Jureur
Pendant la RĂ©volution française, on a dĂ©signĂ© comme prĂȘtres jureurs les membres du clergĂ© qui acceptĂšrent de prĂȘter serment Ă la constitution civile du clergĂ©.
Historique
Ce terme a Ă©tĂ© employĂ© de façon pĂ©jorative dans le clergĂ© catholique pour dĂ©signer les prĂȘtres qui ont prĂȘtĂ© serment Ă la constitution civile du clergĂ© du 10 juillet 1790. Le pape Pie VI, par une instruction du et un bref apostolique du , interdit aux fidĂšles de communier, recevoir le sacrement de mariage ou tout autre sacrement des mains d'un curĂ© ou autre prĂȘtre jureur, Ă l'exception du baptĂȘme dans un cas de pressante nĂ©cessitĂ© et s'il ne se trouve aucun prĂȘtre Ă proximitĂ© qui soit pourvu de pouvoirs lĂ©gitimes ; il interdit aussi aux fidĂšles d'assister Ă une messe, priĂšre publique ou autre cĂ©rĂ©monie tenue par un prĂȘtre jureur, et aux prĂȘtres non jureurs d'avoir aucun rapport avec celui-ci dans l'ordre spirituel. Le prĂȘtre jureur qui assume une fonction d'ordre spirituel est un « intrus », un « rebelle ». Ă la question de savoir si un fidĂšle peut assister ou servir de parrain dans un baptĂȘme opĂ©rĂ© par un prĂȘtre jureur, l'instruction pontificale rĂ©pond : « Non Ă ces deux questions : par la raison que ce jureur, que cet intrus sont certainement schismatiques ; leur schisme est notoire[1] ». Le pape recommandait de ne plus admettre les « jureurs » au sein du clergĂ© Ă moins d'une complĂšte rĂ©tractation et d'une sĂ©vĂšre pĂ©nitence ; certains Ă©vĂȘques allaient jusqu'Ă refuser dĂ©finitivement toute rĂ©conciliation aux « schismatiques ». Dans les rĂ©gions catholiques, particuliĂšrement dans l'ouest de la France, les « jureurs » sont ostracisĂ©s par les fidĂšles et il arrive que les paysans les chassent Ă coups de fourche[2].
Le concordat du 15 juillet 1801, conclu entre les reprĂ©sentants de NapolĂ©on Bonaparte, Premier Consul, et du pape Pie VII, met fin Ă la rupture entre le clergĂ© assermentĂ© (« jureur ») et le clergĂ© rĂ©fractaire (qui avait refusĂ© le serment). Le Premier Consul voudrait que cette disposition soit immĂ©diatement applicable ; le , le ministre Portalis Ă©crit aux « citoyens archevĂȘques et Ă©vĂȘques » pour leur demander de choisir un de leurs grands vicaires dans le clergĂ© constitutionnel, et « un tiers ou un quart » de leurs curĂ©s et chanoines dans ce clergĂ©. Cette instruction cause l'indignation de prĂȘtres comme Jean Brion, curĂ© de CiriĂšres dans les Deux-SĂšvres : « Messieurs, si le "citoyen Ă©vĂȘque" de Poitiers (âŠ) m'expĂ©die un curĂ© jureur pour vĂ©rifier mes comptes, je flanquerai l'odieux personnage, incontinent, Ă la porte[3] ! »
La plupart des Ă©vĂȘques constitutionnels font leur soumission Ă Rome. Cependant, certains prĂȘtres constitutionnels refusent ce qui apparaĂźtrait comme une absolution ou une rĂ©tractation, estimant que leur serment Ă la constitution civile ne les met pas en rupture avec leur foi[4]. Ă l'inverse, des prĂȘtres rĂ©fractaires comme Jean-Charles de Coucy, Ă©vĂȘque de La Rochelle, rejettent le concordat qui mettrait les prĂȘtres jureurs Ă Ă©galitĂ© avec les prĂȘtres non jureurs : ce refus est Ă l'origine d'un schisme anti-concordataire, la « Petite Ăglise[5] ».
Fiction
Roman
- Dans Quatrevingt-treize de Victor Hugo, publiĂ© en 1874, une scĂšne montre l'expulsion d'un prĂȘtre jureur en Bretagne par les paysans rĂ©voltĂ©s contre la RĂ©publique[6].
- Dans Jacquou le Croquant d'EugĂšne Le Roy, publiĂ© en 1899, Bonal, curĂ© de Fanlac en PĂ©rigord sous la Restauration, est un ancien prĂȘtre jureur : il recueille le personnage Ă©ponyme, un petit paysan orphelin. ModĂšle de justice et de charitĂ©, il vit en marge de l'Ăglise officielle[7].
Voir aussi
Notes et références
- Alexis Joseph Delbos, L'Ăglise de France: depuis la convocation des Ătats-gĂ©nĂ©raux, volume 2, p. 253-254.
- Auguste Billaud, La petite Ăglise dans la VendĂ©e et les Deux-SĂšvres: 1800-1830, Nouvelles Ăditions latines, 1982, p. 95
- Auguste Billaud, La petite Ăglise dans la VendĂ©e et les Deux-SĂšvres: 1800-1830, Nouvelles Ăditions latines, 1982, p. 98.
- Auguste Billaud, La petite Ăglise dans la VendĂ©e et les Deux-SĂšvres: 1800-1830, Nouvelles Ăditions latines, 1982, p. 95-96.
- Auguste Billaud, La petite Ăglise dans la VendĂ©e et les Deux-SĂšvres: 1800-1830, Nouvelles Ăditions latines, 1982, p. 88-91.
- Etienne AubrĂ©e, La Tourgue de Victor Hugo dans la forĂȘt de FougĂšres, Ă©d. H. Champion, 1930, p. 82.
- Paul Vernois, Le roman rustique de George Sand Ă Ramuz, Nizet, 1962, p. 168.