Immolations au Tibet - La Honte du monde
Immolations au Tibet - La Honte du monde est un essai de l'écrivaine chinoise d'origine tibétaine Tsering Woeser publié aux éditions IndigÚnes en 2013 en français. Ai Weiwei a réalisé la couverture de l'essai de Woeser sur les immolations volontaires au Tibet, publié en France et préfacé par Robert Badinter[1].
Immolations au Tibet - La Honte du monde | |
Auteur | Tsering Woeser |
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Pays | TaĂŻwan |
Préface | Robert Badinter |
Genre | essai |
Version originale | |
Langue | chinois |
Titre | ăè„żèç«éłłć°ïŒç»ç”ŠææèȘçèäșș ă |
Ăditeur | Taipei: Lotus Publishers, Taiwan, DĂ kuĂ i wĂ©nhuà 性ćæć |
Date de parution | 2015 |
ISBN | 9789862135914 |
Version française | |
Traducteur | Dekyid |
Ăditeur | Ă©d. IndigĂšnes |
Date de parution | 2013 |
Couverture | Ai Weiwei |
Nombre de pages | 47 |
ISBN | 979-1090354494 |
Couverture
La couverture illustrĂ©e par Ai Weiwei, figure un fond blanc pour signifier une khata, avec une flamme brĂ»lante au centre, recouvrant les noms de 142 martyrs de l'auto-immolation[2]. Elle est dĂ©diĂ©e Ă tous les TibĂ©tains auto-immolĂ©s. Woeser dĂ©clare ĂȘtre trĂšs reconnaissante Ă Ai Weiwei pour sa conception de la couverture[3].
Titre
Le titre en chinois signifie "Tibet Fire Phoenix", car Woeser a Ă©crit un poĂšme, Ă©voquant le phoenix nirvana[3].
Contexte
La premiÚre auto-immolation a eu lieu le 27 février 2009. Les auto-immolations de Tibétains se sont poursuivis durant des années, en dépit des pressions, comme le placement en résidence surveillée. Woeser a souligné qu'en 1998 (Thupten Ngodup) et 2004, des Tibétains en exil en Inde se sont immolés en signe de protestation contre les autorités du parti communiste chinois. Cependant, elle a choisi 2009 comme date de début, en raison de la continuité aprÚs cette date. L'auto-immolation des Tibétains est une continuation des troubles au Tibet de 2008[2].
Parmi ces actes d'auto-immolation, 141 ont eu lieu au Tibet historique (provinces de l'U-Tsang, du Kham et de l'Amdo), s'Ă©tendant de l'actuelle rĂ©gion autonome du Tibet en Chine aux provinces chinoises du Qinghai, du Gansu, du Sichuan et du Yunnan. Six autres auto-immolations ont eu lieu dans la diaspora tibĂ©taine au NĂ©pal et en Inde. En genre, 121 immolĂ©s Ă©taient des hommes, et 25 Ă©taient des femmes. D'un point de vue professionnel, leurs carriĂšres allaient des moines aux Ă©leveurs, en passant par des cadres Ă la retraite et des Ă©tudiants du secondaire. Sur les 146 immolĂ©s, 120 sont dĂ©cĂ©dĂ©s ; certains, comme Tapey, sont restĂ©s en vie, bien que leurs allĂ©es et venues soient inconnues, cachĂ©es sous garde officielle et n'apparaissant au monde extĂ©rieur que dans des vidĂ©os occasionnelles de propagande d'Ătat. Il n'y a pas de prĂ©cĂ©dent d'auto-immolation dans l'histoire et la culture tibĂ©taines. Aussi, des chercheurs situent cette vague de protestation dans la suite de manifestations et de soulĂšvements au Tibet, qui caractĂ©rise la vie politique tibĂ©taine depuis l'intervention militaire chinoise de 1950. Et comme le souligne le cas de Lobsang Phuntsog, les troubles au Tibet de 2008 et leurs consĂ©quences sont particuliĂšrement pertinentes pour comprendre l'Ă©mergence ultĂ©rieure de l'auto-immolation dans cette tradition de manifestations. En mars 2008, les TibĂ©tains de tout le Tibet culturel se sont soulevĂ©s pour protester contre la domination chinoise. Les moines des monastĂšres de DrĂ©pung et de SĂ©ra Ă la pĂ©riphĂ©rie de Lhassa ont commencĂ© Ă manifester pacifiquement le 10 mars 2008. Cependant, face Ă une violence Ă©tatique incessante, la situation Ă Lhassa a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© le 14 mars, se transformant en Ă©meutes. Les manifestations par la suite sont rapidement devenues les plus importantes depuis la fuite du dalaĂŻ-lama en Inde en 1959, se propageant dans les rĂ©gions tibĂ©taines de l'actuel Sichuan, Qinghai et Gansu quelques mois seulement avant les Jeux olympiques de PĂ©kin de 2008[4].
Les TibĂ©tains sont donc confrontĂ©s Ă un paradoxe dĂ©routant : malgrĂ© la description du Tibet comme une rĂ©gion autonome, son peuple est en rĂ©alitĂ© exposĂ© Ă un degrĂ© de contrĂŽle intense, bien au-delĂ de celui exercĂ© dans d'autres rĂ©gions « non autonomes » de Chine. Tout aussi paradoxalement, les TibĂ©tains ont de nombreuses raisons de manifester, mais ils ont Ă©tĂ© laissĂ©s sans aucun moyen efficace de le faire : il n'y a pas d'option civile pour organiser des manifestations pacifiques et n'y a pas d'autres voies efficaces pour faire entendre sa voix. Depuis 2008, les TibĂ©tains perpĂ©tuent la tradition de manifester utilisant des moyens subtiles, pacifiques et significatifs, comme des « mouvements de non-coopĂ©ration » ; le boycotts; les mercredis blancs (Lhakar) au cours desquels les gens mangent de la nourriture tibĂ©taine mais pas de viande, parlent le tibĂ©tain et portent des vĂȘtements tibĂ©tains; le vĂ©gĂ©tarisme; l'abandon de monastĂšres par des moniales et des moines pour Ă©chapper aux nouvelles rĂšgles ; des manifestations en faveur de la langue tibĂ©taine ; et une poĂ©sie radicale codĂ©e. Il y a Ă©galement eu des cas d'individus manifestation, consistant Ă crier des slogans et Ă distribuer des tracts. Ces manifestants, cependant, ont rapidement disparu. En retraçant ces causes, il est manifeste que les deux premiers cas d'auto-immolation au Tibet Ă©taient intimement liĂ©s aux Ă©vĂ©nements de 2008. Tapey, le premier moine Ă s'immoler en 2009, a choisi cette voie en suivant l'annulation d'une rĂ©union de priĂšre commĂ©morative pour ceux qui ont Ă©tĂ© tuĂ©s dans les violences de 2008[4].
Présentation
Dans ce livre, Tsering Woeser explore les principaux types d'oppression comme l'atteinte Ă la libertĂ© de croyance dans le bouddhisme tibĂ©tain[2], la destruction de l'environnement et l'exploitation des ressources du Tibet[2], les attaques de les langues tibĂ©taines, le dĂ©placement forcĂ© des nomades dans les villes, l'accĂ©lĂ©ration organisĂ©e de la migration des Han vers les rĂ©gions tibĂ©taines[2], la police omniprĂ©sente et la surveillance par camĂ©ra. Dans le systĂšme de surveillance, un grand nombre de TibĂ©tains ont Ă©tĂ© tuĂ©s, arrĂȘtĂ©s, condamnĂ©s et ont disparu[2]. Woeser classe les dĂ©clarations des auto-immolĂ©s en tĂ©moignages correspondant Ă neuf motivations particuliĂšres comme prĂ©server les langues tibĂ©taines, maintenir l'unitĂ© ethnique des TibĂ©tains eux-mĂȘmes, permettre le retour du dalaĂŻ-lama[5].
Selon Woeser, derriÚre l'auto-immolation des Tibétains se cache leur croyance dans le bouddhisme et leur respect pour le principe de non-violence du dalaï-lama[2].
Mais ce qui choque l'auteur, c'est que ce tragique sacrifice de Tibétains, sous l'impact politique du parti communiste chinois, n'ait pas retenu l'attention du monde[2].
Woeser a écrit dans le livre que les autorités chinoises, comme souvent, affirment que ce mouvement venant de « la clique du Dalaï est organisée, préméditée et méticuleusement planifiée ». Afin de dissimuler la vérité sur l'auto-immolation de Tibétains, les autorités ont également produit des films de propagande officielle qui seront diffusés sur la chaßne internationale CCTV totalisant plus de deux heures[2].
Dans la derniĂšre partie du livre, Woeser a Ă©crit: "... La manifestation par l'auto-immolation est trop tragique et douloureuse. Pour cette raison, j'ai lancĂ© un appel aux TibĂ©tains pour qu'ils arrĂȘtent l'auto-immolation et gardent leur vie, peu importe Ă quel point ils sont opprimĂ©s. Mais notre appel est invalide, car en fait, je sais qu'il doit en ĂȘtre ainsi. D'une part, ce genre de mouvement d'auto-immolation est comme un tremblement de terre ou une inondation, peu importe qui l'approuve ou non, il faut qu'il libĂšre toute son Ă©nergie avant de pouvoir s'apaiser. "[3]
Accueil critique
Pour John Whalen-Bridge, l'étude de ces déclarations montre que la signification de l'auto-immolation tibétaine est interprétée. Ainsi, Woeser interpelle le Parlement tibétain en exil sur sa description de l'auto-immolation comme un « acte désespéré » : « Les Immolations ne surviennent pas principalement par désespoir »). L'essai de Woeser, comme l'article « Beacons of Resistance, Not Desperate Acts » de Christophe Besuchet remet en question le Terministic screen (en) utilisé par l'Administration centrale tibétaine, l'éloignant du désespoir et allant vers la résistance. AprÚs l'action symbolique trÚs chargée de l'auto-immolation tibétaine, il y a le prolongement de l'acte sous forme de discussion et de lutte rhétorique. Cette délibération contribue puissamment à l'auto-construction communautaire, qui se passe entre les Tibétains en Chine et ceux en exil[5].
Ăditions
- ăè„żèç«éłłć° : ç»ç”ŠææèȘçèäșșă( Tibet Fire Phoenix: dedicated to all self-immolated Tibetans ) (Taiwan, DĂ kuĂ i wĂ©nhuà 性ćæć 2015), (ISBN 9789862135914).
Références
- https://actualitte.com/article/53573/jeux-video/ai-weiwei-compose-une-couverture-sur-les-immolations-au-tibet
- (zh) ăèšè çæžăçŸ äŒŻçčè©ćŻèČèăè„żèç«éłłć°, RFA, 27-3-2015
- (zh) ăèšè çæžăçŸ äŒŻçčè©ćŻèČèăè„żèç«éłłć°, RFA, 17-10-2013
- Kevin Carrico Tibetan Buddhist Self-Immolation, DOI 10.1093/oxfordhb/9780199935420.013.22
- (en) John Whalen-Bridge, Tibet on Fire, Palgrave Macmillan DOI 10.1057/9781137370358