Juan de Tassis y Peralta
Juan de Tassis y Peralta, deuxième comte de Villamediana, connu le plus souvent comme conde de Villamediana en espagnol[1], né à Lisbonne en 1581 et décédé à Madrid le , est un poète espagnol de la période baroque, généralement associé au cultisme mais dont l’esthétique est très personnelle.
Biographie
Fils de MarĂa de Peralta Muñatones et de Juan de Tassis y Acuña, Villamediana grandit dans un environnement palatin depuis son enfance, reçoit une excellente Ă©ducation de l’humaniste Luis Tribaldos de Tolède (es) et de BartolomĂ© JimĂ©nez PatĂłn (es), lequel lui dĂ©die son Mercurius Trimegistus. Grâce Ă ses deux prĂ©cepteurs, il dispose d’une excellente formation en lettres et d’une connaissance fine des classiques et compose quelques poèmes en excellent latin humaniste. Il frĂ©quente l’universitĂ© mais n’y suit pas de cours. Quand Philippe III d'Espagne se rend au royaume de Valence pour cĂ©lĂ©brer son mariage avec Marguerite d'Autriche-Styrie, Don Juan les accompagne et s’y distingue tant que le Roi le nomme gentilhomme Ă son palais. Il y rencontre Magdalena de Guzmán y Mendoza, qui est influente Ă la cour en tant que veuve de MartĂn CortĂ©s de Monroy, marquis de la vallĂ©e de Guajaca (Oaxaca), et future gouvernante du fils de la reine. MalgrĂ© la diffĂ©rence de classe, ils entretiennent une relation qui se termine mal. Suivant une rumeur Ă Madrid, il n'est pas tellement bien avec elle, comme le montre la gifle qu'elle lui donne en pleine reprĂ©sentation d’une comĂ©die, devant tout le monde, ce qui laisse Ă penser que Doña Magdalena a toujours entretenu avec lui une relation d’amour-haine.
Déplacé à la cour à Valladolid, où il demeure cinq ans, il épouse en 1601 Ana de Mendoza y de la Cerda, descendante du marquis de Santillane, avec qui il a plusieurs enfants, tous mort-nés. Grâce à son travail comme organisateur du service principal des postes il reçoit le titre de noblesse en 1603. À la mort de son père en 1607, il assume la charge de courrier principal du royaume.
Par son caractère agressif, téméraire et charmeur, il acquiert rapidement une réputation de libertin ou de dandy. Amateur de luxe, des pierres précieuses, du jeu et des courses, il mène une vie désordonnée de joueur, réputé comme adversaire redoutable sur le tapis en raison de sa grande intelligence. Néanmoins, ces excès lui valent deux exils, pour avoir ruiné différents nobles importants, de même qu’en raison de ses satires virulentes, dans lesquelles il critique sans pitié les défauts et misères de presque tous les Grands d’Espagne. Le premier de ses exils l’amène en Italie, où il séjourne entre 1611 et 1617 avec le comte de Lemos, renommé vice-roi de Naples. Il retourne immédiatement en Espagne, il y critique dans différentes satires la corruption florissant sous le duc de Lerma et don Rodrigo Calderón durant les dernières années du règne de Philippe III, de sorte que ceux-ci obtiennent du roi un nouveau bannissement de la Cour en 1618, bien que cette fois en Andalousie, d’où il revient sous peu au décès du Roi, alors favori du nouveau ministre, Gaspar de Guzmán, comte d'Olivares.
Il a de nombreuses maĂ®tresses, aux mains desquelles il apparaĂ®t quelquefois en public, comme en une occasion lors d’une première d’une comĂ©die, et il ne cesse d’avoir des amourettes dangereuses ainsi avec une courtisane du roi, telle une Marfisa, peut-ĂŞtre doña Francisca de Tavara, jolie jeune femme portugaise, dame d’honneur de la reine et maĂ®tresse du roi. La lĂ©gende veut aussi qu’il incendie intentionnellement le colisĂ©e d’Aranjuez tout en, pendant les cĂ©lĂ©brations de l’anniversaire du roi Philippe IV, crĂ©ant devant la reine, le , sa nouvelle Ĺ“uvre, La gloria de Niquea (« La Gloire de Niquea »), inspirĂ©e d’un Ă©pisode d’Amadis de Grèce, pour pouvoir la prendre dans ses bras, il en Ă©tait dĂ©jĂ amoureux bien qu’il la touche mĂŞme si cela Ă©tait punissable de la peine de mort. Une autre lĂ©gende veut qu’il se prĂ©sente Ă un bal habillĂ© d’une cape recouverte de rĂ©aux d’or, faisant allusion Ă sa chance au jeu, et avec la lĂ©gende Son mis amores reales, jouant sur le triple sens du mot « reales », ce qui est très dangereux Ă l’époque ; c’est avec ce titre et d’après cet Ă©pisode qu’on Ă©crira au XXe siècle le drame JoaquĂn Dicenta (es).
L’origine de l’expression « Picar muy alto », qu’on croit être due à l’habileté du comte comme picador, dont il se vante auprès de la reine, le roi ayant répondu : « Piquez bien, mais piquez très haut », jouant de double sens rappelant les escapades de la reine). L’essayiste du XXe siècle Luis Rosales découvre de plus que l’Inquisition intente un procès contre Tassis pour sodomie avec des esclaves noirs et pense que le roi Philippe IV ordonne son assassinat pour éviter le scandale, bien que plusieurs avaient des motifs pour souhaiter sa mort, non seulement pour les satires ou pour avoir été acculés à la ruine, mais également pour des problèmes d’aventures sexuelles, y compris le monarque.
Tassis est assassiné le par Alonso Mateo ou Ignacio Méndez, arbalétriers royaux qui restent impunis de par la haute protection dont ils jouissent. Il est enseveli dans la voûte de la grande chapelle du couvent de Saint-Augustin à Valladolid. Les commanditaires du crime sont Philippe IV ou plus probablement Gaspar de Guzmán, comte d'Olivares; le moment choisi est celui où Tassis va en voiture avec Bernardino Fernández de Velasco y Tovar (es), Comté d’Haro (es) par la calle Mayor (es); le mobile est peut-être la volonté d’éviter le scandale du procès secret que l’Inquisition établit contre lui, ce qui explique que le crime demeure impuni et caché.
Arbre généalogique
Reinerius Tasso[2] (1117) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Inconnue | Omedeo Tasso (1290)[3] | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Inconnue | Ruggero Tasso[4] | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Inconnue | Benedetto Tasso[5] | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Inconnue | Palazzo de Tassis | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Tonola de Magnasco (†1504) | Pasimo de Tassis[6] - [7] - [8](†1496) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Alegria de Albricio (†1514) | Ruggero de Tassis (†1515)[9] - [10] - [11] | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Christina van Wachtendonk[12] (†1561) | Jean Baptiste de Taxis[13]. (1473-1541) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Caterina de Acuña | Raymond de Taxis (1513-1593) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
MarĂa de Peralta Muñatones | Juan de Tassis y Acuña (†1607) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Juan de Tassis y Peralta (1581-1622) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Thématique et esthétique
Une première collection de ses Ĺ“uvres paraĂ®t Ă Saragosse en 1629. Elle comprend des poèmes Ă thĂ©matique mythologique (Fábula de FaetĂłn, long poème composĂ© vers 1617 structurĂ© en huitains hendĂ©casyllabes desquels Vicent Mariner (es) en traduit deux cent vingt-huit en latin en hexamètres; Fábula de Apolo y Dafne, Fábula de Venus y Adonis) qui font sentir une nette influence de Luis de GĂłngora; la comĂ©die La gloria de Niquea (1622), basĂ©e sur AmadĂs de Grecia, et plus de deux cents sonnets, Ă©pigrammes et rondes Ă thèmes amoureux, satirique, religieux et patriotiques, oĂą est cultivĂ© un conceptisme particulier.
Conscient de son caractère téméraire et intrépide, un pessimisme traverse la plupart des œuvres du comte, qui écrit ces vers célèbres :
- SĂ©pase, pues ya no puedo
- levantarme ni caer
- que al menos puedo tener
- perdido a Fortuna el miedo
Ĺ’uvres
- (es) Villamediana, Juan de Tassis y Peralta, Cancionero de Mendez Britto: poesĂas inĂ©ditas del Conde de Villamediana Edition, Ă©tude et notes de Juan Manuel Rozas. Madrid: Consejo Superior de Investigaciones CintĂficas, 1965.
- (es) Villamediana, Juan de Tassis y Peralta, Cartas Madrid: Ediciones Escorial, 1943.
- (es) Villamediana, Juan de Tassis y Peralta, Obras Édition, introducción y notas de Juan Manuel Rozas. Madrid: Castalia, 1969.
- (es) Villamediana, Juan de Tassis y Peralta, PoesĂa impresa completa. EdiciĂłn de JosĂ© Francisco Ruiz Casanova. Madrid: Cátedra, 1990.
- Villamediana, Juan de Tassis y Peralta, PoesĂa inĂ©dita completa. Ed. Francisco Ruiz Casanova. Madrid: Cátedra, 1994.
- Villamediana, Juan de Tassis y Peralta, PoesĂa, ed. MÂŞ T. Ruestes, Barcelone, Planeta, 1992
Notes et références
- On dit Ă©galement Tarsis.
- Almanach du gotha (1922) page 236
- Les plus anciennes familles du monde: répertoire encyclopédique des 1.400 plus anciennes familles du monde, encore existantes, originaires d'Europe, Volume 2 de J.-H. de Randeck (1984) page 1432
- Historisch-genealogischer Atlas: Seit Christi Geburt bis auf unsere Zeit de Karl Hopf page 433
- Manuel d'histoire: Les Ă©tats de Europe et leurs colonies de A. M. H. J. Stokvis (1893)
- ou Paxio
- La vita de Torquato Tasso de Pierantonio Serassi page 8
- Della vita di Torquato Tasso de Niccolò Morelli di Gregorio page 7
- The life of Torquato Tasso: In two volumes, Volume 1 de Robert Milman page 14
- Ruggero de Taxis introduisit l'usage des postes en Tyrol vers 1460
- Almanach de Gotha: annuaire généalogique, diplomatique et statistique (1892)
- Memoires pour servir a l'histoire litteraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, en 12 volumes de Jean Noël Paquot page 253
- « Thurn-Taxis 3 », sur euweb.cz (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- (es) Cotarelo y Mori, Emilio, El conde de Villamediana, estudio biográfico-crĂtico con varias poesĂas inĂ©ditas del mismo Madrid: Sucesores de Rivadeneyra, 1886.
- (es) GutiĂ©rrez Arranz, Lidia, El universo mitolĂłgico en la Fábulas de Villamediana. GuĂa de lectura Kassel: Reichenberger, 2001.
- (es) Rosales, Luis, PasiĂłn y muerte del conde de Villamediana Madrid: Gredos, 1969.
- (es) Isabel Pérez Cuenca y Mariano de la Campa, ’’Reconstrucción biográfica del Conde de Villamediana" 1996.