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Jeux du sanctuaire Meiji

Les jeux du sanctuaire Meiji (明æČ»ç„žćźźç«¶æŠ€ć€§äŒš, Meiji-jingĆ« kyƍgi taikai), aussi appelĂ©s jeux du Meiji-jingĆ«, sont une manifestation sportive se dĂ©roulant dans toute la rĂ©gion de Kantƍ, au Japon, de 1924 Ă  1942. Ils dĂ©butent rituellement au stade du Meiji-jingĆ« Gaien, situĂ© dans les jardins extĂ©rieurs du sanctuaire Meiji Ă  Tokyo, et ont pour objectif d'honorer la mĂ©moire de l'empereur Meiji et la formation du corps et l'esprit des citoyens[1]. Les participants sont principalement des lycĂ©ens qui reprĂ©sentent leurs Ă©coles[2]. Ces jeux peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme l'Ă©quivalent d'avant-guerre de l'actuel festival national des sports du Japon.

Jeux du sanctuaire Meiji
明æČ»ç„žćźźç«¶æŠ€ć€§äŒš
Photomontage de six clichĂ©s noir et blanc montrant, de haut en bas, une dĂ©lĂ©gation sportive dĂ©filant dans un stade, des jĆ«kendƍka en action, une Ă©quipe de deux rangĂ©es de sportifs en tenue blanche, des rangĂ©es de personnes en plein exercices physiques dans un stade, le nombre 2600 formĂ© par des groupes d'individus, une scĂšne d'un match de volley-ball.
Généralités
Création 1924
Disparition 1943
Éditions 13
Périodicité 1924-1929 : tous les ans
1931-1938 : tous les 2 ans
1939-1942 : tous les ans
Nations Drapeau du Japon Empire du Japon

Les jeux du sanctuaire Meiji sont la premiÚre compétition sportive d'ampleur nationale du Japon. Ils comprennent un total de treize éditions, de 1924 à 1942.

Ils jouent un rĂŽle important dans le dĂ©veloppement de l'Ă©ducation physique au Japon, contribuent Ă  fĂ©dĂ©rer le public autour du sanctuaire Meiji, et rendent populaire la fĂȘte de celui-ci, chaque , jour anniversaire de l'empereur Meiji[3]. Ils permettent Ă©galement la dĂ©couverte de l'athlĂšte Kinue Hitomi, vĂ©ritable phĂ©nomĂšne sportif, qui Ă©tablit de nombreux records dans une multitude de disciplines de l’athlĂ©tisme et dont seule sa mort prĂ©maturĂ©e Ă  24 ans empĂȘche de devenir la premiĂšre femme asiatique Ă  remporter une mĂ©daille d'or olympique[4].

CrĂ©Ă©s Ă  l'origine en 1924 par le gouvernement dans un objectif de santĂ© publique, les jeux du sanctuaire Meiji deviennent la principale compĂ©tition sportive de l'Ăšre Taishƍ (1912 - 1926). Ils sont laissĂ©s relativement indĂ©pendants jusqu'Ă  la 10e Ă©dition de 1939 quand le gouvernement en reprend l'organisation. Le Japon entrant dans le conflit mondial, les jeux deviennent un moyen de mobiliser le peuple et sont le thĂ©Ăątre de spectacles de masse caractĂ©ristiques des rĂ©gimes totalitaires. Des Ă©preuves Ă  vocation militaire apparaissent lors des derniĂšres Ă©ditions. Les jeux deviennent progressivement l'un des nombreux outils du gouvernement japonais pour imposer un Ă©tat de guerre totale au peuple et l'amener Ă  lui obĂ©ĂŻr sans rĂ©serve dans son combat contre ses ennemis.

En 1943, les pénuries de toutes sortes et la tournure désespérée que prend la Seconde Guerre mondiale entraßnent l'annulation de la 14e édition des jeux.

Un auteur japonais contemporain qualifie de « pire tùche dans l'histoire du sport du Japon[3] », l'instrumentalisation, à des fins de guerre, des jeux du sanctuaire Meiji par le régime militariste du début de l'Úre Showa (1926 - 1989).

Histoire

Photo noir et blanc d'une délégation sportive défilant dans un stade. Au premier plan, un porte-drapeau tenant l'emblÚme national japonais.
Les 7e jeux du sanctuaire Meiji en 1933.

Création

La crĂ©ation des jeux du sanctuaire Meiji a lieu en plein Ăąge d'or du sport moderne au Japon. En effet, la popularitĂ© du sumo, qui monopolise l'attention du public, dĂ©cline Ă  partir de la moitiĂ© des annĂ©es 1910, et, entre 1915 et 1938, quelque 25 fĂ©dĂ©rations nationales sont crĂ©Ă©es pour assurer l’institutionnalisation et la promotion de tous types de sports, allant du baseball Ă  l'haltĂ©rophilie, en passant par le tennis de table. C'est durant cette pĂ©riode que sont mises en place des compĂ©titions nationales et rĂ©gionales[5].

En 1924, le bureau de la santĂ© publique (eiseikyoku) du ministĂšre de l'IntĂ©rieur (naimushƍshi) met en place, sous la supervision de l'homme politique Michio Yuzawa, un championnat multi-sportif national. L'objectif premier de cette initiative semble donc ĂȘtre l'amĂ©lioration de la santĂ© publique. Dans les registres du ministĂšre, la description du projet des jeux porte l'intitulĂ© eiyƍ (« nutrition ») ; son but dĂ©clarĂ© est de renforcer la constitution physique de la population pour mieux rĂ©sister aux Ă©pidĂ©mies et aux problĂšmes d'hygiĂšne publique. La crĂ©ation de ce championnat n'est pas le seul dĂ©veloppement de la politique sportive de 1924. En effet, la mĂȘme annĂ©e, le gouvernement dĂ©crĂšte le — jour anniversaire de l'empereur Meiji — « JournĂ©e nationale du sport » (zenkoku taiiku no hi) et dĂ©cide de former une dĂ©lĂ©gation japonaise pour participer aux Jeux olympiques prochains. Le , le ministĂšre de l'IntĂ©rieur annonce la crĂ©ation du championnat et prĂ©cise qu'il doit se tenir dans le stade du sanctuaire Meiji le , jour national du sport. L'administration du sanctuaire et les prĂȘtres ne jouent cependant aucun rĂŽle dans l'organisation de l'Ă©vĂ©nement[6].

AppelĂ©s « Jeux du sanctuaire Meiji », ils constituent une rĂ©ponse aux Ă©vĂ©nements sportifs jugĂ©s trop commerciaux, en particulier les tournois scolaires de baseball. Les athlĂštes fĂ©minines sont prĂ©sentes dĂšs les premiers jeux. L'attrait croissant des Japonais pour le sport a Ă©galement eu pour consĂ©quence la construction de grandes infrastructures sportives, dont le vaste complexe sportif du sanctuaire Meiji oĂč les premiers jeux ont lieu : le stade du Meiji-jingĆ« Gaien, inaugurĂ© le [5]. Les jeux du sanctuaire Meiji deviennent progressivement un Ă©vĂ©nement majeur dans le calendrier sportif national[7].

Nationalisme

Le choix du sanctuaire Meiji, construit en mĂ©moire de l'empereur Meiji, mort en 1912, symbolise la mise du sport et des sportifs au service de la propagande nationaliste du pouvoir. Genzaburƍ Noguchi, athlĂšte et professeur d'Ă©ducation physique, dĂ©crit ainsi ce lien au public occidental : « Les athlĂštes viennent de tout le Japon et semblent inspirĂ©s par leur dĂ©vouement au grand empereur Ă  qui le sanctuaire est dĂ©diĂ©, dans la conviction que ces jeux favorisent le bien-ĂȘtre physique et spirituel de la nation[8] ». Le sanctuaire Meiji, ainsi que le palais impĂ©rial, sont les symboles de premier plan du systĂšme impĂ©rial et du ShintoĂŻsme d'État ; ils leur permettent de conforter leur emprise idĂ©ologique sur le peuple en affirmant l'origine mythique de leur lĂ©gitimitĂ©[9].

Au dĂ©but des annĂ©es 1930, le sport est de plus en plus idĂ©ologisĂ© et intĂ©grĂ© dans un processus de militarisation sociale totale, comparable au Gleichschaltung de l'Allemagne nazie. Les compĂ©titions sportives nationales et rĂ©gionales sont destinĂ©es Ă  favoriser le dĂ©veloppement spirituel de la nation et Ă  fournir de jeunes soldats robustes. Dans leurs communications orales et textuelles, les athlĂštes usent d'Ă©lĂ©ments de langage proches de ceux des soldats, et sont frĂ©quemment dĂ©signĂ©s sous le nom de senshi (« soldat ») dans les discours d'ouverture. Les sportifs sont placĂ©s dans le rĂŽle de samouraĂŻs modernes et l'esprit du bushidƍ est palpable dans les mĂ©dias sportifs. Ce processus a lieu en mĂȘme temps que l'introduction du concept britannique d'« esprit sportif » que Chiyosaburo Takeda avait reliĂ© en 1903 avec les valeurs Ă©thiques de la classe guerriĂšre moderne dans son ouvrage Riron Jikken Kyƍgi Undƍ. Il avait aussi inventĂ© le terme Kyƍgidƍ (« voie de la compĂ©tition athlĂ©tique ») en fusionnant l'athlĂ©tisme avec la tradition des arts martiaux japonais[10] - [11]. Du fait de la popularitĂ© des jeux, et malgrĂ© leur cĂŽtĂ© nationaliste, mĂȘme des politiciens libĂ©raux et pro-occidentaux comme Wakatsuki Reijirƍ apparaissent aux cĂ©rĂ©monies d'ouverture pour exalter le lien supposĂ© entre l'amĂ©lioration physique individuelle et le renforcement du corps politique national[12].

11e édition des jeux : 2600e année impériale

Photo noir et blanc de groupes d'individus formant le nombre 2600 sur la pelouse centrale d'un stade.
Foule de participants formant le nombre « 2600 » à l'occasion des célébrations du 2600e anniversaire de la fondation du Japon lors de la 11e édition des jeux en 1940.

En 1940, les 11e jeux du sanctuaire Meiji sont particuliers en ce qu'ils ont lieu dans le cadre des cĂ©lĂ©brations du 2600e anniversaire de la fondation du Japon. Selon le gouvernement, cette Ă©dition devra ĂȘtre organisĂ©e « Ă  une Ă©chelle plus grande que les autres annĂ©es dans le but de cĂ©lĂ©brer ces deux anniversaires » (le 20e anniversaire du sanctuaire Meiji et le 2600e anniversaire du couronnement de l'empereur Jimnu).

Les trois organismes organisateurs : le ministĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre, le comitĂ© de cĂ©lĂ©bration du sanctuaire Meiji, et le secrĂ©tariat du 2600e anniversaire, deviennent cependant rapidement rivaux. Chacun dĂ©sire associer les cĂ©lĂ©brations avec ses propres objectifs. Le comitĂ© de cĂ©lĂ©bration, par exemple, demande la collaboration du secrĂ©tariat en insistant sur le fait que le « les Ă©vĂ©nements du sanctuaire servent la mĂȘme finalitĂ© que ceux organisĂ©s en l'honneur de l'empereur Jimnu, considĂ©rant que l'Ă©quivalent moderne de l'empereur Jimnu est l'empereur Meiji et que l'Ă©quivalent antique de l'empereur Meiji est l'empereur Jimnu ». Le secrĂ©tariat refuse cependant l'offre du comitĂ© de coopĂ©rer sur certains Ă©vĂ©nements, dĂ©clarant que la « cĂ©lĂ©bration du 2600e anniversaire vise Ă  rendre hommage autant Ă  l'empereur Jimnu qu'Ă  l'actuel empereur (Hirohito) ». De plus, le comitĂ© et le ministĂšre se querellent sur le droit d'accueillir des Ă©vĂ©nements particuliers le , comme de l'Ă©quitation ou des arts martiaux. Le ministĂšre cherche Ă  accueillir ces Ă©vĂ©nements pour la 11e Ă©dition en tant que disciplines rĂ©organisĂ©es, tandis que le comitĂ© dĂ©sire accueillir du tir Ă  l'arc Ă  cheval (yabusame) et des arts martiaux comprĂ©hensifs (budƍ gata) mais indĂ©pendamment des jeux du sanctuaire Meiji. Bien que le but premier de la 11e Ă©dition soit de cĂ©lĂ©brer l'anniversaire du sanctuaire, le ministĂšre, cependant, s'oppose Ă  l'idĂ©e du comitĂ© d'organiser des Ă©vĂ©nements en mĂȘme temps que les jeux. Il considĂšre que les projets du comitĂ© vont affaiblir la symbolique des jeux au moment oĂč la nation tout entiĂšre doit ĂȘtre focalisĂ©e dessus. Les nĂ©gociations entre les deux parties continuent jusqu'en . Finalement, un compromis de circonstance est trouvĂ© : le comitĂ© accueillera le tir Ă  l'arc Ă  cheval le , et les arts martiaux aprĂšs, pour ne pas faire de concurrence aux jeux du sanctuaire Meiji[13].

Le gouvernement japonais voit Ă©galement les 11e jeux du sanctuaire Meiji comme une revanche aprĂšs l'annulation des Jeux olympiques de Tokyo prĂ©vus la mĂȘme annĂ©e et auquel le comitĂ© olympique japonais a dĂ» renoncer officiellement le en raison de l'implication grandissante du Japon dans la guerre en Chine. Ceux qui Ă©taient chargĂ©s de la planification du projet olympique travaillent maintenant Ă  donner une dimension nationale Ă  la prochaine Ă©dition des jeux du sanctuaire Meiji, dans l'espoir d'atteindre une participation et une affluence de spectateurs Ă©quivalentes Ă  celles des « Jeux olympiques perdus ». Il existe au mĂȘme moment une autre compĂ©tition sportive, la « compĂ©tition d'athlĂ©tisme d'Asie orientale », prĂ©vue en pour remplacer les Jeux olympiques. Elle est finalement annulĂ©e sous la pression du gouvernement pour concentrer l'attention du public sur les jeux du sanctuaire Meiji. Il est Ă©galement envisagĂ© que les 11e jeux du sanctuaire Meiji soient un Ă©vĂ©nement national, gĂ©ographiquement parlant. C'est-Ă -dire que chaque prĂ©fecture, ville, et village du pays organisent avec leurs moyens leurs propres compĂ©titions pour que le pays entier soit rĂ©ellement uni dans des cĂ©lĂ©brations communes et omniprĂ©sentes. Et cela concerne Ă©galement les grandes entreprises et les rĂ©gions d'outre-mer de l'empire comme la CorĂ©e ou TaĂŻwan. Finalement, le rapport officiel des cĂ©lĂ©brations dĂ©nombre un total de 2 081 Ă©vĂ©nements sportifs organisĂ©s. Il y a ceux qui se dĂ©roulent avant le et dont le but est de sĂ©lectionner les reprĂ©sentants locaux qui iront participer aux jeux du sanctuaire Meiji. Et il y a ceux qui se dĂ©roulent le mĂȘme et qui sont considĂ©rĂ©s comme des Ă©lĂ©ments composants des jeux du sanctuaire Meiji[14].

La 11e Ă©dition des jeux est ainsi celle qui compte l'affluence la plus importante[3] et plus de 58 000 athlĂštes participants[15].

Éditions

Photo noir et blanc de rangeés de personnes accomplissant, à l'unisson, des exercices physiques, au centre d'un stade.
Gymnastique de masse aux 7e jeux du sanctuaire Meiji en 1933.

Les jeux du sanctuaire Meiji sont la premiĂšre compĂ©tition sportive du Japon qui mobilise l'ensemble de la nation. De 1924 Ă  1942, 13 Ă©ditions sont organisĂ©es de maniĂšre irrĂ©guliĂšre ; aucune compĂ©tition n'a lieu les annĂ©es paires entre 1927 et 1939. Chaque Ă©dition dĂ©bute Ă  la fin du mois d'octobre ou au dĂ©but du mois de novembre, et dure entre deux et quatre jours, sauf l'Ă©dition de 1937 qui s'Ă©tale sur une semaine et celle de 1940 sur huit jours.

Initialement mis en place sous la direction du ministĂšre de l'IntĂ©rieur, les jeux passent sous la tutelle directe du sanctuaire Meiji en 1926. L'annĂ©e oĂč la Seconde guerre mondiale Ă©clate, le gouvernement reprend la main par l'intermĂ©diaire du ministĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre crĂ©Ă© en 1938.

En 1943, les Ă©preuves de qualifications de la 14e Ă©dition se tiennent normalement, mais l'effort de guerre qui mobilise toutes les forces vives du pays empĂȘche la tenue de la compĂ©tition qui est annulĂ©e.

AnnĂ©eÉditionNom officielOrganisateurDate
19241reJeux du sanctuaire MeijiMinistÚre de l'Intérieur2-
19252eJeux du sanctuaire MeijiMinistÚre de l'Intérieur -
19263eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji -
19274eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji -
19295eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji -
19316eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji1er-
19337eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji1er-
19358eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji1er-
19379eFestival sportif du sanctuaire MeijiSanctuaire Meiji -
193910e (ja)Festival sportif national du sanctuaire MeijiMinistĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre -
194011eFestival sportif national du sanctuaire MeijiMinistĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre -
194112eFestival sportif national du sanctuaire MeijiMinistĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre2-
194213eTournoi national du sanctuaire MeijiMinistĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre -
194314e (ja)Tournoi national du sanctuaire MeijiMinistĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtreAnnulĂ©e

Aspects sportifs

Disciplines au programme

Le nombre de disciplines présentes aux jeux du sanctuaire Meiji est de 15 à ses débuts et de 29 au maximum durant son existence. Le baseball est présent à chaque édition[16]. Les lutteurs sumo ne peuvent participer qu'en amateurs.

Photo noir et blanc de jĆ«kendƍka en action.
Pratique du jĆ«kendƍ aux 13e jeux du sanctuaire Meiji en 1942.
Photo noir et blanc d'un jeune homme, au premier plan à gauche, en tenue militaire sombre, sur le point de lancer une grenade. Quatre autres jeunes hommes sont allongés sur le sol derriÚre lui.
L'épreuve des « exercices de défense nationale » avec le jet de grenades aux 12e jeux de 1941.
Photo noir et blanc de quatre hommes, les traits tirés par l'effort, en tenue militaire et armés, portant un cinquiÚme homme.
L'épreuve de « simulation de champs de bataille » aux 13e jeux de 1942.
1re2e3e4e5e6e7e8e9e10e11e12e13e
Gymnastique de masse×○○○○○○○○○○○○
AthlĂ©tisme○○○○○○○○○○○○○
Natation○○○○○○○○○○○○○
Plongeon×○○○○○○○○○○○○
Water-polo×○×○○○○○○○○○○
Baseball○○○○○○○○○○○○○
Tennis○○○○○○○○○○○○○
Soft tennis××○○○○○○○○○○○
Football○○○○○○○○○○○○○
Rugby○○○○○○○○○○○○○
Hockey○○○○○○○○○○○××
Basket-ball○○○○○○○○○○○○○
Volley-ball○○○○○○○○○○○○○
Aviron○○○○○○○○○○○○○
Sumo○○○○○○○○○○○○○
Judo○○○○○○○○○○○○○
Kendƍ○○○○○○○○○○○○○
JĆ«kendƍ×××××××××○○○○
KyĆ«dƍ○○○○○○○○○○○○○
Équitation○○○○○○○○○○○○○
Exercices de dĂ©fense nationale*×××××××××○○○×
Simulation de champs de bataille××××××××××××○
Tir×○○○○○○○○○○○○
Tennis de table××○○○○○○○○○××
Gymnastique artistique××××○○○○○○○○○
VĂ©lo×××××××××○○○○
Handball××××××××××○××
HaltĂ©rophilie××××××××××○××
Voile××××××○○○○○○○
Boxe anglaise×××○○○○○○○×××
Avion××○××××××××××
Planeur××××××××××○××
Ski×××○○○○○○○○○○
Patinage sur glace××××××○○○○○○○
Marche militaire×××××××××××○○
Vol à voile×××××××××××○○

* Les exercices de dĂ©fense nationale (kokubƍ kyƍgi) consistent en des activitĂ©s militaires, comme porter des sacs de sable ou lancer des grenades[15].

Le phénomÚne Kinue Hitomi

Photo noir et blanc d'une femme en tee-shirt blanc et short noir, saisie dans les airs au cours d'un saut en longueur. Une foule de spectateurs et des bĂątiments sont visibles en arriĂšre-plan.
Kinue Hitomi bat plusieurs records du monde durant différentes éditions des jeux du sanctuaire Meiji et devient la premiÚre femme à intégrer la délégation olympique japonaise ainsi que la premiÚre asiatique à remporter une médaille olympique.

L'une des participantes se distingue particuliĂšrement aux jeux du sanctuaire Meiji : la jeune Kinue Hitomi originaire de la prĂ©fecture d'Okayama. D'une taille de 1,70 m, elle est dotĂ©e d'une musculature des cuisses trĂšs dĂ©veloppĂ©e ce qui lui permet de tenir une longue foulĂ©e. D'abord promise Ă  une carriĂšre de joueuse de tennis, elle Ă©tablit le premier de ses records nationaux en athlĂ©tisme Ă  17 ans lors des 1er jeux du sanctuaire Meiji de avec le record du Japon de lancer du javelot, puis bat deux fois le record du monde de triple saut en 1925. En 1926, elle amĂ©liore de nouveau son record en triple saut et conserve ce record du monde non officiel jusqu'en 1939. Elle Ă©tablit deux nouveaux records de saut en longueur non officiels. Ses performances atteignent mĂȘme l'Europe oĂč elle commence Ă  concourir. Lors des jeux mondiaux fĂ©minins de 1926, le Japon est classĂ© 5e nation avec 15 points, tous remportĂ©s par Kinue Hitomi[4]. Idem lors des jeux mondiaux fĂ©minins de 1930 oĂč elle classe Ă  elle seule le Japon Ă  la 4e place des nations.

En , les 4e jeux du sanctuaire Meiji sont utilisĂ©s pour sĂ©lectionner les sportifs pour les diffĂ©rentes Ă©preuves des Jeux olympiques d'Ă©tĂ© de 1928 Ă  Amsterdam[17]. Le gouvernement japonais encourage l'effort olympique en finançant et agrandissant les jeux. 200 athlĂštes fĂ©minines y concourent dans toutes sortes de disciplines et Kinue Hitomi devient un phĂ©nomĂšne national en amĂ©liorant les records du monde du 100 m en 12 s 4 et du saut en longueur, Ă©tablissant un record du monde (non officiel) sur 400 m en 59 s, explosant le record national de saut en hauteur avec 1,43 m, et remportant le lancer du javelot. Le jour suivant, elle effectue un saut en longueur de 5,98 m et court le 100 m en 12 s 2[18]. Elle devient la premiĂšre femme Ă  intĂ©grer la dĂ©lĂ©gation olympique japonaise et ainsi la premiĂšre asiatique Ă  participer aux Jeux olympiques. Elle remporte la mĂ©daille d'argent du 800 mĂštres, la seule de ses spĂ©cialitĂ©s programmĂ©e aux Jeux olympiques[18].

TrĂšs fatiguĂ©e physiquement en raison d'un programme sportif particuliĂšrement intense en Europe oĂč elle a participĂ© Ă  20 Ă©preuves en une seule semaine, elle contracte une pleurĂ©sie en , qui se transforme en pneumonie, et elle meurt le Ă  24 ans Ă  l'hĂŽpital impĂ©rial universitaire d'Osaka. Elle ne deviendra jamais la premiĂšre femme asiatique Ă  remporter une mĂ©daille d'or olympique, titre obtenu en natation par sa compatriote Hideko Maehata[4].

Participation d'athlÚtes coréens

Des athlÚtes coréens participent également aux jeux du sanctuaire Meiji. La Corée étant une colonie de l'empire du Japon, ils sont intégrés à la délégation japonaise. Ils se distinguent surtout en boxe, en remportant tous leurs combats des jeux de . Le Japan Times de l'époque les nomme « Ko de Meiji », « Ko de l'université Nihon », et « Jo du club de boxe Nihon ». Ce Jo désigne probablement le boxeur coréen Joe Teiken, qui sera plus tard classé 6e mondial[19].

En 1935, lors de la 8e Ă©dition des jeux, l'Ă©quipe corĂ©enne de football remporte une victoire Ă©crasante, ainsi que dans le championnat japonais. Selon la rĂšgle, les membres de la dĂ©lĂ©gation pour les Jeux olympiques doivent ĂȘtre choisis parmi l'Ă©quipe victorieuse. Cependant, seuls deux CorĂ©ens sont sĂ©lectionnĂ©s. Ceux-ci dĂ©cident alors de refuser de participer pour exprimer leur mĂ©contentement. Finalement, un seul CorĂ©en se rend aux Jeux olympiques[20].

Analyses historiques

Katsumi Irie, spécialiste de l'éducation physique de l'université de Tottori, qualifie les jeux de « pire tùche dans l'histoire du sport du Japon » ; elle soutient qu'ils ont été « créés par l'absolutisme impérial [...]. Ils ont servi à manipuler des milliers de personnes pour suivre l'idéologie fasciste japonaise [...]. Ils étaient le plus grand systÚme national visant à amener de nombreux jeunes Japonais à soutenir les guerres d'agression, comme les guerres d'Asie et du Pacifique, dont l'objectif était d'écraser les autres nations et peuples[3] ».

Photo noir et blanc d'un boxeur assis sur une chaise dans le coin d'un ring de boxe, torse nu, une serviette blanche sur le dos, fixant un homme en costume, debout Ă  sa droite.
Le boxeur coréen Joe Teiken participe vraisemblablement aux jeux du sanctuaire Meiji de 1929 lors duquel il remporte tous ses combats.

L'universitaire Kaga Hideo fait remarquer que le basculement entre un Ă©vĂ©nement sportif patriotique et une vĂ©ritable activitĂ© nationaliste en lien avec la politique expansionniste du gouvernement a lieu lors de la 10e Ă©dition en 1939. Le fait que le ministĂšre de la SantĂ© et du Bien-ĂȘtre reprenne l'organisation des jeux renforce le contrĂŽle du gouvernement sur l'Ă©vĂ©nement ainsi que sur ses participants. Le nom officiel des jeux est changĂ© avec l'ajout du mot « national », les noms des diffĂ©rentes disciplines sportives sont japonisĂ©s, et les rĂŽles du sanctuaire Meiji et de l'empereur Meiji sont rĂ©interprĂ©tĂ©s pour servir l'idĂ©ologie du pouvoir. Les jeux sont prĂ©sentĂ©s comme des hommages rendus aux dieux (shinji hƍshi) et une commĂ©moration de la « grande vertu » de l'empereur Meiji. Ils sont un don (hƍnƍ) fait au sanctuaire et Ă  l'ancien empereur des corps et des esprits du peuple, façonnĂ©s par une discipline de tous les jours. Ils sont dorĂ©navant considĂ©rĂ©s comme la « principale activitĂ© nationale de mobilisation gĂ©nĂ©rale d'annĂ©e en annĂ©e[15] ».

Notes et références

  1. Yoriyasu et Satoko 2003, p. 499.
  2. Hargreaves et Anderson 2014, p. 99.
  3. Imaizumi 2013, p. 163
  4. Buchanan 2000, p. 22-23.
  5. Frost 2010, p. 112.
  6. Imaizumi 2013, p. 168.
  7. Guttmann et Thompson 2001, p. 133.
  8. Collins 2014, p. 11.
  9. Niehaus et Tagsold 2013, p. 30.
  10. Niehaus et Tagsold 2013, p. 31-32.
  11. Abe et Mangan 2002, p. 99-128.
  12. Guthrie-Shimizu 2012, p. 146.
  13. Imaizumi 2013, p. 173-174.
  14. Imaizumi 2013, p. 182-187.
  15. Imaizumi 2013, p. 172.
  16. (en) « Articles in Newsletter, vol.19, n°3 », sur english.baseball-museum.or.jp, (consulté le )
  17. Guttmann et Thompson 2001, p. 120-121.
  18. Guttmann et Thompson 2001, p. 121.
  19. Svinth 2002.
  20. KrĂŒger et Murray 2010, p. 142.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

Articles

  • (en) Ikuo Abe et J.A. Mangan, « Sportsmanship : English Inspiration and Japanese Response : F.W. Strange et Chiyosaburo Takeda », The International Journal of the History of Sport, vol. 19, nos 2-3,‎ , p. 99-128 (DOI 10.1080/714001762, lire en ligne, consultĂ© le ). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Ian Buchanan, « Asia's First Female Olympian : Kinue Hitomi », Journal of Olympic History,‎ , p. 22-23 (lire en ligne [PDF], consultĂ© le ). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Joseph R. Svinth, « Amateur Boxing in Pre-World War II Japan : The Military Connection », Journal of Non-lethal Combatives,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Ohta Yoriyasu et Nagase Satoko, « Research on the Meiji-jingu Athletic Meet », Memoirs of Osaka Kyoiku University. IV, Education, pshychology, special education and physical culture, Osaka Kyoiku University Library, vol. 51, t. 2,‎ , p. 499 (lire en ligne [PDF]). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Ouvrages

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