Ikujiro Nonaka
Ikujiro Nonaka, né le , est professeur émérite à l'Université Hitotsubashi, au sein de la Graduate School of International Corporate Strategy.
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éäžéæŹĄé |
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Université Nanzan Université Ritsumeikan d'Asie Pacifique (en) CollÚge doctoral de sciences et techniques de Hokuriku Académie de défense nationale japonaise (en) Université Waseda |
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Jeunesse et Ă©tudes
Nonaka naßt à Tokyo en 1935 et connaßt, jeune, la défaite du Japon contre les Etats-Unis. Modelant son patriotisme, il commence à penser que le Japon ne pourrait redevenir puissant qu'en adaptant sa technologie et son management. Il est admis à l'Université Waseda et décroche une licence en science politique en 1958. Il est embauché par Fuji Electric à la sortie de l'université, mais la quitte en 1967 pour décrocher un MBA pour un doctorat en business administration en 1972 à Berkeley. Il étudie sous l'autorité intellectuelle de Herbert Simon, prix Nobel d'économie et il y rencontre son futur collÚgue de recherche, Hirotaka Takeuchi.
L'influence philosophique du concept de connaissance tacite
Le philosophe Michael Polanyi a influencĂ© Ikujiro Nonaka dans ses recherches sur la gestion de la connaissance dans les entreprises, car la connaissance tacite est un Ă©lĂ©ment clĂ© de l'innovation[1]. Les individus tirent parti de la connaissance qu'ils ont sur eux-mĂȘmes par les observations, les routines, les inspirations, les intuitions et les autres formes de connaissance qui ne sont gĂ©nĂ©ralement pas Ă©crites ou codifiĂ©es, mais qui vivent dans l'esprit des gens, et qui offrent Ă une organisation son caractĂšre distinctif par rapport aux concurrents.
Cette connaissance est en perpĂ©tuelle crĂ©ation, c'est pourquoi Ikujiro Nonaka donne de la valeur Ă la relation et dans la nature Ă©volutive des capacitĂ©s humaines. Il se rapproche plus du philosophe grec antique, HĂ©raclite, pour qui la connaissance est extraite d'un flux continu d'expĂ©rience plutĂŽt que celui de Platon oĂč la vision idĂ©aliste de la rĂ©alitĂ©, l'empĂȘchait de considĂ©rer ce qui est Ă devenir et donc de la crĂ©ation de la connaissance.
Selon Ikujiro Nonaka, les connaissances tacites et explicites sont complémentaires, ce qui signifie que les deux types de connaissance sont essentielles pour la création de la connaissance. La connaissance explicite qui exclut la connaissance tacite perd rapidement de son sens. La connaissance est créée par les interactions entre les connaissances tacites et les connaissances explicites et non pas de la connaissance tacite seule ou de la connaissance explicite seule. Il explore la connaissance tacite selon deux dimensions. La premiÚre dimension est technique et elle englobe les «savoir-faire», c'est-à -dire une connaissance fortement personnelle et difficile à formaliser ou à communiquer aux autres. La seconde dimension est cognitive et fait référence aux croyances, aux idées et aux valeurs que nous tenons souvent pour acquises.
Une vie de recherche dédiée à la théorie du management par la connaissance
Ikujiro Nonaka est surtout connu pour ses recherches sur la théorie du management par la connaissance et tout particuliÚrement grùce à son livre, co-écrit en 1995, avec Hirotaka Takeuchi, portant sur la création de la connaissance par la firme. Pour aider les entreprises à créer des connaissances de façon plus consciente, les auteurs s'appuient sur les traditions philosophiques orientales et occidentales[2]. Grùce à l'analyse des sociétés japonaises créant une dynamique de l'innovation, les auteurs ont développé un modÚle universel dans lequel les cadres intermédiaires jouent un rÎle essentiel dans le processus de création des connaissances. Ils servent d'interface entre la stratégie de la direction générale et les réalités vécues par les opérationnels. Le rÎle des cadres moyens est donc de favoriser le partage, la socialisation et la codification des connaissances.
La perspective de Nonaka diffĂšre des pratiques courantes de management des connaissances des entreprises classiques. En effet, la plupart des entreprises confient la gestion des connaissances Ă leur dĂ©partement informatique chargĂ© des technologies de l'information, lequel met l'accent sur la codification des pratiques exemplaires pouvant ĂȘtre capturĂ©s, stockĂ©s, indexĂ©s et rĂ©cupĂ©rĂ©s le plus efficacement possible. Or, la gestion des donnĂ©es est tout Ă fait mineure dans cet aspect du dĂ©veloppement des capacitĂ©s au dĂ©veloppement des entreprises.
à partir de 1984 et de ses recherches pour le symposium de la revue Harvard Business School, Ikujiro Nonaka a rompu avec l'enseignement de Herbert Simon, son ancien professeur sur la prise de décision individuelle. Il a remarqué que les gens qui ont inventé de nouveaux produits dans la société Canon ou Honda, ne fonctionnent pas comme des logiciels ou comme des fourmis, métaphores qu'utilisaient Herbert Simon et ses disciples de l'école béhavioriste. Le monde complexe de Herbert Simon est le résultat de nombreuses décisions simples répétées à plusieurs reprises, de façon quasi mécanique. Ikujiro Nonaka estime que ce modÚle de prise de décision manque de subjectivisme et de compréhension de prise de décision en fonction du contexte, c'est-à -dire du temps et du lieu.
Le modÚle subjectiviste de la spirale de la création de la connaissance
Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi ont proposé le modÚle SECI (Socialisation, Externalisation, Combinaison, Internalisation), qui présente un processus de construction de la connaissance en spirale par l'interaction entre les connaissances explicites et les connaissances tacites. Nonaka présente dans son article de 1991 puis dans son ouvrage de 1995 l'exemple de la programmeuse Ikuko Tanaka[3] qui a dû passer par les quatre phases du modÚle pour concevoir le premier four à pain "maison" dans les années 1980.
- * La Socialisation consiste au partage du savoir tacite (communication en face-Ă -face, sur le lieu du travail ou de l'expĂ©rience, par l'apprentissage visuel ou vicariant). Les individus sont plongĂ©s dans des expĂ©riences communes qui les aident Ă dĂ©velopper de l'empathie pour les autres (clients, collĂšgues, etc.)[4]. La socialisation implique un champ d'interaction, oĂč les individus partagent des espaces expĂ©rentielles et dans le mĂȘme temps, crĂ©ent des convictions inarticulĂ©es ou des compĂ©tences incorporĂ©es. Le lieu de l'interaction est trĂšs important : « Sans contexte temporel, spatial et relationnel, il n'y a que de l'information, pas de connaissance. La connaissance de la crĂ©ation dĂ©pend toujours d'une perception, d'une cognition et d'une action dĂ©terminĂ©es". "La qualitĂ© de l' "endroit" (japonais "Ba") dĂ©termine la qualitĂ© de la crĂ©ation de connaissances. »[5]
- * L'externalisation correspond Ă l'articulation du savoir tacite vers le savoir explicite (par les mĂ©taphores, les concepts, les diagrammes, les croquis, les hypothĂšses, les modĂšles, les analogies). Cette externalisation implique la traduction de l'expĂ©rience tacite en mots et en images qui peuvent ĂȘtre compris par un groupe plus important de personnes qui ne vivent pas le contexte de l'expĂ©rience vĂ©cue[6]. Les mĂ©taphores[7] ou des croquis peuvent ĂȘtre trĂšs efficaces pour transmettre le ressenti d'une expĂ©rience de travail. Ce mode de crĂ©ation de la connaissance est dĂ©clenchĂ© par un dialogue ouvert et dirigĂ© vers la crĂ©ation des concepts.
- * La Combinaison des savoirs explicites (par la gestion Ă©lectronique documentaire, par les rĂ©seaux des connaissances). La combinaison est un processus d'assemblage des connaissances explicites nouvelles et existantes en une connaissance systĂ©mique[8]. Souvent, un concept nouvellement crĂ©Ă© doit ĂȘtre combinĂ© avec des connaissances existantes pour le matĂ©rialiser et le rendre tangible. Par exemple, elle peut avoir lieu via du tri, de la recatĂ©gorisation ou de la re-contextualisation de connaissances explicites.
- * L'Internalisation correspond à l'intériorisation du savoir explicite au savoir tacite à un niveau opérationnel plus élevé et sur des sujets plus complexes (par l'apprentissage pratique de l'organisation apprenante ou par l'apprentissage d'utilisation du consommateur). Les connaissances explicites sont documentées dans du texte, du son ou des formats vidéo qui facilitent le processus d'internalisation. Par conséquent, les manuels sont un exemple par excellence de la connaissance explicite et sont largement utilisés pour l'internalisation.
L'organisation dispose d'un certain nombre d'actifs liés à la connaissance comme la connaissance expérentielle (les compétences des personnes et leurs réseaux relationnels), les processus de connaissance tels que les routines incorporées dans les activités quotidiennes, les connaissances théoriques telles que la conception des produits et l'image de marque plus les actifs de connaissances systémiques tels que les brevets, les licences, la propriété intellectuelle et les bases de données. Leur identification permet à une organisation de coordonner plus efficacement ses ressources. DerniÚrement, Ikujiro Nonaka s'est intéressé à l'implication de la gestion de la connaissance sur le capital humain.
Les critiques Ă l'approche d'Ikujiro Nonaka
P. Adler (1995) se plaignait que l'approche d'Ikujiro Nonaka souffrait d'ĂȘtre trop statique alors que le modĂšle est prĂ©sentĂ© comme Ă©tant dynamique dans l'inter-relation entre les connaissances tacites et les connaissances explicites. Il a Ă©galement notĂ© que plusieurs des Ă©lĂ©ments du SECI furent Ă©tudiĂ©s par d'autres disciplines, sans que Nonaka n'en fasse le rappel.
Stephen Gourlay, pour sa part, reproche Ă Ikujiro Nonaka de triturer le sens du mot "connaissance" pour l'Ă©tendre au-delĂ des limites conventionnelles (par exemple en associant le mot «savoir» avec l'ignorance des effets causĂ©s par les actions). Par exemple, reproduire mĂ©caniquement les gestes du boulanger et cuisiner du pain savoureux, est-ce vĂ©ritablement de la connaissance tacite si, en tant qu'apprenti, on ne sait pas en quoi les qualitĂ©s de ces gestes ont influencĂ© le goĂ»t du pain ? Et, de tels Ă©vĂ©nements illustrent-ils le transfert du «savoir tacite» ? En mĂȘme temps, Ikujiro Nonaka rĂ©alise un amalgame facile entre la connaissance et les simples effets acquis de l'expĂ©rience. Des doutes sont donc posĂ©s sur les exemples donnĂ©s dĂ©montrant de la capacitĂ© Ă transformer de la connaissance tacite en connaissance explicite.
D'autres auteurs (McAdam et McCreedy 1999; Haridimos Tsoukas 2003) ont remis en question la distinction entre les connaissances tacites et explicites effectuée par Ikujiro Nonaka, et sa conceptualisation de la connaissance tacite, suggérant qu'il existe là une importante lacune théorique. Méthodologiquement, également, il est difficilement concevable que la connaissance tacite puisse se transférer en connaissance explicite en complétant simplement un questionnaire.
Beaucoup de responsables en information ont cru qu'il suffisait de transformer tout ce qui est connaissance tacite en bases de donnĂ©es et en Ă©crans explicites d'informations codifiĂ©s. Ces entrepĂŽts dâinformations sans contexte sont devenus de larges bases non-dynamiques ne jouant au mieux, aucun rĂŽle de levier dans la crĂ©ation de savoirs nouveaux et au pire, ont conduit Ă des investissements consĂ©quents sans rien apporter Ă l'entreprise.
Annexes
Notes et références
- (en) Nonaka I. et Takeuchi H., The knowledge creating company: how Japanese companies create the dynamics of innovation, New York, Oxford University Press,
- Ikujiro Nonaka fut inspiré par Kitaro Nishida, un savant japonais, qui, au début du XXe siÚcle a essayé de trouver un terrain d'entente entre la pratique du zen et la pensée philosophique occidentale.
- (en) Nonaka I., « "The knowledge creating company" », Harvard Business Review, no Vol 69 (6 Nov-Dec),â , pp. 96-104
- Par exemple, lors de l'Ă©laboration de son vĂ©hicule Fit, Honda a envoyĂ© une Ă©quipe pour visiter diffĂ©rentes villes europĂ©ennes. Leur mission Ă©tait de faire l'expĂ©rience de la vie des EuropĂ©ens urbains, en utilisant des voitures d'une maniĂšre qui fait Ă©cho Ă l'expĂ©rience quotidienne. Le dĂ©chargement d'un panier d'Ă©picerie plus six bouteilles de vin dans un parking en grĂ©sil lourd a donnĂ© un aperçu plus prĂ©cis aux membres de l'Ă©quipe des consommateurs qu'une enquĂȘte objective n'aurait pu offrir.
- (en) Otto Scharmer, Brian Arthur, Jonathan Day, Joseph Jaworski, Michael Jung, Ikujiro Nonaka et Peter M. Senge, « Illuminating the Blind Spot. Leadership in the Context of Emerging Worlds », Summary Paper on an Ongoing Research Project.,â , p. 8 (lire en ligne)
- Par exemple, un manager peut inviter une équipe chevronnée de travailleurs en usine à concevoir un manuel de formation qui décrit leurs propres compétences acquises tacitement.
- Par exemple, une Ă©quipe de production Ă la Matshuta Electric Industrial Company fut chargĂ©e de la construction d'un sĂ©choir Ă haute vitesse pour des vĂȘtements qui Ă©tait actionnĂ© par des moyens de la force centrifuge. Elle a utilisĂ© l'image du wok chinois pour dĂ©crire les rapides et courtes impulsions du mouvement du bras agitant les aliments dans la friture du wok comme le ferait un tambour rotatif efficace.
- Par exemple, des spécifications pour un prototype de nouveaux produits.
Publications
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- 2006, Stephen Gourlay, Conceptualizing knowledge creation: a critique of Nonaka's theory, Journal of Management Studies, 43(7), p. 1415-1436
- 2008, Sally Helgesen, The Practical Wisdom of Ikujiro Nonaka, Organizations & People, , Winter, no 53
Liens externes
- The SECI model of knowledge creation: some empirical shortcomings, article de Stephen Gourlay, en 2003, à la 4e conférence européenne sur le management de la connaissance, 18-19 Sep 2003, Oxford, Angleterre