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David Bek

David Bek, Davit Bek, Dawit Bek ou Davith Beg (en arménien Դավիթ Բեկ ; mort entre 1726 et 1728 à Halidzor, peut-être le ) est un chef de guerre arménien qui réussit à créer au début du XVIIIe siècle un petit État arménien quasi indépendant en Artsakh et au Syunik, entre l’Iran et l’Empire ottoman. Il est l'une des figures principales du mouvement arménien de ce siècle[1].

David Bek
David Bek
Monument Ă  David Bek, Kapan.

Décès 1726/1728
Halidzor
Années de service 1714 – 1726/1728

Biographie

Luttes locales

David Bek, issu d’une famille noble de mĂ©liks de la rĂ©gion de Tatev en Siounie, apparaĂ®t dans l’histoire en 1714 en combattant les Lezguiens pour le compte du roi Vakhtang VI de Karthli, avec le statut de gĂ©nĂ©ral[2]. Après l’échec, Ă  la suite de la dĂ©fection de la Russie, de la prise d’armes des Caucasiens chrĂ©tiens organisĂ©e par ce roi Ă  Gandja en [3], David Bek obtient son autorisation de regagner ses domaines avec 400 hommes. Ă€ cette Ă©poque en effet, les ArmĂ©niens du Zanguezour et du Karabagh doivent subir les agressions de leurs voisins, des khans turcomans et des seigneurs iraniens locaux, vassaux de l’Iran sĂ©fĂ©vide, du fait de leur engagement aux cĂ´tĂ©s du roi de Karthli[4].

David Bek constitue une petite armĂ©e en incorporant les troupes des seigneurs fĂ©odaux de la rĂ©gion, tel MĂ©khitar qui prend le titre de sparapet[5] ; puis, après l’avoir brièvement emprisonnĂ©, il obtient Ă©galement le ralliement de son beau-père, le mĂ©lik Pharsadan II de Kapan (1690-1725), et de ses fils, d’un certain Ter AvĂ©tis (ou Ter AvĂ©tik) de Halidzor, qui devient l’un de ses principaux lieutenants, ainsi que de Hovhannès, un chef de la province de Gougark. Il est Ă©galement rejoint par le YĂĽbashi mĂ©lik Avan III de Dizak (1716-1744) du Karabagh Ă  la tĂŞte de 2 000 hommes.

Dans un premier temps, il bat et fait décapiter après les avoir fait abjurer un mélik renégat, Baghri (ex-David), et son fils Chah Qouli. Il se tourne ensuite contre Fath Ali Khan Javenshir, de la tribu des Otouz Iki, gouverneur de Pargachad dans la région d’Erevan ; ce dernier s'était opposé à deux méliks arméniens, Fragoul et Thoros. Après avoir corrompu le premier, il dépossède le second[6]. En 1725, il remporte une première victoire sur Mékhitar avant d’être vaincu et tué par David lui-même en 1727. David Bek subit lui-même un revers dans son combat contre Aslamoz Qouli Khan, gouverneur de Nakhitchevan. Les seigneurs musulmans locaux du Karabagh et du Zanguezour sont néanmoins soumis[2].

Lutte contre les Ottomans

En 1723, Ă  la tĂŞte d'une armĂ©e de 400 hommes, David Bek met en dĂ©route une tribue turque, les Karaçorlu, et Ă©tablit son quartier gĂ©nĂ©ral dans la citadelle de Shinuhayr[7]. En rĂ©action, une armĂ©e d'au moins 10 000 Turcs s'avance Ă  sa rencontre au sud du lac Sevan pour venger des Karaçorlu. Dans une bataille au rapport de force d'un contre vingt, David Bek parvient Ă  repousser ses ennemis[7]. La rĂ©putation que lui donne cette victoire lui permet d'obtenir de nombreux ralliements, montant ses troupes Ă  plus de 2 000 hommes[7]. En avril 1723, David Bek remporte de nouvelles victoires contre les sultans de Kapan et de Barcouchat, et le khan de la montagne norie, ce qui lui permet d'obtenir de nouveaux ralliements[7]. En juillet de l'annĂ©e suivante, David Bek attaque la citadelle d'Orotn, qu'il parvient Ă  prendre, et massacre la garnison ottomane[7]. Les mois suivants sont rythmĂ©s par des batailles incessantes sont les Ottomans : les prises de Dachtoum, de Meghri, et des monts Qazancoul et Caspel[7]. Après chaque conquĂŞte, il ordonne que le lieu soit fortifiĂ© pour se protĂ©ger d'une Ă©ventuelle contre-attaque de l'ennemi[7].

Toutefois, Ă  la fin de l'annĂ©e 1724, le sultan ottoman Ahmet III, qui voulait tirer parti du chaos dans lequel sombrait l’Iran des SĂ©fĂ©vides depuis l’invasion des Afghans en 1722, dĂ©cide de rompre l’accord de paix de 1639 et d’envahir l’est de la Transcaucasie. Ces dĂ©cision fait dĂ©ferler des milliers d'Ottomans vers la frontière est de l'empire, qui reprennent Erevan[7]. David Bek conclut un accord tacite de non-agression avec les forces iraniennes et mène des actions de guĂ©rilla contre les nouveaux envahisseurs, parfois assistĂ© d’un petit contingent iranien, de 1726[8]. En mars 1727, les Ottomans, dĂ©cidant d'en finir avec David Bek, attaque avec Ă  un contingent de 70 000 hommes la forteresse d'Halidzor oĂą ce dernier s'est retranchĂ©[7]. De nouveau en forte infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, il rĂ©ussit Ă  briser le siège en menant une sortie surprise et victorieuse avec seulement 300 hommes[7]. Ce nouveau succès lui attire la soutien du chah d'Iran Tahmasp II, devenu son alliĂ© objectif contre la sultan ottoman dont les ambitions expansionnistes menacent son territoire[7]. Meghr, qui avait Ă©tĂ© reconquise par les Ottomans, est attaquĂ©e par les Perses alliĂ©s Ă  David Bek, qui reprennent la ville, puis celle d'Ourdovar[7].

Mais malgré ses victoires, les Perses se replient rapidement, estimant que la menace turque a été repoussée loin de leur frontière[7]. Les troupes de David Bek, fatiguées et démotivées, se dispersent tandis que que les villes libérées par ce dernier commencent à envisager de profiter de cette position de force pour négocier la paix avec le sultan ottoman, quitte à se soumettre de nouveau à son aurotité[7]. David Bek meurt à Halidzor[9], a priori de maladie le selon Marie-Félicité Brosset[10] ; l’hypothèse d’un empoissonnement n’est toutefois pas écartée[11].

Succession

Après la mort de David Bek, ses officiers lui donnent comme successeur Mékhitar le sparapet[9]. Toutefois la discorde naît rapidement entre ses lieutenants.

Les Ottomans mettent à profit cette situation pour assiéger la place forte de Halidzor. Une partie des troupes arméniennes avec Ter Avétis décident de négocier une reddition[9] pendant que Mékhitar réussit à s’enfuir par les remparts. En 1730[9], une fois les portes de la citadelle ouvertes, les hommes du pacha turc pénètrent à l’intérieur, massacrent les combattants et capturent les femmes et les enfants pour les réduire en esclavage. Ter Avétis reçoit l’autorisation de s’exiler avec sa famille à Jérusalem et obtient le pardon du patriarche arménien local avant de mourir à Rome en 1742.

Mékhitar tente de son côté de se venger des Ottomans et massacre les gens d'Ordubad. Peu après, il est tué d’un coup de fusil par ses propres hommes dans son camp. Ses meurtriers lui coupent la tête et l’envoient au pacha de Tabriz, qui s’étonne de la traîtrise des Arméniens envers un si valeureux adversaire (1730). Ce meurtre sonne le glas définitif de la fragile construction politique mise en place par David Bek[9].

Notoriété posthume

David Bek devient rapidement un héros national et un personnage d’épopée[12]. Sa geste est composée à Venise, chez les pères mékhitaristes[9], à la demande de l’un de ses compagnons de combat, le vartaped Stéphannos, fils de Vardan Chahounian. Le texte est édité dès le début du XIXe siècle puis traduit en français et annoté par Marie-Félicité Brosset.

L’écrivain arménien Raffi fait de David Bek en 1882 le héros d’un roman historique homonyme qui sert d’argument en 1950 à un opéra du compositeur arménien Armen Tigranian (1879-1950)[12].

Le cinéma patriotique de l’Arménie soviétique n'est pas en reste et consacre à son épopée deux films, l’un de Hamo Beknazarian en 1944, et l’autre d'Edmond Keossaian en 1978. Ce dernier est connu sous le titre international de Star of Hope (en russe Zvezda nadezhdy, en arménien Mkhitar sparapet).

Le personnage fait toujours particulièrement référence dans le cadre du conflit du Haut-Karabagh[12].

Notes et références

  1. (hy) Vardan A. Parsamyan, « Դավիթ Բեկ » (« Davit Bek »), dans Encyclopédie soviétique arménienne, vol. III, Académie arménienne des sciences, 1977, p. 302-303.
  2. Razmik Panossian 2006, p. 112
  3. Dédéyan 2007, p. 459.
  4. Avec notamment le Catholicos d'Albanie du Caucase, IsaĂŻe Hasan Jalalian (1702-1728).
  5. « Généralissime », antique titre de commandant en chef des armées arméniennes déjà utilisé à la cour des rois arsacides.
  6. Louis-MaĂŻeul Chaudon, Dictionnaire historique, tome XI, Paris, 1822, p. 131.
  7. Jean-Christophe Buisson, « Davit Bek, le cavalier vengeur de l'Arménie », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  8. Razmik Panossian 2006, p. 113
  9. Dédéyan 2007, p. 460.
  10. « En l'an du seigneur 1728 arm 1177 (comm. jeudi 21 septembre 1727) » dans Marie-Félicité Brosset, Collection d’historiens arméniens, vol. 2, Saint-Pétersbourg, 1876, « Davith-Beg par le vartabied Stéphannos Chahoumian », p. 251.
  11. Gabriel Peignot, Dictionnaire historique et bibliographique abrégé, vol. I, partie 2, Paris, 1821, p. 754.
  12. Razmik Panossian 2006, p. 114

Voir aussi

Articles liés

Bibliographie

  • Marie-FĂ©licitĂ© Brosset, Collection d’historiens armĂ©niens, vol. 2, Saint-PĂ©tersbourg, 1876, « Davith-Beg par le vartabied StĂ©phannos Chahoumian », p. 223-255.
  • GĂ©rard DĂ©dĂ©yan (dir.), Histoire du peuple armĂ©nien, Toulouse, Éd. Privat, (1re Ă©d. 1982), 991 p. [dĂ©tail de l’édition] (ISBN 978-2-7089-6874-5)
  • (en) Razmik Panossian, The Armenians : from kings and priests to merchants and commissars, London, Hurst & Co, , 442 p. (ISBN 978-1-850-65788-0).
  • Gabriel Peignot, Dictionnaire historique et bibliographique abrĂ©gĂ©, vol. I, partie 2, Paris, 1821, p. 754.
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