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Heinkel He 176

Le Heinkel He 176 était un avion-fusée d'expérimentations allemand, conçu juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale par le constructeur Heinkel. Il fut le premier aéronef au monde à être propulsé uniquement par un moteur-fusée à ergols liquides, effectuant son premier vol propulsé le , piloté par Erich Warsitz.

Heinkel He 176
(caract. He 176 V1)
Vue de l'avion.
Un dessin de la version évoluée He 176 V2, qui ne dépassa jamais le stade du dessin. Seule la première version prit l'air (voir plan 3 vues plus bas)

Constructeur Heinkel Flugzeugwerke GmbH
Rôle Avion-fusée d'expérimentations[1]
Statut Projet abandonné
Premier vol
Date de retrait Avion détruit en 1943
Nombre construits 1
Équipage
1 pilote
Motorisation
Moteur Walter R1-203
Nombre 1
Type Moteur-fusée à ergols liquides
Poussée unitaire 4,90 kN
Dimensions
vue en plan de l’avion
Envergure 5,00 m
Longueur 5,21 m
Hauteur 1,435 m
Surface alaire 5,4 m2
Masses
À vide 900 kg
Maximale 1 620 kg
Performances
Vitesse de croisière 710 km/h
Vitesse maximale 750 km/h (Mach 0,61)
Plafond 9 000 m
Vitesse ascensionnelle 3 636 m/min
Rayon d'action 109 km
Rapport poussée/poids 0,54

L'appareil fut développé sur une initiative privée de la part de la compagnie Heinkel, en accord avec la volonté du directeur Ernst Heinkel de développer des technologies pour le vol à haute vitesse. Dans les faits, les performances du He 176 n'étaient pas spectaculaires, mais l'avion servit de démonstrateur pour la propulsion par moteur-fusée.

Tous les documents concernant de près ou de loin le He 176 furent détruits pendant la guerre. Les données de performances fréquemment citées, comme la vitesse maximale de 750 km/h, ainsi que certains dessins, ne reposent pas sur des documents clairs ou officiels. Il ne reste en fait que deux images réelles du He 176 qui aient survécu, probablement prises en 1938 à Peenemünde pendant les essais de roulage[2].

Historique

Conception et développement

Au cours des années 1920, des cascadeurs allemands avaient effectué de nombreuses expériences employant des moteurs-fusées à propergol solide pour propulser des voitures, des motos, des chariots sur rails, des luges et, en 1929, des avions, tels que l'Ente, d'Alexander Lippisch, et le Opel-Sander RAK.1 de Fritz von Opel. Cependant, les moteurs-fusées à propergol solide possédaient de gros inconvénients pour la propulsion aéronautique, car leur poussée ne pouvait être modifiée en vol et les moteurs ne pouvaient pas être éteints une fois allumés.

À la fin des années 1930, l'équipe de scientifiques fuséologues de Wernher von Braun travaillant à Peenemünde étudia l'installation de moteurs employant des ergols liquides dans un avion. Heinkel apporta avec enthousiasme son soutien à leurs efforts, leur fournissant un Heinkel He 72 puis plus tard deux Heinkel He 112 pour effectuer des expérimentations. Début 1937, l'un de ces deux derniers appareils effectua un vol avec son moteur à pistons coupé pendant le vol, se retrouvant alors propulsé seulement par la poussée de son moteur-fusée. Au même moment, les expériences menées par Hellmuth Walter dans les moteurs-fusées de type monergol, utilisant du peroxyde d'hydrogène, allaient mener à la création de moteurs simples et légers, qui apparaissaient bien adaptés pour une installation dans un aéronef.

Le He 176 fut construit pour utiliser l'un des nouveaux moteurs Walter (en), le R1-203, pouvant produire une poussée de 500 kgp pendant environ 60 secondes[3]. L'appareil devait être le premier avion dans l'histoire à utiliser des ergols liquides dans son moteur-fusée. Une proposition fut avancée pour la première fois à Berlin en par le major Wolfram von Richthofen pour le développement d'un intercepteur à moteur-fusée pour l'attaque de bombardiers à haute altitude. Cette proposition mena à la fabrication du prototype He 176, puis plus tard du célèbre Me 163 Komet, premier avion de combat au monde à utiliser ce mode de propulsion.

Les travaux de conception débutèrent à la fin de l'année 1936, les dessins détaillés étant finis vers . La construction du prototype démarra au même moment[4]. L'appareil était petit, simple, et presque entièrement fait de bois, mais possédait un cockpit totalement fermé vraiment avancé pour son époque, avec un nez vitré transparent sans structure fait d'une seule pièce, à travers lequel les palonniers du pilote étaient visibles, et un vitrage de cockpit supérieur lisse qui était démontable pour entrer dans l'appareil, rendant le cockpit totalement conforme aux contours avant en forme d'obus du fuselage[5]. Le train d'atterrissage était une combinaison de trains classiques et tricycle, avec les supports du train principal devant se rétracter vers l'arrière à l'intérieur du fuselage, une roue avant fixe disposant d'un carénage, et une roulette de queue rétractable[4]. Une caractéristique unique du He 176 était son système d'évacuation d'urgence. L'appareil était en effet doté d'un nez largable, qui était séparé du reste du fuselage par un système à air comprimé, un parachute aidant également en diminuant la force nécessaire pour la séparation. Après que le parachute soit déployé la verrière supérieure était larguée et une évacuation classique du pilote était effectuée (celui-ci descendant sous son propre parachute)[6].

Tous les travaux de conception furent menés dans le Sonderentwicklung I, un département qui était tenu à l'écart du reste de l'usine Heinkel à Rostock-Marienehe. Les hommes qui conçurent l'avion étaient[4] :

  • Walter Künzel : Chef de projet/installation du moteur ;
  • Walter Günter (en) : Aérodynamique (victime d'un accident fatal le ) ;
  • Adolf Jensen : Aérodynamique/mécanique du vol ;
  • H. Bosch : Analyse des charges et contraintes ;
  • H. Regner : Conception détaillée ;
  • Jacob : Train d'atterrissage.

Essais et fin du programme

Entre le 9 et le , le He 176 fut testé dans un grand tunnel aérodynamique à Göttingen. Bien que le programme ait commencé à l'usine Heinkel de Rostock-Marienehe, le prototype complet fut rapidement déplacé à Peenemünde, où le secret l'entourant serait mieux assuré[4]. Des essais furent menés avec une maquette de cockpit en bois larguée depuis un Heinkel He 111 depuis une altitude comprise entre 6 000 et 7 000 mètres. Afin d'obtenir des données précises, un mannequin à taille réelle fut conçu avec des articulations assez réalistes, et largué avec la maquette de cabine. Sur la plage près de Peenemünde, le prototype de l'avion fut ensuite tracté derrière une Mercedes 7,6 litres pour les essais de roulage, atteignant des vitesses au sol de 155 km/h[4].

Les premiers sauts de courte longueur furent effectués en , à l'aide du moteur-fusée mais en n'emportant que de très faibles quantités de carburant dans les réservoirs[4]. Le premier vol officiel fut effectué le avec le pilote d'essai Erich Warsitz aux commandes. Le jour suivant, l'avion fut présenté à quelques-uns des dirigeants du Ministère de l'Aviation du Reich (Ernst Udet, Erhard Milch), mais ceux-ci ne furent pas impressionnés par la performance de l'appareil. Udel interdit même la poursuite des essais en raison du danger représenté par l'emploi du moteur-fusée. Cette interdiction fut levée et réitérée deux fois jusqu'au , lorsqu'une autre présentation fut arrangée à Roggentin pour Adolf Hitler et une grande partie des dirigeants du Troisième Reich[4].

Un ordre officiel fut émis le , mettant fin à tous travaux ultérieurs sur le projet He 176[4]. Cette issue mena à l'abandon du programme de propulsion par fusée de la compagnie. Les tests du He 176 se terminèrent alors qu'un seul exemplaire avait été construit. Il fut ensuite mis en exposition au musée de l'Air de Berlin, mais un bombardement allié en 1943 le détruisit totalement[6]. Avant l'annulation du programme, des plans avaient été dessinés pour un avion-fusée plus sophistiqué, toujours désigné He 176, mais désigné de nos jours He 176 V2. Il ne fut jamais construit, mais la désignation commune à celle de la première version (qui vola vraiment) fait que de nombreux ouvrages et sites internet publient par erreur des images de cette version pour décrire l'appareil.

L'Allemagne fit finalement voler un avion-fusée de combat opérationnel, le Komet dessiné par Alexander Lippisch, mais cet avion fut construit par la compagnie concurrente Messerschmitt, et utilisait un moteur qui était une évolution de celui employé dans le He 176, le HWK 109-509.

Notes et références

  1. (en) St. John Turner 1970, p. 100 & 101.
  2. Dr_Volker_Koos">(de) Dr Volker Koos, « Heinkel He 176 - Dichtung und Wahrheit » [PDF] (consulté le ).
  3. (en) P.R. Stokes, Hydrogen Peroxide for Power and Propulsion, Science Museum, London, , 30 p. (lire en ligne [PDF]), p. 12.
  4. (en) « Heinkel He 176 », sur luft46.com (consulté le ).
  5. (en) Van Pelt 2012, p. 70.
  6. (en) Tuttle 2002.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) P. St. John Turner, Heinkel : An Aircraft Album, Littlehampton Book Services Ltd, , 1re éd., 128 p. (ISBN 0-7110-0173-1, EAN 978-0711001732, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Michel Van Pelt, Rocketing Into the Future : The History and Technology of Rocket Planes, Springer, coll. « Springer Praxis Books », , 366 p. (ISBN 978-1-4614-3199-2, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Jim Tuttle, Eject! The Complete History of U.S. Aircraft Escape Systems, Motorbooks International, , 336 p. (ISBN 0-7603-1185-4, EAN 978-0760311851, présentation en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article


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