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Le Pouvoir des fables

Le Pouvoir des fables est la quatriÚme fable du livre VIII de Jean de La Fontaine situé dans le second recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la premiÚre fois en 1678.

Le Pouvoir des fables
Image illustrative de l’article Le Pouvoir des fables
Gravure de Martin Marvie d'aprĂšs Jean-Baptiste Oudry, Ă©dition Desaint & Saillant, 1755-1759

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1678
Chronologie

Texte de la fable

LA qualitĂ© d’Ambassadeur
Peut-elle s’abaisser à des contes vulgaires ?
Vous puis-je offrir mes vers et leurs grùces légÚres ?
S’ils osent quelquefois prendre un air de grandeur,
Seront-ils point traités par vous de téméraires ?
Vous avez bien d’autres affaires
A dĂ©mĂȘler que les dĂ©bats
Du Lapin et de la Belette :
Lisez-les, ne les lisez pas ;
Mais empĂȘchez qu’on ne nous mette
Toute l’Europe sur les bras[N 1].
Que de mille endroits de la terre
Il nous vienne des ennemis,
J’y consens ; mais que l’Angleterre
Veuille que nos deux Rois se lassent d’ĂȘtre amis,
J’ai peine Ă  digĂ©rer la chose.
N’est-il point encor temps que Louis se repose ?
Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las
De combattre cette hydre[N 2] ? et faut-il qu’elle oppose
Une nouvelle tĂȘte aux efforts de son bras ?
Si votre esprit plein de souplesse,
Par Ă©loquence, et par adresse,
Peut adoucir les cƓurs, et dĂ©tourner ce coup,
Je vous sacrifierai cent moutons ; c’est beaucoup
Pour un habitant du Parnasse.
Cependant faites moi la grĂące
De prendre en don ce peu d’encens.
Prenez en grĂ© mes vƓux ardents,
Et le rĂ©cit en vers, qu’ici je vous dĂ©die.
Son sujet vous convient ; je n’en dirai pas plus :
Sur les Ă©loges que l’envie
Doit avouer qui vous sont dus,
Vous ne voulez pas qu’on appuie.

Dans AthÚne autrefois peuple vain et léger,
Un Orateur[N 3] voyant sa patrie en danger,
Courut à la Tribune ; et d’un art tyrannique,
Voulant forcer les cƓurs dans une rĂ©publique,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l’écoutait pas : l’Orateur recourut
A ces figures violentes,
Qui savent exciter les Ăąmes les plus lentes.
Il fit parler les morts[N 4], tonna, dit ce qu’il put.
Le vent emporta tout ; personne ne s’émut.
L’animal aux tĂȘtes frivoles
Étant fait Ă  ces traits, ne daignait l’écouter.
Tous regardaient ailleurs : il en vii s’arrĂȘte
Á des combats d’enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
CérÚs, commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l’Anguille et l’Hirondelle :
Un fleuve les arrĂȘte ; et l’Anguille en nageant,
Comme l’Hirondelle en volant,
Le traversa bientĂŽt. L’assemblĂ©e Ă  l’instant
Cria tout d’une voix : Et CĂ©rĂšs, que fit-elle ?
Ce qu’elle fit ? un prompt courroux
L’anima d’abord contre vous.
Quoi, de contes d’enfants son peuple s’embarasse !
Et du péril qui le menace
Lui seul entre les Grecs il nĂ©glige l’effet !
Que ne demandez-vous ce que Philippe[N 5] fait ?
A ce reproche l’assemblĂ©e
Par l’apologue rĂ©veillĂ©e
Se donne entiùre à l’Orateur :
Un trait de Fable en eut l’honneur.
Nous sommes tous d’AthĂšne en ce point ; et moi-mĂȘme,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d’ñne[N 6] m’était contĂ©,
J’y prendrais un plaisir extrĂȘme,
Le monde est vieux, dit-on, je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.

— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Pouvoir des fables, texte Ă©tabli par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « BibliothĂšque de la PlĂ©iade Â», 1991, p. 295

Notes

  1. Allusion Ă  une Ă©ventuelle alliance entre l'Angleterre, l'Espagne, les Provinces-Unies et l'Empire
  2. Hercule vainquit l'hydre de Lerne dont les tĂȘtes coupĂ©es, repoussaient
  3. Il s'agit de Démade,homme politique athénien
  4. Définition de la prosopopée
  5. Philippe II de Macédoine, allusion à la premiÚre philippique de DémosthÚne
  6. Non le conte de Charles Perrault paru en 1694, mais celui dont parle Louison dans le Le Malade imaginaire (acte II sc.8)


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