Jizang
Jizang (chinois : ćè ; pinyin : ; Wade : Chi-tsang ; japonais : ćè”, kichizĆ ou ć焄性枫, KashĆ Daishi), 549â623, Ă©tait un moine bouddhique chinois et un Ă©rudit gĂ©nĂ©ralement identifiĂ© par la postĂ©ritĂ© comme le fondateur de lâĂ©cole des Trois TraitĂ©s (Sanlun ou Sanron). Il est aussi connu sous le nom de Jiaxiang (chinois : ćç„„ ; Wade : Chia-hsiang), en rĂ©fĂ©rence au temple Jiaxiang oĂč il a Ă©crit et diffusĂ© ses principes.
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Biographie
Jizang naquit Ă Jinling (actuellement Nanjing). Son pĂšre venait de Parthie, mais il fut Ă©duquĂ© Ă la maniĂšre chinoise et dĂ©montra de bonnes dispositions pour les matiĂšres spirituelles, devenant moine Ă lâĂąge de onze ans[1]. Il Ă©tudia dâabord au temple Xinghuang (chinois : èçćŻș) de Nanjing auprĂšs du maĂźtre Falang (chinois : æłæ) ; ses Ă©tudes portĂšrent en particulier les trois traitĂ©s du Madhyamaka (TraitĂ© de la voie mĂ©diane, TraitĂ© des douze liens et TraitĂ© des cent versets), traduits en chinois par Kumarajiva plus dâun siĂšcle auparavant. La pensĂ©e de Jizang Ă©mane fortement de ces trois traitĂ©s. Il devint le supĂ©rieur du temple Xinghuang aprĂšs la mort de Falang en 581. Puis Ă quarante-deux ans, il dĂ©cida de voyager dans toute la Chine pour transmettre ses enseignements, et finit par sâinstaller au temple Jiaxing (dans lâactuelle Shaoxing (chinois : çŽčè), province de Zhejiang).
En 597, lâempereur Sui Yangdi de la dynastie Sui, second fils de lâempereur Sui Wendi, dĂ©cida dâĂ©riger quatre nouveaux temples dans la capitale Chang'an, et invita Jizang Ă diriger lâun dâentre eux, le temple Huiri (chinois : ćœæ„ćŻș), ce quâil accepta. Zhiyi, moine Ă©rudit de lâĂ©cole Tiantai, fut chargĂ© dâadministrer un autre de ces temples, mais mourut peu aprĂšs, avant que Jizang n'ait pu lui rendre visite[2] ; ils correspondaient toutefois par courrier Ă propos du SĆ«tra du Lotus[3]. Plus tard, il alla sâinstaller dans un autre temple, le Riyan (chinois : æ„ćŽćŻș). Quand la dynastie Sui fut remplacĂ©e par la dynastie Tang en 617, Jizang gagna le respect du nouvel empereur Tang Gaozu, et fut nommĂ© supĂ©rieur de quatre temples.
Entre 57 et 68 ans, il semble sâĂȘtre consacrĂ© Ă la copie du SĆ«tra du Lotus afin de le diffuser plus largement au sein du peuple. Il rĂ©alisĂ© quelque 2000 copies, parfois accompagnĂ©es de ses propres commentaires.
Jizang Ă©tait un grand Ă©rudit, qui rĂ©digea plus de cinquante livres de son vivant[2]. Il se spĂ©cialisa surtout dans le commentaire des trois traitĂ©s ainsi que dâautres textes bouddhiques traditionnels, comme le SĆ«tra du Lotus et le SĆ«tra du NirvÄna[3]. Il eut pour Ă©lĂšves Ekan, dâorigine corĂ©enne, qui contribua Ă diffuser lâĂ©cole des Trois TraitĂ©s au Japon.
Philosophie
LâĂ©cole Madhyamaka enseigne que lâengagement ou lâattachement Ă toute chose, y compris la logique, conduisent au duáž„kha (souffrance, insatisfaction)[4]. Jizang dĂ©veloppe dans ses commentaires de traitĂ©s bouddhiques une mĂ©thodologie pour « Ă©carter ce qui est trompeur, rĂ©vĂ©ler ce qui est vrai » (poxie xianzheng), en proposant de dĂ©passer le piĂšge des concepts rigides du bien et du mal pour renoncer Ă lâattachement Ă cette dichotomie. Il note Ă©galement que nombre de pratiquants ont tendance Ă trop sâattacher Ă la vacuitĂ© (ĆĆ«nyatÄ), ce quâil considĂšre Ă©galement comme un engagement Ă Ă©viter. Les pratiquants doivent pour cela appliquer le mĂȘme principe de dĂ©construction qui permet un premier dĂ©sengagement envers tous les phĂ©nomĂšnes, mais cette fois pour repousser la fausse dichotomie entre vacuitĂ© et non-vacuitĂ© (shĆ«nyatÄ shĆ«nyatÄ, la vacuitĂ© de la vacuitĂ©).
Jizang applique ces principes aux deux discours traditionnels de lâĂ©cole Madhyamaka, liĂ©s aux Deux VĂ©ritĂ©s (conventionnelle et absolue), via lâexposĂ© de ses « Quatre niveaux des deux discours » (sizhong erdi), câest-Ă -dire lâajout de trois autres mĂ©tadistinction aux Deux VĂ©ritĂ©s[5] :
- lâidĂ©e dâexistence est conventionnelle, la vacuitĂ© est absolue ;
- la dualité entre existence et vacuité est conventionnelle, le refus de cette dualité est absolu ;
- lâattachement Ă cette dualitĂ© entre existence et vacuitĂ© est conventionnel, le refus de la distinction entre dualitĂ© et non-dualitĂ© est absolu ;
- toutes ces distinctions sont conventionnelles, la négation de toute dualité est absolue.
La plus haute vĂ©ritĂ© consiste Ă accepter quâaucun point de vue ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© en soi comme vrai et doit ĂȘtre dĂ©passĂ©. Lâattachement Ă un point de vue ou une dualitĂ© mĂšne Ă la souffrance, il convient donc de refuser ce qui est trompeur dans chaque point de vue, chaque idĂ©e ou discours, dans le but dâavancer progressivement vers la dĂ©construction de tout attachement[5].
Principaux Ă©crits
- Zhongguanlun shu (äžè§è«ç, « Commentaire sur le MĆ«lamadhyamakakÄrikÄ Â»)
- Erdi zhang (äșè«Šç« , « Essai sur les Deux VĂ©ritĂ©s »)
- Bailun shu (çŸè«ç, « Commentaire sur le ĆÄstra Shata »)
- Shi er men lun shu (ćäșéè«ç, « Commentaire sur le TraitĂ© des douze liens »)
- Sanlun xuanyi (äžè«ç矩, « Sens profond des trois traitĂ©s »)
- Erdi yi (äșè«Šæ, « Sens des Deux VĂ©ritĂ©s »)
- Dasheng xuanlun (性äčçè«, « TraitĂ© sur le mystĂšre du Mahayana »)
Sources et références
- Wing-tsit Chan, A Source Book in Chinese Philosophy, Princeton University Press, 1963, vol. II, p. 292 ; cité dans Allen Fox, « Jizang », Great Thinkers of the Eastern World, Ian McGreal, Harper Collins, 1995, page 84.
- Lin Sen-shou, Chi Tsang « Copie archivée » (version du 5 février 2012 sur Internet Archive), Tzu Chi Humanitarian Centre
- http://www.sgi-usa.org/buddhism/dictionary/define?tid=461, Soka Gakkai Dictionary, accessed on November 29, 2006.
- Allen Fox, « Jizang », Great Thinkers of the Eastern World, Ian McGreal, Harper Collins, 1995, page 84.
- Allen Fox, « Jizang », Great Thinkers of the Eastern World, Ian McGreal, Harper Collins, 1995, page 87.
Bibliographie
- Ducor, JĂ©rĂŽme et Isler, Henry W. : Jizang ćè, Le Sens des arcanes des Trois TraitĂ©s (Sanlun xuanyi / Sanron gengi äžè«ç矩), contribution Ă l'Ă©tude du MÄdhyamika dans le bouddhisme d'ExtrĂȘme-Orient ; GenĂšve, Librairie Droz, 2022; 416 pp., bibliographie (ISBN-13: 978-2-600-06383-8)
- Wing-tsit Chan, A Source Book in Chinese Philosophy, Princeton University Press, 1963. Inclus des traductions de passage du Taité sur les Deux Vérités et du Sens profond des trois traités
- Allen Fox, « Jizang », dans Great Thinkers of the Eastern World, Ian McGreal, Harper Collins, 1995, pages 84-88
- Hsueh-Li Cheng, Empty Logic: Madhyamika Buddhism from Chinese Sources, Philosophical Library, 1984
- Fung Yu-lan (trad. Derk Bodde), A History of Chinese Philosophy, vol. 2, collection « The Period of Classical Learning », Princeton University Press, 1952-1953
- Ming-Wood Liu, Madhyamika Thought in China, University of Hawaii Press, 1996
- Richard Robinson, Early Madhyamika in India and China, Samuel Weiser Inc., 1978