L'Hirondelle et les Petits Oiseaux
L'Hirondelle et les Petits Oiseaux est la huitième fable du livre I de Jean de La Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668.
L'Hirondelle et les Petits Oiseaux | |
Auteur | Jean de La Fontaine |
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Pays | France |
Genre | Fable |
Éditeur | Claude Barbin |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1668 |
Chronologie | |
Texte
L'HIRONDELLE ET LES PETITS OISEAUX
[Ésope[1] + Anon +Isaac Nicolas Nevelet]
L'hirondelle et les petits oiseaux
Une Hirondelle en ses voyages
Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu
Peut avoir beaucoup retenu.
Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages,
Et devant qu'ils (1) fussent Ă©clos (2),
Les annonçait (3) aux matelots.
Il arriva qu'au temps que (4) la chanvre (5) se sème,
Elle vit un manant (6) en couvrir (7) maints sillons.
" Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons :
Je vous plains ; car pour moi, dans ce péril extrême,
Je saurai m'Ă©loigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ?
Un jour viendra, qui n'est pas loin,
Que ce qu'elle répand sera votre ruine.
De là naîtront engins à vous envelopper,
Et lacets pour vous attraper ;
Enfin mainte et mainte machine
Qui causera dans la saison
Votre mort ou votre prison.
Gare la cage ou le chaudron !
C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle,
Mangez ce grain et croyez-moi. "
Les Oiseaux se moquèrent d'elle:
Ils trouvaient aux champs trop de quoi.
Quand la chènevière (8) fut verte,
L'Hirondelle leur dit :" Arrachez brin Ă brin
Ce qu'a produit ce mauvais grain,
Ou soyez sûrs de votre perte.
-Prophète (9) de malheur, babillarde, dit-on,
Le bel emploi que tu nous donnes!
Il nous faudrait mille personnes
Pour Ă©plucher tout ce canton. "
La chanvre Ă©tant tout Ă fait crue (10),
L'Hirondelle ajouta : " Ceci ne va pas bien ;
Mauvaise graine est tĂ´t venue.
Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien,
Dès que vous verrez que la terre
Sera couverte, et qu'à leurs blés
Les gens n'étant plus occupés
Feront aux Oisillons la guerre;
Quand reginglettes (11) et réseaux
Attraperont petits Oiseaux,
Ne volez plus de place en place ;
Demeurez au logis, ou changez de climat :
Imitez le Canard, la Grue et la BĂ©casse (12).
Mais vous n'ĂŞtes pas en Ă©tat
De passer comme nous les déserts et les ondes,
Ni d'aller chercher d'autres mondes.
C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr :
C'est de vous enfermer aux trous de quelque mur. "
Les Oisillons, las de l'entendre,
Se mirent à jaser (13) aussi confusément
Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre (14)
Ouvrait la bouche seulement.
Il en prit (15) aux uns comme aux autres :
Maint Oisillon se vit esclave retenu.
Nous n'Ă©coutons d'instincts que ceux qui sont les nĂ´tres,
Et ne croyons le mal que quand il est venu.
Vocabulaire
(1) Et avant qu'ils
(2) eussent éclatés
(3) A l'approche de l'orage, l'hirondelle vole en rasant le sol, ou la surface des eaux, et en poussant des cris aigus
(4) au temps oĂą
(5) féminin archaïque
(6) paysan
(7) ensemencer
(8) champ semé de chènevis, ou graine de chanvre
(9) Prophétesse
(10) participe passé du verbe croître (poussée)
(11) ce doit être un collet, monté au bout d'une branchette qui fait ressort, et en se détendant, en reginglant, serre le lacet. Apparemment, ce mot est un mot de Château-Thierry, non connu des oiseliers de Paris (d'après Richelet)
(12) Le canard sauvage, la grue et le bécasse sont des oiseaux voyageurs
(13) se dit du cri de la pie, du perroquet et du geai
(14) Cassandre est la fille de Priam, roi de Troie. Apollon lui avait accordé le don de connaître l'avenir; mais pour la punir de lui avoir refusé ses faveurs, il l'avait condamnée à n'être jamais crue. Elle prédisait la chute de Troie : on ne l'écoutait pas
(15) Il en arriva
(16) se vit retenu esclave
Notes et références
- (fr + grk) Ésope (trad. Émile Chambry), « L'HIRONDELLE ET LES OISEAUX », sur archive.org,
Liens externes
- L'Hirondelle et les Petits Oiseaux, Musée Jean-de-La-Fontaine à Château-Thierry.
- L'hirondelle et les petits oiseaux (78 tours numérisé / audio : 2 minutes 32 secondes), lecture de Béatrice Bretty sur le site de la Médiathèque Musicale de Paris