Instabilité de Plateau-Rayleigh
LâinstabilitĂ© de Plateau-Rayleigh, souvent appelĂ©e instabilitĂ© de Rayleigh, explique pourquoi et comment un fluide qui tombe se scinde en paquets plus petits avec le mĂȘme volume, mais une surface infĂ©rieure. Elle est apparentĂ©e Ă lâinstabilitĂ© de RayleighâTaylor et fait partie de la branche de la dynamique des fluides sâintĂ©ressant Ă la sĂ©paration des Ă©coulements fluides (en). Elle est nommĂ©e dâaprĂšs les physiciens Joseph Plateau et Lord Rayleigh.
Le phĂ©nomĂšne dominant dans lâinstabilitĂ© de Plateau-Rayleigh est la tendance des fluides Ă minimiser leur surface en raison de la tension superficielle. Un travail considĂ©rable a Ă©tĂ© fait rĂ©cemment sur le profil de pincement final lâattaquant avec des solutions autosimilaires[1] - [2].
Cette instabilitĂ© est utilisĂ©e dans la conception dâun type particulier dâ imprimantes Ă jet dâencre dans lequel un jet de liquide est perturbĂ© pour former un flux rĂ©gulier de gouttelettes.
Histoire
LâinstabilitĂ© de Plateau-Rayleigh est nommĂ©e dâaprĂšs les physiciens belges Joseph Plateau et britannique Lord Rayleigh pour leurs contributions Ă lâĂ©tude de ce phĂ©nomĂšne. En 1873, Plateau dĂ©termine expĂ©rimentalement qu'un fluide qui tombe verticalement se scinde en gouttes si sa longueur dâonde est plus grande que 3,13 Ă 3,18 fois son diamĂštre et remarque que cette valeur est proche de Ï[3] - [4]. Par la suite, Rayleigh montre thĂ©oriquement quâune colonne de liquide non visqueux de section circulaire tombant verticalement doit se scinder en gouttes si sa longueur dâonde dĂ©passe sa circonfĂ©rence, qui vaut alors Ï fois son diamĂštre[5].
Théorie
L'instabilitĂ© s'explique en premier lieu par lâexistence de minuscules perturbations dans l'Ă©coulement[6] - [7]. Elles sont toujours prĂ©sentes, quelle que soit la rĂ©gularitĂ© de l'Ă©coulement (par exemple, dans une buse, il y a une vibration de l'Ă©coulement Ă cause de la friction entre la buse et le liquide). Si ces perturbations prennent la forme de composantes sinusoĂŻdales, on dĂ©termine que certaines d'entre-elles sont amplifiĂ©es au cours du temps, alors que dâautres sont attĂ©nuĂ©es. Parmi celles qui sont amplifiĂ©es, certaines le sont plus rapidement que les autres. Lâamplification ou lâattĂ©nuation et la vitesse de croissance dâune composante sont entiĂšrement dĂ©terminĂ©es par son nombre dâonde (qui mesure le nombre dâoscillations par unitĂ© de longueur) et le rayon initial de l'Ă©coulement. Le diagramme de droite montre une unique composante de maniĂšre exagĂ©rĂ©e.
En supposant quâinitialement toutes les composantes possibles existent avec de petites amplitudes Ă peu prĂšs similaires, la taille des gouttes peut ĂȘtre prĂ©dite en dĂ©terminant quelle composante croĂźt le plus pour chaque nombre dâonde. Ă mesure que le temps passe, la composante dont la vitesse de croissance est la plus Ă©levĂ©e finira par dominer et sĂ©parer l'Ă©coulement en gouttes[8].
Le diagramme permet de comprendre le principe gĂ©nĂ©ral, bien quâun dĂ©veloppement mathĂ©matique soit nĂ©cessaire pour comprendre en dĂ©tails comment cela se produit (voir [6] - [8]). On y observe deux bandes entourant l'Ă©coulement â une sur un sommet et lâautre Ă un creux de lâonde. Au creux de lâonde, le rayon de l'Ă©coulement est plus petit et donc, dâaprĂšs lâĂ©quation de Laplace-Young, la pression due Ă la tension superficielle est augmentĂ©e. Similairement, le rayon au sommet de lâĂ©coulement est plus grand et, par le mĂȘme raisonnement, la pression due Ă la tension superficielle est rĂ©duite. Si câĂ©tait le seul effet en jeu, on sâattendrait Ă ce que la pression supĂ©rieure dans le creux presse le liquide dans la rĂ©gion de pression infĂ©rieure au niveau des sommets. On comprend ainsi comment lâamplitude de lâonde croĂźt au cours du temps.
NĂ©anmoins, lâĂ©quation de Laplace-Young est influencĂ©e par deux types de rayons diffĂ©rents. Un est le rayon de lâĂ©coulement lui-mĂȘme, comme dĂ©jĂ discutĂ©. Lâautre est le rayon de courbure de lâonde elle-mĂȘme. Les arcs Ă©pousant l'Ă©coulement sur le diagramme montrent deux valeurs du rayon de courbure au niveau des sommets et des creux. On observe que le rayon de courbure au niveau du creux est en vĂ©ritĂ© nĂ©gatif, ce qui signifie, dâaprĂšs lâĂ©quation de Young-Laplace, quâil contribue en fait Ă la diminution de la pression dans le creux. De maniĂšre analogue, le rayon de courbure au niveau du sommet est positif et augmente la pression dans cette rĂ©gion. Lâeffet de ces contributions sâoppose Ă lâeffet liĂ© au rayon de lâĂ©coulement lui-mĂȘme.
En gĂ©nĂ©ral, les deux phĂ©nomĂšnes ne sâannulent pas exactement. Un des deux sera d'une intensitĂ© supĂ©rieure Ă l'autre, en fonction du nombre dâonde et du rayon de l'Ă©coulement. Quand le nombre d'onde est tel que l'effet du rayon de courbure de l'onde domine celui du rayon de l'Ă©coulement, la perturbation associĂ©e sera attĂ©nuĂ©e au cours du temps. Quand l'effet du rayon de l'Ă©coulement domine celui du rayon de courbure de l'onde, la perturbation associĂ©e sera amplifiĂ©e exponentiellement au cours du temps.
Un développement mathématique permet de conclure que les composantes instables (c'est-à -dire celles qui croissent au cours du temps) sont exactement celles pour lesquelles le produit du rayon initial et du nombre d'onde est inférieur à un (). La composante qui croßt le plus vite est celle dont le nombre d'onde satisfait l'équation[8]
Exemples
Eau gouttant d'un robinet
Un cas particulier d'instabilité de Plateau-Rayleigh est la formation de gouttelettes quand de l'eau s'écoule d'un robinet. Quand un filet d'eau commence à se séparer du robinet, un col se forme puis s'étire. Si le diamÚtre du robinet est assez grand, le col n'est pas réabsorbé et il subit une instabilité de Plateau-Rayleigh provoquant la formation d'une petite goutte.
Miction
Un autre exemple dâinstabilitĂ© de Plateau-Rayleigh se produit lors de la miction, en particulier celle dâun homme se tenant debout[9] - [10]. LâĂ©coulement dâurine devient instable aprĂšs environ 15 cm, se sĂ©parant en gouttelettes, qui provoquent des Ă©claboussements significatifs lors de la collision avec une surface. Au contraire, si lâĂ©coulement rencontre une surface alors quâil est toujours stable â par exemple en urinant directement contre un urinoir ou un mur â les Ă©claboussures sont presque entiĂšrement Ă©liminĂ©es.
Notes et références
- D. T. Papageorgiou, « On the breakup of viscous liquid threads », Physics of Fluids, vol. 7, no 7,â , p. 1529â1544 (DOI 10.1063/1.868540, Bibcode 1995PhFl....7.1529P, CiteSeerx 10.1.1.407.478)
- J. Eggers, « Nonlinear dynamics and breakup of free-surface flows », Reviews of Modern Physics, vol. 69, no 3,â , p. 865â930 (DOI 10.1103/RevModPhys.69.865, Bibcode 1997RvMP...69..865E, arXiv chao-dyn/9612025)
- J. Plateau, Statique expérimentale et théorique des liquides soumis aux seules forces moléculaires, vol. vol. 2, Paris, France, Gauthier-Villars, (lire en ligne), p. 261 From p. 261: "On peut donc affirmer, abstraction faite de tout résultat théorique, que la limite de la stabilité du cylindre est comprise entre les valeurs 3,13 et 3,18, ⊠"
- Retardation of PlateauâRayleigh Instability: A Distinguishing Characteristic Among Perfectly Wetting Fluids by John McCuan. ConsultĂ© le 19/01/2007.
- Luo, Yun (2005) "Functional nanostructures by ordered porous templates" Ph.D. dissertation, Martin Luther University (Halle-Wittenberg, Germany), Chapter 2, p. 23. Retrieved 19/01/2007.
- Pierre-Gilles de Gennes, Françoise Brochard-Wyart et David QuĂ©rĂ© (Alex Reisinger (trans.)), Capillary and Wetting Phenomena â Drops, Bubbles, Pearls, Waves, Springer, , 292 p. (ISBN 978-0-387-00592-8, lire en ligne)
- Harvey E. White, Modern College Physics, van Nostrand, (ISBN 978-0-442-29401-4, lire en ligne )
- John W. M. Bush, « MIT Lecture Notes on Surface Tension, lecture 5 », Massachusetts Institute of Technology, (consulté le )
- Urinal Dynamics: a tactical guide, Splash Lab.
- University physicists study urine splash-back and offer best tactics for men (w/ video), Bob Yirka, Phys.org, Nov 07, 2013.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- PlateauâRayleigh Instability â a 3D lattice kinetic Monte Carlo simulation
- SavartâPlateauâRayleigh instability of a water column â Adaptive numerical simulation
- Un cours du MIT sur les jets fluides en chute libre, incluant lâinstabilitĂ© de Plateau-Rayleigh format PDF, assez mathĂ©matique.