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Kouang-Tchéou-Wan

Le Kouang-Tchéou-Wan (chinois simplifié : 广州湾 ; chinois traditionnel : 廣州灣 ; pinyin : guǎngzhōu wān ; EFEO : Kouang-Tchéou-Wan), également orthographié Quang-Tchéou-Wan du temps de la présence française ou encore Guangzhouwan[1] - [2], est un territoire de 1 300 km2 situé au sud de la Chine continentale, cédé par bail à la France en 1898 à la suite du traité de Kouang-Tchéou-Wan et rétrocédé à la Chine en 1945. Rattaché administrativement à l'Indochine française, il englobait des territoires situés sur la côte nord-est de la péninsule de Leizhou, à l'ouest du Guangdong, comptant notamment la ville actuelle de Zhanjiang, ainsi que les îles de Donghai et Naozhou (alors respectivement translittérées, Tan-hai et Nau-chau).

Territoire de Kouang-Tchéou-Wan

18981945

Drapeau
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de 1909.
Informations générales
Statut Territoire à bail administré par le gouvernement général de l'Indochine française
Capitale Fort-Bayard (actuelle Zhanjiang)
Langue(s) français, cantonais, min
Monnaie Piastre indochinoise
Démographie
Population 189 000 hab. (en 1911)
208 044 hab. (en 1924)
Superficie
Superficie (1945) ~ 1 300 km2
Histoire et événements
Traité de Kouang-Tchéou-Wan
Ratification de la convention, rattachement à l'Indochine française
Convention franco-chinoise rétrocédant le territoire à la Chine
Retrait des Français

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Histoire

Après la conquête française, le territoire est cédé par la Chine pour une durée de 99 ans par l'accord du [3]. Le chef-lieu administratif est baptisé Fort-Bayard (ou Fort-Payard, actuelle Zhanjiang)[4]. En 1900, le territoire de Kouang-Tchéou-Wan passe sous l'autorité du gouverneur général de l'Indochine française.

En s'emparant de ce territoire, la France cherche à étendre sa zone d'influence à partir de l'Indochine au Sud-Ouest de la Chine (Yunnan, Sichuan et Guangdong). Elle souhaite faire du port de Kouang-Tchéou-Wan un grand port de commerce, pour contrebalancer les influences britannique (Hong Kong) et portugaise (Macao) dans le sud de la Chine. Au départ, pour son projet colonial en Chine, la France voulait conquérir l’île de Hainan, mais les Britanniques refusèrent une telle conquête. L’île de Hainan sera toutefois sous influence française, une influence surtout économique.

La France utilise ce comptoir pour l'expédition des produits miniers tirés des concessions accordées par la Chine.

Gare de Pi-che-Tchai de style français dans le Yunnan.
La chambre de commerce vers 1930.

Des projets français d'extension des chemins de fer indochinois vers le Yunnan (Chemins de fer de l'Indochine et du Yunnan, la ligne Hanoï-Kunming) est terminée en 1909 et ouverte en 1910[5]. La gare de Pi-che-Tchai dans le Yunnan construite par un ingénieur français est un important port d'échange pour les empires européens. Pendant plus de 30 ans, la gare joue un rôle de première importance sur cette ligne, dans l'exportation d'étain, fourrures et riz, Les Français, Britanniques, Américains, Allemands, Japonais et Grecs s'y relaient successivement de manière ininterrompue[5]. D'autre lignes vers le reste de la Chine sont envisagées, qui échoueront à cause de problèmes de délimitations du territoire.

Pour mettre en valeur le territoire, et le rendre accessible à des navires de commerce, les Français vont ériger un phare, en 1904, et qui est toujours visible de nos jours.

Cependant, le territoire ne connaît pas la même croissance rapide de population que d'autres parties de la Chine côtière, cette population passant de 189 000 habitants en 1911 à seulement 209 000 habitants en 1935.

En 1914, la France, par l'intermédiaire du gouverneur de l'Indochine française, demande au Royaume-Uni d'assurer la sécurité du territoire, la France, déjà en guerre, ayant du mal à gérer militairement l'Indochine française : entre 1914 et 1919, environ 200 cipayes de l'Armée des Indes britanniques sont déployés à Kouang-Tchéou-Wan. Durant cette période, la Chine reste encore instable et n'attaque pas le territoire. En , le commandement britannique est relevé et deux unités d'artilleurs des troupes coloniales du Tonkin remplacent les cipayes des Indes britanniques.

Localisation de Kouang-Tchéou-Wan et du reste de l'Indochine française.

À partir de 1920, les Français comprennent que le projet initial est un échec, le territoire ayant de nombreux retards. La Chine voisine est instable depuis 1911 et la présence française est toute relative, l'attention coloniale du plus grand nombre d'investisseurs se portant à cette époque sur l'Indochine française.

Au début des années 1920, le ministère des colonies, en France, constatera que ce territoire n'égalera jamais celui des Britanniques, Hong-Kong.

En 1925, devant les vues et l'impérialisme japonais sur la Chine, la France envisage de faire du territoire un port de guerre. À partir de 1931, le projet se concrétise, mais les budgets manquent et la France, en retard elle-même sur son armement face à l'Allemagne, ne le finalise pas (le projet sera mené à terme par la Chine qui fera du port de Zhanjiang une grande base navale). À partir de 1930, la France commencera à être touchée par le krach boursier de 1929, et la crise économique pénalisera donc le projet de port militaire, qui sera suspendu.

Occupation japonaise en 1943.

Le territoire est occupé par l'Empire du Japon en 1943. Le à Chongqing (Tchoungking), alors que les Japonais occupent toujours Kouang-Tchéou-Wan (le Japon avait capitulé le 15), un diplomate français et Kuo Chang Wu, vice-ministre des Affaires étrangères de la République de Chine, signent la Convention entre le Gouvernement provisoire de la République française et le Gouvernement national de Chine sur la rétrocession du territoire à bail de Kouang-Tchéou-Wan. Après le départ des troupes d'occupation japonaises du territoire fin septembre, des représentants des gouvernements français et chinois se rendent à Fort-Bayard pour effectuer le transfert administratif. Le drapeau français est abaissé pour la dernière fois le [6]. Le territoire était donc officiellement sous domination française jusqu'en , mais il n'y avait plus d'administrateurs, ni militaires français depuis 1943. En , les Chinois reprennent pleinement leur souveraineté sur le territoire. Si à l'époque la rétrocession du territoire de Kouang-Tchéou-Wan passera pratiquement inaperçue en France, en revanche, elle favorisera et encouragera les nationalistes du Vietminh, en Indochine française, qui luttaient pour l'indépendance du Vietnam, où la nouvelle sera largement diffusée.

Depuis la « pinyinisation » de l’écriture chinoise, Fort-Bayard, dont le nom chinois initial était Tsamkong (lecture en cantonais), est connu sous le nom de Zhanjiang.

Héritage de la présence française

Monument de la résistance anti-française du peuple de Huanglüe (Xian de Suixi).

La France avait formé une petite élite francophone, mais ces francophones sont restés isolés du reste du monde des années 1940 — le lycée français fut fermé en 1943 lors de l'invasion japonaise — aux années 1980, surtout pendant la période de la révolution culturelle dans les années 1960, où savoir parler français était dangereux et jugé « impérialiste ». Avant 1943, il y avait aussi une école franco-chinoise où de jeunes enfants scolarisés issus de l'élite locale, recevaient un enseignement bilingue en chinois et en français.

Au début des années 1990, le nombre de francophones était estimé à un millier d'individus, des personnes âgées, issues de l'ancienne élite, et ayant connu la colonisation française, mais le plus souvent, ils parlaient mal ou avaient oublié le français. En 2014, cette petite élite semble avoir complètement disparu en même temps que les anciennes générations. La France n'envisage pas d'ouvrir un nouveau lycée français ou Alliance française.

Zhanjiang est aujourd'hui une base navale, qui reçoit une partie de la flotte de guerre de la marine de la République populaire de Chine, opérant en mer de Chine et dans le Pacifique. La région est rigoureusement contrôlée par crainte de l'espionnage, et très limitée aux Occidentaux, dont les Français : pour accéder à la zone, un laissez-passer est nécessaire mais il est rarement accordé. De ce fait, la zone est déserte d'Occidentaux, ce qui ne favorise guère la vitalité d'une forme de francophonie dans la région. À partir de 2010, l'accès à la région est facilitée pour les visiteurs occidentaux, mais ils ont interdiction d'accéder aux installations militaires, tout comme prendre des photos des navires, ou tout ce qui relève de l'armée. Le visiteur peut être convoqué à tout moment par les policiers, qui peuvent contrôler les appareils photos ou smartphones, par exemple.

L'héritage de la colonisation française se retrouve de nos jours surtout à travers la religion catholique, et les 5 % de catholiques de Zhanjiang, où avant 1943, il y avait une paroisse qui dépendait directement du vicariat apostolique d'Hanoï, en Indochine, tandis que l'arrière-pays dépendait du vicariat apostolique de Pakhoi.

En une délégation de la ville de Zhanjiang a visité la Norvège, la Grande-Bretagne et la France (Paris, Brest, Nice) dans le but de développer les relations économiques, en particulier dans le domaine de l'ingénierie maritime[7].

Subdivisions

En 1926[8], le Territoire de Kouang-Tchéou-Wan comprenait[9] :

  • Deux « centres urbains » : Fort-Bayard (aujourd'hui : Zhanjiang) et Tchekam ;
  • Sept « délégations » : Poteou, Tamsoui, Potsi, Tchimoun, Taiping, Tongsan, Sanka-Wo.

Garnisons

Garde indigène : elle comprenait 16 sous-officiers et 348 gardes indigènes. Ils étaient dirigés par des sous-officiers annamites ou tonkinois, souvent avec des origines chinoises.

Le colonel était un Français de métropole, ainsi que les deux officiers encadrant la garde indigène.

Galerie

  • Bureau de poste de Kouang-Tchéou-Wan vers 1920.
    Bureau de poste de Kouang-Tchéou-Wan vers 1920.
  • Pavillon des officiers - au fond, l'église de Fort-Bayard, carte postale postée en 1913.
    Pavillon des officiers - au fond, l'église de Fort-Bayard, carte postale postée en 1913.
  • Miliciens chinois - Kouang-Tchéou-Wan.
    Miliciens chinois - Kouang-Tchéou-Wan.

Voir aussi

Bibliographie

  • Kévin Seivert, Les débuts du territoire français de Kouang-Tchéou-Wan - Carnets de voyage du médecin de la Marine Charles Broquet (-)[10]
  • Bertrand Matot, Fort Bayard. Quand la France vendait son opium. Éditions François Bourin, 2013, Paris.
  • Fabrice Di Nola. Occupation militaire et organisation administrative du territoire à bail de Kouang-Tchéou-Wan: 1898-1903. Institut d'études africaines (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône). 1996. 169 p.[11].
  • Compte administratif du budget local du territoire de Kouang-Tchéou-Wan : exercices de 1922 à 1938 [12] disponibles sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.
  • Léon Mossy, Principes d'administration générale de l'Indo-Chine, Saïgon, Impr. de l'Union, 1926.
  • François Boucher, De ma jungle, affecTUEUSEment, roman dont l'intrigue se situe à Kouang Tchéou Wan — Éditions du Non-Agir, 2014.
  • Antoine Vannière, Kouang-Tchéou-Wan, colonie clandestine. Un territoire à bail français en Chine du Sud, 1898-1946, Paris, Editions Les Indes Savantes, 2020, 690 p. Thèse de doctorat (Université Paris-7 Denis Diderot).

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « Chine / France : des historiens vont retracer l'histoire de la concession française de Guangzhouwan », Chine Nouvelle (Xinhua), 16 août 2011.
  2. Pierre Brocheux et Daniel Hémery, Indochine : la colonisation ambiguë 1858-1954, La Découverte, 1994, p. 80.
  3. Jean Charpentier, Pratique française du droit international public. In: Annuaire français de droit international, volume 5, 1959. pp. 877-902, sur persee.fr, consulté le 11 janvier 2014. "Le territoire de Kouang-Tchéou-Wan était rattaché administrativement à l'Indochine, mais il restait soumis, en vertu de la convention franco-chinoise du 16 novembre 1898, à la souveraineté chinoise (J.O. A.N. 1er juillet 1959, p. 1189)."
  4. Guangzhouwan sur chine-informations.com.
  5. (zh) « 网友在碧色寨遇到了冯小刚,碧色寨是哪儿? », sur Sohu.com,
  6. Matot, Bertrand. Fort Bayard. Quand la France vendait son opium. Éditions François Bourin, 2013, Paris, p. 193.
  7. « Chinadaily.com.cn : Connecting China Connecting the World », sur China Daily (consulté le ).
  8. Mossy (Léon), Principes d'administration générale de l'Indo-Chine, Saïgon, Impr. de l'Union, 1926, In-8°, 926-XV p.
  9. Mossy (L.), op. cit., p. 14 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58463606/f16.image
  10. Kévin Seivert, Les débuts du territoire français de Kouang-Tchéou-Wan, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2017/1 (n° 124-1), p. 113-134.sur cairn.info.
  11. Fabrice Di Nola. Occupation militaire et organisation administrative du territoire à bail de Kouang-Tchéou-Wan: 1898-1903, catalogue SUDOC.
  12. Compte administratif du budget local du territoire de Kouang-Tchéou-Wan : exercices de 1922 à 1938, sur Gallica.
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