Khamma
Khamma : légende dansée est une musique de ballet composée par Claude Debussy en 1911-1912.
Histoire
Il s'agit d'une commande de la danseuse canadienne Maud Allan signée le 30 septembre 1910 auprÚs du compositeur[1].
Le livret d'origine dont l'action se situe en Ăgypte antique, qui s'intitule au dĂ©part Isis, puis dĂšs novembre 1910, Khamma, est Ă©crit par l'auteur britannique William Leonard Courtney (en), admirateur de Maud Allan, laquelle contribua Ă la rĂ©daction.
ComposĂ©e en 1911-12 sans ĂȘtre terminĂ©e, la partition fut complĂ©tĂ©e et achevĂ©e en janvier 1913 par Charles Koechlin, en raison de difficultĂ©s surgies entre Debussy et sa commanditaire, lequel trouva le projet de plus en plus pĂ©nible : il juge l'intrigue pauvre et ne supporte pas l'idĂ©e d'ĂȘtre jouĂ© dans un music-hall â i.e. le Palace Theatre de Londres. Tant et si bien, que, accaparĂ© par Le Martyre de saint SĂ©bastien, il ne se met au travail que fin 1911. Revenue d'une tournĂ©e, Maud Allan reproche en mai 1912 Ă Debussy d'avoir envisagĂ© une Ćuvre trop courte, soit 20 minutes, au lieu de 30 Ă 40 minutes prĂ©vues par contrat. Durant l'Ă©tĂ©, Debussy vend les droits Ă son Ă©diteur Jacques Durand. La situation s'envenime entre le musicien et la danseuse comme en tĂ©moigne cette lettre[2] adressĂ©e par le musicien Ă son Ă©diteur le 12 septembre 1912 :
« Choisnel mâa envoyĂ© la rĂ©ponse que vous avez dĂ©cidĂ© de faire Ă la dĂ©testable Maud Allan. Elle est parfaitement correcte ; pourtant je me permettrai dâinsister sur la grossiĂšretĂ© de cette demoiselle. Il est inadmissible quâelle puisse formuler des jugements que rien nâautorise et quâelle emploie pour les formuler un style Ă peine convenable pour un bottier qui aurait mal compris sa commande. Ma dose de philosophie nâest probablement pas assez forte, car jâavoue mon profond Ă©cĆurement dans ce dĂ©bat⊠Et voilĂ cette demoiselle qui me donne des leçons dâesthĂ©tique, qui parle de son goĂ»t et de celui des anglais â ce qui dĂ©passe la mesure. Encore une fois câest Ă pleurer, ou mieux, câest Ă la gifler ! Enfin sans aller jusquâĂ cette extrĂ©mitĂ© on pourrait peut-ĂȘtre lui donner, au moins, une leçon de politesse. »
Debussy ne veut plus entendre parler du projet. Jacques Durand charge alors Koechlin dâachever lâorchestration, information tenue secrĂšte jusqu'en 1947. En 1916, Maud Allan veut crĂ©er son Khamma sur la scĂšne amĂ©ricaine avec des costumes d'Edmond Dulac, il lui faut 92 musiciens, c'est chose impossible d'aprĂšs son chef d'orchestre Ernest Bloch. PrĂ©venu par ce dernier, Debussy refuse dans un premier temps de re-orchester pour seulement 40 musiciens ; Ă©puisĂ©, malade, Debussy ne donna pas suite et Maud Allan annula son spectacle.
L'Ćuvre concertante fut crĂ©Ă©e en salle, six ans aprĂšs la mort du compositeur, le aux Concerts Colonne Ă Paris, sous la direction de Gabriel PiernĂ©, d'aprĂšs la rĂ©duction pour piano composĂ©e par Debussy fin 1912. Quant au ballet, il ne fut crĂ©Ă© que le Ă l'OpĂ©ra-Comique.
Une transcription pour deux pianos fut effectuée par Lucien Garban en 1918.
Argument
Khamma est une jeune vierge de ThĂšbes dĂ©signĂ©e par le Grand PrĂȘtre pour implorer le dieu Amon-RĂą de sauver la ville menacĂ©e par des envahisseurs.
Scénario
Prélude (comme un lointain tumulte).
ScĂšne 1. Le temple intĂ©rieur du Grand-Dieu Amun-Ra. La statue du dieu, taillĂ©e dans de la pierre noire â Ă©norme â est impassible. LâaprĂšs-midi est avancĂ©e. Ă travers les fenĂȘtres on aperçoit les lueurs Ă©tincelantes dâun coucher de soleil orageux. La ville est assiĂ©gĂ©e. Le Grand-PrĂȘtre entre et demeure un court instant Ă cĂŽtĂ© de la statue. Les adorateurs Ă©tendent leurs offrandes. Le Grand-PrĂȘtre, les bras levĂ©s en un geste suppliant vers le Grand-Dieu, se retourne vers lui. PriĂšre pour obtenir le salut de la ville. Ă la fin de la priĂšre, le Grand-PrĂȘtre attend anxieusement un signe du Dieu ; mais hĂ©las ! aucun ne se manifeste. Il fait signe Ă la foule de se retirer. Le Grand-PrĂȘtre sort par une plus petite porte, mais voilĂ quâau moment oĂč il va franchir le seuil, une idĂ©e lui vient, une lueur dâespĂ©rance jaillit sur son visage ; il semble deviner le secret de la victoire et sort rapidement.
ScĂšne 2. La grande porte sâouvre et une lĂ©gĂšre forme voilĂ©e est doucement poussĂ©e dans le Temple par le Grand-PrĂȘtre. Khamma, car câest elle, cherche Ă sâenfuir. La peur de Khamma. Un doux clair de lune pĂ©nĂštre dans le Temple. Khamma sâavance lentement vers la statue aux pieds de laquelle elle se prosterne. Khamma se relĂšve et elle commence les danses destinĂ©es Ă sauver la patrie.
Soudain, Khamma remarque un Ă©trange et lĂ©ger balancement Ă la surface de la tĂȘte et des Ă©paules de la massive statue de pierre. Et voilĂ que, lentement, les bras se sont soulevĂ©s des genoux juste assez pour que la paume des mains soit tournĂ©e vers le haut. Alors, soulagĂ©e de toute contrainte, Khamma danse, ivre de joie, dâamour et de dĂ©votion. Un terrible Ă©clair Ă©clate ; le tonnerre gronde. Khamma meurt.
ScĂšne 3. Câest lâaube froide et grise du matin qui lentement devient rose. Au loin on entend, se rapprochant peu Ă peu, des acclamations et des cris de victoires. La porte du Temple sâouvre, le Grand-PrĂȘtre entre suivi des porteurs de palmes et de fleurs. Le Grand-PrĂȘtre et la foule aperçoivent le corps de Khamma. Le Grand-PrĂȘtre bĂ©nit le corps de Khamma.
Instrumentation
Instrumentation de Khamma |
Cordes |
premiers violons, seconds violons, altos, violoncelles, contrebasses, 2 harpes |
Bois |
3 flûtes, piccolo, 3 hautbois, cor anglais, 3 clarinettes en si bémol, clarinette basse, 3 bassons, contrebasson |
Cuivres |
4 cors, 3 trompettes en ut, 3 trombones, tuba |
Percussions |
timbales, grosse caisse, cymbales, cymbales antiques, triangle, tam-tam, jeu de timbre, gong, piano, célesta |
Représentations
- ThĂ©Ăątre national de l'OpĂ©ra-Comique : crĂ©ation le , avec GeneviĂšve Kergrist (Khamma), Michel Gevel (l'Esprit d'Amun-RĂą), Dany Markel (le Grand-PrĂȘtre), le ballet de l'OpĂ©ra-Comique, chorĂ©graphie de Jean-Jacques Etchevery, dĂ©cor et costumes de Luc-Albert Moreau, orchestre dirigĂ© par Gustave CloĂ«z. Cette crĂ©ation sera suivie de 21 reprĂ©sentations de 1947 Ă 1950, le rĂŽle du Grand PrĂȘtre Ă©tant repris par Jacques Chazot[3].
- Indianapolis Butler University : (premiĂšre aux Ătats-Unis), The Butler Ballet, Orchestre symphonique d'Indianapolis dirigĂ© par Raymond Harvey[4] - [5].
- La Scala de Milan : « Hommage Ă Claude Debussy » (La CathĂ©drale engloutie â LâaprĂšs-midi dâun faune â Khamma â La Mer), . Ballet de Milan, chorĂ©graphie de Uwe Scholz, dĂ©cors et costumes de rosalie, orchestre dirigĂ© par Michiyoshi Inoue[6].
Enregistrements
Version orchestrale
- Ernest Ansermet, Orchestre de la Suisse Romande (Decca, 1965)
- Louis de Froment, Orchestre de Radio-Luxembourg (Vox, 1973)
- Jean Martinon, Orchestre National de lâORTF (EMI, 1974)
- James Conlon, Orchestre Philharmonique de Rotterdam (Erato, 1987)
- Ernest Bour, SWF Sinfonie Orchester (Astrée Auvidis, 1991)
- Jukka-Pekka Saraste, Orchestre de la Radio finlandaise (Virgin, 1993)
- Yan Pascal Tortelier, Orchestre dâUlster (Chandos, 1995)
- Riccardo Chailly, Royal Concertgebouw Orchestra (Decca, 1995)
- Jun MĂ€rkl, Orchestre National de Lyon (Naxos, 2009)
- Heinz Holliger, RSO Stuttgart (HĂ€nssler, 2012)
- Lan Shui, Orchestre Symphonique de Singapour (Bis, 2016)
Version pour piano de 1912
- Martin Jones (Nimbus, 1988)
- Jean-Efflam Bavouzet (Chandos, 2009)
- Michael Korstick (HĂ€nssler, 2011)
- Christopher Devine (Piano Classics, 2017)
- Takayuki Ito (avec le texte du scénario dit par Frédéric Longbois) (Pierre Vérany, 2019)
Transcription pour piano Ă quatre mains de Lucien Garban (1918)
- Julian Jacobson et Mariko Brown (Somm Recordings, 2017)
Références
- François Lesure, « Retour à "Khamma" (Maud Allan - Claude Debussy) », 1966, sur Jstor.
- Germaine et D. E. Inghelbrecht, Claude Debussy, Costard Ă©diteur, 1953, p. 273.
- « Ćuvres chorĂ©graphiques/K/Khamma », sur www.artlyriquefr.fr (consultĂ© le ).
- (en) James R. Briscoe, « Romantic Music Festival - The Music of Claude Debussy, Butler University, 19-25 April 1982 », Journal of Musicology, vol. 2, no 1,â , p. 94-97.
- (en) Robert Orledge, « Debussy et âLa âGirlâ anglaiseâ : The Legend of âKhammaâ », The Musical Times, vol. 127, no 1717,â , p. 135-140.
- (de) « Khamma, Teatro alla Scala, 1986 », sur www.www.rosalie.de (consulté le ).
Voir aussi
Liens externes
- Ressources relatives Ă la musique :