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Les Cent Contes drolatiques

Les Cent Contes drolatiques est un recueil de contes publiés par Honoré de Balzac à Paris, chez Charles Gosselin et Edmond Werdet de à . Ils constituent une réminiscence du Décaméron de Boccace, revendiquée par l'auteur lui-même[1], avec lequel plusieurs universitaires ont fait le rapprochement[2].

« Cecy est ung livre de haulte digestion, plein de deduicts de grant goust pour ces goutteulx trez-illustres et beuveurs trez-prétieulx auxquels s’adressoyt nostre digne compatriote, esterne honneur de Tourayne, François Rabelays […] »

Les Cent Contes drolatiques
Image illustrative de l’article Les Cent Contes drolatiques
Dessin de Jacques Clément Wagrez, gravé par Frédéric-Émile Jeannin (eau-forte, 1895)

Auteur Honoré de Balzac
Pays Drapeau de la France France
Genre Conte
Éditeur Charles Gosselin et Edmond Werdet
Lieu de parution Paris
Date de parution -

— Prologue.

« Colligez ez abbayes de Touraine et mis en lumiere par le sieur de Balzac pour l’esbattement des pantagruelistes et non aultres […] »

Sur les 100 contes initialement prévus, Balzac n'en a écrit que 30, regroupés en trois dixains[3].

Le style

Les Cent Contes drolatiques, publiés en 1832, forment un projet insolite d’écriture ludique et d’imitation pour « demourer soy-mesme en pastissant devant le moule d’aultrui » (« demeurer soi-même en cuisinant devant le moule d’autrui ») qui fit un beau scandale à l’époque, autant par sa truculence que par les fantaisies d’une langue imaginée.

En effet, le multilangage de Balzac, d’inspiration rabelaisienne, et qui voulait reproduire dans l’unicité celui d’un Moyen Âge s’échelonnant sur trois siècles et treize règnes, est fait de néologismes, de mots forgés, de termes techniques savants avec leurs nombreux latinismes, mais également dialectaux et burlesques — sans oublier les calembours —, le tout servi par une graphie et des constructions archaïsantes qui donnent aux contes un ton et un style jugés par l’auteur conformes à son projet, à savoir un « livre concentrique » dans une « œuvre concentrique ».

Ce recueil est beaucoup plus balzacien qu'on ne l'a jugé de prime abord. Notamment en ce qui concerne le style, inattendu chez Balzac, déclaré choquant, et sur lequel revient Georges Jacques : « Déjà entre et émerge ce que d'aucuns ont appelé la subversion totale du sujet et il s'agira de donner peut-être un jour leur place exacte aux Contes drolatiques[4]. »

L'Ă©cart d'inspiration avec Louis Lambert ou SĂ©raphĂ®ta — des nouvelles qu'il Ă©crivait en mĂŞme temps que ces contes — a beaucoup intriguĂ© la critique. Selon Roland Chollet, la veine drolatique « a servi Ă  Balzac d'espace expĂ©rimental, et d'antidote au sĂ©rieux romantique[5] ». Oliver y voit aussi « un pari esthĂ©tique : est-ce possible, au XIXe siècle, de retrouver tout en les renouvelant les sources historiques d'un rire bien français[6] ? ». Pour Stefan Zweig, une telle combinaison d'Ă©crits aussi disparates menĂ©s de front ne peut s'expliquer que par son dĂ©sir de tester son gĂ©nie, afin de voir jusqu'Ă  quel niveau il pouvait aller : tout comme un architecte, en faisant le plan d'un Ă©difice, calcule les dimensions et les effets de charge, Balzac voulait tester ses forces en Ă©tablissant les fondations sur lesquelles s'Ă©lèverait sa ComĂ©die humaine[7].

Personnages

Scipion Sardini, par Gustave Doré pour l'édition de 1855 de Dutacq des Contes drolatiques de Balzac.

Beaucoup de personnages historiques ou célèbres ont inspiré Balzac. Il a notamment consacré un conte entier à Scipion Sardini, comte de Chaumont (1526-1609), banquier d'Henri III de France et de Catherine de Médicis, dont le père était gonfalonier de la seigneurie de Lucques en Toscane.

Ce Français d'origine italienne, qui compta parmi les « partisans » italiens de l'entourage de Catherine de Médicis[8], a laissé dans Paris une trace architecturale : l'hôtel Scipion Sardini (1565), au no 13 de la rue Scipion, une demeure construite pour sa maîtresse Isabelle de Limeuil. Il devint aussi propriétaire du château de Chaumont-sur-Loire de 1600 à 1667[9]. Dans La Chière nuictée d'amour, Scipion Sardini est une victime de l'amour qu'il porte à l'épouse de l'avocat parisien Pierre des Avenelles, l'affaire se déroulant sur fond des préparatifs de la conjuration d'Amboise (1560).

Le seigneur de Rochecorbon, le comte de Montsoreau et Jeanne de Craon sont également les protagonistes du Péché véniel, et ils se trouvent naturellement dans des situations grotesques avec moult références au pucelage et aux questions de lit.

L'évêque de Coire, secrétaire de l'archevêque de Bordeaux, est pris lui-même dans les filets de la séduction de La Belle Impéria, menacée d'excommunication pour avoir commis le péché de chair.

Illustrations

Outre Albert Robida et Gustave Doré, de nombreux peintres et caricaturistes ont été inspirés par les Contes drolatiques de Balzac. Albert Dubout en a produit une version délirante.

Liste des contes

Cette liste est celle de la treizième édition chez Garnier Frères, Paris 1924. Chaque dixain est encadré par un prologue et un épilogue, qui sont aussi de savoureux morceaux de littérature balzacienne. "l'Avertissement du Libraire" (Balzac lui-même) qui figure dans la première édition de 1832 (premier dixain), est reprise dès l'édition de 1855 (la cinquième) par cet éditeur.

Premier dixain

  • La Belle ImpĂ©ria
  • Le PĂ©chĂ© vĂ©niel
  • La Mye du Roy
  • L'HĂ©ritier du Diable
  • Les Ioyeulsetez du roy Loys le unziesme
  • La Connestable
  • La pucelle de Thilhouze
  • Le Frère d'armes
  • Le CurĂ© d'Azay-le-rideau
  • L'Apostrophe

Secund dixain

  • Les trois Clercs de Saint-Nicholas
  • Le Ieusne de Françoys premier
  • Les bons Proupos des religieuses de Poissy
  • Comment feut basty le chasteau d'Azay
  • La faulse Courtizane
  • Le Dangier d'estre trop coquebin
  • La Chière nuictĂ©e d'amour
  • Le Prosne du ioyeulx curĂ© de Meudon
  • Le Succube
  • DesespĂ©rance d'amour

Troisième dixain

  • PersĂ©vĂ©rance d'amour
  • D'ung iusticiard qui ne se remembroyt les chouses
  • Sur le Moyne Amador, qui feut ung glorieux AbbĂ© de Turpenay
  • Berthe la repentie
  • Comment la belle Fille de Portillon quinaulda son iuge
  • Cy est demonstrĂ© que la Fortune est touiours femelle
  • D'ung paouvre qui avait nom le Vieulx-par-chemins
  • Dires incongrus de trois pèlerins
  • NaifvetĂ©
  • La belle ImpĂ©ria mariĂ©e

Notes et références

  1. Avertissement en préface de la première édition de 1832.
  2. Stéphane Vachon, Honoré de Balzac, Presses Universitaires Paris-Sorbonne, 1999 (ISBN 978-2-84050-159-6), p. 185.
  3. « Les Cent Contes drolatiques d’Honoré de Balzac : une écriture des limites. »
  4. Balzac dans : Patrimoine littéraire européen, renaissances nationales et conscience universelle -, romantismes triomphants, vol. 11a, Éditions De Boeck-université, Bruxelles, 1999, (ISBN 978-2-80412-805-0), (OCLC 313542461), lxix, 966 p., p. 230.
  5. Pléiade 1990, p. 1134.
  6. Oliver 2008, p. xi.
  7. Zweig 1946, p. 173.
  8. Larousse en 10 volumes, vol. IX (ISBN 978-2-03102-309-8), p. 9424.
  9. Mémoires de la Société des sciences et des lettres de la ville de Blois, t. V, 1856, p. 286-289.

Bibliographie

Éditions du texte

  • Pierre-Georges Castex, Roland Chollet, RenĂ© Guise et Nicole Mozet, HonorĂ© de Balzac : Ĺ“uvres diverses, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « PlĂ©iade » (no 364), , 1904 p. (ISBN 2-07-010664-0, prĂ©sentation en ligne), p. 1-519.
  • Andrew Oliver, Les Cent Contes drolatiques colligez ès abbaĂŻes de Touraine et mis en lumière par le sieur de Balzac : premier dixain, Toronto, Éditions de l'originale, , 224 p. (ISBN 978-0-9809307-1-9).

Études

  • Jean-Christophe Abramovici, « Cronos Ă©crivain : jeunesse et vieillesse dans les Contes drolatiques », L'AnnĂ©e balzacienne, , no 20, vol. 1, p. 47-58.
  • Marie-Claire Bichard-Thomine, « Le projet des Contes drolatiques d’après leurs prologues », L’AnnĂ©e balzacienne, 1995, no 16, p. 151-164.
  • Eric Bordas, « Quand l’écriture d’une prĂ©face se dĂ©double : l’“avertissement” et le “prologue” des Contes drolatiques de Balzac », Neophilologus, , no 82, vol. 3, p. 369-383.
  • VĂ©ronique Bui, « Ave Eva : la femme, la Genèse et Balzac », Genèses du roman. Balzac et Sand, Amsterdam, Rodopi, 2004, p. 179-193.
  • Roland Chollet, « La jouvence de l’archaĂŻsme : libre causerie en Indre-et-Loire », L’AnnĂ©e balzacienne, 1995, no 16, p. 135-150.
  • Rolland Chollet, « Le second dixain des contes drolatiques : Ă©bauche d’une chronologie de la composition », L’AnnĂ©e balzacienne, 1966, p. 85-126.
  • Étienne Cluzel, « Quelques remarques sur Les Contes drolatiques de Balzac illustrĂ©s par Gustave DorĂ© », Bulletin du bibliophile et du bibliothĂ©caire, 1957, no 3, p. 79-90.
  • (en) Wayne Conner, « The Influence of Tabourot des Accords on Balzac’s Contes drolatiques », Romanic Review, 1950, no 41, p. 195-205.
  • (en) G. M. Fess, « A New Source for Balzac’s Contes Drolatiques », Modern Language Notes, , no 52, vol. 6, p. 419-421.
  • RenĂ© Favret, « Balzac, un autre Rabelais : propos sur Les Contes drolatiques (1832, 1833, 1837) », Bulletin de l’Association des amis de Rabelais et de La Devinière, 2000, no 5, vol. 9, p. 555-568.
  • Abdellah Hammouti, « La moralitĂ© dans les Contes drolatiques de Balzac », L’AnnĂ©e balzacienne, 1995, no 16, p. 165-178.
  • (de) Ernst Hartner, Probleme der euphemistischen Ausdrucksweise: Dargestellt anhand ausgewahlter Beispiele aus den « Contes drolatiques » von HonorĂ© de Balzac, Zurich, 1970.
  • (de) Wolf-Dieter Lange, « Poetik des Pastiche: Zu Balzacs Contes drolatiques », HonorĂ© de Balzac, Munich, Fink, 1980, p. 411-435.
  • Pierre-Robert Leclercq, « L’hommage Ă  Rabelais », Magazine littĂ©raire, , no 373, p. 58.
  • Scott Lee, « Retour Ă  Tours : Les Contes drolatiques ou la lettre des origines », RĂ©flexions sur l’autorĂ©flexivitĂ© balzacienne, Toronto, Centre d’études du XIXe siècle Joseph SablĂ©, 2002, p. 181-188.
  • Catherine Nesci, « “Le succube” ou l’itinĂ©raire de Tours en Orient : essai sur les lieux du poĂ©tique balzacien », L’AnnĂ©e balzacienne, 1985, no 5, p. 263-295.
  • Catherine Nesci, « Balzac et l’incontinence de l’histoire : Ă  propos des Contes drolatiques », French Forum, , no 13, vol. 3, p. 351-364.
  • (en) Anne Lake Prescott, « The Stuart Masque and Pantagruel’s Dreams », ELH, automne 1984, no 51, vol. 3, p. 407-430.
  • Eberhard Valentin, « Le frère d’armes : examen de l’archaĂŻsme d’un conte drolatique », L’AnnĂ©e balzacienne, 1974, nos 69-90.
  • (en) Andrew Watts, « Two Tales of One City: Balzac and the Decline of Tours », French Studies Bulletin, Ă©tĂ© 2006, no 99, p. 37-40.
  • (en) Stefan Zweig, Balzac, New York, Viking, , 404 p.

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