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Helvétisme

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le terme d’helvĂ©tisme dĂ©signe un comportement, une idĂ©e, une tournure ou une expression typiques de la Suisse. Il peut avoir des acceptions diverses, suivant son emploi en linguistique, en littĂ©rature ou en politique.

En linguistique

En linguistique allemande, le terme dĂ©signe des variations, essentiellement lexicales mais parfois aussi grammaticales, particuliĂšres Ă  l'emploi de l'allemand en Suisse, et souvent introuvables en Allemagne et en Autriche. Les helvĂ©tismes ne doivent surtout pas ĂȘtre confondus avec les diffĂ©rents dialectes suisses-alĂ©maniques. Si ceux-ci sont souvent Ă  l'origine des helvĂ©tismes, le terme ne dĂ©signe absolument pas les formes dialectales, mais bien des usages pratiquĂ©s dans ce que l'on appelle l'allemand standard suisse (Schweizerhochdeutsch), parlĂ©, enseignĂ© et Ă©crit en Suisse[1].

Lexicologie

En allemand, un exemple d'helvĂ©tisme est l'usage de nombreux mots français (CafĂ©-CrĂšme, grillieren pour grillen, parkieren, touchieren, Coiffeur, Adieu, VoilĂ , Spital, etc.). Mais de nombreux autres helvĂ©tismes n'ont aucune origine francophone (RĂŒebli, NĂŒsslisalat, Murmeltier
).

Orthographe

Dans le domaine orthographique, l'helvĂ©tisme le plus notable est l'absence totale d'emploi du ß (Eszett [ɛsˈt͜sɛt]), qui se retrouve toujours orthographiĂ© ss en Suisse. Cette graphie a Ă©tĂ© adoptĂ©e mĂȘme dans la presse officielle et dans l'enseignement, alors qu'en Allemagne et en Autriche les rĂšgles orthographiques exigent l'emploi du áșž aprĂšs une voyelle longue. DĂ©jĂ  quasiment abandonnĂ© depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle par la presse suisse[2], la Neue ZĂŒrcher Zeitung, dont le lectorat s'Ă©tend pourtant largement au-delĂ  des frontiĂšres suisses, y renonce dĂ©finitivement en 1974[3].

En Suisse romande

Un helvétisme peut aussi désigner les variations particuliÚres à l'usage du français en Suisse romande[4] - [5] - [6] - [7] - [8]. On parle aussi de romandisme[9].

Dans les romandismes, on retrouve des mots allemands (poutzer, schmolitz, ersatz, witz, stanz), des expressions traduites de l'allemand (tenir les pouces Ă  quelqu'un), voire des constructions syntaxiques calquĂ©es sur celles de l'allemand (attendre « sur » quelqu’un)[10]. D'autres expressions n'ont aucune racine germanique et proviennent certainement des parlers locaux tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude (cheni, panosse, tablard
).

Une autre catégorie de romandismes est composée de formes autrefois considérées comme totalement réguliÚres, mais qui ont été expulsées à un certain moment des usages de la langue en France. L'exemple le plus célÚbre est le maintien des septante, huitante, nonante. Pendant des siÚcles ces formes avaient cohabité avec les soixante-dix et quatre-vingt, jusqu'à ce que, en 1647, le grammairien français Vaugelas les condamne[11]. Elles se maintiendront dans les régions francophones extérieures au royaume de France, dont la Belgique, la Suisse ou le Canada.

En littérature

Le terme désigna également un courant littéraire suisse du XVIIIe siÚcle qui tendait à unifier et à transcender les différents mouvements littéraires du pays[12]. Le courant s'était incarné dans la Société helvétique, fondée en 1761 et dissoute en 1848[13].

En 1914, une Nouvelle Société helvétique est fondée, avec pour objectif de transcender les différences internes à la Suisse et d'affirmer son identité, aussi bien sur les plans culturels et littéraires que sur le plan politique. Ses principaux représentants sont, en Suisse allemande, Carl Spitteler et, en Suisse romande, Robert de Traz, Alexis François et Gonzague de Reynold[14].

En politique

Le terme « helvétisme », employé dans le domaine des idées politiques, désigne une certaine conception de la Suisse, élaborée par l'écrivain et historien suisse Gonzague de Reynold[15]. Dans l'histoire suisse, la Constitution de 1848 n'aurait joué qu'un rÎle secondaire, trÚs exagéré par les Radicaux (libéraux), par rapport à l'esprit du Pacte originel. Suivant la conception helvétiste, l'existence de la Suisse est à placer dans la continuité pluriséculaire de l'alliance jurée entre des communautés d'hommes libres. Reynold rejette l'idée d'un peuple suisse unique, pour revendiquer la fidélité entre des peuples différents, mais unis. La Suisse, comme l'Autriche, point de rencontre entre le christianisme, les peuples latins et les peuples germaniques, incarnerait ainsi une survivance du Saint-Empire romain germanique[16] - [17].

C'est à l'aube de la PremiÚre Guerre mondiale que des intellectuels suisses, dont Gonzague de Reynold, Carl Spitteler, Robert de Traz et Alexis François, se regroupent face à un contexte qui voyait se développer nombre de tensions entre Suisse[18]. En effet, l'opinion publique en Suisse allemande est particuliÚrement favorable à la politique allemande, tandis que les Suisses romands se sentent souvent politiquement proches de la France. Ces intellectuels ressentent donc le besoin de réaffirmer, et de redéfinir, l'identité suisse. En 1914, ils fondent donc la Nouvelle Société helvétique, avec pour objectif de fortifier le sentiment et l'unité nationales et de « préparer la Suisse de l'avenir »[19]. L'association sera le creuset du nouvel helvétisme politique et littéraire.

La défense spirituelle

L'helvĂ©tisme politique trouve son heure de gloire lors du lancement de la « dĂ©fense spirituelle Â». Le Conseiller fĂ©dĂ©ral Philipp Etter, par exemple, s'inspire directement des idĂ©es de Gonzague de Reynold, lorsque, en , il publie, au nom du Conseil fĂ©dĂ©ral, un long message pour annoncer le lancement d'une nouvelle politique culturelle, centrĂ©e sur l’affirmation de la conscience suisse. Philippe Etter, responsable du DĂ©partement de l'IntĂ©rieur, ne cache d'ailleurs pas sa vision corporative de la dĂ©mocratie. De nombreuses initiatives vont ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es pour redonner vigueur Ă  la volontĂ© morale et Ă  la conscience suisse : l'association ArmĂ©e et Foyer, l'Exposition nationale de 1939 (la Landi), la fondation Pro Helvetia[20].

XXIe siĂšcle

Actuellement, cet helvétisme politique est défendu par le mouvement identitaire Résistance Helvétique[21] - [22].

Notes et références

  1. Ulrich Ammon: Die deutsche Sprache in Deutschland, Österreich und der Schweiz. Das Problem der nationalen VarietĂ€ten. Walter de Gruyter, Berlin / New York 1995.
  2. (de) Peter Gallmann, « Warum die Schweizer weiterhin kein Eszett schreiben », In: Augst, Gerhard / BlĂŒml, Karl / Nerius, Dieter / Sitta, Horst (Hrsg.) (1997): Die Neuregelung der deutschen Rechtschreibung. BegrĂŒndung und Kritik. TĂŒbingen: Niemeyer (= Reihe Germanistische Linguistik, 179),‎ , p. 135–140 (lire en ligne)
  3. Urs BĂŒhler, Apostrophitis und andere Seuchen. Fehlerreiches Schreiben ist wie Sprechen mit vollem Mund: unanstĂ€ndig und der VerstĂ€ndigung abtrĂ€glich., Neue ZĂŒrcher Zeitung., 2 dĂ©cembre 2016, p. 12.
  4. https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9H0389
  5. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/helvétisme/39427
  6. Le Petit Robert, version numérique, 2020, Dictionnaires Le Robert.
  7. Informations lexicographiques et étymologiques de « helvétisme » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  8. André Thibault et Pierre Knecht (préf. Pierre Knecht), Dictionnaire suisse romand, GenÚve, éditions Zoé, , p. 11 :
    « C’est par l’approche descriptive que commence la phase scientifique de l’étude du français rĂ©gional, avec la publication, dans le SupplĂ©ment au Dictionnaire de la langue française de LittrĂ© en 1987, d’une sĂ©rie d’helvĂ©tismes qui lui ont Ă©tĂ© signalĂ©s par des correspondants en Suisse romande. »
  9. Petit glossaire du Glossaire des patois de la Suisse romande.
  10. « Mots suisses: les helvétismes ont encore frappé Yapaslefeuaulac.ch », sur Yapaslefeuaulac.ch, (consulté le )
  11. (de) Jörn Albrecht, « “Der Katrin ihren Freund hab ich glatt abgehĂ€ngt” – PrimĂ€rer‘ vs.‚sekundĂ€rer‘ Substandard », dans Michael Bernsen, Elmar Eggert et Angela Schrott, Historische Sprachwissenschaft als philologische Kulturwissenschaft, Göttingen, V&R Unipress, , 692 p. (ISBN 978-3-8471-0447-6), p. 308-309.
  12. François de Capitani, « HelvĂ©tisme » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  13. « Société helvétique », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le )
  14. « Nouvelle Société helvétique », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le )
  15. Alain Clavien, Les helvĂ©tistes : intellectuels et politique en Suisse romande au dĂ©but du siĂšcle, Lausanne, Éditions d'en bas, , 328 p. (ISBN 978-2-8290-0195-6)
  16. Gonzague de Reynold, Conscience de la Suisse : billets à ces Messieurs de Berne, Neuchñtel, Éditions de la Baconniùre, , 302 p.
  17. Aram Mattioli (trad. de l'allemand par Dorothea Elbaz et Jean Steinauer, prĂ©f. Roger de Weck), Gonzague de Reynold : idĂ©ologue d'une Suisse autoritaire, Fribourg, Éditions universitaires, coll. « Religion, politique, sociĂ©tĂ© en suisse » (no 21),
  18. « Neue Helvetische Gesellschaft (NHG) » [archive], sur Dictionnaire Historique de la Suisse
  19. François Walter, Histoire de la Suisse - La création de la Suisse moderne (1830-1930) T. 4, Neuchùtel, Editions Alphil, 157 p., p. 127-128.
  20. François Walter, Histoire de la Suisse, vol. 5 : Certitudes et incertitudes du temps prĂ©sent (de 1930 Ă  nos jours), NeuchĂątel, Édition Alphil - Presses universitaires suisses, 2010, 153 p. (ISBN 978-2-940235-73-5), p. 39-41
  21. Laure Lugon, « David Rouiller, des rangs du PKK au combat identitaire », Le Temps,‎
  22. David Genillard, « Identitaires : SurveillĂ©e, la «droite radicale» se rĂ©unit Ă  Aigle », 24heures,‎ .

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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