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Halkbank

Halkbank est une banque turque, constituĂ©e pour la premiĂšre fois en 1933 en tant que banque d'État. AprĂšs s'ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e pendant une grande partie du vingtiĂšme siĂšcle, elle a commencĂ© Ă  absorber des banques d'État de plus petite taille au tournant du millĂ©naire.

Halkbank est désormais une société cotée en bourse, bien que l'actionnaire majoritaire reste le gouvernement turc. Un certain nombre de scandales et de controverses impliquant la banque ont émergé au cours de la décennie 2010, dont certains ont abouti à l'arrestation de ses dirigeants.

Histoire

Halkbank a Ă©tĂ© constituĂ©e en 1933 et a commencĂ© Ă  offrir des services en 1938. Entre 1938 et 1950, elle fonctionnait en tant que coopĂ©rative de crĂ©dit dont le but Ă©tait de fournir des prĂȘts aux commerçants et artisans Ă  des conditions favorables afin de promouvoir la croissance Ă©conomique en Turquie. En 1950, elle a commencĂ© Ă  ouvrir des succursales et Ă  accorder des prĂȘts aux clients. En 1964, Halkbank se lance dans un programme ambitieux dans lequel son capital est augmentĂ© et Ă©tablit un rĂ©seau national de succursales.

Halkbank a absorbĂ© plusieurs banques d'État en faillite de plus petite taille dans les annĂ©es 1990 et au dĂ©but des annĂ©es 2000 : Töbank en 1992, SĂŒmerbank en 1993, Etibank en 1998 et Emlakbank en 2001. L'un des principaux tournants pour Halkbank a Ă©tĂ© l'acquisition de Pamukbank en 2004. AprĂšs cet achat, elle a subi un important processus de restructuration pour se prĂ©parer Ă  la privatisation. Le 10 mai 2007, 24,98 % des actions de Halkbank ont Ă©tĂ© vendues dans le cadre d'une offre publique et cotĂ©es Ă  la Bourse d'Istanbul. Le 16 novembre 2012, le pourcentage d'actions cotĂ©es est passĂ© Ă  48,9 %. Le siĂšge social de Halkbank a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© d'Ankara Ă  Istanbul en juin 2015. Le 24 fĂ©vrier 2017, les actions publiques de Halkbank ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es au Turkey Wealth Fund, qui est le fonds souverain de la Turquie.

Controverse concernant le commerce du pétrole iranien

Halkbank a Ă©tĂ© un maillon de la chaĂźne pour financer les intĂ©rĂȘts pĂ©troliers iraniens Ă  la suite des sanctions nuclĂ©aires dĂ©cidĂ©es par les États-Unis. En mars 2012, l'Iran a Ă©tĂ© empĂȘchĂ© d'utiliser le systĂšme international de transfert d'argent SWIFT. Halkbank semble avoir achetĂ© pour 13 milliards de dollars d'or sur le marchĂ© libre entre mars 2012 et juillet 2013, alors que le rĂ©gime de sanctions de l'ONU Ă©tait en place avant l'accord P5+1 de novembre 2013[1]. Les sanctions empĂȘchaient l'Iran d'ĂȘtre payĂ© en dollars ou en euros, mais l'or n'a jamais Ă©tĂ© mentionnĂ© dans le rĂ©gime des sanctions, et donc cette faille a permis d'utiliser l'or pour financer l'achat de produits pĂ©troliers iraniens. Halkbank a permis aux intermĂ©diaires iraniens d'acheter de l'or avec leur livre turque, et cet or a retrouvĂ© le chemin des coffres iraniens[1]. Une enquĂȘte a rĂ©vĂ©lĂ© que 2 milliards de dollars amĂ©ricains en lingots d'or (environ 36 tonnes) ont Ă©tĂ© transportĂ©s de Turquie Ă  DubaĂŻ en aoĂ»t 2012 seulement. En dĂ©fendant sa dĂ©cision de ne pas appliquer ses propres sanctions, l'administration Obama a insistĂ© sur le fait que la Turquie ne transfĂ©rait de l'or qu'Ă  des citoyens iraniens privĂ©s. L'administration a fait valoir que, par consĂ©quent, il ne s'agissait pas d'une violation explicite de son dĂ©cret. L'ambassadeur iranien en Turquie, Ali Reza Bikdeli, a ainsi fĂ©licitĂ© Halkbank pour ses « dĂ©cisions de gestion intelligentes ces derniĂšres annĂ©es [qui] ont jouĂ© un rĂŽle important dans les relations irano-turques »[1]. Halkbank a dĂ©clarĂ© qu'il n'y avait pas de sanctions contre le commerce de mĂ©taux prĂ©cieux avec l'Iran. jusqu'au 1er juillet 2013[2].

Halkbank avait également des comptes indiens qui négociaient avec l'Iran en 2013 : « L'Inde doit maintenant à l'Iran 5,3 milliards de dollars de dette pétroliÚre. L'Inde prévoit de payer à l'Iran 1 milliard de dollars par mois, soit 12 milliards de dollars par an, également via Halkbank[2].

2013 enquĂȘte de corruption

En dĂ©cembre 2013, le PDG de Halkbank, SĂŒleyman Aslan, a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et accusĂ© d'avoir acceptĂ© des pots-de-vin, entre autres, de Reza Zarrab, un homme d'affaires irano-azĂ©ri qui avait acquis la nationalitĂ© turque sous le nom de Sarraf. La police aurait dĂ©couvert des boĂźtes Ă  chaussures contenant 4,5 millions de dollars amĂ©ricains dans la maison d'Aslan[2]. Des dizaines de fonctionnaires de police auraient Ă©tĂ© licenciĂ©s parce que leurs enquĂȘtes mettaient les hommes politiques mal Ă  l'aise. La chaĂźne de commandement de la police a Ă©tĂ© modifiĂ©e afin que les hommes politiques soient informĂ©s des activitĂ©s de la police et puissent les contrecarrer. Cela a provoquĂ© une injonction d'audition dans le systĂšme judiciaire, qui a bloquĂ© le changement. Un procureur a Ă©tĂ© dĂ©mis de ses fonctions[2].

L'arrestation, qui s'est accompagnĂ©e de nombreuses autres arrestations de responsables alliĂ©s au Premier ministre de l'Ă©poque, Recep Tayyip Erdoğan (aujourd'hui prĂ©sident de la Turquie), est considĂ©rĂ©e comme faisant partie d'une lutte pour le pouvoir entre le Premier ministre et le chef de l'opposition turque en exil Fethullah GĂŒlen[3] - [4].

Condamnation américaine d'un dirigeant

En mars 2017, le directeur adjoint de la banque Mehmet Hakan Atilla est arrĂȘtĂ©[5] par le gouvernement amĂ©ricain pour avoir conspirĂ© en vue d'Ă©chapper aux sanctions contre l'Iran en aidant Reza Zarrab « Ă  utiliser des institutions financiĂšres amĂ©ricaines pour se livrer Ă  des transactions financiĂšres interdites qui ont acheminĂ© illĂ©galement des millions de dollars vers l'Iran »[6]. Zarrab a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© Ă  Miami, en Floride, en mars 2016[7]. À Ankara en mars 2017, le secrĂ©taire d'État amĂ©ricain Rex Tillerson a dĂ©clarĂ© qu'il n'y avait aucun lien entre la demande turque d'extradition de GĂŒlen et l'arrestation d'Atilla et que les deux affaires se dĂ©rouleraient conformĂ©ment Ă  la loi[5]. Le procĂšs d'Atilla a commencĂ© devant un tribunal fĂ©dĂ©ral de New York en novembre 2017, Zarrab ayant acceptĂ© de tĂ©moigner aprĂšs avoir conclu un accord de plaidoyer avec les procureurs. Selon le New York Times, les poursuites contre Atilla et d'autres ont « fait trembler » les cercles politiques turcs. Erdogan a cherchĂ©, sans succĂšs, Ă  persuader les autoritĂ©s amĂ©ricaines d'abandonner l'affaire, et les mĂ©dias d'État ont minimisĂ© la couverture du procĂšs. Zarrab a dĂ©clarĂ© que l'opĂ©ration de contournement des sanctions avait la connaissance et l'approbation de M. Erdogan, ainsi que celle du gendre de M. Erdogan, Berat Albayrak[8].

DĂ©but 2018, Atilla a Ă©tĂ© reconnu coupable de cinq des six chefs d'accusation retenus contre lui, dont la fraude bancaire et les complots, et acquittĂ© d'un chef d'accusation aprĂšs quatre jours de dĂ©libĂ©ration du jury. Zarrab Ă©tait le principal tĂ©moin Ă  charge au cours des sept jours de tĂ©moignage au procĂšs. La condamnation d'Atilla est prĂ©vue pour avril 2018 et le seul chef de fraude bancaire est passible d'une peine maximale de 30 ans de prison[9]. Sept autres coaccusĂ©s sont toujours en fuite. En aoĂ»t 2018, la Turquie et les États-Unis nĂ©gociaient l'emprisonnement par la Turquie du pasteur Andrew Brunson et se sont presque entendus sur la possibilitĂ© d'un Ă©change qui aurait permis Ă  Atilla de purger sa peine « chez lui ». Mais le ministre turc des Affaires Ă©trangĂšres, selon un rapport citant d'autres rapports, a demandĂ© aux responsables amĂ©ricains « de mettre fin Ă  toute enquĂȘte sur Halkbank ». AprĂšs cela, « l'affaire s'est effondrĂ©e »[10]. Mehmet Hakan Attila est condamnĂ© Ă  32 mois de prison, en avril 2018, pour cinq des six chefs d’accusation portĂ©s Ă  son encontre - avant d’ĂȘtre libĂ©rĂ© par anticipation en juillet 2019. Ce jugement ne clĂŽt pas les mĂ©saventures judiciaires de Halkbank : le 16 octobre 2019, la banque est inculpĂ©e en tant qu’institution et poursuivie pour fraude, blanchiment d’argent, et entraves aux sanctions amĂ©ricaines contre l’Iran[11].

En 2019, le sĂ©nateur amĂ©ricain Ron Wyden ouvre Ă©galement une enquĂȘte[12].

Lien avec le scandale Geoffrey Berman-William Barr

En 2016, le prĂ©sident Erdogan demande au vice-prĂ©sident de l'Ă©poque, Joe Biden, de destituer Preet Bharara, l'avocat amĂ©ricain du district sud de New York, qui allait ensuite inculper Zarrab[8]. À la suite du lobbying continu du prĂ©sident Erdogan, Donald Trump a licenciĂ© Bharara en 2017, et l'a finalement remplacĂ© par Geoffrey Berman[8]. Fin 2018, le prĂ©sident Erdogan a personnellement fait pression sur le prĂ©sident Trump pour qu'il abandonne de nouvelles enquĂȘtes sur Halkbank, une fois en personne lors de la rĂ©union du G20 Ă  Buenos Aires (1er novembre 2018) et une fois par tĂ©lĂ©phone (14 dĂ©cembre 2018) ; selon John Bolton, un tĂ©moin de premiĂšre main des deux Ă©vĂ©nements, Trump a alors acceptĂ© d'abandonner les enquĂȘtes[8]. Le 14 dĂ©cembre 2018, le ministĂšre de la Justice, alors dirigĂ© par Matthew Whitaker, a informĂ© le bureau de Berman qu'il s'impliquerait davantage dans l'enquĂȘte Halkbank. MalgrĂ© la pression exercĂ©e par le procureur gĂ©nĂ©ral par intĂ©rim Whitaker et son successeur, William Barr, pour clore l'enquĂȘte, Berman et le bureau du SDNY ont poursuivi leur enquĂȘte, estimant que leur dossier Ă©tait solide[8]. En juin 2019, Barr a convoquĂ© Berman Ă  son bureau Ă  Washington pour pousser Berman Ă  abandonner les charges retenues contre les accusĂ©s, dont l'ancien ministre turc de l'Économie, Mehmet Zafer Caglayan, et Ă  mettre fin aux enquĂȘtes sur d'autres conspirateurs prĂ©sumĂ©s. Berman a rĂ©pondu que c'Ă©tait contraire Ă  l'Ă©thique. AprĂšs avoir luttĂ© avec les dĂ©tails juridiques du limogeage de Berman, Barr a annoncĂ© le 19 juin 2020 que Berman « dĂ©missionnait de son poste » mais avait Ă©galement du mal Ă  trouver un remplaçant dans un dĂ©lai aussi court ; pour sa part, Berman a insistĂ© sur le fait qu'il n'avait pas dĂ©missionnĂ©, et a refusĂ© de quitter ses fonctions jusqu'Ă  ce que son adjointe Audrey Strauss, qui envisageait de poursuivre l'enquĂȘte sur Halkbank, ait Ă©tĂ© installĂ©e[8].

Références

  1. (en) Jonathan Schanzer, Iran's Turkish gold rush, todayszaman.com, 27 décembre 2013
  2. (en) Glen Johnson et Richard Spencer, Turkey's politicians, gold dealer and the pop star, telegraph.co.uk, 29 décembre 2013
  3. (en) « Erdogan blames 'international groups' for corruption scandal that rocks Turkey », The Jerusalem Post, (consulté le )
  4. (en) Humeyra Pamuk, « Enigmatic Turkish cleric poses challenge to Erdogan's might », Reuters, (consulté le )
  5. (en) Edward G. Stafford, What Tillerson’s meeting in Turkey reveals about Trump’s America First, thehill.com, 6 avril 2017
  6. (en) Turkish Banker Arrested For Conspiring To Evade U.S. Sanctions Against Iran And Other Offenses, justice.gov, 28 mars 2017
  7. (en) Tracy Connor, Gold trader Zarrab will be star witness in Iran sanction-busting trial, nbcnews.com, 28 novembre 2017
  8. (en) Lipton, Eric; Weiser, Benjamin, Turkish Bank Case Showed Erdogan’s Influence With Trump, nytimes.com, 29 octobre 2020
  9. (en) Benjamin Weiser et Carlotta Gall, « Banker From Turkey Is Convicted in U.S. Over Plot to Evade Iran Sanctions », sur The New York Times,
  10. (en)"Turkey’s diplomatic crisis is hastening an economic one", The Economist, August 9, 2018. Retrieved 2018-08-23.
  11. Emile Bouvier, Les relations turco-américaines : de la crise conjoncturelle à la dégradation structurelle, lesclesdumoyenorient.com, 15 juillet 2021
  12. (en) « Mnuchin Asked by Top Senate Democrat to Detail Turkey Dealings », sur www.bloomberg.com,

Liens internes

Halkbank Headquarters

Liens externes

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