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Les Géants et les Jouets

Les Géants et les Jouets ou Géants et jouets[N 1] (巨人と玩具, Kyojin to gangu) est un film japonais réalisé par Yasuzō Masumura, sorti en 1958 et adapté du roman du même nom de Ken Kaikō[2].

Les Géants et les Jouets

Titre original 巨人と玩具
Kyojin to gangu
Réalisation Yasuzō Masumura
Scénario Yoshio Shirasaka
Acteurs principaux
Sociétés de production Daiei
Pays de production Drapeau du Japon Japon
Genre Comédie dramatique
Durée 96 minutes[1]
Sortie 1958

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

L’histoire se déroule dans le Japon d’après guerre en pleine période de croissance économique et décrit le néocapitalisme nippon, à travers la concurrence de firmes de caramels[5].

Ce film est un des porte-étendards de la nouvelle vague japonaise, représentation d’une nouvelle jeunesse qui s’oppose aux pouvoirs de l’État et rejette les anciennes traditions[6].

Il est décrit comme l’un des films les plus étonnants de la première période de Masumura[5].

Synopsis

Vidéo externe
Bande-annonce sur le site MUBI.

Au Japon, trois grandes firmes de caramels : World, Appolo et Giant, s’affrontent dans une lutte sans merci afin d’être celle qui fera le plus de vente.

Yōsuke Nishi est un jeune employé du secteur publicité de World, fraîchement débarqué dans l’entreprise. Goda Ryūji son patron, le charge de l’aider à faire de World, la compagnie de caramels numéro un. Pour cela, Goda va tenter de transformer Kyōko Shima, une jeune femme des bas quartiers pas très féminine et peu maligne en une idole des médias, afin que celle-ci devienne la nouvelle égérie des caramels World. Nishi va être chargé de veiller sur elle, même si celui-ci préfère fréquenter Masami Kurahashi qui travaille au service publicité de Appolo afin notamment de tenter de lui soutirer des informations sur les projets de sa compagnie.

La course à la publicité entre les firmes va permettre à Kyōko de devenir une véritable star, tandis que Goda qui ne se consacre plus qu’à son travail va s’en trouver très affaibli jusqu’à en cracher du sang et que Nishi « trahi » une première fois par Masami puis par son ancien ami qui travaillait pour Giant et effrayé de voir son patron sacrifier sa santé pour l’entreprise est désabusé par le monde du travail mais va tout de même finir par incarner la nouvelle égérie de World à contrecœur.

Fiche technique

Sauf mention contraire ou complémentaire, les données de cette section sont issues du site IMDb[7].
  • Titre : Les Géants et les Jouets
  • Titre alternatif : Géants et jouets[8]
  • Titre original : Kyojin to gangu (巨人と玩具)
  • Titre anglais : Giants and Toys
  • Réalisation : Yasuzō Masumura
  • Scénario : Yoshio Shirasaka
  • Production : Hidemasa Nagata
  • Musique : Tetsuho Tsukahara
  • Photographie : Hiroshi Murai[1]
  • Montage : Tatsuji Nakashizu
  • Costumes : Kotaro Maki
  • Direction artistique : Tomoo Shimogawara
  • Son : Toshikazu Watanabe
  • Éclairages : Isamu Yoneyama[1]
  • Premier assistant réalisateur : Yoshio Inoue
  • Société de production : Daiei
  • Sociétés de distribution :
  • Pays d’origine : Drapeau du Japon Japon
  • Langue originale : japonais
  • Format : Couleurs - 2,35:1 - mono - 35 mm
  • Genres : Comédie dramatique
  • Durée[N 2] : 96 minutes[1] ou 95 minutes[2] - métrage : 5 605 m[1]
  • Dates de sortie :

Distribution

Sauf mention contraire ou complémentaire, les données de cette section sont issues du site IMDb[7].
Hitomi Nozoe à gauche et Hiroshi Kawaguchi à droite (ici dans Avenue des enfants ingrats sorti en 1958) interprètes respectifs de Kyōko Shima et de Yōsuke Nishi, les deux personnages principaux du film.
  • Hiroshi Kawaguchi : Yōsuke Nishi (西洋介, Nishi Yōsuke)
  • Hitomi Nozoe : Kyōko Shima (島京子, Shima Kyōko)
  • Hideo Takamatsu : Goda Ryūji (合田竜次, Ryūji Goda), le patron de Yōsuke Nishi[1]
  • Osamu Abe : le lutteur
  • Kōichi Fujiyama : Tadao Yokoyama (横山忠夫, Yokoyama Tadao)
  • Yoshihiro Hamaguchi : Conducteur C
  • Tatsuo Hanabu : Fuyuzaki (冬崎)
  • Fujio Harumoto : Shimomura (下村)
  • Hisako Horigome : Miyuki Fujimoto (藤本みゆき, Fujimoto Miyuki)
  • Hikaru Hoshi : Kurosawa (黒沢)
  • Kōichi Itō : Haruoka (春岡)
  • Naoyasu Itō : Nakazaki (中川)
  • Yūnosuke Itō : Junji Harukawa (春川純二, Harukawa Juniji), le photographe[1]
  • Shōji Kawashima : Sarusawa (猿沢), l’ingénieur de l’usine[1]
  • Hiroko Machida : Suzue (鈴枝), la femme de Goda
  • Sachiko Meguro : Iwafuji (岩藤)
  • Fumiko Murata : Kiku (キク), la mère de Kyōko
  • Akira Natsuki : Minami ()
  • Michiko Ono : Masami Kurahashi (倉橋雅美, Kurahashi Masami)
  • Kyū Sazanka : Ryūzō Higashi (東隆三, Higashi Ryūzō)
  • Kinzō Shin : Kōhei Yashiro (矢代光平, Yashiro Kōhei), le beau père de Goda[1]
  • Tsuneko Sudō : la vieille femme
  • Yasushi Sugita : le producteur
  • Munehiko Takada : Conducteur A
  • Tōru Takami : Okkotsu (乙骨)
  • Eiichi Takamura : Akimura (秋村)
  • Kisao Tobita : Matsutani (松谷)
  • Masahiro Tsumura : Conducteur B
  • Mantarō Ushio : Natsuki (夏木)
  • Tetsuya Watanabe : le chanteur de rockabilly[1]
  • Aiko Yamakawa : Sumiko Kikumura (菊村須美子, Kikumura Sumiko)
  • Kenji Ōyama : Kita ()

Production

Les Géants et les Jouets est à l’origine une nouvelle écrite par Ken Kaikō en 1957. Elle s’inscrit dans le genre de la « nouvelle économique » (経済小説, Keizai shōsetsu), qui constitue une satire de la dévotion du travailleur japonais à son entreprise[9]. En 1958, Kaikō gagne le prix Akutagawa (pour sa nouvelle Le roi nu (裸の王様, Hadaka no ōsama) écrite aussi en 1957), après quoi Daiei achète les droits de ‘’Les Géants et les Jouets’’ qui sera réalisé par Yasuzō Masumura et sortira la même année[10].

Exploitation et accueil

Exploitation et accueil critique

Les Géants et les Jouets est un échec commercial[11] mais c’est avec lui que Masumura va se faire remarquer aux États-Unis, le film est alors aussi connu sous le nom The Build-Up[4]. Le film a connu une édition VHS et plusieurs éditions DVD au Japon. Il est également sorti sous format DVD aux États-Unis mais n’a jamais été édité en France.

Classements

Ce film est arrivé 10e au classement de la revue japonaise de cinéma Kinema Junpō no 32 concernant les 10 meilleurs films japonais de l’année 1958[12] - [13].

Analyse

Thèmes et personnages

Le film constitue une critique agressive du néo-capitalisme nippon[5] et des nouveaux rythmes de vie qu’il impose aux individus[14]. Pour Donald Richie, il est la mise en pratique des théories élaborées par Masumura après sa saison d’études au Centro Sperimentale à Rome[15]. À savoir la destruction du courant principal du cinéma japonais auquel il « reprochait de n’être conforme qu’à une tradition littéraire, de préconiser la suppression de toute forme d’individualisme, de fondre l’ensemble des personnages dans un moule collectif et, même dans les films de gauche, de faire céder les héros à la volonté des masses »[16]. Pour Tanya Sahni de la Western University « Masumura croit qu’il est impossible pour le Japon de posséder une subjectivité autonome, il est condamné par son acte de masquer ses traditions avec des manières occidentales et spécifiquement américaines »[N 3] - [6]. Le Japon d’après-guerre est « complètement consumé par l’artificialité »[N 4] - [17], « tout […], même l’individu [y] est subsumé par le capitalisme »[N 5] - [18]. La scène de la confrontation entre Goda et Nishi est représentative de cela[19]. Le premier est à l’image de cette culture du Japon d’après-guerre, tenant du capitalisme et de la tradition, défenseur de la société de masse et du collectivisme, et refusant l’autonomie[17]. Nishi lui veut sortir de ce système, il représente l’envie d’individualisme[19]. Mais c’est Goda qui domine tout du long, et Nishi va finalement se plier à ses volontés[17]. Quant à Kyoko, elle est considérée comme un objet appartenant à l’entreprise, représentation de l’individu qui perd toute individualité au profit de la société[18].

Pour Max Tessier et Jean-Paul Le Pape, le film explore une thématique récurrente dans les films de Masumura, le renversement des rapports de domination entre l’homme et la femme, rendant cette image de la « femme forte » et de « l’homme faible » à l’aide d’une actrice adéquate, actrice que sera Hitomi Nozoe dans ses premiers films[20].

« Contrairement à l’homme qui n’est qu’une ombre, la femme est un être qui existe réellement, c’est un être extrêmement libre – voilà l’érotisme tel que je le vois »

— Masumura Yasuzō, "Entretiens avec Masumura Yasuzo", in Cahiers du Cinéma n°224 (Oct.1970)

Le personnage d’idiote des bas quartiers (Kyoko), « créature de la publicité »[5] réussit à évoluer « sur la scène scintillante du spectacle capitaliste » sachant manier « les codes de ce monde factice »[14] tandis que du côté des personnages masculins Goda se sacrifie pour sa compagnie en « crachant ses poumons » et Nishi revêt un costume ridicule pour faire de « la réclame des caramels » dans la rue[5].

Style du film

Le style de Masumura rompt complètement avec le style habituel du courant principal du cinéma japonais[15].

« [C’est] un rythme très étranger à la plupart des films japonais de l’époque. Avant même d’être achevée, une scène est bousculée par la suivante. »

— Donald Richie, Le cinéma japonais[15]

Ses précédents films Le Baiser (くちづけ, Kuchizuke), Jeune fille sous le ciel bleu (青空娘, Aozora musume) et Courant chaud (暖流, Danryu) sont déjà « d’une fraîcheur et d’un dynamisme remarquable pour l’époque »[11]. Mais "Les Géants et les Jouets" fait montre d'un dynamisme encore plus grand, allant « jusqu'à l’excentricité » voire « jusqu'à la folie »[11]. Le film est « saturé de couleurs avec des personnages en mouvement perpétuel »[14]. Il est rapide[14], avec son rythme effréné[11] à l’image de son montage[15] et de ses dialogues[11], en outre sa construction est « digne des meilleurs mangas »[11]. Tout cela va à l’encontre des films traitant habituellement ce genre de sujets « graves », Masumura adoptant ici « une attitude presque satirique »[11].

Influences et postérité

Le film s’inspire en partie de Drôle de frimousse et « reproduit [plus généralement] le style euphorique des comédies de Frank Tashlin et Stanley Donen »[14].

Si Max Tessier et Jean-Paul Le Pape le considèrent comme restant « une date dans l’histoire de la pré-Nouvelle Vague »[5], Tanya Sahni estime qu’il est identifié comme faisant pleinement partie de cette ère cinématographique qu’est la Nouvelle Vague japonaise[6]. Il explore en effet deux thèmes important dans les films de ce mouvement, à savoir « le débat entre l’individu et la société de masse »[N 6](débat qui sous-tend également la conscience japonaise d'après guerre)[19] et « la bataille entre l’art et le commerce »[N 7] - [18]. Pour Tadao Satō « il marque l’entrée en force dans le monde du cinéma japonais d’une nouvelle génération de cinéastes qui critiquent de front les techniques élaborées par leurs aînées »[11].

Notes et références

Notes et citations

  1. Le film n’étant jamais sorti en France en dehors de rétrospectives, il n’y a pas de titre français officiel, il a ainsi été traduit tantôt de la première façon[2], tantôt de la seconde[3] - [4].
  2. La durée varie selon les sources. Il se peut que certaines variations soient dues au procédé pris pour référence. En effet, la durée est différente si on considère le film en 24, 25 ou 30 images par seconde.
  3. Citation originale : « it is impossible for Japan to possess autonomous subjectivity, doomed by its act of masking its traditions with Western, and specifically American, ways »
  4. Citation originale : « utterly consumed by artificiality »
  5. Citation originale : « everything in Japan, even the individual, is subsumed by capitalism »
  6. Citation originale : « the debate between the individual and mass society »
  7. Citation originale : « The battle between art and commerce »

Références

Les références abrégées permettent, grâce aux liens, de renvoyer aux sources mentionnées plus précisément dans la bibliographie.
  1. (ja) « 巨人と玩具 », sur Japanese Movie Database (consulté le )
  2. D. Richie, Le cinéma japonais,p. 337
  3. T. Sato, Le cinéma japonais,p. 271
  4. M. Tessier, Le cinéma japonais au présent,p. 183
  5. M. Tessier, Le cinéma japonais au présent,p. 68
  6. T. Sahni, The Violent Lights of Capitalism: The Artificiality of Japan in Giants and Toys,p. 0
  7. (en) « Les géants et les jouets », Internet Movie Database (consulté le 2 mars 2019)
  8. Géants et jouets : titre français du film lors de la rétrospective consacrée à Yasuzō Masumura du 22 août au 14 octobre 2007 à la Cinémathèque française
  9. M Roberts, Masumura Yasuzo and the cinema of social consciousness,p. 129,130
  10. A Philips, Japanese cinema: texts and contexts,p. 153
  11. T. Sato, Le cinéma japonais,p. 96
  12. (ja) « キネマ旬報年度別ベストテン 第31回(1957年)~40回(1966年)| Kinemajunpō nendo betsu besuto ten dai 31-kai (1957-nen)~ 40-kai (1966-nen) » [« Le top 10 par année des meilleurs films selon Kinema Junpō, numéro 31 (année 1957) à numéro 40 (année 1966) »], sur http://wonderland02.web.fc2.com
  13. (en) Stuart Galbraith, Japanese Filmography : A Complete Reference to 209 Filmmakers and the Over 1250 Films Released in the United States, 1900 Through 1994, Mcfarland, , 509 p. (ISBN 978-0-7864-0032-4), p. 482
  14. S. Mesnildot, Yasuzō Masumura, un anarchiste des passions
  15. D. Richie, Le cinéma japonais,p. 197
  16. D. Richie, Le cinéma japonais,p. 198
  17. T. Sahni, The Violent Lights of Capitalism: The Artificiality of Japan in Giants and Toys,p. 3
  18. T. Sahni, The Violent Lights of Capitalism: The Artificiality of Japan in Giants and Toys,p. 4
  19. T. Sahni, The Violent Lights of Capitalism: The Artificiality of Japan in Giants and Toys,p. 2
  20. M. Tessier, Le cinéma japonais au présent,p. 67,68

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Dans chaque partie, les ouvrages sont classés par ordre chronologique de publication.

Sélections d'articles sur Les Géants et les Jouets

  • (en) Tanya Sahni, « The Violent Lights of Capitalism: The Artificiality of Japan in Giants and Toys », Kino: The Western Undergraduate Journal of Film Studies, 1re série, vol. 7, , p. 6, article no 1 (résumé, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Sélections d'articles sur Yasuzō Masumura

Ouvrages sur Yasuzō Masumura

  • (en) Mark Roberts, Masumura Yasuzo and the cinema of social consciousness, ProQuest, (ISBN 978-0-549-53175-3). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Ouvrages sur le cinéma japonais

  • (fr) Max Tessier (dir.), Donald Richie, Tadao Sato, Michel Mesnil, Ian Buruma et Jean-Paul Le Pape, Le cinéma japonais au présent (dossier collectif), Paris, Filméditions / Pierre Lherminier Editeur, coll. « Cinéma d’aujourd’hui / dossier », 1980 et 1984, 219 p. (ISBN 978-2-86244-028-6 et 2-86244-028-0). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (fr) Tadao Satō (trad. du japonais par Karine Chesneau, Rose-Marie Makino-Fayolle et Chiharu Tanaka), Le cinéma japonaisNihon Eiga Shi »], t. II, Paris, éd. du Centre Pompidou, coll. « Cinéma/Pluriel », (1re éd. 1995), 324 p. (ISBN 2-85850-930-1, ISSN 0980-2673). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (fr) Donald Richie (trad. de l'anglais par Romain Slocombe), Le cinéma japonaisA Hundred Years of Japanese Film »], Tours, éd. du Rocher, (1re éd. 2001), 402 p. (ISBN 2-268-05237-0). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Alastair Philips, Japanese cinema : texts and contexts, Taylor & Francis, , 363 p. (ISBN 978-0-415-32847-0). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

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Articles connexes

Liens externes

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