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Loi anti-homosexualité en Ouganda en 2013

La loi anti-homosexualité en Ouganda du député David Bahati est passée par le parlement de l'Ouganda le avec la proposition de peine de mort diminuée au profit de la prison à vie. Le projet de loi est signé par le président de l'Ouganda Yoweri Museveni et promulgué en [1] - [2] - [3] - [4] - [5]. Le cependant, la cour constitutionnelle de l'Ouganda l'invalide pour des questions de procédures[6] - [7] - [8] - [9].

Loi anti-homosexualité en Ouganda
Autre(s) nom(s) Kill the gay Act
Présentation
Titre Loi anti homosexualité en Ouganda de 2014
État Ouganda
Type Loi
Adoption et entrée en vigueur
RĂ©dacteur(s) David Bahati
RĂ©gime DĂ©mocratie parlementaire
Adoption 20 décembre 2013
Signature 24 février 2014
Signataire(s) Yoweri Museveni
Promulgation Parlement de l'Ouganda
Abrogation rejetée par la cour constitutionnelle le 1er août 2014

Contexte

Loi héritée de l'occupation britannique

L’homosexualitĂ© est illĂ©gale depuis l’époque coloniale britannique, qui promulguent l’article 145 en 1950 pour interdire « toute relation charnelle contre nature »[10] - [11]. Le code pĂ©nal stipule en effet que « Toute personne qui (a) a une relation charnelle contre l’ordre naturel avec toute personne ; (b) a une relation charnelle avec un animal, ou (c) permet Ă  un homme d’avoir avec lui ou elle une relation charnelle contre nature ; commet une infraction et est passible de l’emprisonnement Ă  vie. » La criminalisation en Grande-Bretagne contre les personnes LGBTQI date du Moyen Ă‚ge, et est intĂ©grĂ©e Ă  la common law Ă©laborĂ©e du XIe au XVe siècles. Ces dispositions sont censĂ©es protĂ©ger des principes chrĂ©tiens limitant la sexualitĂ© Ă  la reproduction. En 1533, la première loi civile rĂ©primant la sodomie est adoptĂ©e, connue sous le nom de loi de 1533 sur la Bougrerie.

La Grande-Bretagne abolit ces dispositions en 1967, soit après que le statut de protectorat de l'Ouganda dans l'empire britannique soit abrogé, du fait de la vague de décolonisation des années 1950 et 1960. De fait, le passé colonial a donc laissé des traces dans le système juridique des pays colonisés d'Afrique subsaharienne comme l'Ouganda. Selon Basile Ndjio, universitaire spécialiste des questions de discrimination, la colonisation a eu pour corollaire l'extension de l'homophobie déjà présente dans les nations colonisatrices[12], alors que la coutume en Afrique avant la colonisation pouvaient intégrer des pratiques homosexuelles.

En 2009 la loi ougandaise devient même encore plus dure vis-à-vis des personnes LGBTQI, prévoyant des peines allant jusqu'à l'emprisonnement à vie. Depuis 2009 en outre, des tentatives de faire passer un projet de loi encore plus restrictif se succèdent[13].

Influence des églises évangéliques américaines

Sous l'influence des Ă©glises Ă©vangĂ©liques amĂ©ricaines, cette position se durcit davantage[14]. Le pasteur Scott Lively (en), prĂ©sident de Abiding Truth Ministries et auteur du livre Pink Swastika (en), vient en Ouganda[15] en pour aider Ă  organiser un sĂ©minaire de l'organisation Family Life Network (en) intitulĂ© « Seminar on Exposing the Homosexuals’ Agenda Â» (« sĂ©minaire pour rĂ©vĂ©ler l'agenda des homosexuels Â»)[16]. Ce sĂ©minaire a lieu dans un hĂ´tel de Kampala et est menĂ© par Stephen Langa avec l'objectif de restaurer les valeurs morales traditionnelles de la famille en Ouganda. Scott Lively, qui est un rĂ©visionniste notoire, s'associe avec Dan Schmierer de l'organisation Exodus[17] - [18], qui propose une thĂ©rapie chrĂ©tienne pour guĂ©rir de l'homosexualitĂ© et Caleb Lee Brundidge un homosexuel repenti[19]. Lively explique que selon lui lĂ©galiser l'homosexualitĂ© revient Ă  favoriser l'abus des enfants, promouvoir le divorce et dissĂ©miner le SIDA. Il est persuadĂ© de l'existence d'un complot gay visant Ă  renverser les structures familiales traditionnelles.

Lively est poursuivi par la suite aux États-Unis pour les propos homophobes en Ouganda par l'ONG Sexual Minorities Uganda (SMUG)[20] - [21] - [22], associant l'homosexualité aux maladies et à la pédophilie. Il est coutumier de ce genre de campagne contre les homosexuels, puisqu'il en a déjà mené de similaires en Russie. Il admet avoir rencontré des juristes ougandais pour rédiger le projet de loi[18] et, selon les propres mots de son rapport de l'évènement, la campagne qu'il a menée équivalait à une bombe nucléaire[23]. Il prend par la suite officiellement ses distances avec l'idée d'infliger la peine de mort pour homosexualité, mais la campagne de son point de vue est un succès. Selon Kapya Kaoma, prêtre anglican de Zambie et directeur de projet de Political Research Associates, la venue de Lively est à mettre en relation avec l'investissement croissant des milieux conservateurs des églises américaines en Afrique[24]. Il y a eu aussi Rick Warren, jusqu'en 2009, où il a exprimé son désaccord sur le projet, en raison de la radicalité de la loi, qui prévoyait la peine de mort ou l'emprisonnement à perpétuité[25]. Martin Ssempa, leader de l'église Makerere a fait publier dans les médias locaux des listes de noms de personnes LGBT[24] - [26]. Il a également détruit des stocks de préservatifs afin de promouvoir l'abstinence pour lutter contre le SIDA.

Projet de loi initial

En , le Parlement ougandais passe une rĂ©solution qui permet au dĂ©putĂ© David Bahati de soumettre un projet de loi d'une personne citoyenne (en) en octobre, afin de renforcer les lois contre l'homosexualitĂ©. Bahati soumet le projet de loi le .

Dans son memorandum officiel résumant les objectifs et le principes du projet de loi, Bahati écrit qu'ils sont les suivants :

  • protĂ©ger la famille traditionnelle en interdisant (i) toute forme de relations sexuelles entre personnes du mĂŞme sexe et (ii) la promotion ou la reconnaissance de telles relations au sein d'institutions publiques et autres lieux Ă  travers ou avec le soutien d'entitĂ©s gouvernementales en Ouganda ou d'organisations non gouvernementales Ă  l'intĂ©rieur ou Ă  l'extĂ©rieur du pays.
  • renforcer la capacitĂ© de la nation Ă  traiter les menaces Ă©mergeant Ă  l'intĂ©rieur et Ă  l'extĂ©rieur de la famille hĂ©tĂ©rosexuelle traditionnelle.
  • l'attirance pour le mĂŞme sexe n'est pas une caractĂ©ristique innĂ©e et immuable.
  • protĂ©ger la culture du peuple ougandais ainsi que les traditions lĂ©gales, religieuses et les valeurs de la famille traditionnelle contre les tentatives des militants pour les droits sexuels qui cherchent Ă  imposer leurs valeurs de promiscuitĂ© sexuelle au peuple de l'Ouganda.
  • protĂ©ger les enfants et la jeunesse ougandaise qui sont vulnĂ©rables aux abus sexuels et Ă  la dĂ©viance induits par les changements culturels, l'absence de censure des informations dispensĂ©es par les nouvelles technologies, l'absence de cadre donnĂ© par les parents durant leur dĂ©veloppement, et les tentatives croissantes par les homosexuels d'Ă©lever des enfants par le recours Ă  l'adoption, les familles d'accueil et autres moyens.

La loi de 2013 : « Kill Gay Act »

La proposition de loi élargit la criminalisation des relations entre personnes de même sexe à l'intérieur de l'Ouganda. Elle inclut également des dispositions pour les Ougandais qui s'engagent dans des relations entre personnes de même sexe hors de l'Ouganda, affirmant qu'ils peuvent être extradés pour être punis de retour en Ouganda. Elle met aussi en place des pénalités pour les individus, compagnies, organisations médiatiques, ou organisations non-gouvernementales qui connaissent des personnes homosexuelles ou soutiennent les droits LGBT.

Le Parlement ougandais adopte le le projet de loi prévoyant la prison à perpétuité pour les personnes récidivant dans leurs actes homosexuels. La loi est promulguée en par le président Yoweri Museveni[26]. Le président Museveni justifie son geste et son retournement sur la base d’un rapport scientifique disant que l’homosexualité n’est pas génétique, cédant aux importantes pressions de son parti, le National Resistance Movement (NRM), qui a porté et défendu le projet et le groupe de pression évangélique Born again, inspirés du protestantisme américain[27].

Violences engendrées

En 2011, David Kato, un militant gay, est assassiné après avoir ouvertement milité contre la loi anti-homosexualité[28].

L'ONG MinoritĂ©s sexuelles en Ouganda recense 162 cas de LGBTIphobies dans les quatre mois consĂ©cutifs Ă  l'adoption de la loi dĂ©finitive[29].

Sources

  1. (en-GB) « Uganda gays face life in prison », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. « Homophobie d'Etat - Une enquête mondiale sur le droit à l'orientation sexuelle: criminalisation, protection et reconnaissance », sur ILGA, (consulté le ).
  3. AFP, « Ouganda : l'UE «regrette» l'adoption d'une loi contre l'homosexualitĂ© », LibĂ©ration.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  4. « Homosexualité : Obama prévient l'Ouganda contre un « pas en arrière » », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  5. RTS.ch, « Dieu sait quoi - Tuez-les tous! », sur rts.ch (consulté le ).
  6. (en-GB) Agence France-Presse, « Uganda anti-gay law challenged in court », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  7. (en-GB) « Uganda court annuls anti-gay law », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. (en-US) Jeffrey Gettleman, « Uganda Anti-Gay Law Struck Down by Court », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) AFP, « Ugandan court annuls anti-gay law », The East African,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. (en-US) « Ouganda, deux ans après «Kill the Gays» », sur 360.ch (consulté le ).
  11. (en) « THE PENAL CODE ACT, Unatural offences, art 145 p 68 », sur WIPO, (consulté le ).
  12. Patrick Awondo, Peter Geschiere, Graeme Reid et Alexandre Jaunait, « Une Afrique homophobe ?, Homophobic Africa? Towards a More Nuanced View », Raisons politiques, no 49,‎ , p. 95–118 (ISSN 1291-1941, DOI 10.3917/rai.049.0095, lire en ligne, consulté le ).
  13. « Quand aimer devient un crime, la criminalisation de personne de même sexe en Afrique Subsaharienne », sur Amnesty international, (consulté le ).
  14. Christophe Broqua, La question homosexuelle et transgenre, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-8111-0778-9, lire en ligne).
  15. (en-GB) Frank Mugisha, « I am a gay Ugandan about to go home. This law will tyrannise my life | Frank Mugisha », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  16. (en-US) « How US Clergy Brought Hate to Uganda », sur The Gay & Lesbian Review (consulté le ).
  17. (en) « Welcome », sur www.exodusglobalalliance.org (consulté le ).
  18. (en-US) Jeffrey Gettleman, « Americans’ Role Seen in Uganda Anti-Gay Push », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  19. (en-US) Warren Throckmorton, « Uganda: Caleb Lee Brundidge on the criminalization of homosexuality », Warren Throckmorton,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. (en) « Sexual Minorities Uganda v. Scott Lively », sur Center for Constitutional Rights (consulté le ).
  21. (en-GB) David Smith, « Ugandan group sues anti-gay pastor in US », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  22. (en-US) Ben Appel, « Notorious Anti-Gay Preacher Scott Lively And The Language That Kills », sur Huffington Post, (consulté le ).
  23. (en) « Defend the Family - Pro-Family Resource Center - Resource Archives », sur www.defendthefamily.com (consulté le ).
  24. (en) « PublicEye.org - The Website of Political Research Associates », sur www.publiceye.org (consulté le ).
  25. Howard Chua-Eoan, Rick Warren Denounces Uganda's Anti-Gay Bill, time.com, USA, 10 décembre 2009
  26. « Ouganda : vote d'une loi anti-homosexuelle radicale », in Le Figaro, samedi 21 / dimanche 22 décembre 2013, page 10.
  27. http://www.france24.com/fr/20140224-president-ouganda-promulgue-controversee-loi-anti-gay-homosexualite/ Le Président ougandais promulgue la très controversée loi anti-gay, France 24, 24 février 2014
  28. (en-US) Jeffrey Gettleman, « David Kato, Gay Rights Activist, Is Killed in Uganda », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
  29. (en) Human Rights Consortium, Envisioning Global LGBT Human Rights : (Neo)colonialism, Neoliberalism, Resistance and Hope, Institute of Commonwealth Studies, School of Advanced Study, University of London, , 462 p., PDF (ISBN 978-0-9931102-8-3, lire en ligne), p. 323.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Sexual Minorities Uganda, From Tormentto Tyranny : Enhanced Persecution in Uganda Following the Passage of the Anti-Homosexuality Act 2014, 20 December 2013 – 1 May 2014, , 20 p., PDF (lire en ligne)

Liens externes

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