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Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires du 5 décembre 1968

La loi du sur les conventions collectives du travail et sur les commissions paritaires a été publiée au Moniteur belge le et est entrée en vigueur le [1].

Paul Vanden Boeynants, Premier Ministre de 1966 Ă  1968
Page de garde du projet de loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, le 7 février 1968

Le projet a Ă©tĂ© portĂ© par le gouvernement Vanden Boeynants I[2]avec pour objectif d’accorder un statut juridique aux conventions collectives et aux commission paritaires ainsi que de hiĂ©rarchiser les sources des obligations dans la relation de travail. 

Contexte historique

La création de la loi du sur les conventions collective s’inscrit dans le mouvement contestataire qui souffle sur l’Europe entière, notamment à Paris avec les événements de mai 68. L’adoption de ladite loi est la concrétisation d’un combat social mené tout au long du XXe siècle et ce, dès la fin de la première guerre mondiale où les premières conventions collectives voient le jour dans différents secteurs d’activité. Ces conventions lieront les travailleurs et les patrons des différents pôles majeurs de l’industrie, tels que les rassemblements de mineurs et de métallurgistes. Ces conventions sont l’expression d’une forme de négociation sociale rendue possible par la reconnaissance mutuelle des associations patronales et ouvrières, au terme d’un long processus[3].

En effet, l’histoire des conventions collectives se confond avec « celle du développement des organisations représentatives des travailleurs »[4], car depuis la loi Le Chapelier de 1791, il était pénalement répréhensible de se réunir avec des individus du même corps de métier pour discuter de leurs intérêts. Tant qu’aucune forme de concertation et de réunion n’était possible, les accords et compromis sociaux entre patrons et ouvriers l’étaient encore moins. Les conventions ont dès lors pris une certaine importance lorsque les organisations représentatives, telles que des associations patronales et ensuite syndicales, acquirent une véritable existence sur le plan socio-économique et juridique[4]. Dès 1913, il y eut des propositions de lois pour réglementer les conventions collectives mais celles-ci n’aboutirent pas[5]. Le projet de création de la loi revint en 1963 sous l’influence du ministre de l’emploi Servais, jusqu’à ce qu’en 1966, le Conseil d’État constate que la convention collective de travail ne possède aucun statut juridique bien que celle-ci joue un rôle important dans l’économie[6]. Le besoin d’entériner juridiquement la pratique s’est donc fait sentir.

Le dĂ©veloppement des conventions collectives de travail est donc très fortement liĂ©es Ă  celle des syndicats et elles n’étaient Ă  l’origine considĂ©rĂ©es que comme un phĂ©nomène social n’ayant aucune consĂ©quence juridique[4]. Les conventions collectives bĂ©nĂ©ficient aussi bien aux ouvriers qu’aux patrons : les premiers y gagnent un avantage social et peuvent discuter des conditions de travail ou leurs salaires tandis que les seconds gagnent la fidĂ©litĂ© de leurs employĂ©s et une certaine paix sociale[7].

Objectif du législateur

L’objectif premier du lĂ©gislateur est d’instaurer un cadre juridique et de dĂ©finir « les règles Ă  respecter par les commissions paritaires et le Conseil national du travail concernant la forme et la publicitĂ© des conventions qu'ils concluent, ainsi que les règles qui concernent la reprĂ©sentativitĂ© des parties qui concluent un accord »[3]. L’objectif s’articule en trois points, Ă  savoir : la reconnaissance du pouvoir des organisations professionnelles "d’engager et de faire naĂ®tre des droits et des obligations"[5], dĂ©terminer les personnes visĂ©es par les conventions collectives de travail et dĂ©finir le caractère obligatoire qu’elles revĂŞtent[5] et enfin lĂ©gifĂ©rer les commissions paritaires, puisque celles-ci permettront le dĂ©veloppement du droit du travail en Belgique.

Contenu de la loi

Le contenu principal de la loi rĂ©sulte en la consĂ©cration juridique et l’organisation des conventions collectives de travail et des commissions et sous-commissions paritaires. La loi va Ă©galement Ă©tablir une hiĂ©rarchie des sources des obligations applicables dans la relation de travail. 

La Convention Collective de Travail

La convention collective de travail est défini à l'article 5 de la loi et est globalement régie par le chapitre II de la loi. Elle peut être définie comme un « accord conclu entre une ou plusieurs organisations entre une ou plusieurs organisations de travailleurs et une ou plusieurs organisations d’employeurs ou un ou plusieurs employeurs déterminant les relations individuelles et collectives entre employeurs et travailleurs au sein d’une entreprise ou d’une branche d’activité et réglant les droits et obligations des parties contractantes »[8].

La Convention comprend deux parties : 

  • une partie normative qui contient « les dispositions qui constituent des normes pour les employeurs et les employeurs »[8], subdivisĂ©e en une partie individuelle.
  • une partie collective qui contient « les dispositions concernant les relations collective du travail de l’entreprise ou du secteur d’activitĂ© »[9] et une partie obligatoire, subdivisĂ©e en une partie expressĂ©ment obligatoire et une partie essentiellement obligatoire.

Concernant la nature juridique de la Convention deux tendances se dĂ©gagent de la doctrine : il s’agit soit d’un règlement[10], crĂ©ateur de droits et d’obligations pour les parties mais aussi pour les employeurs et travailleurs Ă©trangers Ă  son Ă©laboration[10], soit d’un contrat[10]. Le lĂ©gislateur, quant Ă  lui, a choisi une vision dualiste : il s’agit principalement d’un contrat avec un effet rĂ©glementaire par ses dispositions normatives[10].

La loi prĂ©voit Ă©galement des conditions de formes et de fond. Concernant la forme, la Convention Collective de Travail doit ĂŞtre Ă©crite, rĂ©digĂ©e en français et en nĂ©erlandais, dĂ©posĂ©e et enregistrĂ©e[11]au Ministère de l’Emploi et du Travail et publiĂ©e au Moniteur Belge. Concernant le fond, la Convention doit contenir 4 mentions obligatoires contenu Ă  l’article 16 de la loi.

Les commissions paritaires et les sous-commissions paritaires

Les commissions et sous commissions paritaires sont régis par le chapitre III de la loi. Ce sont des « organes de concertations sectoriels dans lesquels les représentants des travailleurs et des employeurs se rencontrent sur pied d’égalité, dans le but de discuter de leurs problèmes communs »[12]. Il existe actuellement 103 commissions paritaires en Belgique[13]. Elles ont pour but la création de convention collective comme vu ci-avant, ainsi que des missions de conciliation et d’avis ou tout autre mission que la loi leurs attribueraient.

L’article 35 de la loi permet la création par le Roi de commissions paritaires d’employeurs ou de salariés. Il détermine les personnes, la branche d’activité et le cadre territorial du ressort de chaque commission.

L’article 37 de la loi permet la création, à la demande d’une commission paritaire, par le Roi d’une ou plusieurs sous-commissions paritaires. Sur avis de la commission paritaire concerné, il détermine les personnes et le cadre territorial qui sont du ressort de la sous-commission paritaire.

Les commissions sont composĂ©es d’un prĂ©sident et vice-prĂ©sident, d’un nombre Ă©gal de membres de reprĂ©sentants d’employeurs et de travailleurs et de deux ou plusieurs secrĂ©taires. Les membres sont nommĂ©s pour quatre ans. 

Hiérarchie des sources des obligations dans la relation de travail

L’article 51 de la loi Ă©tablit la hiĂ©rarchie des sources des obligations dans les relations de travail entre employeurs et travailleurs. En effet, celles-ci peuvent contenir des dispositions contradictoires entre elles, l'article 51 envisage donc quelle source juridique va prĂ©valoir. Les sanctions disciplinaires doivent ĂŞtre prises dans le respect de cette hiĂ©rarchie. 

Conséquences et évolutions de la loi

Conséquences

Initialement, les conventions collectives sont des accords dépourvus de valeur juridique ne donnant naissance qu’à une "obligation d’exécution loyale"[14] de la parole donnée. La loi permis de traduire cette obligation morale en obligation exposant les parties ne les respectant pas à des sanctions. Outre le fait de donner un statut juridique aux conventions, la loi va déterminer les personnes tenues par les conventions collectives de travail[15]. Ajoutons que la convention collective de travail est une originalité du droit social du fait qu’elle revêt un caractère impératif au profit des travailleurs. Toutefois, elle reste soumise au respect de la législation hiérarchiquement supérieure et son contenu reste soumis à la volonté des partenaires sociaux à négocier et à valider les revendications salariales.

Évolutions de la loi jusqu’à aujourd’hui

Depuis 1970, la Belgique est entrée dans un processus de fédéralisation. Ainsi, afin de garder une certaine uniformité sur le plan social, la majorité des dispositions concernant les conventions collectives de travail restent aux mains de l’autorité fédérale. Néanmoins, en ce qui concerne les matières dont la compétence relèvent des entités fédérées, tel que l’enseignement qui est de la compétence des communautés , les conventions ne seront pas les mêmes dans tout le pays, selon la communauté en question.

Concernant les Ă©volutions plus rĂ©centes, il existe une forte influence des dispositions des accords interprofessionnels en ce qui concerne la conclusion des conventions collectives au sein du Conseil national du travail ou des commissions paritaires[16]. De plus, la loi se rĂ©fère de plus en plus aux conventions collectives, leur donnant davantage de lĂ©gitimitĂ©. Ainsi, l’article 31 de la loi du relative aux contrats de travail dispose que si une convention collective le prĂ©voit, un certificat mĂ©dical peut ĂŞtre demandĂ© Ă  l’employeur, la loi dĂ©lègue donc aux organes paritaires le pouvoir de dĂ©limiter son application. Enfin, et de manière de plus en plus rĂ©pandue, les conventions collectives de travail et les lois ou arrĂŞtĂ©s royaux tentent de plus en plus Ă  rĂ©gir une matière dĂ©terminĂ©e de la mĂŞme façon. C’est par exemple le cas en matière de crĂ©dit temps oĂą la loi du relative Ă  la conciliation entre l’emploi et la qualitĂ© de vie et la convention collective no 103 du ont un contenu strictement similaire.

Notes et références

  1. « 5 décembre 1968. - Loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. », sur ejustice.just.fgov.be (consulté le )
  2. Super Utilisateur, « Gouvernement Vanden Boeynants I (1966-1968) – Histoire des Belges », sur www.histoire-des-belges.be (consulté le )
  3. « convention collective de travail (CCT) | Crisp | Vocabulaire politique », sur www.vocabulairepolitique.be (consulté le )
  4. Sénat, Doc. parl, Projet de loi, no 148, 23 février 1967, p. 1
  5. Sénat, Doc. parl., Projet de loi, no 148, 23 février 1967, p. 4
  6. B. Paternostre, Droit collectif du travail, Â« Les instruments de la concertation sociale : la convention collective et le règlement de travail Â», t. 2, Limal, 2015, p. 21
  7. Sénat, Doc. parl., Projet de loi, no 148, 23 février 1967, p. 3
  8. P. Humblet et M. Rigaux, Aperçu du droit du travail belge, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 390
  9. P. Humblet et M. Rigaux, Aperçu du droit du travail belge, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 391
  10. P. Humblet et M. Rigaux, Aperçu du droit du travail belge, Bruylant, Bruxelles, 2004, p. 393
  11. F. Lefebvre, Belgique : juridique, fiscale, social, comptable, Édition Francis Lefebvre, Paris, 2006, p. 358
  12. J. Clesse, F. KĂ©fer, P. Vieille, « Accords collectifs et individuels de travail en droit du travail belge Â» in Collectives agreements and individual contracts of employment, Kluwer Law International, La Haye, 2003, p. 83
  13. M. Verwilghen et C. Wantiez, Initiation au droit social, Larcier, Bruxelles, 2015, p. 22
  14. J. Piron et P. Denis, Le droit des relations collectives du travail en Belgique, Larcier, Bruxelles, 1970, p. 68
  15. B. Paternostre, Droit collectif du travail, Â« Les instruments de la concertation sociale : la convention collective et le règlement de travail Â», t. 2, Limal, 2015, p. 24
  16. W. Van Eeckhoutte et V. Neuprez, Compendium social, Kluwer, Waterloo, 2013-2014, p. 70 

Articles connexes

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