La Démission des clercs
La Démission des clercs est un essai du sociologue français Alain Caillé, paru en 1993 et sous-titré La crise des sciences sociales et l’oubli du politique[1].
L’ouvrage est écrit « en amical hommage à Claude Lefort ». Son titre fait référence à La Trahison des clercs du philosophe Julien Benda (1927).
Propos
L’auteur se demande pourquoi les spécialistes des sciences humaines et sociales (auxquels les « clercs » du titre font référence) se retirent progressivement des grands débats de société. Il propose une analyse historique et épistémologique de cet abandon, en même temps que des pistes pour que ces disciplines réinvestissent le champ politique et normatif qui leur est propre.
Outre le chapitre 8 — inédit —, l’essai est composé à partir d’articles publiés antérieurement[2].
À la fin de son introduction, Alain Caillé écrit :
« La seule chose qu’il soit possible de dire de manière assurée des sciences sociales récentes, c’est qu’elles deviennent indescriptibles, inaccessibles à un regard englobant et que donc plus personne ne peut réellement savoir de quoi elles parlent. Disons-le différemment. Si plus personne ne sait ce qu’elles nous disent, si en quelques années s’est opérée une rupture radicale avec les exigences antérieures du savoir, c’est parce que les sciences sociales ont abandonné — sans s’en rendre compte puisqu’elles ne savaient déjà plus qu’elles en entretenaient — toute ambition normative, toute prétention à éclairer le choix des règles de la cité. Elles sont devenues pleinement et fortement, et peut-être irrémédiablement, apolitiques. Et c’est mauvais signe. On espère contribuer ici à les faire sortir de leur léthargie. »
— p.33
Table des matières
Les nombres entre parenthèses correspondent à la numérotation des pages.
Introduction. Les sciences sociales et l’oubli du politique (7)
- Comment les sciences sociales divorcent d’avec le siècle (8)
- L’oubli du politique en économie (10)
- En sociologie et ailleurs (11)
- En philosophie politique (13)
- Fin de l’histoire ou déni du politique ? (14)
- De quelques raisons de la stérilité politique des sciences sociales (16)
- Le dérèglement institutionnel (19)
- Pour une séparation du savoir et de l’État (et du marché) (21)
- Du caractère politique des sciences sociales jusqu’à il y a peu (23)
- Première date de naissance : cinq siècles avant J.-C. en Grèce (24)
- Deuxième date : l’ère classique (XVIIe-XVIIIe siècle) (25) XXe
- Troisième date : le tournant du XIXe siècle (26)
- Quatrième date : le tournant du XXe siècle (29)
- Cinquième date : aujourd’hui même (32)
- Sur ce livre (34)
Chapitre 1. Plaidoyer pour une science sociale qui serait une philosophie politique, et réciproquement (40)
- L’état actuel des sciences sociales (43)
- L’Aufhebung de l’axiomatique de l’intérêt (44)
- Le foisonnement des possibles (47)
- Crispations disciplinaires et dissolutions identitaires (48)
- Explosion et implosion (51)
- De quelques exigences minimales de la connaissance dans les sciences humaines et sociales (59)
- Que faire ? (63)
- Une réforme réactionnaire (66)
- Pour une discipline synthétique adisciplinaire (69)
Chapitre 2. L’épuisement de l’économie politique (73)
- Le syncrétisme (74)
- Indécidabilité théorique et pragmatique économétrique (77)
- L’achèvement de l’économie politique (79)
- Les limites intrinsèques de la pensée économique (82)
Chapitre 3. Une sociologie sans objet (87)
- Questions et réponses (87)
- Objections (98)
- Les risques… (101)
- Pour la sociologie (102)
- Reprise : un destin si funeste, la sociologie… (104)
- Une discipline ? (104)
- Splendeur… (105)
- … et décadence (106)
- Et renaissance ? (106)
Chapitre 4. Le principe de raison, l’utilitarisme et l’anti-utilitarisme (109)
- Utilitarisme et modernité (114)
- Les trois registres de l’utilitarisme (118)
- L’utilitarisme pratique et l’utilitarisme théorique (119)[notes 1]
- L’utilitarisme philosophique ou normatif (124)
- La place de l’utilitarisme normatif dans la philosophie morale et politique (125)
- L’antinomie de la raison utilitaire normative (130)
- Un autre paradigme possible : le don (134)
Chapitre 5. Au-delà de l’individualisme méthodologique, même complexe (142)
- Un individualisme méthodologique complexe (144)
- Contre l’individualisme méthodologique simple (145)
- Totalité, complexité et autotranscendance (boot-strapping) (146)
- L’auto-émergence des conventions (147)
- Des individus complexes (148)
- Encore un effort pour complexifier la complexité (150)
- Un individu insuffisamment complexe (150)
- Relativiser l’arbitraire des conventions (151)
- Traquer tout réductionnisme (152)
- Au-delà de l’individualisme méthodologique même complexe (153)
- Conclusion (156)
Chapitre 6. Plaidoyer pour un holisme subjectiviste : sujets individuels et sujets collectifs (158)
- Les tensions paradigmatiques dans le champ des sciences sociales ; holisme et individualisme (161)
- Les oppositions centrales (161)
- Critique de l’individualisme méthodologique : un bref rappel (164)
- Les démarches non individualistes et/ou holistes (166)
- La métaphore du sujet collectif « rationnel » (173)
- Existence ou inexistence des choix collectifs (176)
- Les termes du choix (178)
- Les critères du choix ; qui choisit ? (181)
- Conclusion (185)
Chapitre 7. Plaidoyer pour un universalisme relativiste. Au-delà du rationalisme et du relativisme (187)
- Séduction et fragilité du rationalisme (189)
- Difficultés du relativisme classique (193)
- Difficultés factuelles et pragmatiques (194)
- Difficultés logiques et théoriques (198)
- Les limites de l’universalisme rationaliste standard (204)
- Le réductionnisme cognitiviste et économiciste (205)
- Apories du rationalisme (207)
- Conclusion (215)
- Première réflexion (216)
- Seconde réflexion (218)
Chapitre 8. Pensée des ordres, pensée du contexte et pensées du politique (223)[notes 2]
- Séparation ou enchevêtrement des ordres ? (227)
- La pensée de l’indépendance des ordres (228)
- Thèse 1.1 : les ordres sont disjoints (229)
- Thèse 1.2 : il est bon que les ordres soient disjoints (234)
- La pensée de la contextualité des ordres (236)
- Thèse 2.1 : il n’est pas souhaitable que les ordres soient disjoints (236)
- Thèse 2.2 : les ordres de la pratique ne sont pas disjoints (238)
- Quels contextes ? (239)
- L’insertion de l’économique dans le méta-économique (240)
- L’insertion de l’économique dans le politique (240)
- L’économique est inséré dans la culture (241)
- L’économique est encastré dans la socialité primaire (242)
- L’indétermination des imbrications (243)
- La pensée de l’indépendance des ordres (228)
- Complications et abstractions ; l’indétermination relative des ordres et des contextes (244)
- Insuffisances de la pensée des ordres (246)
- Carl Schmitt (246)
- Le structuro-fonctionnalisme (247)
- Karl Polanyi
- Insuffisances des pensées du contexte (251)
- Causes finales et causes efficientes (251)
- Le flou du concept d’embeddedness (251)
- L’ordre ou le désordre des ordres (252)
- Insuffisances de la pensée des ordres (246)
- Conclusion : l’essence politique de la contextualité (254)
- Esquisse d’une synthèse (256)
- Il existe des ordres (256)
- Il existe des contextes et des chevauchements ordonnés des ordres (258)
- Il existe des contextes non ordonnées des ordres (la primarité) (259)
- Il existe des contextes non ordonnées des contextes (le politique) (260)
- Esquisse d’une synthèse (256)
Conclusion. Politique, sciences sociales et démocratie (264)
- Le politique et la politique (266)
- Les amis, les ennemis, la paix et la guerre (268)
- La démocratie et la question de l’arbitraire relatif (271)
- Pour un renouveau des sciences sociales (277)
- Pour une complexification des concepts centraux des sciences sociales (281)
Réception
« Alain Caillé réussit à rendre compte de cette crise spécifiquement moderne et apporte sa contribution pour une redéfinition nécessaire du rôle et du statut des sciences humaines et sociales. […] L’analyse menée ici ne se contente pas de constater et d’interroger la situation de la crise des sciences sociales, elle pose les jalons d’une redynamisation de la recherche et de la connaissance en s’aidant de nouveaux concepts/outils de réflexion. »
— Emmanuelle Callac , « Bibliothèque », Genèses, vol. 21, no 21,‎ , p. 165-166 (ISSN 1155-3219, lire en ligne)
« Cette volonté de refuser un statut scientifique aux sciences sociales et de les orienter vers le normatif — le politique, dit Caillé, qui confond, semble-t-il, les deux — n’est pas seulement celle de l’auteur. Non plus que le désir de confondre plus ou moins sciences sociales et philosophie politique. À notre avis, Caillé contourne la difficulté, en s’affirmant non scientifique et en se déclarant normatif, mais en faisant, par ailleurs et avec beaucoup de talent, de la sociologie théorique. »
— Louis Moreau de Bellaing , « Comptes rendus », L'Homme et la société, vol. 111, no 1,‎ , p. 201-203 (ISSN 2101-0226, lire en ligne)
« C’est donc à une réhabilitation du politique et du sens que la société se donne à elle-même que notre auteur appelle. […] La critique paraît parfois excessive et la lecture de ce livre n’est pas commode, mais Alain Caillé met le doigt là où ça fait mal : à quoi servent les intellectuels s’ils n’éclairent pas la route que nos sociétés empruntent ? »
— « La Démission des clercs, Alain Caillé », Alternatives économiques, no 113,‎ (ISSN 0247-3739, lire en ligne)
Notes et références
Notes
- Contient une courte section intitulée « La critique des théories de l’action rationnelle » (page 122).
- À partir de ce chapitre, la pagination du texte dans la table des matières originale recule systématiquement d’une page. Elle est ici corrigée.
Références
- Notice SUDOC
- Voir la liste en page 37 de l’ouvrage.
Bibliographie
Alain Caillé, La Démission des clercs : la crise des sciences sociales et l’oubli du politique, Paris, La Découverte, coll. « Armillaire », , 296 p. (ISBN 2-7071-2272-6)