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Lucien Hubert (homme politique)

Lucien Hubert, né le au Chesne (Ardennes), décédé le à Charleville (Ardennes), est un homme de lettres et homme politique français.

Lucien Hubert
Illustration.
Fonctions
Vice-président du conseil et Garde des Sceaux, ministre de la Justice
–
Gouvernement premier gouvernement de André Tardieu
Successeur Paul Reynaud
SĂ©nateur des Ardennes
–
Député des Ardennes
–
Biographie
Nom de naissance Lucien Hubert
Date de naissance
Lieu de naissance Le Chesne (Ardennes)
Date de décès
Lieu de décès Charleville (Ardennes)
Nationalité Française
Parti politique Parti républicain, radical et radical-socialiste

L'homme politique, député des Ardennes puis sénateur du même département, se montre très actif dans le domaine des Affaires Étrangères, mettant son esprit caustique au service de ses idées. Républicain, radical, il reste attaché à l'Empire colonial français et à une conception traditionnelle d'une Europe «civilisatrice», même s'il se montre soucieux d'améliorer la situation des populations indigènes et de lutter contre les abus. Au-delà de l'action militaire et administrative dans les colonies, il met l'accent sur la diffusion de la langue et de la culture française. Pacifiste, il consacre beaucoup de son temps à l'Europe et à l'Allemagne.

Il est délégué de la France à la Société des Nations puis ministre de la Justice pendant quelques mois, en 1929-1930.

Écrivain, chansonnier, journaliste

Il suit des études à Paris, à l’École coloniale, 2, avenue de l'Observatoire[1].

Cet étudiant parisien a une vie de bohème et fréquente le milieu littéraire et artistique, dont Paul Verlaine, Frédéric-Auguste Cazals et Gustave Le Rouge[2].

Il est aussi chansonnier pendant ses jeunes années, se commettant notamment dans la convivialité du Caveau Latin, rue Gay-Lussac, et au Caveau du Soleil d'or, aux fameuses soirées de la Plume avec Jean Moréas et Léon Deschamps[3]. Puis, continuant à tirer parti de ses talents littéraires, de son humour et de son esprit caustique, il devient journaliste, activité peut-être plus lucrative.

Député des Ardennes

En 1897, nouveau tournant, il se présente à des élections législatives anticipées, dans sa région d'origine, à la suite du décès d'un député républicain, Edmé Bourgoin.

Il est élu. Âgé de moins de trente ans, il commence une longue carrière politique. Il restera député des Ardennes jusqu'en 1912. Il est en effet réélu en , en , en mai 1906 puis en [4].

Il se marie le avec une jeune ardennaise de dix ans sa cadette, Berthe Constance Honorine Delbeck, fille du maire d'Autruche.

Républicain radical, il s'inscrit en 1905 au groupe de l'Union démocratique. Spécialiste des affaires étrangères et des colonies, il est à plusieurs reprises rapporteur à la Chambre sur des questions, des projets et des budgets relatifs à ces territoires, à l'agriculture, mais aussi aux poudres et salpêtres, et aux établissements d'artillerie. Il est chargé de quelques missions à Londres, Bruxelles, Berlin.

En 1905 toujours, bien qu'attaché à l'Empire colonial français et resté dans une vision très traditionnelle des rapports entre l'Europe «civilisatrice» et les peuples colonisés[5], il apporte son soutien, avec Paul Viollet, Francis de Pressensé, Gustave Rouanet et Georges Clemenceau, à un comité de protection et de défense des indigènes, réagissant contre des pratiques illégales et des abus au Congo[6].

Militant au sein de la Mission laïque française, il met l'accent sur l'importance de la diffusion de la culture française dans les territoires d'outre-mer[7] - [8], dans un contexte de concurrence coloniale avec l'Allemagne, et à un moment où le géographe Onésime Reclus invente le concept de francophonie.

Il observe l'évolution de l'Allemagne, s’inquiète de sa puissance économique et de son influence accrue à l'international. Le passionné de littérature regrette aussi la disparition du mouvement romantique, porté au sommet par l'élite intellectuelle de ce pays durant le siècle précédent[9]. Dans sa conférence à Berlin à la Deutsche Kolonialgesellschaft, en , il plaide pour un rapprochement économique et financier, et une association d'intérêts entre les deux pays[10].

SĂ©nateur et ministre de la Justice

Lucien Hubert dans L'Éclaireur de l'Est.

En 1912, juste avant la première guerre mondiale, il opte pour la Chambre Haute et est élu effectivement sénateur des Ardennes[11]. Pendant la guerre de 1914-1918, il est désigné comme contrôleur aux armées pour l'artillerie et les munitions. Il est également membre des commissions de la défense nationale et des finances. Son épouse, membre très active du Comité Ardennais, s'efforce de venir en aide aux réfugiés ardennais en région parisienne et s'emploie auprès de pays neutres à apporter de l'aide aux populations restées sur place, dans les Ardennes, département entièrement occupé[12].

À la fin de la guerre, il découvre son département complètement dévasté et participe à l'effort de reconstruction. Le , il accueille Georges Clemenceau visitant le Vouzinois.

Réélu le puis le , il est rapporteur du budget des Affaires étrangères pendant sept ans de suite, ainsi que du budget des colonies.

En , Lucien Hubert, en tant que sénateur et président du Conseil général accueille, en compagnie de Maurice Bosquette, son successeur comme député de Vouziers, le maréchal Pétain à Buzancy pour l’inauguration de la nouvelle statue du général Chanzy. Il accueille le même mois le président du conseil, Raymond Poincaré, à Charleville, dans un déplacement qui fera la une des journaux nationaux et étrangers, en pleine occupation de la Ruhr[13].

En 1925, il devient président de la commission des affaires étrangères, des colonies, des régions libérées du Sénat, président du Conseil économique des colonies, et président du Comité France-Belgique.

En 1929, il écrit ce quatrain resté fameux au ministre de l'Agriculture qui voulait interdire une technique de chasse pratiquée en Ardennes, la tenderie aux grives [14]:

« Tu veux nous supprimer la tenderie aux grives
Ton idée, ô ministre, est loin d'être une perle
Car si de nos oiseaux préférés tu nous prives
C'est pour te consoler de n'être, hélas, qu'un merle! »

Il n'a donc pas oublié sa terre d'origine, les Ardennes, et cumule d'ailleurs ses mandats nationaux avec des mandats politiques plus locaux. Il est en particulier conseiller général du canton du Chesne de 1903 à 1938, et président du Conseil général des Ardennes de 1924 à 1938.

Il est aussi administrateur des colonies, et délégué de la France à la Société des Nations, conformément à ses convictions pacifistes[15] puis ministre de la Justice et Vice-président du Conseil du au dans le premier gouvernement de André Tardieu.

Il accepte à la même époque la vice-présidence de l'Association des Amis de Rimbaud, le président étant le poète Henri de Régnier, ce qui lui vaut dans le numéro 12 de la revue La Révolution surréaliste une lettre d'«Arthur Rimbaud à Monsieur Lucien Hubert, ministre de la Justice», illustrée d'une reproduction d'un tableau de Salvador Dalí, Les Plaisirs illustrés. On ne sait pas, par contre, qui tient le rôle d'Arthur Rimbaud pour écrire dans cette lettre (extrait) :

« À propos, qui est donc ce Monsieur Rénier, votre supérieur hiérarchique par rapport à mon amitié? Sans doute un gros bonnet caropolmerdis, comme vous. C'est inouï ce que je commence à être bien vu des épicemards du Lieu. Les sots que vous gardez ne vous avaient sans doute pas dit qui j'étais. Ministre, je ne suis pas un bronze à inaugurer. Je suis de la canaille[16] ».

Nul doute que Lucien Hubert ait apprécié l'ironie de la situation, lui, l'ancien poète devenu le notable caropolmerdis.

Réélu en 1931, toujours comme sénateur des Ardennes, il est désigné en 1933 premier vice-président du Sénat. Il siège au Sénat jusqu'à sa mort en 1938. Constatant la montée du nazisme en Allemagne, il participe au Comité national de secours aux réfugiés allemands victimes de l'antisémitisme[17]. Membre du parti colonial, il préside avant sa mort le Conseil supérieur de la France d'outre-mer.

Il décède en 1938 à Charleville.

Ĺ’uvres

Il publie tout d'abord aux éditions Léon Vanier des poésies, chansons et textes divers, des plaquettes amusantes selon l'expression de Frédéric-Auguste Cazals et Gustave Le Rouge [2]: Heures folles (recueil de poésie publié en 1888)[18], La légende du champagne : fantaisies en vers (1890), Conte pour un petit roi (prose publiée en 1892)[18], Fables-express (1892), En attendant mieux, Rimes d'amour et d'épée[11], Missel pour les jolies parisiennes[19].

Il publie aussi différents textes sur l'histoire coloniale dont : La conquête du Congo: voyages émouvant et aventures dramatiques des explorateurs belges en Afrique, Éditions P.Maes, 1894.

Entré en politique et devenu une personnalité incontournable des Ardennes, de la chambre des députés puis du Sénat, les thèmes évoluent. Il se consacre à des ouvrages d'analyse politique sur ses domaines de prédilection, l'agriculture, les colonies, l'Allemagne, la politique étrangère de façon générale, et les Ardennes:

  • Politique africaine, Éditions Dujarric, 1904.
  • L'agriculture et la RĂ©publique, prĂ©face de Joseph Ruau, Librairie d'Ă©ducation nationale, 1906.
  • L'Afrique occidentale française: ConfĂ©rence faite Ă  Berlin, le , Éditions A.Challamel, 1907.
  • L'Ă©veil d'un monde: l’œuvre de la France en Afrique occidentale, Éditions FĂ©lix Alcan, 1909.
  • Politique extĂ©rieure. La jeune Turquie. La France et l'Europe, Éditions FĂ©lix Alcan, 1911.
  • L'effort allemand. l'Allemagne et la France au point de vue Ă©conomique, Éditions FĂ©lix Alcan, 1911.
  • Avec ou contre l'Islam, 1913.
  • L’effort brisĂ© : la situation Ă©conomique de l'Allemagne Ă  la veille de la guerre, 1915.
  • La question persane et la guerre: la rivalitĂ© anglo-russe en Perse : l'effort allemand : la politique persane : l'influence française, avec la collaboration de Gustave Demorgny, Éditions Payot, 1916.
  • Une politique coloniale: le salut par les colonies, politique coloniale, les colonies pendant la guerre, politique islamique, politique marocaine, Éditions FĂ©lix Alcan, 1918.
  • L'Islam et la guerre, Éditions A.Challamel, 1918.
  • L'Allemagne peut payer: tableau gĂ©nĂ©ral de la richesse allemande prĂ©sentĂ© par la Dresdner Bank, Berlin le , Éditions Grasset, 1919.
  • Les partis politiques et la rĂ©volution russe, avec la collaboration de Gustave Demorgny, Éditions Payot, 1919.
  • Ce qu'il faut connaĂ®tre de nos ressources coloniales, Éditions Boivin & Cie, 1928.

Il dédie également un ouvrage à deux auteurs ardennais :

  • Deux Ardennais: Hippolyte Taine, Arthur Rimbaud, Éditions A.Messein, 1928.

Notes et références

  1. Les bâtiments de l’École coloniale, 2 rue de l'Observatoire à Paris, abritent désormais l'ENA qui a absorbé l'Institut international d’administration publique, institut issu de cette École. Se référer à l’article Wikipedia sur l’École coloniale
  2. Frédéric-Auguste Cazals,Gustave Le Rouge,Les derniers jours de Paul Verlaine, préface de Maurice Barrès, Slatkine, 1983 (ISBN 2-05-100492-7) Ouvrage en ligne,
    fac-simile de l'Ă©dition de Paris, Mercure de France, 1923
  3. Michel Herbert, La Chanson à Montmartre, Éditions de la Table Ronde, 1967
  4. Page consacrée à Lucien Hubert sur le site de l'Assemblée Nationale
  5. Pierre Mollion, Sur les pistes de l'Oubangui-Chari au Tchad: 1890-1930, Éditions L'Harmattan, 1992, (ISBN 2738407854) Ouvrage en ligne p.244
  6. Pierre Mollion, Sur les pistes de l'Oubangui-Chari au Tchad: 1890-1930, Éditions L'Harmattan, 1992, (ISBN 2738407854) Ouvrage en ligne p.249
  7. Sylvie Guillaume, Les associations dans la francophonie, Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine, 2006, (ISBN 2-85892-335-3) Ouvrage en ligne
  8. Randi Deguilhem, Exporter la France laïque dans la Méditerranée ottomane : le projet colonial de la mission laïque française, dans l'ouvrage collectif Une France en Méditerranée. Écoles, langue et culture françaises XIXe-XXe siècles, sous la direction de Patrick Cabanel, Créaphis, 2006
  9. Lucien Hubert, L'effort allemand. l'Allemagne et la France au point de vue économique, Éditions Félix Alcan, 1911, pp.227-230
  10. Lucien Hubert, L'Afrique occidentale française: Conférence faite à Berlin, le 15 mars 1907, Éditions A.Challamel, 1907
  11. Page consacrée à Lucien Hubert sur le site du Sénat
  12. Revue Le Monde illustré, 20 août 1922, Le sauvetage des ardennais pendant et après l'occupation, par Charles Boutet, pp.16-17
  13. Visite de Raymond Poincaré à Charleville-Mézières, le 19 août 1923
  14. Bernard Chopplet, Ardennes, Terres de chasse, Éditions Noires Terres, 2002, (ISBN 2-915148-00-7)
  15. Site du conseil général des Ardennes - Revue Les Ardennes en marche - page 34
  16. La Révolution surréaliste, numéro 12, 1929, p.29 Revue en ligne, aller à la page 29
  17. Ouvrage collectif avec notamment des contributions de Gilbert Badia, Jean-Baptiste Joly, Jacques Omnès, Les bannis de Hitler, Éditions Presses Universitaires de Vincennes, 1984, (ISBN 2-85139-074-0), 1984 Ouvrage en ligne p.382 avec la liste des membres du Comité national de secours aux réfugiés allemands victimes de l'antisémitisme
  18. Article de Gérald Dardart du 27 mai 2010 dans la revue de la ville de Charleville-Mézières, Carolo'Mag, consacré à la rue Lucien Hubert
  19. Ouvrage en ligne, Qui ĂŞtes-vous?: Annuaire des contemporains

Annexes

Sources

  • « Lucien Hubert (homme politique) », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960

Liens externes

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