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La Curée

La CurĂ©e est un roman d’Émile Zola paru en 1871. DeuxiĂšme volume de la sĂ©rie Les Rougon-Macquart, il a pour thĂšme la vie dĂ©bauchĂ©e de Paris au Second Empire, que Zola rĂ©sume en ce groupe binaire « l’or et la chair ».

La Curée
Image illustrative de l’article La CurĂ©e

Auteur Émile Zola
Pays France
Genre Roman naturaliste
Date de parution Octobre 1871
Chronologie
SĂ©rie Les Rougon-Macquart

Trame

Le personnage principal est Aristide Rougon, dit Saccard, qui va faire une rapide fortune en spĂ©culant sur les futurs terrains Ă  bĂątir Ă  l’époque des grands travaux menĂ©s Ă  Paris par le baron Haussmann.

L’action se dĂ©roule Ă  Paris. EugĂšne Rougon a fait carriĂšre en politique grĂące Ă  son soutien Ă  NapolĂ©on III : il est ministre. Son frĂšre Aristide commence en bas de l’échelle par un modeste emploi. Sa femme s’appelle AngĂšle. Ils ont une fille (Clotilde), placĂ©e chez son frĂšre, le docteur Pascal Rougon Ă  Plassans, et un fils (Maxime), mis en pension. Ils habitent un modeste appartement de deux piĂšces. EugĂšne aide son frĂšre Ă  obtenir un emploi Ă  la mairie de Paris, ce qui permet Ă  ce dernier d’avoir accĂšs Ă  tous les plans des travaux d’Haussmann. Lorsque sa femme meurt, il envoie sa fille chez Pascal, un de ses frĂšres, et se marie peu de temps aprĂšs, par intĂ©rĂȘt, Ă  une jeune fille nommĂ©e RenĂ©e BĂ©raud du ChĂątel. Ayant pris le nom d’Aristide Saccard, il peut participer Ă  la « curĂ©e », le dĂ©peçage de Paris par les spĂ©culateurs, tĂąche dont il s’acquitte Ă  merveille. Il accumule rapidement une grande fortune en achetant Ă  bas prix des immeubles entiers, dont il sait qu’ils seront bientĂŽt rachetĂ©s Ă  prix d’or par la ville, qui souhaite les dĂ©truire afin de construire les futurs grands boulevards de la capitale. Pourtant, Aristide a un train de vie faramineux et ne refuse aucune dĂ©pense pour ses proches. Ayant besoin de toujours plus d’argent, et alors qu’il accumule les Ă©checs spĂ©culatifs, il escroque sans aucun scrupule sa propre femme RenĂ©e, qui possĂšde un important capital immobilier.

Le roman comporte Ă©galement une intrigue amoureuse. Devenu veuf, Saccard a Ă©pousĂ© RenĂ©e BĂ©raud du ChĂątel, dont la fortune lui avait permis de se lancer dans la spĂ©culation. Le couple est libre, chacun des deux Ă©poux ayant de nombreux amants sans que cela gĂȘne l’autre le moins du monde. Jusqu’au jour oĂč RenĂ©e, nouvelle PhĂšdre, tombe amoureuse de Maxime, fils que Saccard a eu de son premier mariage. La relation semi-incestueuse entre RenĂ©e et Maxime est finalement connue de Saccard, sans que celui-ci en soit vraiment affectĂ©. Le roman se clĂŽt sur une RenĂ©e abandonnĂ©e par Maxime, dĂ©possĂ©dĂ©e de sa fortune par Aristide et qui sombre dans la folie avant de mourir d’une mĂ©ningite.

Personnages

  • Aristide Rougon/Saccard : fils de Pierre et FĂ©licitĂ© Rougon, il est le frĂšre cadet d'EugĂšne Rougon, qu’il admire. DĂ©jĂ  apparu dans La Fortune des Rougon, il joue dans ce premier roman de la sĂ©rie des Rougon-Macquart le rĂŽle du journaliste rĂ©publicain de province. Opportuniste, il change de camp au moment du coup d’État et soutient le parti de ses parents, assistant sans intervenir au meurtre par un gendarme de son cousin SilvĂšre, jeune insurgĂ© politique idĂ©aliste. Aristide Rougon change de nom pour celui de Saccard Ă  son arrivĂ©e Ă  Paris, en partie pour ne pas compromettre son frĂšre en cas de dĂ©couverte de ses malversations et en partie car « il y a de l’argent dans ce nom lĂ  ; on dirait que l’on compte les piĂšces de cent sous[1] ». ProfondĂ©ment cupide et fin stratĂšge, son frĂšre lui trouve une place Ă  l’HĂŽtel de ville, ce qui lui permet de prendre part Ă  la curĂ©e, via des spĂ©culations relatives Ă  la vente d’immeubles et de terrains parisiens Ă  l’occasion de la rĂ©alisation des projets d’amĂ©nagement du baron Haussmann. De son premier mariage avec AngĂšle Sicardot, il a deux enfants, Clotilde et Maxime. AprĂšs la mort, bienvenue, de son Ă©pouse, il se remarie par l’entremise de sa sƓur, Mme Sidonie, avec RenĂ©e BĂ©raud du ChĂątel, riche hĂ©ritiĂšre Ă  qui il volera discrĂštement son argent et ses biens. Devenu une grande fortune de Paris, malgrĂ© des risques sĂ©rieux de banqueroute, il survit Ă  sa seconde Ă©pouse Ă  la fin du roman, plus complice que jamais de son fils et du rĂ©gime. Il rĂ©apparaĂźt par la suite dans L'Argent.
  • RenĂ©e Saccard : nĂ©e BĂ©raud du ChĂątel, fille d’un ancien magistrat ayant dĂ©missionnĂ© aprĂšs le coup d’État de Louis-NapolĂ©on Bonaparte. Alors qu’elle sortait d’un couvent, elle est violĂ©e par un homme de quarante ans et tombe enceinte. Elle rĂ©vĂšle Ă  son pĂšre sa grossesse, mais non son viol, avec la complicitĂ© de sa tante. À la recherche d’un homme acceptant de se faire passer pour le pĂšre de l’enfant, elle trouve pour jouer ce rĂŽle et l’épouser, par l'entremise de Mme Sidonie, Aristide Saccard. L’enfant ne voit pas le jour, RenĂ©e faisant une fausse couche, ce qui permet Ă  Aristide de cumuler les avantages dans le monde que constituent une belle Ă©pouse, un grand nom, une grande fortune et de belles propriĂ©tĂ©s, sans avoir l’inconvĂ©nient de les partager avec un hĂ©ritier. Personne amorale, ponctuellement dĂ©vorĂ©e de remords liĂ©s Ă  son Ă©ducation de grande bourgeoise classique, RenĂ©e mĂšne une vie de luxe insolent et de succĂšs mondains, cherchant Ă  satisfaire son dĂ©sir de vices et de plaisirs. À l’arrivĂ©e au foyer familial de Maxime, elle le traite comme son enfant, rapidement comme son ami, avant de former le projet de le sĂ©duire et d’en faire, avec succĂšs, son amant. Lorsque Maxime la quitte pour se marier Ă  Louise et que son mari lui vole ses biens, elle sombre dans le chagrin, le jeu, et finit par mourir d’une mĂ©ningite.
  • Maxime Rougon/Saccard : fils d'Aristide et d'AngĂšle Rougon, il passe les treize premiĂšres annĂ©es de sa vie Ă  Plassans, Ă©levĂ© par sa grand-mĂšre, FĂ©licitĂ© Rougon (La Fortune des Rougon). ArrivĂ© Ă  Paris aprĂšs la mort de sa mĂšre, son physique androgyne et sa malice lui attirent les faveurs des grandes bourgeoises parisiennes. ArchĂ©type de l’homme-femme, symbole de la dĂ©cadence de la haute sociĂ©tĂ© impĂ©riale, il reprĂ©sente Ă©galement le « petit crevĂ© », fils de parvenu parisien du Second Empire vivant des rentes de ses parents. Il aime les femmes et va mĂȘme jusqu'Ă  avoir une relation avec RenĂ©e, sa belle-mĂšre.
  • Sidonie Rougon/Saccard : sƓur d’Aristide Rougon/Saccard que tout le monde appelle Mme Sidonie. EffacĂ©e, doucereuse, vĂȘtue d’une Ă©ternelle robe noire, elle dirige un commerce douteux, jouant Ă  la fois le rĂŽle d’entremetteuse et de commerçante. Elle vit de l’agio et de l’embarras des autres. Ce personnage fait clairement Ă©cho Ă  celui de La MĂ©chain, qui apparaĂźt dans L'Argent. Comme toute la branche des Rougon, elle est animĂ©e d’une soif de l’argent, du gain. Elle n’hĂ©site ainsi pas un instant Ă  proposer Ă  Saccard de se marier avec RenĂ©e, alors que sa prĂ©cĂ©dente femme, AngĂšle, agonise encore dans la chambre adjacente.
  • AngĂšle Rougon/Saccard : nĂ©e Sicardot, calme et douce, folle de nourriture et de maquillage, elle est la premiĂšre femme d’Aristide Rougon. Elle dĂ©couvre le secret de la curĂ©e lorsque son mari, ivre, lui rĂ©vĂšle les plans secrets du baron Haussmann. À sa mort, des suites d’une maladie foudroyante, elle comprend les plans de remariage de son mari, mais semble, dans son dernier regard, lui pardonner cette cruautĂ©.
  • EugĂšne Rougon : dĂ©jĂ  apparu dans La Fortune des Rougon, il est un des proches de NapolĂ©on III et soutient son frĂšre Aristide tout au long de son ascension. Ministre du Second Empire, il est le personnage principal de Son Excellence EugĂšne Rougon et joue Ă©galement un rĂŽle occulte dans la conquĂȘte de Plassans.
  • Clotilde Rougon/Saccard : fille d’Aristide et AngĂšle Rougon/Saccard, elle part, aprĂšs la mort de sa mĂšre, vivre chez son oncle Pascal Ă  Plassans. Elle rĂ©apparaĂźt dans Le Docteur Pascal.
  • Louise de Mareuil : fille de bourgeois, trĂšs riche hĂ©ritiĂšre, elle est une des premiĂšres Ă  dĂ©couvrir l’inceste entre Maxime et RenĂ©e. FiancĂ©e Ă  Maxime, elle reste cependant placide et l’épouse. Atteinte d’une grave maladie, bossue et pleine d’esprit, elle finit sa vie en Italie avec son jeune mari, dans la premiĂšre annĂ©e de son mariage.

Inspiration

Zola s'est inspiré de la spéculation immobiliÚre parisienne qui a marqué la fin du Second Empire et le début des années 1870, marqué par la crise bancaire de mai 1873, qui a déclenché la Grande Dépression de la fin du XIXe siÚcle.

Analyse

La CurĂ©e est surtout une histoire quasi stendhalienne (malgrĂ© l'anachronisme) d'un parvenu, d'un pervers, ici un affairiste politique dĂ©sireux de rĂ©ussir Ă  tout prix, qui ne le cache guĂšre et y parviendra d'une curieuse et triple maniĂšre : d'une part, la trahison et l'opportunisme qui vont jusqu'Ă  la mort, y compris d'un parent en principe aimĂ© (changeant de casquette lorsqu'il sent tourner le vent en faveur de NapolĂ©on III, il laissera fusiller son cousin sans intervenir, donnant ainsi des gages au nouveau pouvoir qu'il a ralliĂ© in extremis) ; d'autre part, la corruption (il spĂ©cule ensuite sur des biens qui vont lui ĂȘtre rachetĂ©s dix fois le prix qu'il les a payĂ©s, usant des informations d'un frĂšre ministre — complice — qui connaĂźt les projets de rĂ©novation de Paris, ce qu'on pourrait appeler de nos jours un dĂ©lit d'initiĂ©) ; enfin, il exploite de riches personnages futiles, Ă©tablis dans la sociĂ©tĂ© et finalement dĂ©sarmĂ©s, prĂ©sentĂ©s comme dĂ©cadents et naĂŻfs, les femmes en premier. Alors que sa propre Ă©pouse, gravement malade, n'est pas encore morte (elle expirera opportunĂ©ment peu aprĂšs), il va mĂȘme se marier avec une jeune, belle et riche aristocrate, unique hĂ©ritiĂšre d'une fortune, malencontreusement enceinte au sortir du couvent Ă  la suite d'un viol (par un homme plus ĂągĂ© qu'elle de vingt ans) et que son pĂšre cherche Ă  tout prix Ă  Ă©tablir (elle fera une fausse couche et ce sera tout bĂ©nĂ©fice).

Zola pointe ici la fragilitĂ© des classes dominantes engluĂ©es dans des positions morales rigides, inadĂ©quates et mortifĂšres, dont les femmes font les frais en tout premier lieu, le pĂšre n'ignorant rien de ce que vaut Saccard et des raisons qui le fondent Ă  Ă©pouser RenĂ©e, et l'acceptant tout de mĂȘme, la sacrifiant ainsi pour ce qu'il croit ĂȘtre l'honneur de son nom. Elle s'Ă©tourdira ensuite par une vie futile et dispendieuse et quelques amants de la mĂȘme veine, dans l'indiffĂ©rence d'un mari qui ne l'aime pas et auquel de telles dispositions conviennent parfaitement. Frustration ? Irrespect pour cet homme qui la dĂ©laisse et, sous des dehors aimables, la mĂ©prise ouvertement et l'exploite (il a accaparĂ© tout son argent sans qu'elle n'en sache rien mais elle n’ignore pas qu'il ne l'a Ă©pousĂ©e que par intĂ©rĂȘt) ? Elle tombera follement amoureuse de son propre beau-fils, rappelĂ© de province par son pĂšre, un ĂȘtre comme elle (le cynisme en plus), lĂ©ger, inconsistant, voguant au grĂ© des circonstances et totalement dĂ©pendant d'un pĂšre qui a tout pouvoir sur lui. Un amour fou envers un homme-enfant qu'elle domine, qui ne lui semble pas dangereux. Son pĂšre l'a mariĂ©e de force, aprĂšs un viol, avec un homme qui n'en voulait qu'Ă  sa position et sa dot ; aussi, les hommes lui semblent des personnages redoutables. Notons que la diffĂ©rence d'Ăąge entre son beau-fils et elle est moindre que celle entre RenĂ©e et son mari. Maxime lui cĂšde et ce sont quelques instants de gaietĂ©, de bonheur pur et enfantin.

Puis Saccard dĂ©couvre l'adultĂšre et, pragmatique, occulte sa fiertĂ© blessĂ©e et songe Ă  s'en servir. Coup double encore une fois car il sait tirer profit et bĂ©nĂ©fice de toutes les situations, mĂȘme les plus tragiques. DĂ©sireux Ă  prĂ©sent de se dĂ©barrasser d'une femme encombrante qui risque de le dĂ©noncer (il a besoin de toute sa dot, du reste dĂ©jĂ  investie dans ses affaires, se trouve Ă  ce moment au creux de la vague et ne peut la rembourser), il va utiliser son fils pour l'atteindre, le circonvenant pour qu'il la quitte, en lui faisant miroiter un riche mariage avec une jeune fille infirme, seule issue pour le sauver de la banqueroute. Double but. Le jeune homme rĂ©siste puis cĂšde sous la pression. DĂ©sespĂ©rĂ©e par la trahison du seul homme qu'elle ait aimĂ©, RenĂ©e tentera de le reconquĂ©rir, en vain, et sombrera alors dans la folie. Peu aprĂšs, elle mourra de douleur (et d'une mĂ©ningite). Maxime est mariĂ©, sa jeune Ă©pouse ne vivra pas longtemps, la fortune de Saccard est une fois de plus sauvĂ©e par les femmes et les affaires.

Adaptation cinématographique

La Curée, adaptation franco-italienne réalisée par Roger Vadim en 1966 avec Jane Fonda et Michel Piccoli.

Les lieux

La Curée se déroule à Paris au moment des travaux d'Haussmann. Les mentions de lieux précis sont nombreuses, Zola cherchant, dans une perspective naturaliste, à dessiner une géographie trÚs réaliste de son roman. Rues, boulevards, avenues, parcs, restaurants, cafés, théùtres, tous les lieux mondains de la fin du XIXe siÚcle sont mentionnés. Afin de ne pas se contenter d'une liste exhaustive, nous proposerons une analyse symbolique des lieux dans La Curée. Pour cela nous verrons comment ceux-ci organisent et structurent le roman en deux séquences inversées qui symbolisent l'ascension et la chute.

L'ascension

Les trois lieux constituant les séquences symboliques à prendre en compte sont les suivants : le bois de Boulogne, l'hÎtel Monceau (la résidence des Saccard) et les Grands Boulevards. Le Bois de Boulogne est le lieu par lequel commence le roman au premier chapitre, lorsque Renée et Maxime font une promenade en calÚche dans ce lieu d'exposition des grandes fortunes du Second Empire. C'est là que Renée dit s'ennuyer et vouloir trouver un nouvel amusement, un nouveau plaisir inédit.

Ensuite, l'hĂŽtel Monceau est le deuxiĂšme lieu, la deuxiĂšme sĂ©quence de cette structure, et se trouve Ă©galement dans le premier chapitre. AprĂšs leur promenade au Bois, Maxime et RenĂ©e rentrent chez eux pour le dĂźner qui est donnĂ© Ă  l'hĂŽtel. La description de celui-ci occupe ensuite une trĂšs large place, et c'est ici, lors du dĂźner, que RenĂ©e formule son dĂ©sir inavouable, elle trouve le plaisir inĂ©dit qu'elle cherchait vainement dans la calĂšche : faire de Maxime son amant. Enfin, la derniĂšre sĂ©quence de cette structure ternaire est la sĂ©quence des Grands Boulevards de Paris, sur lesquels Maxime et RenĂ©e se promĂšnent dans le chapitre quatre. RenĂ©e a en effet demandĂ© Ă  Maxime de l'emmener Ă  un bal donnĂ© par une demi-mondaine, mais elle s'y ennuie vite et part avec Maxime. Ils longent alors les Grands Boulevards construits par Haussmann. Cette structure ternaire mĂšne Ă  l'apogĂ©e du roman, qui marque Ă©galement un decrescendo nĂ©cessaire pour la suite des Ă©vĂšnements. L'apogĂ©e se situe au chapitre quatre, juste aprĂšs leur dĂ©ambulation sur les Grands Boulevards, au CafĂ© Riche : "Dans le grand silence du cabinet, oĂč le gaz semblait flamber plus haut, elle sentit le sol trembler et entendit le fracas de l'omnibus des Batignolles qui devait tourner le coin du boulevard. Et tout fut dit. Quand ils se retrouvĂšrent cĂŽte Ă  cĂŽte, assis sur le divan, il balbutia, au milieu de leur malaise mutuel." C'est ici que RenĂ©e et Maxime s'arrĂȘtent pour dĂźner, et oĂč ils vont finalement commettre l'adultĂšre dans un cabinet particulier. Le roman peut donc ĂȘtre structurĂ© selon une premiĂšre phase d'ascension, qui mĂšne jusqu'Ă  l'apogĂ©e constituĂ©e de l'inceste. Ces trois grandes sĂ©quence symbolisĂ©es par des lieux permettent ainsi de condenser le roman et de le concentrer sur l'inceste, qui occupe une place majeure.

La chute

AprĂšs l'acmĂ© au CafĂ© Riche, on retrouve ces trois grandes sĂ©quences Ă  l'identique mais dans un ordre inversĂ©, dans une sorte de chiasme. Cet ordre n'est pas ici celui de l'ascension mais du decrescendo, de la descente qui mĂšne Ă  une fin inexorable. En effet l'on retrouve donc ensuite les Grands Boulevards dans cet ordre inversĂ©. Au chapitre cinq, RenĂ©e et Maxime promĂšnent leurs amours dans Paris, ils aiment particuliĂšrement les longues flĂąneries sur les nouveaux boulevards. Ici l'histoire d'amour incestueuse se dĂ©ploie aprĂšs que la faute a Ă©tĂ© commise. Ensuite on retrouve la deuxiĂšme sĂ©quence constituĂ©e par l'hĂŽtel Monceau, au chapitre six, lors du bal dĂ©guisĂ© chez les Saccard. Comme dans le premier chapitre, l'hĂŽtel est le lieu d'un Ă©vĂ©nement mondain, durant lequel se joue une action dĂ©cisive pour la suite du roman. Lors du premier chapitre RenĂ©e formulait son dĂ©sir d'inceste Ă  l'hĂŽtel Monceau, ici Saccard dĂ©couvre la relation de son fils et de sa femme. Enfin la derniĂšre sĂ©quence est dans l'ordre inversĂ© le Bois de Boulogne, oĂč RenĂ©e se rend dans le dernier chapitre. Contrairement au dĂ©but du roman elle est ici seule et abandonnĂ©e, et contemple l'Ă©talage des millions avec luciditĂ©. Elle prend conscience que la sociĂ©tĂ© dans laquelle elle Ă©volue est viciĂ©e, que tout le monde y joue un rĂŽle mais ne cherche en rĂ©alitĂ© qu'Ă  s'enrichir et Ă  jouir de tous les plaisirs possibles. La derniĂšre sĂ©quence reprend ainsi parfaitement la premiĂšre, lui donnant un Ă©cho inversĂ©, puisqu' ici tout est terminĂ©, RenĂ©e est seule, l'inceste a Ă©tĂ© commis, a trouvĂ© sa fin, et seule la mort l'attend. Elle a explorĂ© le dernier plaisir, la derniĂšre joie possible, elle ne peut donc plus ĂȘtre heureuse ou mĂȘme se contenter.

Références

  1. Édition Gallimard, coll. « Folio classique », chap. II, p. 87.

Éditions et bibliographie

Éditions

  • La CurĂ©e, Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, Fac-similĂ© disponible sur Wikisource TĂ©lĂ©charger cette Ă©dition au format ePub TĂ©lĂ©charger cette Ă©dition au format PDF (Wikisource).
  • La CurĂ©e, Ă©tude et commentaires de Philippe Bonnefis, notes de Brigitte Bercoff, prĂ©face d'Henri Mitterand, publiĂ© sous la direction de Michel Simonin, Le Livre de poche, 1996.
  • La CurĂ©e, notes, dossier, chronologie et bibliographie par François-Marie Mourad, GF Flammarion, 2015.

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