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Katiba (roman)

Katiba est un roman d'espionnage de Jean-Christophe Rufin paru en 2010 aux Éditions Flammarion.

Katiba
Auteur Jean-Christophe Rufin
Pays Drapeau de la France France
Genre Roman d'espionnage
Éditeur Éditions Flammarion
Date de parution 2010
Nombre de pages 400
ISBN 9782081208179
Chronologie
SĂ©rie Les EnquĂŞtes de Providence

Résumé

Au cours d'une tentative d'enlèvement qui tourne mal, quatre touristes italiens sont assassinés au bord d'une route traversant le désert mauritanien. Cette action terroriste, mal préparée, provoque des tensions au sein d'une katiba[1]. Le lecteur découvre alors peu à peu un imbroglio aux ramifications internationales complexes, où interviennent l'agence de renseignement privée Providence[2], la CIA et les services secrets algériens, ainsi que les services diplomatiques français et émiratis. Jeune veuve d'un consul de France en Mauritanie, Jasmine travaille au service du Protocole à Paris. Son passé trouble va la placer au cœur de l'intrigue…

Éditions

  • Édition originale[3]: premier tirage Ă  60 000 exemplaires[4]; d'avril Ă  , près de 140 000 exemplaires ont Ă©tĂ© vendus[5].
  • Collection Folio[6]
  • Les EnquĂŞtes de Providence[7]

Commentaires de l'auteur

Jean-Christophe Rufin a voulu « explorer l’univers de l’extrémisme islamique au Sahara »[8], en cherchant à comprendre la logique qui peut conduire à l'islamisme. L'épigraphe du roman renvoie au dilemme auquel l'héroïne est confrontée en raison de sa double culture: « un chien a beau avoir quatre pattes, il ne peut pas suivre deux chemins à la fois ». C'est un « proverbe sénégalais » que l'auteur a entendu lors de l'inauguration d'un hôpital[9]. Dans la postface de l'ouvrage, Rufin prévient qu'il s'agit d'une pure fiction, sans rapport avec son expérience d'ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie, fonction qu'il a exercée de 2007 à 2010. Il précise cependant qu'à la suite de l'attentat perpétré contre une famille de touristes français à Aleg en 2007[10], il a dû accueillir à Dakar l'unique survivant. Le témoignage de ce rescapé l'a profondément touché et lui a inspiré le premier chapitre de son roman. Il a également reconnu lors d'un entretien que le livre était rempli d’éléments tirés de sa « pratique quotidienne »[11] - [12], qui l'a notamment amené à entretenir des relations avec les services secrets[13] - [14]. En 2008, il a participé avec la DGSE, à la traque des « fuyards d'Al-Qaeda après l'assassinat de touristes français en Mauritanie »[15] - [12]. Il lui était plus facile de raconter une histoire relative à un pays où il n'exerçait pas de fonction officielle, et c'est ainsi qu'il a choisi de construire son intrigue à partir d'événements se déroulant en Mauritanie[16]. Au cours d'une interview pour Le Nouvel Observateur, il a donné quelques détails supplémentaires sur la genèse de Katiba. Il ne parvenait pas à écrire le roman d'espionnage qu'il avait promis à Teresa Cremisi pour les Éditions Flammarion, jusqu'à ce qu'il en trouve la trame lors d'une réunion de concertation avec des émissaires mauritaniens, pendant l'été 2009: « C'est pendant ces nuits de palabres interminables, l'esprit aiguisé par le thé qui coulait à flots dans l'hôtel des Almadies transformé en caravansérail, que j'ai imaginé la structure du livre, écrit ensuite en deux mois, pendant la saison des pluies »[4] - [8]. Le livre est paru lors d'une période au cours d'une période de grande incertitude pour son auteur. Il devait quitter son poste d'ambassadeur en , et il estimait que la poursuite de sa carrière administrative dépendrait « beaucoup des réactions suscitées par son roman »[8]. Plus tard, interrogé sur le fait qu'il ait pu révéler des informations classées, il a répondu: « si le reproche existe, on ne me l’a pas formulé en face »[5]. Il semble que ce soit surtout « des mois de tensions avec Abdoulaye Wade » qui ait provoqué l'abandon de sa carrière d'ambassadeur[17]. Le président sénégalais aurait fait pression sur la cellule diplomatique de l’Élysée, qui aurait eu « le dernier mot »[5]. La publication de Katiba a été peu évoquée dans les déclarations publiques qui ont opposé l'auteur aux autorités gouvernementales après que Rufin ait retrouvé sa liberté de parole. Bernard Kouchner a simplement déclaré à ce propos : « au moins ça lui aura profité, il n'avait pas l'air mécontent de s'alimenter à la bonne source »[18].

Analyse critique

Marie Cazaban de Radio France juge ce livre « sans clichés, entre récit et document »[19]. Ce n'est pas l'avis de Tristan Savin, qui regrette au contraire la présence de quelques clichés, tout en admirant la virtuosité du romancier qu'il compare à celle d'« un réalisateur hollywoodien »[20]. L'Obs est très élogieux: « sec, haletant, le thriller vaut pour la mine d'informations géostratégiques qu'il recèle et pour l'énigmatique personnage de Yasmine Lacretelle »[21]. François Busnel considère qu'il s'agit d'un des meilleurs romans de l'auteur, qui livre dans ce « thriller captivant […] quelques clefs qui permettront de comprendre les ressorts du terrorisme international », et il constate que le biais de la fiction a permis à Rufin d'écrire librement, malgré le devoir de réserve auquel il était tenu en tant qu'ambassadeur[22]. Selon Jean Flouriot, ce roman révèle l'ampleur de l'implantation d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, « une réalité sur laquelle le public n'est guère informé » (en 2010)[23]. Françoise Dargent apprécie le « fort parfum d'authenticité » de l'histoire[24]. Natalie Levisalles est sensible à « la qualité des descriptions, descriptions attentives des gens, de leurs gestes et mimiques, des lieux et des ambiances »[25]. Tout en appréciant le caractère « haletant » du récit, Armelle Choplin s'est sentie gênée par le fait qu'un ambassadeur se serve de sa connaissance de dossiers secrets « pour en faire un best-seller ». Elle croit reconnaître Mokhtar Belmokhtar dans le personnage de Kader Bel Kader, trafiquant associé aux terroristes, et Abou Moussa, l'émir de la katiba du roman, ne serait autre qu'Abou Zeïd[26]. Elle constate également qu'Abdelmalek Droukdel intervient dans l'intrigue sans que son nom soit modifié. Autre critique adressée au romancier, elle pense que le livre a été écrit trop vite, dans un style trop « dépouillé ». Robert Solé estime que le récit « est clair, bien écrit, très instructif, d'une construction parfaite... et parfaitement impersonnel »[27]. Il regrette en effet l'absence d'un style d'écriture capable de « faire naître une véritable émotion », regret partagé par Éléonore Sulser, qui trouve que « même les scènes de sexe sont d’une froideur à toute épreuve »[28]. L'avis d'Hervé Bertho est encore plus négatif: selon lui, « l'affaire est bâclée », le dilemme de l'héroïne est peu crédible, et « l'on n'apprend rien que de déjà connu »[29].

Notes et références

  1. « Un camp de combattants islamistes, qu'on appelle « katiba » en Afrique du Nord, change sans cesse de lieu et d'effectifs. En dehors des actions terroristes qu'elle mène, une katiba sert à l'entraînement de nouveaux maquisards, recrutés dans toute l'Afrique de l'Ouest. La plupart espèrent repartir dans leur pays, à l'issue de leur séjour, pour y mener le jihad ». Jean-Christophe Rufin, Katiba, partie I, chap. 3
  2. Cette agence imaginaire figure déjà dans un précédent roman de Jean-Christophe Rufin: Le Parfum d'Adam; « Les Enquêtes de Providence », sur evene.lefigaro.fr, (consulté le )
  3. Jean-Christophe Rufin, Katiba, Paris, Flammarion, , 400 p., 154 Ă— 240 mm (ISBN 978-2-08-120817-9)
  4. Jean-Gabriel Fredet, « Les illusions perdues de Jean-Christophe Rufin », sur bibliobs.nouvelobs.com, (consulté le )
  5. Sabine Cessou, « Aux grands mots… », sur next.liberation.fr, (consulté le )
  6. Jean-Christophe Rufin, Katiba, Paris, Gallimard, coll. « Folio » (no 5289), , 464 p., 108 Ă— 178 mm (ISBN 978-2-07-044297-3)
  7. Cette Ă©dition rĂ©unit Le Parfum d'Adam et Katiba; Jean-Christophe Rufin, Les enquĂŞtes de Providence, Paris, Gallimard, coll. « Folio » (no 6019), , 896 p., 125 Ă— 190 mm (ISBN 978-2-07-046701-3)
  8. « Jean-Christophe Rufin : « Ma liberté n’est pas négociable ! » », sur jeuneafrique.com, (consulté le )
    • a En 2010, c'Ă©tait « un fait nouveau, encore peu connu. Et de plus en plus inquiĂ©tant ».
    • b C'est-Ă -dire « pendant l’hivernage, au moment oĂą tout marche un peu au ralenti » Ă  Dakar.
    • c « Pas en termes littĂ©raires. Si on accepte qu’un diplomate conserve sa libertĂ© d’écrire et de penser alors rien ne m’interdira de prendre un autre poste. Si ce n’est pas le cas, je prendrai des vacances ! »
  9. « Les confessions de Jean Christophe Ruffin: Serigne Saliou MbackĂ© « lumière » de l’ancien ambassadeur de France au SĂ©nĂ©gal », sur xalimasn.com, (consultĂ© le ) : « Il caractĂ©rise mon hĂ©roĂŻne, Jasmine, personnage très divisĂ© qui suit des chemins diffĂ©rents. Cela s´explique par ses origines, un mĂ©lange de deux cultures. J´avoue que ce proverbe trouve aussi un Ă©cho en moi, j´ai souvent pris deux chemins Ă  la fois, je suis un chien qui marche de travers, mais j´aime qu´on me dise que ce n´est pas possible. »
  10. « Quatre touristes français tués en Mauritanie », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  11. Jean-Christophe Rufin et Boris Martin (interviewer), « Sahel : l’action humanitaire face au terrorisme », sur grotius.fr, (consulté le )
  12. Jean-Christophe Rufin et Patrick Forestier (interviewer), « Jean-Christophe Rufin le franc-tireur », sur parismatch.com, (consulté le )
    • a « Mon travail de diplomate m’accapare totalement. Je ne sais pas m’en extraire pour inventer un livre dans un autre univers. Aussi, j’ai Ă©crit un roman qui se dĂ©roule dans mon environnement. Il est construit avec des morceaux Ă©pars que j’ai regroupĂ©s. Ce qui m’intĂ©resse le plus, c’est de devenir l’architecte d’un rĂ©cit auquel il faut donner une cohĂ©rence, une vraisemblance, un rythme qui reste la quintessence du travail du romancier. »
    • b Rufin prĂ©cise que « les auteurs du crime sont passĂ©s par le SĂ©nĂ©gal pour aller en GuinĂ©e-Bissau oĂą nous avons pu les interpeller. »
  13. « Les confessions de Jean Christophe Ruffin: Serigne Saliou MbackĂ© « lumière » de l’ancien ambassadeur de France au SĂ©nĂ©gal », sur xalimasn.com, (consultĂ© le ) : « Dans mon Ă©quipe, Ă  l´ambassade, poursuit-il, il y a pas mal de monde en contact professionnel Ă©troit avec les services secrets. J´ai dĂ©couvert que ces gens sont Ă  l´écoute de leurs sources, ils Ă©tablissent un pronostic en cherchant Ă  deviner la manière dont un groupe ou une personne va rĂ©agir en fonction d´une idĂ©ologie, d´une politique. Cette recherche du pronostic les rapproche de mon propre système de travail de mĂ©decin, et d´écrivain aussi. Ă©couter pour comprendre. »
  14. À propos de ses relations avec la DGSE, Rufin affirme qu'il na « jamais travaillé pour les services. Ce sont les services de l'ambassade qui ont travaillé sous [sa] responsabilité »; Jean-Gabriel Fredet, « Les illusions perdues de Jean-Christophe Rufin », sur bibliobs.nouvelobs.com, (consulté le )
  15. Gilles Pudlowski, « Avec "Katiba", Jean-Christophe Rufin déballe », sur lepoint.fr, (consulté le )
  16. Propos tenus à On n'est pas couché sur France 2 le 30 octobre 2010; Jean-Christophe Rufin, Laurent Ruquier (animateur), Éric Zemmour et Eric Naulleau (contradicteurs), « Jean-Christophe Rufin - On n’est pas couché 30 octobre 2010 #ONPC » [vidéo], sur youtube.com, (consulté le )
  17. Constance Jamet, « Règlement de comptes entre Kouchner et un ex-diplomate », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  18. Marianne Enault, « Rufin-Kouchner, à couteaux tirés », sur lejdd.fr, (consulté le )
  19. « Katiba, de Jean-Christophe Rufin », sur franceculture.fr, (consulté le )
  20. Tristan Savin, « Vie et écriture de Jean-Christophe Rufin », sur lexpress.fr, (consulté le )
  21. L'héroïne se prénomme Jasmine et non pas « Yasmine »; « Rufin 007 », sur bibliobs.nouvelobs.com, (consulté le )
  22. « François Busnel a lu "Katiba" par Jean-Christophe Rufin », sur lexpress.fr, (consulté le )
  23. Jean Flouriot, « "Katiba" : l'avertissement de Jean-Christophe Rufin », sur libertepolitique.com, (consulté le )
  24. Françoise Dargent, « Les kamikazes du désert », sur lefigaro.fr, (consulté le )
  25. Natalie Levisalles, « La pizza des kamikazes », sur next.liberation.fr, (consulté le )
  26. L'auteure de l'article écrit « Abou Zayed », mais elle fait référence au djihadiste responsable de la prise en otage de Michel Germaneau en 2010; Armelle Choplin, « Katiba, ou l’autre Sahara », Carnets de Géographes, no 2,‎ (lire en ligne [PDF])
  27. Robert Solé, « Fiction diplomatique », sur lemonde.fr, (consulté le )
  28. Extrait de la critique d'Éléonore Sulser parue dans le journal Le Temps et cité par Nicole Volle dans: « Jean-Christophe Rufin – Katiba », sur enfinlivre.blog.lemonde.fr, (consulté le )
  29. Cette critique date de 2013; Hervé Bertho, « Jean-Christophe Ruffin:: Katiba », sur ouest-france.fr, (consulté le )
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