La Besace (La Fontaine)
La Besace est la septième fable du Livre I des Fables de La Fontaine, situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668.
La Besace | |
La Besace, gravure d'Étienne Fessard d'après Jean-Baptiste Oudry (années 1750). | |
Auteur | Jean de La Fontaine |
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Pays | France |
Genre | Fable |
Éditeur | Desaint & Saillant |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1755-1759 |
Chronologie | |
Cette allégorie vient d'Ésope ("Les deux besaces") et de Phèdre, puis a été étoffée par Avianus ("La guenon et Jupiter"). On retrouve cette allégorie dans l'antiquité chez Catulle (Élégies, XXII, vers 20-21) et chez Plutarque (Les Vies des hommes illustres, "Vie de Crassus", chapitre LXI) ; puis à la renaissance chez Érasme (Adages, I, 6, 90) et chez Rabelais (Pantagruel, chapitre XV ; Tiers Livre, chapitre XV).
Texte de la fable
[Ésope[1] + Phèdre[2] - [3] + Avenius]
Jupiter dit un jour : " Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur :
Si dans son composé (1) quelqu'un trouve à redire,
Il peut le déclarer sans peur ;
Je mettrai remède à la chose.
Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause (2) :
Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.
ĂŠtes-vous satisfait ? - Moi ? dit-il ; pourquoi non ?
N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ?
Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ;
Mais pour mon frère l'Ours, on ne l'a qu'ébauché (3) :
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre. "
L'Ours venant lĂ -dessus, on crut qu'il s'allait plaindre.
Tant s'en faut : de sa forme il se loua très fort ;
Glosa (4) sur l' Éléphant, dit qu'on pourrait encor
Ajouter Ă sa queue, Ă´ter Ă ses oreilles ;
Que c'était une masse informe et sans beauté.
L' Éléphant étant écouté,
Tout sage qu'il Ă©tait, dit des choses pareilles :
Il jugea qu'à son appétit (5)
Dame Baleine Ă©tait trop grosse.
Dame Fourmi trouva le Ciron (6) trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse.
Jupin (7) les renvoya s'étant censurés tous,
Du reste , contents d'eux ; mais parmi les plus fous
Notre espèce excella ; car tout ce que (8) nous sommes,
Lynx (9) envers nos pareils, et taupes (10) envers nous (11),
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes :
On se voit d'un autre Ĺ“il qu'on ne voit son prochain.
Le fabricateur souverain
Nous créa besaciers (12) tous de même manière,
Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui :
Il fit pour nos défauts la poche de derrière,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, La Besace, Livre I Fable VII
Illustrations
- Gravure de François Chauveau (1613-1676).
- Illustration de Gustave Doré (1876).
- Image d’Épinal, estampe de E. Phosti (1895).
- Illustration de Benjamin Rabier (1906).
- Illustration d'André Hellé (1946).
Vocabulaire
(1) sa constitution
(2) parce que le singe a une réputation de laideur donc doit avoir à redire à sa physionomie
(3) parce que l'ours est volontiers présenté dans les Fables comme un être "mal léché", mal façonné, non terminé
(4) fit des critiques.
(5) à son goût, à son gré
(6) insecte aptère qui se développe dans le fromage et la farine et qui est le plus petit des animaux, visible à l'œil nu
(7) Surnom familier et burlesque de Jupiter
(8) tous tant que
(9) le lynx passe pour avoir une vue très perçante
(10) la taupe a des yeux si petits et tellement cachés sous les poils que longtemps, on l'a crue aveugle
(11) Rabelais avait lui aussi opposé l'acuité visuelle du lynx à la cécité de la taupe (Tiers Livre, chapitre XXV)
(12) Le terme date de 1524 et désigne familièrement le porteur d'une besace. Son emploi est ressenti comme archaïque à l'époque classique (Dictionnaire historique de la langue française)
Notes et références
- (fr + grk) Ésope (trad. Émile Chambry), « LES DEUX BESACES », sur archive.org,
- (la) Phèdre, « DE VITIIS HOMINUM », sur gallica.bnf.fr,
- Phèdre (trad. Ernest Panckoucke), « DES VICES DES HOMMES », sur gallica.bnf.fr,
Liens externes
- La Besace, Musée Jean-de-La-Fontaine à Château-Thierry.
- Du brevet au bac : lecture de La Besace
- La besace ; La cigale et la fourmi et Le loup et l'Agneau (audio : 2 minutes 45 secondes ; 3 minutes 11 secondes), fables lues par Paul Œttly sur le site de la Bibliothèque Nationale de France
- La besace (audio : 1 minute 59 secondes), lue par Denis d'Inès ou Louis Seigner sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris
- La besace (audio : 1 minute 33 secondes), lue par Pierre Fresnay sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris
- La besace (audio : 2 minutes 20 secondes), lue par Pierre Asso sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris