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Jeunes gardes socialistes

Les Jeunes gardes socialistes (JGS), parfois simplement désignés sous l'appellation Jeunes gardes, créés en 1886, sont une organisation belge de jeunes se projetant sur l'idéal du socialisme et se reconnaissant premièrement dans le Parti ouvrier belge (POB).

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Autonomes du Parti mais défendant tout de même le programme socialiste, leurs actions sont orientées vers un militantisme plus poussé que leurs ainés. Marquée de périodes intenses, l'organisation s'essouffle malgré tout à l'approche de la Seconde Guerre mondiale avant de disparaitre[1].

Histoire

Création

Créée en 1886, l'organisation des Jeunes gardes socialistes se présente comme un mouvement directement impliqué dans le socialisme avec la présence d'une filiation directe et individuelle contrairement à la filiation indirecte et collective qui règne au sein de la plupart des partis (via les syndicats, les mutuelles ou les coopératives)[1]. Ainsi, le Jeune Garde est poussé par un réel engagement.

Débuts mitigés

En six ans, l'organisation acquiert une consistance lui permettant d'avoir un reprĂ©sentant au conseil gĂ©nĂ©ral du Parti ainsi que ses porte-parole dĂ©lĂ©guĂ©s aux congrès annuels. Ainsi, et grâce Ă  son expansion, celle-ci va ĂŞtre restructurĂ©e en une FĂ©dĂ©ration nationale des Jeunes gardes socialistes (FNJGS) ayant reçu du Parti la fonction prĂ©cise de : « dĂ©fendre par tous les moyens possibles de propagande les rĂ©formes inscrites au programme socialiste tout en ayant comme mission spĂ©ciale de combattre le militarisme Â»[1]. C'est cette mission spĂ©ciale qui permet Ă  la Jeune Garde de conquĂ©rir une popularitĂ© facile tant le mode de recrutement de la milice (par tirage au sort avec facultĂ© de remplacement pour les plus fortunĂ©s) laisse un goĂ»t amer auprès des populations concernĂ©es.

Les actions des Jeunes gardes socialistes se centrent autour de manifestations contre les mĂ©faits du capitalisme (combat gĂ©nĂ©ral du socialisme), la distribution de tracts contre la rĂ©pression policière et, en temps de paix, l'Ă©ducation primaire du militant. Cependant, et ce jusqu'avant la Première Guerre mondiale, le mouvement n'acquiert pas un poids politiquement fort[2]. Son nombre d'adhĂ©rents n'excède pas 7 000 depuis la crĂ©ation de l'organisation, limitant ainsi son efficacitĂ© politique par rapport aux tâches assignĂ©es au mouvement[3].

Première Guerre mondiale

Pendant cette pĂ©riode, la Jeune Garde entre en semi-lĂ©thargie. En effet, certains restèrent accrochĂ©s au mouvement tandis que d’autres prirent le chemin de l’exil. Cette complexitĂ© tient au fait que des actions coordonnĂ©es au niveau national Ă©taient impossibles. Ainsi, des petites actions furent menĂ©es mais les informations indispensables pour cerner le contexte politique gĂ©nĂ©rale engendra quelques faux pas. La plupart des groupes wallons et bruxellois se transformèrent par exemple en cercles d’études et associations[4], se dĂ©tournant ainsi des buts poursuivis. De ce fait, le courant Ă©tait divisĂ© en « sectes minuscules et isolĂ©es Â» au lendemain de la guerre[5].

AnnĂ©es 1920 

En 1920, la mission de la FĂ©dĂ©ration national des Jeunes gardes socialistes se voit redĂ©finir. Elle doit dĂ©sormais se consacrer Ă  « l’éducation physique, intellectuelle et morale des enfants et des jeunes gens; le caractère rĂ©crĂ©atif doit ĂŞtre dominant »[6]. Ce changement s’explique par la rĂ©vision constitutionnelle qu’a connu la Belgique en 1919 introduisant le suffrage universel. Ainsi, les socialistes pouvait espĂ©rer conquĂ©rir le pouvoir grâce Ă  ce dernier plutĂ´t qu’en usant d'actions militantes. Ce pacifisme a Ă©tĂ© approuvĂ© par une gĂ©nĂ©ration tĂ©moin de l'horreur de la guerre et ne voulant « plus jamais ça Â». Ainsi, c'est une pĂ©riode pendant laquelle les effectifs globaux vont croitre Ă©normĂ©ment, parallèlement Ă  l’augmentation des effectifs du POB (Au lendemain de la guerre, son nombre d’adhĂ©rents Ă  augmenter de façon considĂ©rable avec 392 262 adhĂ©rents (188 095 en 1914) et ils Ă©taient 632 307 le ) offrant au mouvement substance et visibilitĂ©[7]. Ainsi, en 1923, le mouvement compte 21 174 affiliĂ©s. De plus et dans le but de pallier l'organisation dĂ©sĂ©quilibrĂ©e de l'après-guerre, au mois de mars de l'annĂ©e 1920, un congrès extraordinaire introduit le projet de rĂ©organisation de la FNJGS en fĂ©dĂ©rations rĂ©gionales (Les fĂ©dĂ©rations flamandes A (Flandre occidentale, Flandre orientale) et B (Anvers, Limbourg, Brabant flamand), les fĂ©dĂ©rations wallonnes A (Borinage, Centre, Charleroi, Tournai, Brabant wallon) et B (Liège, Namur, Luxembourg)[8].

Cependant, cette volontĂ© de rĂ©organisation et la montĂ©e vertigineuse des effectifs sont vite Ă©moussĂ©es. En cause, l’immaturitĂ© des affiliĂ©s (la plupart des membres avait tout au plus fait l’école primaire) et les notions vagues ou erronĂ©es des problèmes sociaux ainsi que des rĂ©els enjeux de la lutte. Ainsi, en 1924, on assiste Ă  une chute de 44,5% du nombre d’affiliĂ©s avec un total de 11 752. Le mouvement subit une lente hĂ©morragie et 5 ans plus tard, lors du Congrès de Saint-Gilles, les dirigeants ont du reconnaitre que la FNJGS Ă©tait en « plein marasme Â»[9]. MalgrĂ© tout, la nouvelle mission Ă©tablie lors du congrès extraordinaire de l’annĂ©e 1920 fĂ»t poursuivie et le ton des discours s'est modifiĂ© pendant les annĂ©es 1920 avec un pacifisme pragmatique appelant non plus au dĂ©sarmement universel mais invoquant le service militaire de six mois[10].

Années 1930 et l'apogée des JGS

Le se tient le Congrès de Liège de la FNJGS. Au programme, un retour à une lutte musclée avec notamment une motion « pour le désarmement national indépendant et immédiat en Belgique »[9]. Ainsi et dès 1931, la ligne de conduite du parti fut redéfinie et accentue la motion déposée précédemment, exigeant une lutte contre l’armement tendant à un désarmement général lorsque la démocratie sera assez solide pour assez la sécurité générale[11]. S’ensuit une propagande sur le Pays assurée par tracts, meeting, affiches et journaux militants de la Jeune Garde. Au programme de celle-ci, une dénonciation frénétique de la société bourgeoise au nom du « socialisme », mélange de moralisme et de collectivisme présenté comme la panacée à la crise[12]. Au-delà de cet engagement politique à tendance militaire forte, la JDS continue à éduquer la jeunesse ouvrière avec un enseignement rénové, un enseignement de la vie en détournant, par exemple, « les jeunes des plaisirs frelatés offerts par une société corrompue »[13].

En 1932, le mouvement connait une poussée ascensionnelle simultanément à l'augmentation du chômage avec des affiliations se multipliant. Les individus fragilisés par les incertitudes du lendemain cherchant à se raccrocher à des entités politico-sociales fortes[14]. Ainsi, la JGS acquiert une visibilité et une capacité militante exceptionnelle en l’espace de deux ans sur la gauche de l’échiquier politique grâce à ses deux ou trois dizaines de milliers d’adhérents[15]. Son influence au sein de la famille socialiste est à son sommet et ses actions bénéficient d'un impact fort. En 1933, face aux nazis, la JGS augmente la pression de ses propagandes, continuant ses activités (distributions de tracts, ventes à la criée de journaux, chaulages nocturnes et meetings) à un rythme soutenu.

Cependant le 47e Congrès du Parti ouvrier belge tenu les 27 et calma les ardeurs de la JGS en refusant « la lutte illĂ©gale » ainsi que la grève gĂ©nĂ©rale. Les efforts de la JGS pour poursuivre sa vocation « rĂ©volutionnaire » s’avĂ©raient vains et les principaux leaders du Parti (LĂ©o Collard, Émile Cornez, ...) se distancièrent en douceur de l’Action socialiste[16]. L’idĂ©ologique rĂ©volutionnaire de la JGS dĂ©cidĂ©e Ă  continuer fut accusĂ©e par le pragmatique Vandervelde. Ainsi, les divergences entre le POB orientĂ© vers un jeu lĂ©gal sur la scène politique et ses jeunesses aux envies rĂ©volutionnaires devenaient patentes[17]. Seul le « Plan du Travail », substitut raisonnable au mythe rĂ©volutionnaire a permis de ne pas faire Ă©clater l’orage. La IIIe rencontre internationale des jeunesses socialistes organisĂ©e Ă  Liège les 4, 5 et est peut-ĂŞtre un des rassemblements les plus importants organisĂ©s par les JGS, rĂ©unissant dans une foule compacte plus de 75 000 personnes.

Affaiblissement et chute de l'organisation

Prospectus des JGS

En 1934, le recrutement commence à stagner et les sections féminines (pouvant favoriser une extension du mouvement) ne voient pas le jour, notamment en raison du caractère machiste des JGS désirant plutôt une bonne ménagère qu’une femme émancipée. De plus, les activités proposées décourageaient de plus en plus les jeunes, froids à l’idée de devoir jouer les gros bras dans la rue. Le déficit de cadres valables rendait de surcroit difficile l'adhésion à le long terme[18]. Au-delà, nombre de groupes locaux boycottèrent les activités de meetings et de propagande au profit de l’organisation d’excursions. Et enfin, le mélange entre pacifisme révolutionnaire et antimilitarisme déroutait de manière significative le bon sens des sympathisants[19]. Le mouvement tenta alors de se rallier à d’autres et approcha la Jeunesse communiste avec laquelle elle conclut un pacte d’unité d’action, qui s’amorça rapidement. L’absence de résultats malgré un militantisme persistant finissait par lasser la patience[20].

À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, l’organisation parait brisée. Encore une fois, le facteur économique joue dans la santé du mouvement puisque la relance perceptible dès 1935 est aussi le moment de déclin du mouvement. En effet, l’implication dans une structure militante semble moins nécessaire aux couches populaires lorsque la qualité de vie augmente. Le message lancé à la jeunesse ne correspondait pas vraiment à l’attente de la « clientèle potentielle ». En recherchant absolument le Graal révolutionnaire, la JGS s’est perdue dans des clichés figés à une époque, prisonnière de ses contradictions[21].

Signes d'appartenances

Uniforme

Jeune Garde en uniforme

De retour d’Allemagne pour un rassemblement de masse de la Sozialistische Arbeitersjugend (SAJ) et poussé par l’idée que l’uniforme et les chants sont des éléments qui conditionnent la puissance d’un mouvement, Léo Collard réussit à convaincre les militants présent au congrès de Charleroi (7 et ) d’adopter de tels signes. Ainsi, il fut décider que l’uniforme serait composé d’une chemise bleue, d’une cravate rouge ainsi que d’un béret basque[22]. Les premiers groupes accoutrés de la sorte sont apparus le et firent grande impression[23].

Cris et chant

Lors du Congrès de Frameries (28 et ), 3 cris officiels sont choisis :

  • « Pour plus de justice : JGS Â»,
  • « Pour le Travail-Roi : JGS Â»,
  • « Plus jamais de guerre : JGS Â»[24].

Les confĂ©rences avaient une tonalitĂ© plus sĂ©rieuses Ă  partir de cette Ă©poque, plongeant le JGS dans une tout autre ambiance qu’autrefois. Le chant officiel des Jeunes gardes socialistes est quant Ă  lui « L’internationale Â», faisant dĂ©buter les soirĂ©es et confĂ©rences organisĂ©es par le mouvement).

Journal

Le journal officiel de l'organisation Ă©tait Le Peuple.

Son premier numéro est publié le et sa parution en tant que quotidien socialiste cesse définitivement en .

Les Affiliés

Nombre d'affiliés en fonction des années[25]
1886-1912 7 000 (au total des annĂ©es)
1921 10 425
1922 18 687 (+79 %) dont plus de 15 000 en Wallonie
1923 21 174
1924 11 752
1929 6 000
1930 7 879
1931 9 496
1932 13 900
1933 25 000
1934 25 400
1935 18 500
1936 7 800
1938 6 000

Au sein des affiliés, la question de l’âge était parfois posée. En 1920, lors du Congrès extraordinaire tenu par le Louviérois Gaston Hoyaux, une décision désirait fixer à 25 ans la limité d’âge du Jeune Garde. On trouvait cependant, et pendant encore longtemps des Jeunes gardes socialistes de 30, 35 voire de 40 ans.

Notes et références

  1. Alain Colignon, Cahiers d'histoire du temps présent - n° 8 : Les Jeunes gardes socialistes, ou la quête du Graal révolutionnaire, 1930-1935, Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 184
  2. (nl) Guy Vanschoenbeeck, Ontstaan, situering en karakterisering van de Socialistische Jonge Wacht 1886-1914, Gand, RUG, , p. 22
  3. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 185
  4. Rapports présentés au XXXe congrès annuel les 19, 20 et 21 avril 1919, Bruxelles, Maison du Peuple, 1919, p. 33-34 (Rapport de la Fédération nationale de la Jeune Garde socialiste)
  5. Marcel Liebman, Les socialistes belges 1885-1914. La révolte et l’organisation, Bruxelles, Vie ouvrière, , 299 p., p. 100
  6. Statuts du Parti ouvrier belge, Bruxelles, 1920, art. 58-59.
  7. Bernard Pourveur, Étude du mouvement des Jeunes gardes socialistes de 1932 à 1939. Aperçu de l’action politique des JGS et de leurs relations avec les Jeunesses communistes, en particulier dans l’arrondissement de Liège, Liège, ULg, , p. 35
  8. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 190
  9. Le Peuple, 20 décembre 1930, p. 2, col. 5.
  10. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 192
  11. Compte rendu officiel du Modèle:XXXXIIIe congrès annuel tenu les 4, 5, 6 et 7 avril 1931 à la Maison du Peuple de Bruxelles, Bruxelles, L’Églantine, 1931, p. 48.
  12. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 200
  13. Le Manuel du Jeune Garde, Verviers, Imprimerie coopérative Le Travail, t. 1, p. 52. .
  14. Frank Simon, La pédagogisation des masses, dans La séduction des masses. Les années 30 en Belgique, Bruxelles, CGER/Ludion, , 318 p., p. 179-195
  15. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 181
  16. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 214
  17. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 216
  18. Congrès national FNJGS, 28 et 29 octobre 1933, p. 8 et suiv.
  19. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 219
  20. Congrès national FNJGS, 9 et 10 novembre 1935, p. 51 et suiv.
  21. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 224
  22.  Le Jeune Garde, I.1932, p. 21.
  23. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 206
  24. La Jeune Garde, avril 1932, p. 2-3
  25. Alain Colignon, op. cit., Bruxelles, Cegesoma, (lire en ligne), p. 181-224

Bibliographie

  • A. Colignon, Cahiers d'histoire du temps no 8 : Les Jeunes gardes socialistes, ou la quĂŞte du Graal rĂ©volutionnaire, 1930-1935, Bruxelles, Cegesoma, 2001, p. 181-224.
  • G. Vanschoenbeeck, Ontstaan, situering en karakterisering van de Socialistische Jonge Wacht 1886-1914, Gand, RUG, 1918.
  • Rapports prĂ©sentĂ©s au XXXe congrès annuel les 19, 20 et , Bruxelles, Maison du Peuple, 1919.
  • M. Liebman, Les socialistes belges 1885-1914. La rĂ©volte et l'organisation, Bruxelles, Vie ouvrière, 1918.
  • Statuts du Parti ouvrier belge, 1920.
  • B. Pourveur, Étude du mouvement des Jeunes gardes socialistes de 1932 Ă  1939. Aperçu de l'action politique des JGS et de leur relations avec les Jeunesses communistes, en particulier dans l'arrondissement de Liège, Liège, ULg, 1994.
  • Le Peuple, 20 dĂ©cembre 1930.
  • Compte rendu officiel du XXXXIIIe congrès annuel tenu les 4, 5, 6 et Ă  la Maison du Peuple de Bruxelles, Bruxelles, L’Églantine, 1931.
  • Le Manuel du Jeune Garde, Verviers, Imprimerie coopĂ©rative Le Travail, t.I.
  • F. Simon, La pĂ©dagogisation des masses, dans La sĂ©duction des masses. Les annĂ©es 30 en Belgique, Bruxelles, CGER/Ludion, 1994.
  • Congrès national FNJGS, 28 et .
  • Congrès national FNJGS, 9 et .
  • Le Jeune Garde, janvier 1932.
  • Le Jeune Garde, avril 1932.
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