ©goire le Noir vers 1205 (le troisième fils de Hasan Ier le Grand), et de sa femme Chouchan-Dop', fille de Sargis II, prince Zakarian[8]. Leurs descendants, connus sous le nom de « Dop'eank' Â» ou « Dopian », reçoivent le Goulistan, dans l’extrĂŞme-nord du Karabagh, ainsi que la grande forteresse de ce nom[2].

Liste des méliks de Goulistan
  • Mort en 1632 : Abov Ier le Noir ;
  • 1632 : BĂ©glar Ier, son fils ;
  • mort en 1728 : Abov II le Boiteux, son fils ;
  • 1728-1760 : Thamraz, son frère, prĂ©tendant ;
  • 1728-1775 : Joseph Ier, fils d'Abov II ;
  • 1775-1776 : BĂ©glar II Agha Joseph II, son fils ;
  • 1776-1808 : Abov III Agha, son frère ;
  • 1808-1808 : Pridon, fils de BĂ©glar II ;
  • 1808-1808 : Minas Beg, fils d'Abov III ;
  • 1808-1826 : Joseph III, fils de Pridon.

MĂ©likat de Jraberd

La maison des Israelian, mĂ©liks de Jraberd, est la seule des cinq principales dynasties des mĂ©liks Ă  ne pas ĂŞtre originaire du Karabagh. Les mĂ©liks sont issus d’un prince Proch qui sert sous Houlagou Khan. Ils sont peut-ĂŞtre Ă©galement liĂ©s Ă  la dynastie de Siounie selon Cyrille Toumanoff, qui les dĂ©nomme « Haykazides-IsraĂ©lides Â»[11] car ils sont issus des mĂ©liks de Zangezour en Vayots Dzor.

Melik Haykaz (Isaïe) vient au Karabagh en 1687, lorsque les Hasan-Djalalides lui donnent la vieille forteresse de Ch'raberd, au confluent des rivières Terter et T'rghin, avec la région environnante.

Liste des méliks de Jraberd
  • 1687-1725 : IsaĂŻe Ier ;
  • 1725-1755 : Allahqouli Sultan, son fils ;
  • 1761-1780/1782 : Adam Ier, son fils ;
  • 1780/1782-1796 : MĂ©djloum, son fils ;
  • 1796-???? : Allahverdi Ier, son frère ;
  • ????-???? : Adam II, fils de MĂ©djloum, nĂ© en 1785, de jure ;
  • 1800 : Rostam, fils d'Allahverdi Ier, vice-rĂ©gent en 1796 ;
  • 1800 : Rovscham, son fils ;
  • 1800-1812 : Allahverdi II, son fils.
Atabégides
  • 1812-1854 : Vani Ier (Ivane Atabekian, 1766-1854).

MĂ©likat de Varanda

Le mélik Schahnazar Ier de Gegham (Gegharkunik) obtient les faveurs du souverain séfévide Abbas Ier pour son appui pendant les expéditions de ce dernier contre les principautés géorgiennes. Il est récompensé par l’obtention de territoires supplémentaires : Varanda, Gardman, et le nord du Goulistan.

La maison des Shahnazarian, dĂ©nommĂ©e par Cyrille Toumanoff « Haykides-OuloubĂ©kides-Schahnazarides »[6], donne les mĂ©liks de Varanda, avec leur capitale dans le village d'Avetaranots. Ils règnent sur la partie sud du Karabagh. Chah Abbas Ier semble avoir dĂ©tachĂ© ce district des possessions des mĂ©liks de Khatchen ou de ceux de Dizak.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le mélik Shahnazar III de Varanda (1750-1791), après avoir fait assassiner son frère et prédécesseur Houssein II, n’hésite pas à s’allier avec Panah Ali Khan, le chef de la tribu turcomane des Djevanshirs, lors d’une guerre contre les méliks arméniens Adam Ier de Jraberd et Joseph Ier de Goulistan, ce qui entraîne le crépuscule de l’autonomie des mélikats du Karabagh et l'établissement du khanat du Karabagh.

Liste des méliks de Varanda
  • 1261-1606 : cf. les mĂ©liks de Dizak ;
  • 1606-1608 : Schahnazar Ier de Geghan (1578-1608) ;
  • 1608-1630 : Mirza Ier Beg, son frère ;
  • 1630-1644 : Balin, son fils ;
  • 1644-1682 : Schahnazar II, son fils ;
  • 1682-1736 : Houssein Ier, son fils ;
  • 1736-1747 : Mirza II Beg, son fils ou son neveu ;
  • 1747-1750 : Houssein II, fils de Houssein Ier ;
  • 1750-1791 : Schahnazar III, demi-frère du prĂ©cĂ©dent ;
  • 1791-1805 : Houssein III, son fils ;
  • 1791-1799 : Djimsched Bek, son frère ;
  • 1805-1822 : Djahanbakhsch, son frère ;
  • 1822-1828 : Khoudoud, fils de Djimsched.

MĂ©likat de Gardam

Selon Cyrille Toumanoff ils sont issus comme les Shahnazarian, des « Haykides-Ouloubékides-Schahnazarides » [12]. Le premier mélik connu est Pir Hamza vers 1549 fils d'Elisée lui-même fils cadet de Mirzadan le Juste vers 1490 un descendant de Shahinshah auteur de la dynastie des méliks de Gegham (Gegharkunik).

Dynastes de Tzar

Selon Cyrille Toumanoff, les « dynastes de Tzar », dont il ne donne ni la chronologie ni la filiation, sont issus d’un prince Hasan, cousin de Shahinschah et d’Aboughougha, descendants du prince Vasak-Smbat et ancĂŞtres respectifs des « OuloubĂ©kides-Schahnazarides » et des « Aytinides-Abovides-Berglarides »[6]. Robert Hewsen penche quant Ă  lui pour un rattachement aux Dopian de cette branche qu'il nomme « Dchahanchahides »[13].

Notes et références

  1. Cyrille Toumanoff considère que les mélikats du Karabagh sont au nombre de cinq plus les dynastes de Tzar. Gérard Dédéyan en compte sept en y ajoutant Tzar et Gardam
  2. Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Privat, Toulouse, 2007 (ISBN 978-2-7089-6874-5), p. 415.
  3. (en) Georges A. Bournoutian, Russia and the Armenians of Transcaucasia 1797-1889, Mazda Publishers, 1998 (ISBN 1-56859-068-7), p. 29-30.
  4. Albert Khazinedjian, L’Église arménienne dans l’œcuménisme, Harmattan, 2002 (ISBN 2-7475-2862-6), p. 201.
  5. Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrétienne de l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle : Tables généalogiques et chronologiques, Rome, .
  6. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 240.
  7. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 239, 528-529.
  8. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 238.
  9. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 239.
  10. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 240 & 529-530.
  11. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 529.
  12. Cyrille Toumanoff, op. cit., p. 247.
  13. Gérard Dédéyan (dir.), op. cit., p. 416.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Georges A. Bournoutian, Russia and the Armenians of Transcaucasia 1797-1889, Mazda Publishers, 1998 (ISBN 1-56859-068-7).
  • Antoine Constant, l’AzerbaĂŻdjan, Karthala, 2002 (ISBN 2-84586-144-3), p.160-166 & 174-181.
  • GĂ©rard DĂ©dĂ©yan (dir.), Histoire du peuple armĂ©nien, Privat, Toulouse, 2007 (ISBN 978-2-7089-6874-5), p. 414-419.
  • (en) Patrick DonabĂ©dian, Claude Mutafian, The Caucasian knot: The history and geopolitics of Nagorno-Karabagh, Zed Books, 1994 (ISBN 1-85649-288-5), p. 64-79.
  • Cyrille Toumanoff, Les dynasties de la Caucasie chrĂ©tienne de l'AntiquitĂ© jusqu'au XIXe siècle : Tables gĂ©nĂ©alogiques et chronologiques, Rome, , p. 239-240, 245-255, 528-530, 540-541.

Lien externe

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