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Loi constitutionnelle du 3 juin 1958

La loi constitutionnelle du est la loi constitutionnelle mettant un terme à la IVe République française. Portant dérogation transitoire aux dispositions de l'article 90 de la Constitution, elle a été adoptée par l'Assemblée nationale (350 voix contre 161, 68 % de « pour ») et par le Conseil de la République ou Sénat (256 voix contre 30, 89 % de « pour »).

Loi constitutionnelle du 3 juin 1958
Présentation
Titre Loi constitutionnelle du 3 juin 1958 portant dérogation transitoire aux dispositions de l'article 90 de la Constitution
Pays Drapeau de la France France
Territoire d'application Drapeau de la France France
Langue(s) officielle(s) français
Type loi constitutionnelle
Branche droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur
Gouvernement Charles de Gaulle (3)
Promulgation
Entrée en vigueur

Lire en ligne

Texte sur Wikisource
Texte de la loi au Journal officiel sur LĂ©gifrance

Promulguée le par le président de la République française, René Coty, et publiée au Journal officiel de la République française le lendemain, , elle déroge à l'article 90 de la Constitution du afin d'autoriser le gouvernement Charles de Gaulle à rédiger une nouvelle Constitution en gardant les fondements de la République (ce sera la Constitution du ).

Fondement juridique de la loi constitutionnelle

La loi constitutionnelle se présente comme une loi adoptée selon la procédure de révision de la constitution prévue par l'article 90 de la Constitution du , mais ayant pour objet de déroger à cet article.

La procédure de révision, définie par l'article 90, comptait cinq temps.

« La révision doit être décidée par une résolution adoptée à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale.
« La résolution précise l'objet de la révision. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 2 et 3

Le , l'AssemblĂ©e nationale avait adoptĂ©, par 404 voix contre 210, une rĂ©solution prĂ©voyant la rĂ©vision de l'article 90 de la Constitution, de ses articles 17, 49 et 50 ainsi que de son titre VIII[1].

« Elle [la résolution] est soumise, dans le délai minimum de trois mois, à une deuxième lecture, à laquelle il doit être procédé dans les mêmes conditions qu'à la première, à moins que le Conseil de la République, saisi par l'Assemblée nationale, n'ait adopté à la majorité absolue la même résolution »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 4

Le , le Conseil de la RĂ©publique avait adoptĂ©, par 245 voix contre 70, une rĂ©solution identique, accompagnĂ©e d'une motion, adoptĂ©e Ă  202 voix contre 107, demandant Ă  l'AssemblĂ©e nationale d'examiner, par prioritĂ©, la modification de l'article 90 de la Constitution, afin de simplifier la procĂ©dure de rĂ©vision[2].

Les rĂ©solutions des et n'Ă©taient pas devenues caduques : le , l'AssemblĂ©e nationale avait adoptĂ©, par 202 voix contre 107, une rĂ©solution Ă©nonçant que la rĂ©vision de l'article 90 Ă©tait en cours[3].

« Après cette seconde lecture, l'Assemblée nationale élabore un projet de loi portant révision de la Constitution. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 5

Le projet de révision dont la loi constitutionnelle est issue n'a pas été élaborée par l'Assemblée nationale, mais par le Gouvernement.

Mais, par un avis du , le Conseil d'État avait considéré que, à la suite d'une résolution de révision déjà prise par l'Assemblée nationale, le Gouvernement peut déposer un projet de loi portant révision de la Constitution.

Et c'est d'un projet de révision élaboré par le Gouvernement dont était issue la révision constitutionnelle du .

« Ce projet [de révision] est soumis au Parlement et voté à la majorité et dans les mêmes formes prévues pour la loi ordinaire. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 5

« Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement par les deux Chambres du Parlement en vue de parvenir à l'adoption d'un texte identique.
« À moins que le projet ou la proposition n'ait été examiné par lui en première lecture, le Conseil de la République se prononce au plus tard dans les deux mois qui suivent la transmission du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.
« [...] En cas de procédure d'urgence déclarée par l'Assemblée nationale, le délai [imparti au Conseil de la République] est le double de celui prévu pour les débats de l'Assemblée nationale par le règlement de celle-ci.
« [...] Les délais au présent article sont suspendus pendant les interruptions de session. Ils peuvent être prolongés par décision de l'Assemblée nationale. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 20

Le , après avoir déclaré l'urgence, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi constitutionnelle. Le lendemain, , le Conseil de la République adopte un texte identique. L'Assemblée nationale en prend acte le jour même.

« Il [le projet de révision] est soumis au référendum, sauf s'il a été adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale à la majorité des deux tiers ou s'il a été voté à la majorité des trois cinquièmes par chacune des deux assemblées. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 6

« Aucune révision constitutionnelle relative à l'existence du Conseil de la République ne pourra être réalisée sans l'accord de ce Conseil ou le recours à la procédure de référendum. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 8

Le texte a été adopté, par chacune des deux assemblées parlementaires, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés : à l'Assemblée nationale, par 350 voix contre 161, et, au Conseil de la République, 256 voix contre 30.

Il n'avait pas à être soumis au référendum.

« Le projet est promulgué comme loi constitutionnelle par le président de la République dans les huit jours de son adoption. »

— Constitution du 27 octobre 1946, art. 90, al. 7

Dès lors, il n'y avait pas d'obstacle à ce que le président de la République française, René Coty, promulgue la loi constitutionnelle le , jour de son adoption.

Contenu de la loi

Les principales contraintes posées sur le contenu de la nouvelle Constitution étaient les suivantes :

  • seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C'est du suffrage universel ou des instances Ă©lues par lui que dĂ©rivent les pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif ;
  • la sĂ©paration des pouvoirs : les pouvoirs lĂ©gislatif et exĂ©cutif possèdent des moyens de contrĂ´le ;
  • la responsabilitĂ© du gouvernement devant le Parlement (monisme) ;
  • l'indĂ©pendance de l'autoritĂ© judiciaire, avec la rĂ©fĂ©rence aux « libertĂ©s essentielles telles qu'elles sont dĂ©finies par le prĂ©ambule de la Constitution de 1946 et par la DĂ©claration des droits de l'homme Ă  laquelle il se rĂ©fère » ;
  • la Constitution rĂ©git les rapports entre la RĂ©publique et les « peuples associĂ©s », c’est-Ă -dire les colonies françaises.

La loi constitutionnelle précisait d'autre part la procédure à suivre pour l'adoption de la nouvelle Constitution, notamment le recours au référendum.

Elle prévoit ainsi le processus d'élaboration suivant : le gouvernement est chargé de la rédaction du texte avec les avis du Conseil d'État pour la partie technique de la rédaction et l'avis du Comité consultatif constitutionnel (créé pour l'occasion et formé d'un tiers de députés, un tiers de sénateurs et un tiers de personnalités nommées discrétionnairement par le gouvernement) qui donne un avis politique pour la rédaction. Le texte devait ensuite être adopté en Conseil des ministres avant d'être finalement ratifié par les Français par la procédure du référendum.

Contestations

La loi constitutionnelle a toutefois été contestée, pour plusieurs raisons.

  • Tout d'abord, la tradition constitutionnelle veut qu'une nouvelle constitution soit l'Ĺ“uvre d'une assemblĂ©e, appelĂ©e gĂ©nĂ©ralement "assemblĂ©e constituante". Or, comme l'explique le constitutionnaliste Didier Maus, "la situation de 1958 se prĂ©sente de manière totalement diffĂ©rente : non seulement la loi du 3 juin 1958 donne mission au Gouvernement de prĂ©parer la Constitution, mais la session du Parlement est suspendue dès l'adoption de cette loi et toutes les tentatives pour insĂ©rer, par exemple, les commissions parlementaires dans la procĂ©dure d'Ă©laboration de la Constitution, Ă©choueront. Il n'en rĂ©sultera que le ComitĂ© consultatif constitutionnel, composĂ© pour les deux tiers de dĂ©putĂ©s et de sĂ©nateurs, mais qu'il n'est en aucun cas possible d'assimiler Ă  une reprĂ©sentation parlementaire structurĂ©e […]"[4].
  • Ă€ travers la loi du , le Parlement dĂ©lègue au pouvoir exĂ©cutif un pouvoir qui lui a Ă©tĂ© dĂ©lĂ©guĂ© par le peuple. Or, un principe de droit constitutionnel veut que le pouvoir dĂ©lĂ©guĂ© ne puisse pas dĂ©lĂ©guer Ă  son tour ce pouvoir (Delegata potestas non potest delegari). Il existe nĂ©anmoins un dĂ©bat sur la valeur de ce principe, et sur son existence dans la Constitution de la IVe RĂ©publique[5].
  • La manĹ“uvre inquiète d'autant plus que le souvenir de la Loi constitutionnelle de 1940 reste encore vif. La situation est toutefois diffĂ©rente en 1958, dans la mesure oĂą la loi constitutionnelle limite le pouvoir constituant du gouvernement de Gaulle Ă  l'Ă©tablissement d'un rĂ©gime dĂ©mocratique et en imposant l'approbation du nouveau texte constitutionnel par le peuple[6].
  • La nouvelle Constitution sera approuvĂ©e par rĂ©fĂ©rendum Ă  85% des voix, contrairement Ă  la Loi constitutionnelle de 1940 : c'est en dĂ©finitive le peuple qui dĂ©tient bien le pouvoir constituant.

Chronologie des constitutions françaises

Notes et références

  1. Résolution du 24 mai 1955 (consulté le 19 janvier 2014)
  2. Motion du 19 juillet 1955 (consulté le 19 janvier 2014)
  3. Résolution du 27 mai 1958 (consulté le 19 janvier 2014)
  4. Didier Maus, « La genèse de la Constitution de 1958 : La Constitution en 20 questions », (consulté le )
  5. Marketou, « Eléments de droit constitutionnel (TD 04) », sur Chez Fouc@rt 5.3 : Droit, etc., (consulté le )
  6. Voir une discussion par Marcel Prélot et Jean Boulouis, Institutions politiques et droit constitutionnel, Dalloz, édition éd., p. 595, ou Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, LGDJ, 30e éd., p. 468.

Voir aussi

Liens externes

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Projet de loi
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