Jean-Philippe Bettendorff
Jean-Philippe Bettendorff ou Johann Philipp Bettendorff, connu au Brésil sous le nom de João Felipe Bettendorff, né le à Lintgen et mort le à Belém, est un jésuite luxembourgeois, missionnaire et peintre naturalisé brésilien.
Ordre religieux |
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Biographie
Johann Philipp Bettendorf(f) (baptisé Johannes Philippus) naît le à Lintgen, au Luxembourg. Issu d'une famille aisée, il étudie les sciences humaines au collège des Jésuites de Luxembourg, la philosophie à l'université de Trèves et le droit à Coni[1]. En , il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus à Tournai et passe plusieurs périodes d'études dans les collèges de la Compagnie aux Pays-Bas espagnols. Il étudie ensuite la théologie à Douai[1]. Polyglotte, il parle allemand, français, italien, flamand, espagnol et latin, et est considéré comme extrêmement cultivé[2].
La mission Ă MaranhĂŁo
En 1659, peu après son ordination sacerdotale, il est désigné par le général de la Compagnie de Jésus pour la mission à Maranhão, en Amazonie portugaise. Cette désignation répond aux demandes de nouveaux missionnaires du supérieur de Maranhão, qui est à l'époque le père António Vieira[1].
Après un sĂ©jour au Portugal, il part pour le nord du BrĂ©sil en compagnie de Gaspar Misch, un missionnaire comme lui, et arrive Ă SĂŁo LuĂs do MaranhĂŁo le [1]. Au Portugal et au BrĂ©sil, il apprend le nheengatu, ou langue gĂ©nĂ©rale, en utilisant la grammaire Ă©crite par son père LuĂs Figueira, dont il laisse un rĂ©sumĂ© traduit en latin peu avant son dĂ©part[3].
Après une rencontre avec AntĂ´nio Vieira Ă BelĂ©m, il est d'abord destinĂ© Ă la colonie de Mortigura, Ă la pĂ©riphĂ©rie de la ville, afin de se familiariser avec la langue et la mĂ©thode d'Ă©vangĂ©lisation des autochtones[2]. Quelques mois plus tard, il a Ă©tĂ© envoyĂ© Ă l'embouchure de la rivière TapajĂłs dans le but d'y Ă©tablir une colonie. Ici, Bettendorff se consacre Ă la catĂ©chèse des indigènes, en prenant soin d'entretenir de bonnes relations avec les chefs des tribus locales, selon les directives de la Compagnie de JĂ©sus[1]. Peu après, une rĂ©volte Ă©clate parmi les colons de BelĂ©m et de SĂŁo LuĂs contre les jĂ©suites. La raison de ce conflit est une loi du , Ă©laborĂ©e sous l'influence d'AntĂ´nio Vieira, qui place les indigènes sous la protection des missionnaires et empĂŞche leur utilisation comme ouvriers pour les colons. Lorsqu'il entend parler de la rĂ©volution, il rejoint les jĂ©suites qui se trouvent Ă Gurupá. En 1662, il est placĂ© sur un bateau avec six autres jĂ©suites pour ĂŞtre dĂ©portĂ© Ă Lisbonne, mais le bateau commence Ă couler et il retourne Ă BelĂ©m, oĂą il reste en rĂ©sidence surveillĂ©e jusqu'au [1] - [2].
Avec la fin de la rĂ©volte, Jean-Philippe Bettendorff est nommĂ© supĂ©rieur jĂ©suite de BelĂ©m en , et l'annĂ©e suivante, il est envoyĂ© Ă SĂŁo LuĂs comme administrateur de la mission de cette ville, la plus importante de l'Amazonie[1]. LĂ , Jean-Philippe Bettendorff se distingue par la qualitĂ© de sa gestion, mais ses lettres au supĂ©rieur gĂ©nĂ©ral de la SociĂ©tĂ© en Europe rĂ©vèlent des problèmes dans ses relations avec les colons et les abus subis par les indigènes. Il se plaint Ă©galement des indigènes eux-mĂŞmes, peu enclins Ă Ă©vangĂ©liser[1].
En 1668, après l'inspection du Père Visiteur Manuel Juzarte, Jean-Philippe Bettendorff est choisi comme nouveau supĂ©rieur de la Mission, le plus haut poste des JĂ©suites de la cargaison dans l'État de MaranhĂŁo et Gran Pará[1]. Diverses rĂ©formes sont rĂ©alisĂ©es sous son mandat, comme l'Ă©lĂ©vation en 1670 des maisons jĂ©suites de SĂŁo LuĂs et de BelĂ©m dans la catĂ©gorie des collèges[1]. Les collèges servent Ă la formation des novices et sont Ă©quipĂ©s d'une bibliothèque et d'ateliers pour la production d'objets liturgiques. En outre, ils servent de centres oĂą les pères, normalement rĂ©partis entre diverses missions, se rĂ©unissent rĂ©gulièrement, contribuant ainsi Ă la cohĂ©sion de la communautĂ©[1].
Au dĂ©but des annĂ©es 1670, la colonie et les jĂ©suites connaissent des difficultĂ©s Ă©conomiques. En 1674, Jean-Philippe Bettendorff est remplacĂ© par l'italien Peter Louis Consalvi comme supĂ©rieur de la Mission et revient pour ĂŞtre recteur du collège de SĂŁo LuĂs[1]. Dans cette ville, il donne l'impulsion Ă la construction de l'Ă©glise Notre-Dame de la Lumière (l'actuelle cathĂ©drale de SĂŁo LuĂs) et encourage l'Ă©conomie avec une plantation de cacao et la production et la vente de briques[1]. En 1679, le Père Visiteur Pedro de Pedrosa, avec l'appui du Consalvi, destitue Jean-Philippe Bettendorff de son poste de recteur, mais le processus est jugĂ© irrĂ©gulier et le missionnaire luxembourgeois reprend son poste en 1681[1]. Ces mĂŞmes annĂ©es sont Ă©galement marquĂ©es par des conflits administratifs avec le diocèse de SĂŁo LuĂs do MaranhĂŁo, fondĂ© en 1677[1].
Au début des années 1680, le Portugal adopte de nouvelles lois visant à intégrer l'État du Maranhão au commerce colonial, ce qui provoque des conflits avec les colonisateurs. Les lois comprennent des dispositions, inspirées par le père Antônio Vieira, pour encourager l'utilisation de la main-d'œuvre africaine esclave au lieu de la main-d'œuvre indigène. Ainsi, en 1684, une nouvelle révolte (la révolte de Beckman) éclate, provoquée en partie par la fondation de la Companhia do Comércio do Estado do Maranhão e Grão-Pará, créée par le Portugal pour monopoliser le commerce, et par la difficulté de trouver de la main-d'œuvre indigène et le prix élevé des esclaves africains[1]. Les jésuites sont considérés comme faisant partie du problème et sont tous expulsés. Jean-Philippe Bettendorff, avec un groupe de missionnaires, se rend à Recife et de là à Salvador de Bahia.
Au Portugal
Après une rencontre avec AntĂ´nio Vieira, Jean-Philippe Bettendorff est envoyĂ© Ă Lisbonne pour prĂ©senter la situation Ă la Cour portugaise, oĂą il arrive en [1]. Sur la base des nĂ©gociations de Jean-Philippe Bettendorff, entre autres choses, le Regimento das Missões est rĂ©digĂ© en 1686 pour rĂ©glementer les colonies indigènes et leur utilisation comme source de main-d'Ĺ“uvre pour la colonie. Un avantage pour les JĂ©suites est que le Regimento prĂ©cise que les pères ont un contrĂ´le total sur les colonies, ce que les colons considèrent avec hostilitĂ©[1]. Pendant son sĂ©jour Ă Lisbonne, Jean-Philippe Bettendorff publie deux ouvrages liĂ©s au travail missionnaire en Amazonie : une rĂ©Ă©dition de l' Arte da LĂngua BrasĂlica, grammaire tupi, du père LuĂs Figueira, en 1687, et le Compendio da doutrina christam na Lingua Portugueza & Brasilica, un catĂ©chisme bilingue, en nheengatu et en portugais, Ă©galement publiĂ© en 1687, et Ă©crit par Jean-Philippe Bettendorff lui-mĂŞme[1].
Dernières années
Le , Jean-Philippe Bettendorff retourne en Amazonie, oĂą il est immĂ©diatement rĂ©intĂ©grĂ© comme recteur du collège de SĂŁo LuĂs. LĂ , il doit relever le dĂ©fi de la mise en Ĺ“uvre du nouveau Regimento das Missões, auquel les colons s'opposent avec tĂ©nacitĂ©[1]. En 1690, Ă la fin du mandat du père suisse JĂłdoco Perret, Jean-Philippe Bettendorff devient pour la deuxième fois supĂ©rieur de la Mission. Il encourage ensuite l'enseignement dans les collèges avec des professeurs venant des universitĂ©s de Coimbra et d'Evora, alors administrĂ©es par les jĂ©suites eux-mĂŞmes, ce qui permet de donner des cours de latin aux enfants des colons[1].
En 1693, vers la fin de son mandat, Jean-Philippe Bettendorff entreprend la redistribution des colonies entre les ordres religieux présents en Amazonie. Les Jésuites laissent plusieurs missions à l'intérieur du pays aux autres ordres, ce qui est bien accueilli par Jean-Philippe Bettendorff, car les Jésuites ne peuvent pas s'occuper convenablement du grand nombre de colonies[1]. Au milieu de l'année 1693, le père Bento de Oliveira devient supérieur et Jean-Philippe Bettendorff passe quelque temps à l'intérieur. En 1696, il retourne à Belém, où il est l'assistant du nouveau supérieur, José Ferreira, et participe activement aux activités du collège Saint-Alexandre[1].
Dans ses dernières années, Jean-Philippe Bettendorff se consacre à la rédaction de la Crônica dos Padres da Companhia de Jesus no Estado do Maranhão (1627-1698)[4], une tâche qui lui avait été confiée par les supérieurs Bento de Oliveira et José Ferreira. Il meurt avant de l'avoir achevé, le [1].
Activité artistique
Entre 1661 et 1695, dans le cadre de son activitĂ© missionnaire, Jean-Philippe Bettendorff est responsable de la construction et de la dĂ©coration picturale d'Ă©glises en Amazonie, tant dans la rĂ©gion de BelĂ©m que dans celle de SĂŁo LuĂs[5]. Son travail est connu Ă travers la CrĂ´nica qu'il a Ă©crite lui-mĂŞme, dans laquelle il documente ses travaux artistiques. En 1662, il construit une Ă©glise Ă SantarĂ©m, dont il dĂ©core Ă©galement l'autel avec un retable de Notre-Dame de la Conception. Pour l'Ă©glise de Monte Alegre, il rĂ©alise en 1681 la façade de l'autel et un retable reprĂ©sentant Ă nouveau Notre-Dame de la Conception. Ă€ SĂŁo LuĂs, en 1690, il rĂ©alise le projet de l'Ă©glise du Collège de Saint-Louis (l'actuelle cathĂ©drale de SĂŁo LuĂs), ainsi que sa façade et ses autels[5]. Ă€ l'intĂ©rieur se trouve Ă©galement le maĂ®tre-autel conçu par lui et sculptĂ© par le sculpteur Manuel Manços[6].
Notes et références
- (it) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en italien intitulé « Johann Philipp Bettendorff » (voir la liste des auteurs).
- Karl Heinz Arenz, De l’Alzette à l’Amazone: Jean-Philippe Bettendorff et les jésuites en Amazonie portugaise (1661-1693)
- (pt) Os JesuĂtas no MaranhĂŁo e GrĂŁo-Pará Seiscentista: Uma Análise Sobre os Escritos dos Protagonistas da MissĂŁo, accesso 11 novembre 2016.
- Pablo Antonio Iglesias MagalhĂŁes, A palavra e o impĂ©rio: A Arte da lĂngua brasĂlica e a conquista do MaranhĂŁo, accesso 4 novembre 2016.
- (pt)Crônica da missão dos padres da Companhia de Jesus no Estado do Maranhão « https://web.archive.org/web/20161123054715/http://livraria.senado.leg.br/cronica-da-miss-o-dos-padres-da-companhia-de-jesus-no-estado-do-maranh-o.html »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), , accesso 22 novembre 2016.
- (pt) Biografia de João Felipe Bettendorf, Enciclopédia Itaú de Artes Visuais.
- (pt) Retábulo da Igreja Nossa Senhora da VitĂłria (SĂŁo LuĂs, MA) sul sito dell'IPHAN
Annexes
Article connexe
Bibliographie
- (fr) Karl-Heinz Arenz, Une lettre du père Jean-Philippe Bettendorff de la Mission jésuite en Amazonie, Hémecht Jg. 59, H. 3: 273-308, 2007
- (fr) Karl-Heinz Arenz, De l'Alzette à l'Amazone: Jean-Philippe Bettendorff et les jésuites en Amazonie portugaise (1661-1693), Publications de la section historique de l'Institut grand-ducal de Luxembourg, 120. 801 S. Imprimerie Linden, Lëtzebuerg, 2008
- (de) Bodo Bost, Johann Philipp Bettendorf SJ (1625 - 1698) aus Lintgen, Brasilien-Missionar und "Global Player" : Ein Sonderforschungsprojekt der Universität Mainz gibt neue Auskunft über die Rolle Luxemburger Jesuiten des 17./18. Jahrhunderts beim Missionswerk in der Neuen Welt, Heimat und Mission, Jg. 79(2005), Nr. 7/8/9, 7. August 2005, pp. 21–26, 2005
- (de) Bodo Bost, Johann Philipp Bettendorf S.J. (1625-1698) : "erster Jesuitenmissionar am Oberlauf des Amazonas", HĂ©mecht Jg. 57(2005), H. 1: 55-102, 2005
- (de) Bodo Bost, Johann Philipp Bettendorf SJ (1625 - 1698) : der aus Lingten gebürtige Missionspionier gilt als Entdecker der Guaranápflanze und Gründer der Stadt Santarém in Brasilien, Die Warte, Année 57(2005), nº 2 = nº 2100 (13. Januar), p. [1+2], Luxembourg, 2005
- (de) Bodo Bost, Ein Hort der Mythen und Freiheitsbewegungen: Jean Soublin beschreibt in seinem Geschichtsroman über den Amazonas die Geschichte aus der Sicht der Indios und "Caboclos" : auf den Spuren des Luxemburger Jesuiten Johann Philipp Bettendorf, Die Warte Année 58(2006), nº 8 = nº 2143 (9. März), p. 5, Luxembourg, 2006
- (de) Bodo Bost, Ein Luxemburger am Amazonas: Pater Bettendorff (1625 - 1698) aus Lintgen war MissionsgrĂĽnder und der erste residierende Jesuitenmissionar am Amazonas, Luxemburger Marienkalender Jg. 127: 71-76, Luxemburg, 2008
- (de) Bodo Bost, Missionar und Amzonaspionier: Johann Philipp Bettendorff (1625 - 1698) SJ: eine prägende Rolle des Ordensmann aus Lintgen, Die Warte Année [62](2010), nº 29 = nº 2307 (21. Oktober), p. 11, Luxembourg, 2010
- (de) Bodo Bost, 350-jährige Stadt Santarém feiert. Luxemburger Jesuit Johann Philipp Bettendorff als Gründer. Luxemburger Wort, Die Warte, 16. Juni 2011, pp. 17–19, 2011
- (de) Bodo Bost, Von der Alzette zum Amazonas: Jesuit Johann Philipp Bettendorff in Brasilien: Ankunft des Luxemburgers im südamerikanischen Land vor 350 Jahren nach einer abenteuerlichen Odyssee, Die Warte, Année [63](2011), nº 3 = nº 2317 (20. Januar), pp. 10–11, Luxembourg, 2011
- (es) MarĂa Eugenia Codina, La CrĂłnica del P. Betendorf: un misionero del siglo XVII en el Amazonas portuguĂ©s, in: Un Reino en la Fronteralas misiones jesuitas en la AmĂ©rica Colonial, Lima, Abya-Yala; 2000. P. 229-242.
- (fr) Fernand Franck, & Bodo Bost, João Felipe Bettendorff 1625 - 1698: de l'Alzette à l'Amazone - un jésuite luxembourgeois au Brésil: catalogue de l'exposition, Impr. Saint-Paul, 2008 (ISBN 978-2-9599712-4-2).
- (de) Georges Hausemer, Luxemburger Lexikon: das Grossherzogtum von A - Z. Luxemburg. Éditions Guy Binsfeld, 2008. p. 48 (ISBN 978-2-87954-156-3).
- (de) Volker Jaeckel, Von Alterität, Anthropophagie und Missionierung: der Einfluss der Jesuiten auf die kulturelle Identität Brasiliens in der Kolonialzeit (1549 - 1711), Stuttgart, ibidem-Verlag, 2007
- (de) Sonja Kmec & T. Kolnberger, Liegt Denkmalschutz nur im Auge des Betrachters? Eine Reportage über Baufortschritt und historische Authentizität, Forum 301: 47-49. PDF
- (fr) Maria-Madalena Pessoa, Jorge Oudinot Larchier, Le père Bettendorff, missionnaire dans l'État du Maragnon (Brésil) au XVIIè siècle, in: Le face-à -face des dieux: missionnaires luxembourgeois en outre-mer, Bastogne, Musée en Piconrue, 2007, pp. 229–234
- (de) « Bettendorff, João Felipe », dans Allgemeines Künstlerlexikon, vol. 10, , 640 p. (ISBN 9783598227509, lire en ligne), p. 248
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (de + en) Artists of the World Online
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- (pt) « João Felippe Betendorf (1625-1698) », sur etnolinguistica.org