Kingsoft

Avant de fonder Kingsoft, Fritz Schäfer étudiait l’électrotechnique à la RWTH Aachen University, où il a appris à programmer en Fortran . En même temps, il travailla pendant une journée dans un restaurant McDonald's également situé à Aix-la-Chapelle . En utilisant son salaire, Schäfer acheta un Commodore PET 2001 d'occasion à bas prix en 1978. Il envisageait initialement de le revendre, mais décida de le garder lorsqu’il commença à créer de petits jeux vidéo faits en BASIC, et apprit ensuite de façon totalement autodidacte à programmer en assembleur. Au début des années 80, les programmes d'échecs étaient devenus populaires en Allemagne, ces logiciels étant vendus à des prix variant entre plusieurs centaines et plus de 1 000 marks allemands. Schäfer, lui aussi fan des échecs, considérait ce marché comme une opportunité de transformer son PET en un ordinateur d'échecs grâce à un logiciel personnalisé. Par conséquent, avec un ami qui possédait également un PET 2001, il créa le jeu d'échecs Boss. Le développement du jeu devait à l'origine être un projet amateur, mais cela changea lorsque, en 1981, Commodore International sortit le VIC-20, un nouvel ordinateur qui utilisait le même processeur que le PET (un MOS Technology 6502) mais était en outre équipé d'un processeur graphique capable d’afficher des graphismes couleur en haute résolution. Commodore International avait déjà commercialisé plusieurs modules logiciels pour le VIC-20, mais aucun ne facilitait la création d’un programme d'échecs, ce qui décida Schäfer à créer un portage VIC-20 de Boss, qu'il tenterait de vendre. Pour ce faire, Schäfer fonda donc Kingsoft GmbH en 1982 chez ses parents à Mulartshütte, un quartier de Roetgen, qui se trouve en banlieue d’Aix-la-Chapelle.

Kingsoft établit alors un système de livraison, utilisant Boss à 900 marks, comme premier produit commercial. Une petite annonce fut placée dans un magazine allemand spécialisé dans l'informatique, Chip . La mère de Fritz gérait les commandes des clients par téléphone, tandis qu'une base de données était improvisée à l'aide de notes dans un placard à chaussures. Les commandes étaient traitées sous forme de cassette ou de disquette et envoyées au client par la poste. Les ventes de Boss grimpèrent dès sa sortie, attirant par la même occasion une grande variété de clients, dont l'informaticien Konrad Zuse. Parallèlement à Kingsoft, Schäfer faisait du travail de sous-traitance pour le développeur Vobis, basé à Düsseldorf, où il avait un lien avec un de ses anciens supérieurs de chez McDonald's, incluant la traduction de modes d'emploi en anglais et représentant la société lors de foires. Lors d'une de ces foires, le Hobbytronic de 1982 se déroulant à Stuttgart, Schäfer repéra le Grand Maître International des échecs allemand Theo Schuster en train de jouer contre plusieurs programmes d'échecs en même temps. Après avoir été convaincu par le fondateur de Vobis Theo Lieven, Schäfer demanda aux organisateurs de l'événement si Boss était autorisé à concourir contre Schuster; Comme les organisateurs l'ont convenu, Schäfer a rapidement mis en place un VIC-20 pour gérer le jeu. Schuster a pris les ordinateurs d'échecs au sérieux et a pu les battre facilement, mais a utilisé une approche plus téméraire avec Boss, ce qui l'a conduit à presque perdre le jeu et donc à demander un match nul. Cette victoire permit à Boss d'avoir un argument de poids dans sa communication et donc de gagner encore plus de clients.

À la suite de son succès sur le PET et le VIC-20, Boss fut porté sur le Commodore 64 (C64). Pendant ce temps, Schäfer discutait de la possible distribution internationale du jeu avec des partenaires de distribution britanniques, qui ont déclaré que le nom " Boss " avait une connotation péjorative en anglais. Pour cette raison, Boss fut donc renommé Grandmaster (parfois appelé Grand Master) pour le marché mondial. Au Royaume-Uni, le jeu fut édité par Audiogenic. Ces accords servirent de base au succès de Kingsoft en tant qu'éditeur ; en 1983, la société a publié son premier jeu développé par des tiers, Galaxy, un clone de Galaga conçu par Henrik Wening. Kingsoft a inséré des annonces "Programmierer gesucht" ("Programmeur (s) recherché") dans des magazines allemands spécialisés dans l'informatique, dont Chip, pour attirer les propositions de jeux, ce qui permit à l'entreprise de devenir un acteur majeur dans le marché du jeu vidéo allemand. Comme Kingsoft ne disposait d'aucune équipe de développement interne, ils travaillaient exclusivement avec des développeurs tiers. La société choisissait des titres prometteurs parmi les nombreux reçus et achetait les droits de ces jeux en payant des montants à quatre ou cinq chiffres. Kingsoft distribuait elle-même ses jeux en Allemagne, tandis qu'Anirog s'occupait de vendre les jeux en Grande-Bretagne. En 1984, Kingsoft sort deux autres jeux développés par Wening: Zaga, et Space-Pilot, basés respectivement sur Zaxxon et Time Pilot. Space-Pilot eut un franc succès auprès du public britannique et eut rapidement droit à une suite moins bien vendue, Space-Pilot 2, dès l'année suivante. La société est également l'éditeur du jeu de plateforme Tom, du jeu de sport Winter-Olympiade (connu sous le nom de Winter Events au Royaume-Uni) et de sa suite, Sommer-Olympiade (connu sous le nom de Summer Events au Royaume-Uni), tous conçus par Udo Gertz.

Une version low-cost du C64, le Commodore 16 (C16), fut lancée par Commodore International en 1985, mais ne se vendit pas bien. À l'époque, Commodore International était le sponsor présent sur le maillot du Bayern de Munich, c'est pourquoi Uli Hoeneß, le manager du club, a conclu un accord avec la chaîne de magasins Aldi en 1986 pour que les C16 soient distribués dans leurs magasins. Pour assurer la commercialisation des ordinateurs, des brochures contenant des informations sur les logiciels et les accessoires des ordinateurs devaient y être ajoutées. Puisque les éditeurs de jeux C16 étaient rares en Allemagne et parce que Schäfer avait été en contact avec le directeur de la branche allemande de Commodore International, Kingsoft fut engagé pour créer ces brochures. Kingsoft a porté plusieurs de ses jeux sur cette machine, notamment Grandmaster, Galaxy, Tom et Ghost Town, qui furent regroupés dans une compilation intitulée Plus Paket 16 et vendus pour 39 marks . Schäfer est également l'auteur d'un livre intitulé Das große C-16-Buch (Le grand livre du C16). Les C16 furent ensuite regroupés avec des disquettes et annoncés comme ordinateur d'entraînement pour la programmation en langage BASIC. Environ 200 000 appareils furent vendus de cette façon.

Grâce au succès rencontré sur les ventes de jeux C16, en 1987, Kingsoft put déménager de la maison des parents de Schäfer pour obtenir de véritables bureaux à Aix-la-Chapelle, y compris un entrepôt. À partir de ses nouveaux locaux, Kingsoft mit en place un réseau de distribution sur mesure, avec lequel elle livrerait à des chaînes comme Allkauf, Toys "R" Us et Vobis. Ce service, ainsi que l'augmentation du loyer pour le nouvel emplacement et des salaires plus élevés pour le personnel de l'entreprise, ont mis Kingsoft dans un état financièrement critique, ne se remettant que de la nécessité de rester indépendant. Pendant ce temps, les ventes de C16 commençaient à descendre et Kingsoft se concentra sur le développement de jeux Amiga en 1988. Contrairement aux autres éditeurs de l'époque, Kingsoft proposait des jeux à un prix inférieur aux 80 marks largement demandés. Leur premier jeu Amiga réussi fut le simulateur de flipper Pinball Wizard, mais d'autres jeux importants incluent Emerald Mine (1987) et sa suite, conçus par Volker Wertich; Hägar der Schreckliche (1991), le seul jeu sous licence de la société; et Locomotion, sorti en 1992. Cependant, Kingsoft sortit d'autres jeux pour Amiga, tels qu'Excalibur, Corpio et Cybernauts . À cette époque, l'entreprise ne compte plus que 12 à 13 employés (dont six à plein temps) et embauche Marc Oberhäuser en tant que comptable. Le développement de jeux devenant plus coûteux et nécessitant des équipes plus importantes, la société a embauché Norbert Beckers en tant que directeur de la section de développement.

En 1993, Kingsoft cessa ses activités en tant qu'éditeur de jeux et se focalisa sur la distribution de jeux. Au même moment, Schäfer fonda Ikarion Software GmbH en tant que développeur de jeux vidéo distinct de Kingsoft. En tant qu'entreprise axée sur la distribution, Kingsoft devint une cible d'acquisition viable pour les éditeurs et développeurs cherchant à distribuer leurs jeux en Allemagne. 1994 fut la dernière année de Kingsoft en tant que société indépendante; cette année-là, l'entreprise employait 20 collaborateurs et réalisait un chiffre d'affaires de 20 millions de marks. Le 8 mars 1995, le géant du jeu vidéo Electronic Arts (EA) annonça le rachat de Kingsoft pour une somme non communiquée. Kingsoft devint alors une filiale et le centre de distribution des opérations existantes d'EA en Allemagne, Electronic Arts GmbH, et servirait de connexion d'EA aux détaillants allemands et aux marchés locaux. D'autres entreprises comme Rushware et MicroProse étaient aussi intéressées. EA supprima rapidement la marque Kingsoft et Schäfer quitta l'entreprise pour se concentrer sur Ikarion, avant d'en partir en 1998, Ikarion fermera ses portes trois ans plus tard, en 2001.

Quelque temps plus tard, Schäfer tenta brièvement de relancer la marque Kingsoft pour Busy Bags, un casual game qu'il développait pour les smartphones Android et iOS, mais a constaté que personne chez EA n'était disposé à lui fournir une réponse définitive concernant les droits sur le nom. Schäfer opta donc pour le nom "Shepps", un mot-valise de "Shepard" et "Apps", pour sortir Busy Bags et les futurs jeux.