La Roue (film, 1923)
La Roue est un film français réalisé par Abel Gance et sorti en 1923.
Synopsis
Le mécanicien-chef Sisif recueille une petite orpheline à la suite d'une catastrophe de chemin de fer. Elle s'appelle Norma et est élevée avec Élie, le fils de Sisif, à peu près du même âge. Tout semble aller pour le mieux, mais peu à peu Sisif se sent pris d'une étrange passion pour sa fille adoptive, s'accompagnant d'une jalousie qui s'étend à l'égard d'Élie également amoureux de Norma qu'il croit être sa sœur.
Son comportement change, il devient alcoolique, ombrageux, soupçonneux, violent. Le charme de Norma a séduit un ingénieur, Monsieur de Hersan ; Sisif commet l'imprudence de lui avouer la passion qui a grandi en lui. Hersan le menace d'un chantage s'il ne consent pas à lui donner Norma. Celle-ci se résigne, et Sisif, conduisant le train qui emmène la jeune femme vers son nouveau destin, souhaite mourir avec elle. Grâce à son chauffeur, l'accident est évité. Sisif reporte son amour sur cette locomotive.
Mais un jet de vapeur brûle les yeux de Sisif qui doit abandonner la remorque prestigieuse des grands rapides et va assurer dès lors, avec une vision réduite, le service du tramway du Mont-Blanc (train à crémaillère à traction à vapeur à cette date). Sissif finit par prendre en affection sa nouvelle locomotive. Élie a suivi son père. Et Norma venue passer des vacances à Chamonix avec son mari retrouve son compagnon d'autrefois. Les deux jeunes gens découvrent leur amour réciproque. Hersan, jaloux, se bat avec Élie en pleine montagne. Leur chute les tue l'un et l'autre. Sisif est vieux maintenant, solitaire, tributaire de son travail monotone auquel il est finalement contraint de renoncer ayant perdu la vue. Il reste seul sans occupation dans un chalet dans la montagne. Il voit revenir vers lui Norma, seule aussi et pauvre, qui va veiller sur ses derniers jours.
Symbolique
Le nom du film fait référence à la roue du destin ou de la fortune, avec un homme voyageant le long de chemins déjà balisés. D’autre part, le nom du protagoniste principal, Sisif, est lié à Sisyphe, personnage mythologique grec condamné à pousser constamment un rocher vers le haut, sur une colline, illustrant le destin du mécanicien, et se conjuguant avec le mythe d’Œdipe pour ses désirs incestueux, d'où il devient aveugle[1].
Fiche technique
- Titre initial : La Rose du rail
- RĂ©alisation : Abel Gance
- Assistant : Blaise Cendrars (bénévole)
- Scénario : Abel Gance
- Direction artistique : Robert Boudrioz
- Photographie : Gaston Brun, Marc Bujard, LĂ©once-Henri Burel, Maurice Duverger
- Musique : Arthur Honegger (Ă©bauche de ce qui devient ensuite Pacific 231) et Paul Fosse
- Montage : Marguerite Beaugé, Abel Gance
- Affiche : Fernand LĂ©ger
- Production : Abel Gance ; Charles Pathé
- Pays de production : France
- Format : noir et blanc - muet - 1,33:1 - 35 mm
- Genre : drame
- Durée : entre 273 minutes (4 h 33 min) et plus de 8 h suivant les montages
- Date de sortie :
- France :
Distribution
- SĂ©verin-Mars : Sisif
- Ivy Close : Norma
- Gabriel de Gravone : Elie
- Pierre Magnier : Jacques de Hersan
- Max Maxudian : Le minéralogiste Kalatikascopoulos
- Georges TĂ©rof : Machefer
- Gil Clary : Dalilah
Création
Le film a été créé au Gaumont-Palace, salle de 6000 personnes, en deux épisodes pour une durée totale de huit heures, inscrites en 32 bobines. Par la suite, pour faciliter leur distribution et leur visionnage, ils ont été réduits à trois heures, puis de 150 à 90 minutes.
Innovations techniques
Abel Gance introduit de nombreuses innovations techniques, telles qu’accélération dans la scène d’accident, inversion (le train recule et accélère en réalité pour représenter un train freinant dans la scène de la tentative de suicide de Sissif), montages de changements et coupes rapides pour souligner le danger et suivre la mélodie (procédé repris dans des films tels que La Grève de 1925, réalisé par Sergei Eisenstein), surimpressions[2].
La majorité des scènes ont été tournées en extérieur y compris de nuit, une nouveauté qui nécessita des installations d'éclairage importantes. L’équipe technique avec quatre directeurs de la photographie et un monteur était d’une importance exceptionnelle à l’époque. Certaines de ces innovations telles que projections inscrites dans des formes originales (cercle ou ovale) ne seront pas reprises, les films restant ensuite projetés sur la dimension d’écran rectangulaire.
Alors que la première moitié du film comporte des montages à grande vitesse et des plans courts, la seconde change de rythme, devenant plus lente, avec des scènes de paysages prolongés et avec des visions oniriques.
Musique
La musique est un élément important du film par un de ses thèmes, Élie étant luthier et, semble-t-il, excellent violoniste, charmant sa sœur Norma.
De plus, le film était accompagné d’une musique originale dont une partie composée par Arthur Honnegger comprenant Pacific 231 pour l’ouverture et cinq autres séquences, dont trois pièces sont cependant perdues.
Excepté cette œuvre symphonique restée connue, cette musique, qui n’avait pas été jouée depuis la première, a servi de leitmotiv à la compilation pour la restauration, car son répertoire est le seul document authentique de la première version du film conservée. Cette musique avait été mise en place par Arthur Honegger et son collaborateur pour ce projet, Paul Fosse. Fosse, à l’époque chef d’orchestre de cinéma du Palais Gaumont et grand musicien de cinéma, composa et compila la musique de chaque film muet projeté dans cette salle. Paul Fosse n’avait pas créé sa propre musique pour la première du film, mais avait arrangé des œuvres de compositeurs français[3]. Les œuvres compilées notées et archivées par Paul Fosse, propriété de la Bibliothèque nationale de France, probablement la source la plus complète de musique de films muets, ont permis de reconstituer la musique du film. Le musicologue Jürg Stenzl spécialiste de musiques de film, et son collègue Français Max James ont participé à la recherche de sources et de partitions originales avec le compositeur de Mayence Bernd Thewes responsable de la compilation globale. La reconstruction du film La Roue en tant qu’œuvre complète a été réalisée en plusieurs années. La musique se compose de 117 numéros musicaux de 56 compositeurs. Dans cet ensemble, cinq pièces perdues ont dû être remplacées de manière appropriée. L’œuvre a été enregistrée par la Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin (Orchestre symphonique de la radio de Berlin). La première mondiale de cette version reconstruite et restaurée a eu lieu le 14 septembre 2019 dans le cadre du Festival de musique de Berlin au Konzerthaus Berlin[4] - [5].
Festival Lumière 2019
Au Festival Lumière, en 2019, une projection en deux matinées (19 et 20 octobre) a été réalisée à l'Auditorium Maurice-Ravel avec l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Frank Strobel[6]. La reconstruction musicale est de Bernd Thewes.
Le film a été restauré par la Fondation Jérôme Seydoux Pathé par François Ede, en collaboration avec la Cinémathèque française et la Cinémathèque Suisse[7], d'après une expertise mondiale des éléments réalisée par Georges Mourier en 2016[8]. Le film a été reconstitué dans sa totalité et selon le découpage d'origine (près de 7 h).
Le 28 août 2022, la Cinémathèque suisse présente, au Théâtre du Jorat en Suisse, une projection intégrale d’une journée en ciné-concert avec l’Orchestre des Jardins Musicaux.
Sortie vidéo
Le film est sorti en coffret DVD et coffret Blu-ray en 2021, pour la première fois en version intégrale et restaurée. Le coffret inclut également de nombreux suppléments : le web-doc diffusé sur Arte.tv sur la restauration du film (31'), un avant/après restauration (2'), le making of d'époque réalisé par Blaise Cendrars Autour de la roue (8'), des entretiens avec Abel Gance dans les émissions Cinéastes de notre temps et L'Histoire du cinéma par ceux qui l'ont fait (12'), des scènes coupées (5'), ainsi qu'un livret de 140 pages sur la genèse et la restauration du film, où interviennent notamment François Ede (chargé de la restauration image) et Bernd Thewes (chargé de la restauration musique).
Postérité
Selon Jean Cocteau, « il y a le cinéma d'avant et après La Roue, comme il y a la peinture d'avant et après Picasso ». Jean Epstein considère pour sa part que « La Roue est le plus beau film du monde »[9].
Notes et références
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page « La_Roue » de Wikia film (liste des auteurs), le texte ayant été placé par l’auteur ou le responsable de publication sous la licence de documentation libre GNU ou une licence compatible.
- https://www.raco.cat/index.php/Forma/article/view/318444/408604
- https://eltestamentodeldoctorcaligari.com/2016/04/03/abel-gance-y-las-innovaciones-de-montaje-en-la-rueda-1923/
- La Roue - das verschĂĽttete Meisterwerk von Abel Gance (3SAT-Kulturzeit vom 16. September 2019, zur Musik ab ca. 3:05 Minuten)
- Filmkonzert „La Roue“ im Rahmen des Musikfest Berlin Online-Präsenz des Rundfunk-Sinfonieorchesters Berlin. Abgerufen am 2. Januar2020
- https://www.berlinerfestspiele.de/media/2019/musikfest_2019/mfb19_abendprogramme/mfb19_abendprogramm_09_14_la_roue.pdf Weltpremiere – Abel Gance: La Roue, Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Frank Strobel, 14. September 2019] Online-Präsenz der Berliner Festspiele (PDF-Datei, 3,5 MB). Abgerufen am 2. Januar 2020
- « Ciné-concert évènement La Roue » (consulté le )
- « Festival Lumière manifestations » (consulté le )
- Article dans la revue "Positif" septembre 2018. Page 102.
- Mentionné dans la présentation du coffret DVD de 2021
Liens externes
- Ressources relatives Ă l'audiovisuel :
- Allociné
- Ciné-Ressources
- Cinémathèque québécoise
- Unifrance
- (en) AllMovie
- (pl) Filmweb.pl
- (en) IMDb
- (en) LUMIERE
- (en) Movie Review Query Engine
- (de) OFDb
- (en) Rotten Tomatoes
- (mul) The Movie Database