Le Voyage de Shuna
Le Voyage de Shuna (ă·ă„ăăźæ , Shuna no tabi) est une nouvelle de 147 pages Ă©crite et illustrĂ©e Ă lâaquarelle par Hayao Miyazaki et publiĂ©e en un seul volume en 1983 par Animage dans la collection Juju Bunko (le bunko est un format 11 Ă 15 cm, un peu plus petit que le tankĆbon traditionnel).
Auteur | Hayao Miyazaki |
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Ăditeur | (ja) Animage |
(fr) Sarbacane | |
Sortie | 1983 |
ComposĂ©e de un ou deux dessins par page, lâĆuvre sâapparente plus Ă un conte illustrĂ© quâĂ un vĂ©ritable manga. Elle permet toutefois dâaborder les thĂšmes chers Ă Miyazaki, notamment sur les espoirs et les dangers que crĂ©e la civilisation humaine ; plusieurs films ultĂ©rieurs de lâauteur sâen inspirent dâailleurs par endroits.
Histoire
Shuna est le prince dâun peuple pauvre qui souffre rĂ©guliĂšrement de disette en raison du climat aride de ses terres. Un jour, il rencontre un vieillard extĂ©nuĂ© et lui porte immĂ©diatement assistance ; las, lâhomme sur son lit de mort nâa que le temps de montrer au prince des petites graines dorĂ©es qui pourraient prospĂ©rer mĂȘme en ces terres arides et sauver son peuple des famines. Le hĂ©ros part alors pour un long pĂ©riple en quĂȘte de ces plantes. Durant de longs jours, il dĂ©couvre un monde hostile, dĂ©sertique et dangereux, notamment quand il tombe sur un repaire de cannibales. Il parvient ensuite Ă une ville qui prospĂšre grĂące au commerce dâesclaves. RĂ©vulsĂ©, Shuna dĂ©cide de ne pas sâattarder, lorsquâil dĂ©couvre la plante quâil recherche sur les Ă©tals des marchands. De fil en aiguille, câest auprĂšs dâun vieillard mystĂ©rieux quâil obtient des renseignements sur la provenance du blĂ© dorĂ©, qui serait Ă©changĂ© contre les esclaves. Avant de partir, il dĂ©cide de dĂ©livrer par la force deux jeunes esclaves, ThĂ©a et sa sĆur, quâil avait rencontrĂ©es la veille sans pouvoir les sauver.
Ensemble, ils parviennent Ă dĂ©jouer leurs poursuivants avant de finalement atteindre une forĂȘt luxuriante et antique, le pays des hommes-dieux, oĂč se trouve lâobjet de leur quĂȘte. En effet, Shuna dĂ©couvre au centre de la forĂȘt un Ă©trange Ă©difice au pied duquel des gĂ©ants cultivent la plante dorĂ©e. Mais lorsquâil en arrache un brin, une malĂ©diction sâabat sur lui en chĂątiment et le plonge dans une sorte dâamnĂ©sie lĂ©thargique. RĂ©fugiĂ©e dans un village proche, ThĂ©a prend soin de lui avec abnĂ©gation et ensemble, ils cultivent les graines dorĂ©es ramenĂ©es par le prince. Ils deviennent fiancĂ©s par un concours de circonstances et vivent un temps paisiblement, jusquâau jour oĂč, protĂ©geant les plantations sacrĂ©es dâun orage, la malĂ©diction qui pesait sur Shuna se lĂšve enfin complĂštement, lui rendant la parole et la mĂ©moire.
Personnages
- Shuna (ă·ă„ă) est un jeune prince courageux qui nâhĂ©site pas Ă mettre sa vie en jeu pour sauver son peuple. Dâun caractĂšre bon, il nâen possĂšde pas moins une forte volontĂ© de vivre. Il se pose ainsi comme un « personnage idĂ©aliste »[1].
- ThĂ©a (ăăą) est une jeune esclave sauvĂ©e par Shuna, quâelle aime ensuite sincĂšrement, nâhĂ©sitant pas Ă se dĂ©vouer avec tĂ©nacitĂ© pour le sauver. Elle a Ă©galement une petite sĆur quâelle garde avec elle durant la quĂȘte du prince.
- Yakkul (ă€ăăŻă«) est la monture imaginaire de Shuna, basĂ©e librement sur le yak et le bouquetin. EntiĂšrement dĂ©vouĂ©e Ă son maĂźtre, elle lâaccompagne tout au long de sa quĂȘte.
Inspirations et thĂšmes
Le Voyage de Shuna se prĂ©sente sous la forme dâun conte Ă©pique inspirĂ© Ă lâorigine dâune lĂ©gende tibĂ©taine[2]. Il prĂ©figure fortement de la plupart des thĂšmes qui deviendront rĂ©currents dans lâĆuvre de Miyazaki, notamment le voyage initiatique ou lâopposition entre la nature et la civilisation[3]. En effet, la quĂȘte de Shuna lui permet de dĂ©couvrir le monde et la sociĂ©tĂ©, sâinspirant de lâunivers dâun prĂ©cĂ©dent manga de lâauteur, Le Peuple du dĂ©sert (Sabaku no tami), Ă travers par exemple les paysages dĂ©sertiques ou la ressemblance entre la ville des esclavagistes et Pejite[4]. Dans les deux Ćuvres Ă©galement, les nombreux tourments nâentament pas la volontĂ© de vivre des personnages[5]. Puis, Miyazaki reprend ses questionnements de Conan, le fils du futur sur une civilisation humaine confrontĂ©e Ă la nature ou lâhostilitĂ© du milieu[6]. Mais sur ce thĂšme, Le Voyage de Shuna se pose comme « un des mondes les plus sombres de Miyazaki », brossant une sociĂ©tĂ© en proie Ă la faim, aux guerres et surtout, Ă lâesclavagisme. En effet, pour survivre, les hommes sont condamnĂ©s Ă sacrifier des esclaves pour obtenir le blĂ© dorĂ© des hommes-dieux[7]. Ce cercle vicieux est finalement rompu par Shuna qui parvient Ă voler des semences.
Ă lâopposĂ©e des esclavagistes, le village oĂč ThĂ©a se rĂ©fugie dans la derniĂšre partie fait figure de communautĂ© humble et soudĂ©e, espĂ©rant simplement en des jours meilleurs. Le voyage initiatique sâachĂšve donc par lâexil et lâintĂ©gration Ă un nouveau milieu[8]. Finalement, lâhistoire finit sur une note dâespoir quand Shuna et ThĂ©a plantent le blĂ© sacrĂ© : il amĂšne une possible renaissance de la civilisation. Le final laisse ainsi la part belle Ă une « utopie communautaire »[9].
Influences ultérieures
Le Voyage de Shuna a inspirĂ© plusieurs autres Ćuvres de Miyazaki. Il apparaĂźt notamment trĂšs proche de NausicaĂ€ de la vallĂ©e du vent, sur lequel Miyazaki travaillait dĂ©jĂ alors[10] ; les hĂ©ros respectifs partagent des aspirations similaires, si bien que Shuna serait un prototype de NausicaĂ€[11]. En outre, plusieurs thĂ©matiques et Ă©lĂ©ments du manga ont Ă©galement Ă©tĂ© repris dans Princesse MononokĂ©, comme la monture[12] (Yakkul) ou la forĂȘt primaire. LĂ encore, les deux hĂ©ros, Shuna et Ashitaka, partagent leur droiture et leur volontĂ© de dĂ©couvrir le monde malgrĂ© leur malĂ©diction[3]. Toutefois, Le Voyage de Shuna reste plus intimiste que ces deux Ćuvres, le prince ne visant pas Ă sauver lâhumanitĂ©, la nature ou les dieux, mais seulement son peuple[10].
Les dessins rĂ©alisĂ©s Ă la peinture Ă lâeau prĂ©sentent plusieurs archĂ©types repris plus tard par Miyazaki, comme les gĂ©ants, les ruines recouvertes de vĂ©gĂ©tation ou lâapparence des personnages[5]. La proximitĂ© est frappante dans le film de NausicaĂ€ de la vallĂ©e du vent[13].
GorĆ Miyazaki sâest aussi inspirĂ© de lâunivers de lâĆuvre de son pĂšre (quâil mentionne dans le gĂ©nĂ©rique) pour la crĂ©ation du film Les Contes de Terremer[14], notamment pour les paysages contemplatifs et lâapparence de Therru[15].
Traductions
Une version en français est annoncĂ©e par les Ăditions Sarbacane pour le [16].
Publication
- (ja) Hayao Miyazaki, Shuna no Tabi (ă·ă„ăăźæ ), Animage,â , 147 p. (ISBN 4-19-669510-8 et 978-4-19-669510-3)
Notes et références
- RaphaĂ«l Colson et GaĂ«l RĂ©gner, Hayao Miyazaki : Cartographie dâun univers, Lyon, Les Moutons Ă©lectriques, , 357 p. (ISBN 978-2-915793-84-0), p. 227
- « Le Voyage de Shuna », Buta-connection (consulté le )
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 85, 155
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 24-25
- (en) « The Journey of Shuna », Nausicaa.net (consulté le )
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 52
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 291, 84, 252
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 236
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 85, 254, 282
- Colson et RĂ©gner 2010, p. 84
- (en) Helen McCarthy, 500 Manga Heroes and Villains, Barron's Educational Series, , 352 p. (ISBN 978-0-7641-3201-8), p. 70
- Les personnages de Princesse Mononoké sur le site buta-connection.net
- (en) Colin Odell et Michelle Le Blanc, Studio Ghibli : The Films of Hayao Miyazaki and Isao Takahata, Kamera, , 157 p. (ISBN 978-1-84243-279-2), p. 60
- « Analyse des contes de Terremer », Buta-connection (consulté le )
- Odell et Le Blanc 2009, p. 131
- « Retour de Hayao Miyazaki en manga en France », sur manga-news.com, (consulté le )