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La Calomnie d'Apelle (Botticelli)

La Calomnie ou La Calomnie d'Apelle (en italien : La Calunnia di Apelle) est un tableau de Sandro Botticelli peint aux alentours de 1495, probablement pour Antonio Segni, un banquier florentin. Cette œuvre d'art, réservée à un public d'esthètes initiés lors de sa conception, est conservée à Florence, dans la galerie des Offices.

La Calomnie d'Apelle
La Calomnie d'Apelle (La Calunnia di Apelle) Ă  la galerie des Offices de Florence
Artiste
Date
vers 1495
Type
Dimensions (H Ă— L)
62 Ă— 91 cm
SĂ©rie
Mouvement
No d’inventaire
00285580
Localisation

Cette peinture dont le sujet est la calomnie, est une allégorie. Les allusions mythologiques sont nombreuses : sur les frises dorées, sur les statues antiques, et bien sûr, par les personnages eux-mêmes. Contrairement à ce que l'on pourrait croire le personnage ici calomnié n'est pas Apelle de Cos (le peintre grec auteur de La Calomnie) mais est comme tous les autres personnages une allégorie.

Historique de l'Ĺ“uvre

L’historique de l’œuvre reste assez trouble et il existe plusieurs hypothèses concernant la raison pour laquelle Botticelli aurait peint ce tableau.

La première est que Botticelli aurait conçu cette œuvre pour lui-même, pour dénoncer un épisode de calomnie dans lequel il aurait été lui-même impliqué. D’une part, selon Lightbown, il aurait été dès 1490 accusé de relations homosexuelles et de sodomie. D’autre part, dans le contexte savonarolien, il se peut que ce soit son art qu’il ait cherché à défendre, traité de peintre païen et de mécréant du fait de son attachement à la culture antique qui nuirait à sa foi dans le Christ.

La seconde hypothèse est que Botticelli aurait offert l’œuvre à son ami Antonio Segni, d’après les dires de Vasari. Il se peut que Botticelli ait voulu faire référence aux vicissitudes que son ami aurait connues dans le passé. Mais surtout, la personnalité du destinataire de l’œuvre ajoute un argument supplémentaire en faveur d’un plaidoyer anti-savonarolien. Banquier à Florence puis à Rome, Antonio Segni était devenu grand argentier d’Alexandre VI Borgia. Le , il fut nommé par le Pape à la tête de la Monnaie pontificale. Le fait de donner un tel tableau à un ministre d’Alexandre VI apparait comme un message de défense destiné à prendre à témoin les autorités pontificales elles-mêmes. Botticelli voulait que le Pape sache que les accusations d’impiété que lui adressaient les piagnoni, les adeptes de Savonarole, étaient infondées : son art, certes riche de références antiques, n’était pas pour autant hostile à la foi chrétienne.

La troisième hypothèse est qu’il semblerait que la Calomnie fut conçu au lendemain du bannissement définitif des Médicis de Florence, dans un climat propice aux délations et aux dénonciations des partisans de cette maison. Meltzoff a avancé l’hypothèse que l’œuvre était à l’origine destinée à Pierre II de Médicis, pour défendre la peinture et la poésie, des arts intimement liés et diffamés par Savonarole. Dans ce cas, le tableau aurait été offert dans un second temps à Antonio Segni.

Le tableau est passé ensuite aux Offices en 1704, puis aux Archives secrètes de Pitti, avant de revenir définitivement à la galerie en 1773.

Description des personnages

De gauche Ă  droite, on observe :

  • En retrait :
    • Une jeune femme nue, pointant le doigt au ciel ;
    • Une vieille femme en toge noire, la toisant, et avançant ses deux poignets croisĂ©s vers l'homme Ă  terre.
  • Dans la cour de justice :
    • Un homme Ă  terre vĂŞtu seulement d'un pagne, les mains en prière ;
    • Une femme richement vĂŞtue, tenant une torche et tirant le prĂ©cĂ©dent par les cheveux ;
    • Deux femmes la coiffant ;
    • Un homme en guenilles, raidi, son bras tout droit vers le visage de l'homme de l'autel, son autre bras tenant le poignet de la femme richement vĂŞtue.
  • Sur l'autel :
    • Un homme au visage accablĂ©, les yeux fermĂ©s, assis sur le trĂ´ne ; en observant bien le dĂ©tail, ses oreilles d'âne apparaissent : c'est un mauvais juge ;
    • Deux femmes lui susurrant des mots aux oreilles, de part et d'autre.
  • DĂ©tail du juge influencĂ©.
    Détail du juge influencé.
  • DĂ©tail de La Calomnie.
    DĂ©tail de La Calomnie.
  • DĂ©tail des personnages en retrait.
    DĂ©tail des personnages en retrait.

Analyse du tableau

Son titre provient de la description d'un tableau d'Apelle de Cos qui a vécu au IVe siècle av. J.-C. qui est perdu mais dont il subsiste une description faite par Lucien de Samosate[1].

Identification des personnages

La peinture comprend neuf figures allégoriques parmi les personnages de l'avant-scène. Leur identification reste du domaine de l'interprétation, les allégories étant toutes des abstractions personnifiées renvoyant à des idées.

  • Dans la cour de justice :
    • un homme Ă  terre : le CalomniĂ© ;
    • une femme richement vĂŞtue : la Calomnie ;
    • deux femmes la coiffant :
    • un homme en guenilles : la Haine vindicative, ou l'Envie[2].

Identification des statues

En arrière-plan figurent des statues posées dans des alcôves.

Identification des frises dorées

Les murs de la cour de Justice sont couverts de bas reliefs de métal précieux.

  • Frise au-dessus de la VĂ©ritĂ© : combats de centaures ou centauromachie ;
  • Frise au-dessus de la PĂ©nitence : rencontre d'Ariane et de Bacchus ;
  • Frise en dessous de Midas : la famille des centaures[2].

Évolution de la Vénus de Botticelli

Apelle, peintre de l'Antiquité, attira Sandro Botticelli par ses œuvres sur le thème de la Vénus sortie des eaux, étudié énormément par le peintre de la Renaissance. On retrouve d'ailleurs Vénus en tant que personnage le plus à gauche de la Calomnie, sous la forme de la Vérité nue, invoquant le jugement du Ciel par son doigt levé.

Botticelli en vient donc à conter un épisode supposé de la vie d'Apelle, l’histoire d’un rejet de la part de ses pairs. Il est fortement probable que le message qu'il voulut donner s'adressait à ses contemporains, et s'appliquait à son époque.

Illustrant cette dureté, la Vénus a perdu ses formes et belles rondeurs dont Sandro l'avait dotée lors de sa naissance. Cette évolution, peut-être indépendante du reste du tableau, est vraisemblablement le résultat de l’influence de Savonarole sur le peintre, qui alla jusque mettre au pilori certaines peintures de sa période précédente pour mieux se mettre en accord avec ses nouveaux credos.

Postérité

Le tableau fait partie du musée imaginaire de l'historien français Paul Veyne, qui le décrit dans son ouvrage justement intitulé Mon musée imaginaire[3].

Notes et références

  1. Lucien de Samosate, Portraits du sophiste en amateur d'art, texte édité par Sandrine Dubel, p. 86-90, : Qu'il ne faut pas croire légèrement à la délation, Editions d'Ulm
  2. Site avec analyse du tableau
  3. Paul Veyne, Mon musée imaginaire, ou les chefs-d'œuvre de la peinture italienne, Paris, Albin Michel, , 504 p. (ISBN 9782226208194), p. 212-213.

Bibliographie

  • DUVERNE Marie-Paule, Galerie de Poche : Botticelli, Paris, GrĂĽnd, 2002 (version originale : CARVALHO DE MAGALHAES Roberto) Pages 34-35
  • FOSCA MARIANI ZINI, Le jugement suspendu : la calomnie Ă  Florence, Traditio, Cambridge University Press, 1998, https://www.jstor.org/stable/27831966?seq=1#page_scan_tab_contents
  • TOSONE Augusta, Galerie des Offices : Guide officiel, toutes les Ĺ“uvres, Florence, Giunti, 2009 (traduction : ASTE Henri (lexique), CAREDDA Valeria et CHEVALLIER Delphine) Pages 7
  • VASSELIN Martine, Le corps dĂ©nudĂ© de la VĂ©ritĂ©, Rives nord-mĂ©diterranĂ©ennes, 2008, https://journals.openedition.org/rives/2363
  • Auteur anonyme, Botticelli, Cinisello Balsamo (Milan), Scala, 2010, Pages 73-74

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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